1789, le patrimoine libéré : 200 trésors entrés à la Bibliothèque nationale de 1789 à 1799 : [exposition, Paris], Bibliothèque nationale, 6 juin-10 septembre 1989 / [catalogue rédigé sous la dir. de Marie-Pierre Laffitte] (2024)

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Titre : 1789, le patrimoine libéré : 200 trésors entrés à la Bibliothèque nationale de 1789 à 1799 : [exposition, Paris], Bibliothèque nationale, 6 juin-10 septembre 1989 / [catalogue rédigé sous la dir. de Marie-Pierre Laffitte]

Auteur : Bibliothèque nationale (France). Auteur du texte

Éditeur : Bibliothèque nationale (Paris)

Date d'édition : 1989

Contributeur : Laffitte, Marie-Pierre (1946-....). Rédacteur

Sujet : Bibliothèque nationale (France) -- 1789-1815

Sujet : Livres anciens -- Histoire

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb366629175

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 307 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. ; 24 cm

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Format : application/epub+zip 3.0 accessible

Format : Format adaptable de type XML DTBook, 2005-3

Description : [Exposition. Paris, Bibliothèque nationale. 1989]

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Description : Catalogues d'exposition

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k65347924

Source : Bibliothèque nationale de France, département Recherche bibliographique, 2006-151758

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 19/06/2013

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1789. Le Patrimoine libéré

1789

Le Patrimoine

libéré

200 trésors

entrés à la bibliothèque Nationale

de 1789 à 1799

Bibliothèque Nationale

6 juin-10 septembre 1989

Exposition organisée par la Bibliothèque Nationale Galeries Mansart et Mazarine

La rédaction des introductions et des notices du catalogue a été préparée et assurée par M.P. Laffitte, conservateur au Département des Manuscrits, commissaire de l'exposition et O. Gantier, conservateur en chef au Département des Imprimés, commissaire adjoint, avec la collaboration des conservateurs de la Bibliothèque Nationale, dont les noms figurent au bas des notices.

Les clichés des illustrations ont été exécutés par le Service photographique de la Bibliothèque Nationale.

La maquette du catalogue a été réalisée par J.– P. Vespérini.

La présentation de l'exposition a été conçue et mise en place par « Prospective et Patrimoine », sous la responsabilité de B. Donzet et C. Baudry, avec la collaboration des Ateliers de la Bibliothèque Nationale.

Le portrait de Lefèvre d'Ormesson a été généreusement prêté par M. le comte André d'Ormesson.

La coordination administrative et technique et la médiatisation de l'exposition ont été assurées par les services de la Direction de la Valorisation et de la Communication de la Bibliothèque Nationale.

Couverture : La Fête de Thermidor an VI (détail)

0 Bibliothèque Nationale. Paris, 1989

ISBN 2-7177-1808-7

Sommaire

Préface 7

Emmanuel Le Roy Ladurie

Introduction 13

Entrées courantes

Le Dépôt légal 42

La nouvelle législation et ses modalités d'application 43

Le Dépôt légal protecteur d'inventions 63

Les achats 76

La Bibliothèque Nationale et le commerce de l'art 80

Politiques d'acquisition dans les départements 98

Les dons 110

Le mécénat 111

Dons d'auteurs 120

Confiscations

Les trésors des églises 128

Barthélémy, le cabinet des Médailles et la Révolution 132

Paris et ses églises 148

Sanctuaires de France et de l'étranger 152

Bibliothèque d'étude et d'enseignement 163

La tradition des études à Paris 168

La littérature « républicaine » 180

Collections princières et Cabinets d'amateurs 213

Les résidences royales 215

Emigrés et condamnés 232

Le tribut de l'étranger 258

De la bibliothèque d'Artois à la bibliothèque de l'Arsenal,

1789-1797 275

Ameilhon ouvre la bibliothèque de l'Arsenal 277

Trésors d'église et livres liturgiques 282

Bibliothèques ecclésiastiques 286

Liste des noms cités (Bibliothécaires et assimilés) 303

Documents exposés 305

Préface

Présenter une exposition sur le Patrimoine libéré (1789-1989), c'est poser le problème des rapports entre la Bibliothèque nationale et la Révolution française, depuis les dernières années de l'Ancien Régime. Celles-ci furent contemporaines à la B.N. d'une espèce de révolte des gardes (nos actuels directeurs de département) contre le bibliothécaire du Roi, prédécesseur de l'administrateur général, qui s'appelait alors Jean-Charles-Pierre Lenoir. Ce personnage avait dirigé précédemment la police parisienne et s'était fait dans ce poste important des ennemis considérables. La contestation qui se déployait de la sorte, à partir d'un groupe de fonctionnaires contre un dirigeant, membre de « l'élite du pouvoir », était typique de l'ultime phase de l'absolutisme.

La Révolution elle-même, pour l'administrateur général que je suis, provoque au premier abord 1 des sentiments mélangés, même si, en dernière analyse, l'enthousiasme l'emporte étant donné les accroissements considérables qu'ont reçus nos collections au cours d'une décennie décisive. D'un côté, en effet, deux de mes prédécesseurs furent guillotinés ; un troisième fut mis dans l'obligation de commettre une tentative de suicide assez pénible, et finalement mortelle, afin d'échapper aux technologies « décapitantes » de ce temps-là. Le premier « client » victime du bourreau fut Anne Louis François Lefèvre d'Ormesson, venu d'une famille bien connue de la noblesse de robe, qui s'était mêlée à la haute aristocratie. Dès 1789-1790, d'Ormesson avait compris l'importance des confiscations effectuées au dépens des bibliothèques d'abbayes et de chapitres ; il les destinait à l'enrichissement de la Bibliothèque du Roi. Ce personnage collectait également des brochures révolutionnaires ; elles sont devenues le noyau d'une collection ad hoc dont s'enorgueillit, aujourd'hui encore, notre institution. Il concocta aussi un premier projet de catalogue collectif national, projet qui ne fut depuis que partiellement réalisé (pour les périodiques). A nouveau, du reste, l'idée d'un CCN fait surface dans le cadre des projets d'informatisation liés à la Bibliothèque de France. En fin de compte, d'Ormesson eut aussi le mérite de vouloir ouvrir la bibliothèque à un public d'artisans et de travailleurs, chose qui ne s'était point vue auparavant. Doué d'une fortune personnelle, il fit des dons d'argent de sa poche pour des

acquisitions de livres. « En retour », il dut se passer de son salaire (de bibliothécaire). qui ne fut pas payé. En août 1792, d'Ormesson perdit son poste au moment même où la monarchie était remplacée par la République à la suite de l'insurrection du 10 août. En 1794, l'ancien bibliothécaire fut guillotiné avec une fournée de ci-devant parlementaires. Il fut remplacé par une équipe de deux administrateurs généraux, Chamfort et Carra, lesquels avaient l'appui de Roland, ministre de l'Intérieur, célèbre à la fois comme politicien et comme époux. Carra, avant la Révolution, était employé à la B.N. ; il avait participé à la campagne (précitée) de diffamation et de libelles contre Lenoir. Il fut ensuite journaliste, et n'eut guère le temps de s'acquitter de ses fonctions à la Bibliothèque : très vite, il se déplaça pour une mission vers les armées ; il sera finalement guillotiné avec les Girondins en octobre 1793. Habent sua fata libelli. Ce fut donc à Chamfort qu'échut dans les faits la plus haute responsabilité, qui correspondrait aujourd'hui à la charge d'administrateur général. Écrivain, grand écrivain même, il fut le premier homme de cette profession prestigieuse à recevoir un tel poste dans l'histoire déjà longue de l'établissement. Ses origines familiales étaient assez modestes : l'Ancien Régime avait beaucoup contribué à l'épanouissement de sa carrière littéraire. Pour des raisons personnelles, et d'ordre général, Chamfort était néanmoins devenu hostile au « féodalisme ». Il demeure, aujourd'hui encore, l'un des meilleurs auteurs du dernier tiers du XVIIIe siècle. Ses Maximes, en 1989, se lisent toujours avec plaisir et profit. Son passage à la B.N. ne fut pourtant pas une entière réussite. Il licencia en effet un certain nombre de vieux employés qui avaient rendu de grands services à l'institution. A son tour il devait succomber à la Terreur. En septembre 1793, après plusieurs dénonciations venues de l'un de ses subordonnés, Chamfort est inculpé, puis maintenu en état d'arrestation à l'appartement de fonction, dans la bibliothèque. Le 14 novembre, il effectue avec un pistolet et un rasoir une forte tentative de suicide. Il s'inflige de la sorte des blessures variées à diverses parties du corps, tout en affirmant qu'il veut mourir en homme libre, non pas devenir esclave dans une prison. Il ne réussit, si l'on peut dire, qu'à se rater ! Il décédera du fait de ses blessures, gravissimes, en avril 1794. Ainsi ces deux années cruciales, 1793 et 1794, ont vu la mort violente de trois de mes prédécesseurs. Je dois en outre mentionner que l'ensemble des employés de la B.N. (une cinquantaine de personnes) furent dénoncées et licenciées sous prétexte d'aristocratisme en raison de la campagne diffamatoire qui fut engagée contre eux par un certain Tobiesen-Duby. Employé à la bibliothèque depuis 1783, membre du département des Estampes, ce Duby appartenait à une certaine bohème intellectuelle dont le bilan n'est pas toujours entièrement positif en époque révolutionnaire. La fin tragique des trois administrateurs devait aboutir à une période où ne fonctionnait plus un « patron » unique. La bibliothèque fut donc gouvernée pendant la période du Directoire par un conservatoire des chefs de département. Bonaparte, bien sûr, devait désigner un seul administrateur, bien individualisé, mais la situation conflictuelle qui s'était ainsi créée ne devait pas se dénouer de sitôt.

J'ai mentionné jusqu'à présent les mystères douloureux de la période révolutionnaire ; il convient maintenant dans ce tableau caravagiste, en clair-obscur, d'évoquer les mystères joyeux dont l'ampleur, l'émerveillement même, sont considérables. Je veux parler derechef de l'extraordinaire enrichissement

qu'a connu l'institution pendant la Révolution française : la confiscation des biens de clergé s'est traduite par le transfert de centaines de milliers de volumes depuis d'assez nombreuses chapelles ou abbayes jusqu'à la Bibliothèque et jusqu'à d'autres dépôts officiels. On a connu, certes, quelques épisodes de vandalisme regrettable. Notons, en particulier, place Vendôme, l'autodafé de deux mille ouvrages en provenance des collections de l'Ordre du Saint-Esprit. Malgré tout, on réussit à sauver une quantité fort importante de livres venus du clergé, venus aussi des confiscations des biens d'émigrés. C'est l'époque où deux évangéliaires carolingiens à lettres dorées, qui vaudraient aujourd'hui des fortunes, vinrent enrichir nos séries de manuscrits. L'époque aussi où le plus grand camée du monde (l'Apothéose de Germanicus), conservé jusqu'alors dans les trésors de la Sainte-Chapelle, fait son entrée dans nos bâtiments, en attendant de terminer sa carrière au département des Monnaies et Médailles. La période suivante, y compris aux pires moments de la Terreur, fut contemporaine, elle aussi, d'acquisitions tout à fait remarquables. En septembre 1798, 33 000 estampes et 5 000 cartes venues de l'abbaye parisienne de Saint-Victor, l'un des plus gros arrivages d'estampes depuis 1667 (quand la B.N. avait acheté les 120 000 gravures en 400 volumes de la collection Marolles) « basculent » vers nos locaux. En mai 1793, 18 000 médailles dont 7 000 romaines sont transférées au quartier Richelieu depuis l'abbaye de Sainte-Geneviève (l'actuel Panthéon). Il est vrai qu'à la même époque, quelques personnages, y compris le général Hanriot, parlaient de brûler la B.N. parce qu'elle avait été « souillée du nom de librairie du Roi ». En fait, les magasins furent respectés.

Un esprit chagrin, bien sûr, pourrait se demander si la confiscation des biens du clergé n'a pas violé un droit de propriété bien établi, et un principe de conservation pluriséculaire. Mais à en juger par l'expérience d'autres pays, où des événements du même genre n'eurent pas lieu, la réunion en quelques années de tant de livres et de manuscrits à la B.N. a été bénéfique : les phénomènes de conservation livresque, du XVIIe au XXe siècle, furent finalement plus réussis en France que dans un certain nombre de nations voisines. Rendons grâces de ce point de vue, et de bien d'autres, à la Révolution.

L'épanouissement de la grande maison devait continuer au cours des années suivantes, indifférent à la conjoncture, qu'elle soit de Terreur montagnarde ou de non- Terreur thermidorienne et post-thermidorienne, celle-ci assez relative, du reste. C'est ainsi que la bibliothèque personnelle des rois, celle de Versailles, est incorporée à la B.N. en 1795. De ce fait, nous récupérons, ou plutôt nous acquérons les Heures d'Anne de Bretagne, l'un des chefs-d'oeuvre de ce grand peintre français parfois méconnu qu'est Bourdichon. Ce fut, jadis, l'un des livres de chevet de Louis XIV. Et c'est l'un des joyaux de l'exposition « révolutionnaire » dont le présent ouvrage constitue le catalogue.

Donnons donc à ce propos, grâce aux savants travaux de Mlle Balayé, quelques exemples précis : en décembre 1795 commence le transport de 9 000 manuscrits depuis l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés vers la B.N. Car un grand incendie en août 1794 a détruit les livres et contraint le personnel gestionnaire de Saint-Germain à déménager les manuscrits. En 1796, on assiste à la dispersion de la bibliothèque de la Sorbonne. Presque 1 900 manuscrits atterrissent désormais dans notre établissement. Il faut imaginer l'arrivée de tous

ces trésors dans des charrettes où bien souvent on ne disposait pas de ficelles pour attacher ou empaqueter les précieux colis. Les vélins et parchemins historiés étaient simplement empilés dans les voitures publiques, quelquefois sous la pluie. Quand ces files de charrettes étaient déchargées à la B.N., on entassait leur contenu où l'on pouvait, là où il y avait de la place, sans ordre particulier. Le classement ne devait s'opérer qu'en étape ultérieure. Dans ces conditions, il y eut quelques surprises. Le 16 septembre 1795, le conservateur La Porte du Teil, ascendant ou homonyme d'un fameux général français des années 1940, découvrit dans la chambre des frotteurs (on l'imaginerait volontiers parmi une forêt de balais), le fameux Évangile en lettres dorées de l'empereur carolingien Louis le Pieux, chef-d'oeuvre qui constitue l'un des trésors de notre B.N. d'aujourd'hui. La Porte du Teil put à peine en croire ses yeux. Il ne sut jamais comment une telle merveille avait chu dans un endroit aussi peu organisé pour ce type de réception. S'agissait-il d'un oubli, d'une cachette, d'une perte, d'un dépôt fait au hasard ?

Dans l'ensemble, on peut considérer que les collections de la B.N. pendant la Révolution française se sont accrues de 250 000 livres, 14 à 15 000 manuscrits, 85 000 estampes. Ne décomptons pas dans le total un certain nombre d'objets (parmi ces diverses catégories) que les armées révolutionnaires, surtout napoléoniennes, prélèveront dans toute l'Europe, au cours de deux décennies ; ils seront par la suite en grande partie récupérés et rendus à leurs légitimes propriétaires aux alentours de 1815.

Je conclus, réflexion faite, que les mystères joyeux l'ont très largement emporté sur les mystères douloureux. D'une certaine façon, le sacrifice d'Ormesson, de Carra, de Chamfort, n'a pas été vain. Le sang des martyrs fait germer dit-on quelquefois, de nouvelles moissons de fidèles. La mort violente d'un trio d'administrateurs coïncide, dans le moyen terme, avec la mise en place de ce qui deviendra au XIXe siècle, la plus belle et la plus grande bibliothèque du monde. Acceptons-en l'augure.

Emmanuel Le Roy Ladurie

1 De très nombreuses données, pour cet exposé, m'ont été fort aimablement fournies par Mme Simone Balayé, auteur de La Bibliothèque nationale des origines à 1800, Paris-Genève, 1988. Je l'en remercie du fond du coeur.

L'exposition a été préparée, sous la direction de Mme Marie-Pierre Laffitte, commissaire de l'exposition, avec l'aide de Mlle Odile Gantier, par une équipe de conservateurs de la Bibliothèque nationale. Le catalogue qu'ils ont rédigé constituera désormais un ouvrage de référence. On me permettra de leur témoigner ici la gratitude qui va tout naturellement à cette belle réalisation et à ses auteurs.

Projet d'agrandissement de la B.N., par Boullée

Introduction

De la Bibliothèque du Roi à la Bibliothèque Nationale

En 1789, la Bibliothèque du Roi avait derrière elle trois siècles d'existence ininterrompue. Installée à Paris sous Charles IX, elle avait emménagé rue Vivienne en 1666, grâce aux bons soins de Colbert. Placée en 1719 sous la direction éclairée et la main de fer de l'abbé Bignon 1, elle était devenue une véritable institution publique, sans rien perdre de son statut de collection royale, symbole du prestige et de l'autorité monarchiques. Elle était alors dotée de structures modernes et performantes et divisée en cinq départements (Imprimés, Manuscrits, Titres et généalogie, Gravures et estampes, Médailles et pierres gravées). Après la faillite de Law, Bignon avait obtenu une partie des bâtiments libérés et s'était installé dans la partie haute du palais Mazarin, ou galerie Mazarine, laissant à la Bourse la galerie basse ou Mansart 2.

Le dépôt légal était confié en 1704 à la Chambre de la Librairie 3 et géré de concert avec la Bibliothèque. Un nouveau catalogue était mis en chantier, et des catalogues de manuscrits et d'imprimés étaient publiés dès le milieu du siècle 4. Les relations avec l'étranger et en particulier avec l'Orient s'intensifiaient. Enfin une politique d'acquisitions active, aussi bien pour les livres courants que pour les pièces bibliophiliques, se traduisait par des achats et des dons prestigieux.

Mais surtout l'ouverture à partir de 1735 des salles de lecture à un large public, savants, collectionneurs, artistes et aussi simples curieux, permettait à la Bibliothèque d'entretenir des relations privilégiées avec la société tout entière.

Les locaux étaient vétustes, inadaptés et dangereux 5. Aucun des projets de réaménagement n'aboutissait 6. Et à la veille de la Révolution, alors que la crise financière commençait à affecter les crédits de fonctionnement, l'incompétence du bibliothécaire Le Noir avait dressé contre lui un personnel mécontent des salaires trop modestes, surtout au bas de l'échelle.

Cependant la Bibliothèque avait assez d'atouts pour échapper aux mesures (fermeture, mise sous scellés, transport dans les dépôts littéraires et enfin

1. F. Bléchet, « Jean-Paul Bignon. despote éclairé de la République des lettres ». dans Histoire des Bibliothèques françaises, II. Paris. 1988. p. 216-221.

2. Idem, « Le Déménagement de la Bibliothèque du Roi et son installation au palais Mazarin », dans Revue de la Bibliothèque Nationale, 17 (automne 1985). p. 35-45.

3. Les archives de la Chambre syndicale de la Librairie, supprimée avec les corporations, furent remises aux conservateurs de la Bibliothèque Nationale par Camus, garde des Archives nationales, le 31 mars 1801, et constituent les manuscrits français 21813-22060.

4. Catalogus codicum Bibliothecae regiae., I-IV. Paris, 1739- 1744- Catalosue des livres imprimés de la Bibliothèque du Roy. I-VI. 1739-1753.

5. A cause des risques d'incendies, dus à la proximité de logements et donc de cheminées.

6. Et en particulier ceux de Boullée.

dispersion) qui touchèrent d'abord les bibliothèques d'étude, dont elle faisait partie, puis les collections royales, ce qu'elle était aussi. Lefèvre d'Ormesson, nommé bibliothécaire en décembre 1789, dut surtout gérer la pénurie. Les salaires furent diminués, ainsi que le nombre des employés. Et ceux qui restaient se plaignaient de la lourdeur du service public, accentuée par la fermeture de toutes les autres bibliothèques parisiennes. Cependant la situation resta stable jusqu'en 1792.

Dès le lendemain du 10 août, les choses changèrent. Chamfort et Carra furent nommés bibliothécaires nationaux, en remplacement de Lefèvre d'Ormesson. Le cabinet des Titres fut supprimé et annexé aux Manuscrits. Certains membres du personnel furent congédiés d'une manière abusive et cavalière. Ce fut le cas pour les Joly père et fils.

A plusieurs reprises, un commis des Estampes nommé Tobiesen-Duby, jaloux ou mégalomane ?, avait dénoncé ses collègues, sans succès. Mais en juillet 1793, il arriva à ses fins 7. Le 16 août, tout le personnel fut licencié. Barbié du Bocage, Capperonnier, Desaulnays et même l'abbé Barthélemy furent arrêtés, Van Praet se cacha. Chamfort démissionna ; arrêté, il tenta de se suicider et mourut finalement le 13 avril 1794. Carra avait été guillotiné le 31 octobre 1793, comme un sous-garde des Manuscrits, chansonnier à ses heures, Girey-Dupré 8. Mais après ce paroxysme, la situation revint peu à peu à la normale et les employés libérés un par un reprirent leur place. L'abondance des livres achetés en 1793 laisse supposer que Van Praet ne fut pas longtemps distrait par ces événements douloureux.

Villebrune nommé au poste de bibliothécaire en novembre 1793, une ère de réformes commença. Le dépôt légal, supprimé en 1791, avait été rétabli le 19 juillet 1793 et son application fut confiée à la Bibliothèque Nationale. Une direction collégiale des conservateurs, le Conservatoire 9, fut placée à la tête de l'établissement en octobre 1795. Les salaires furent augmentés et un règlement intérieur institué. Déjà citée en 1791 comme Bibliothèque de la Nation, la Bibliothèque Nationale finit sa mutation en passant de la tutelle du ministre de l'Intérieur à celle de l'Instruction publique. Elle allait vivre dans le calme les dernières années de la période révolutionnaire.

La Bibliothèque Nationale face au vandalisme

Dès 1789, un grand débat s'ouvrit sur le sort que devait subir l'héritage culturel contesté de l'Ancien Régime. La notion de patrimoine telle que nous la connaissons aujourd'hui n'existait pas et les rois n'avaient pas hésité à faire détruire ce qu'ils jugeaient inutile ou passé de mode. Mais cette idée perçait chez les esprits éclairés, chez les savants. Plusieurs tendances s'affrontèrent donc et les assemblées successives montrèrent en diverses occasions leur difficulté à choisir entre ceux qui, pour le développement des sciences et de l'instruction publique, voulaient garder cet héritage intact, et leurs adversaires qui, pour protéger la

société nouvelle des influences néfastes, poussaient à l'expurger. Cette tendance iconoclaste se trouvait une justification dans un fanatisme populaire spectaculaire mais peu dirigé contre les livres. Elle se manifesta surtout par des décisions administratives plus discrètes mais tout aussi dangereuses.

Les premières victimes de ce mouvement que l'on appellera plus tard le « vandalisme révolutionnaire », furent les archives nobiliaires. Elles suscitèrent en effet de très violentes réactions d'hostilité, de la part des hommes politiques les plus engagés, tel Condorcet, mais aussi de professionnels plus « conservateurs », comme Ameilhon, réactions à la hauteur sans doute des humiliations subies avant 1789. Elles constituaient également un gage commode offert aux tenants de la destruction. On établit toutefois une différence entre les documents historiques, ou « titres-monuments », et les « papiers vaniteux » 10.

Seul Dom Poirier s'était opposé à tout triage. Le personnel du cabinet des Manuscrits partageait sans doute son opinion, et après la suppression très contestée sur le moment et finalement opportune du cabinet des Titres, on s'employa à rendre ce fonds inviolable en encombrant de piles de livres et de cartons l'entrée de la salle où il était conservé 11.

Quelques années plus tard, le ministre de l'Intérieur François de Neufchâteau prenait la même position, dans une lettre adressée aux conservateurs de la Bibliothèque Nationale : « Citoyens, le Directoire exécutif, auquel j'ai rendu compte des diverses réclamations (et surtout de celles de Camus, garde des Archives de la République) relatives à la belle collection de blasons qui vous a été remise, a prononcé qu'elle vous resterait sous la condition de ne pas l'exposer aux regards du public […]. Vous voudrez bien, citoyens, vous conformer à ces dispositions 12 ».

Les titres de noblesse et de chevalerie du cabinet des Ordres du roi, déposés aux Grands-Augustins depuis 1772, et apportés rue de la Loi, à la Bibliothèque Nationale, le 9 mai 1792, ne purent, eux, être sauvés. Dès le 12 mai, un décret de l'Assemblée nationale, revêtu le 16 de l'approbation royale, condamna au feu l'ensemble du cabinet des Ordres, comme on avait par le passé condamné les « mauvais » livres. Un premier lot de 163 portefeuilles fut donc détruit place Vendôme le 19 juin.'582 volumes et cartons du cabinet du Saint-Esprit prirent le même chemin le 7 août 13. Ameilhon continua le triage après l'automne 1792, alors que le problème était devenu secondaire.

Un an après les autodafés de papiers nobiliaires, une nouvelle menace se fit sentir. Dans sa séance du 4 juillet 1793, la Convention nationale, « sur l'observation d'un membre (Sergent semble-t-il) qu'il existe encore dans Paris des monuments où l'on voit des attributs de la royauté ou des inscriptions en l'honneur des rois […] », décréta « que la municipalité de Paris donnera des ordres pour que […] tous les objets sculptés ou peints sur les monuments publics soit civils soit religieux, qui présentent des attributs de la royauté […] soient effacés ou changés », et « que pour la conservation de ces monuments, et pour que l'exécution du présent décret ne soit pas indifféremment confiée à des citoyens qui pourraient ne pas y apporter les connaissances nécessaires […], il sera formé une commission […] » 14.

Toutes les dispositions devaient être prises pour que la loi soit appliquée avant le 31 juillet. Au début, seuls les bâtiments étaient visés, et ceux de la

7. M. Adler-Bresse, « La B.N sous la terreur, d'après des documents inédits », dans A.B.C.D., n° 15 (mai-juin 1954).

8. Le Journal de la Montagne du 3 frimaire an II publie le récit de l'exécution de Girey-Dupré.

9. Convention nationale. Rapport et projet de décret présenté au nom du comité d'Instruction publique sur l'organisation de la B.N. 6 vendémiaire an IV (18 septembre 1795).

10. Sur le triage des titres, voir Procès-verbaux de la commission des Monuments. publiés par L. Tuetey. I. Paris. 1901, pl. XIV-XXXII (Nouvelles Archives de l'Art français, XVII)

11. Delisle, Le cabinet des Manuscrits, II, p. 18-19.

12. Manuscrits. Archives modernes. CDXCIV. – P. MAROT. Recherches sur la vie de François de Neufchâteau, Nancy, 1966.

13. Ph. Lauer, Catalogue des manuscrits de la collection Clairambault. III, Paris, 1932, pl. XI-XXXIV.

14. Procès-verbaux du comité d'Instruction publique. II, p. 151.

Loi de 1795. Liste des membres du Conservatoire.

Bibliothèque Nationale furent « nettoyés », y compris l'horloge : « Au mois d'août 1793, il a été donné des ordres à Richard, orlogé ordinaire de la Bibliothèque Nationale, de faire disparoitre les fleurs-de-lys que portoient les eguilles de l'horloge […] 15 ».

Mais on voulut étendre aux livres les termes de la loi. Reliures armoriées, feuillets portant des estampilles, peintures et tranches peintes des manuscrits, cartouches des gravures et des cartes, frontispices des livres imprimés, risquaient d'être détériorés. Déjà des actes de vandalisme se perpétraient ici et là, chez des collectionneurs ou des commerçants 16. On imagine le désastre que représentait pour la Bibliothèque l'application élargie des textes.

La loi prévoyait que le travail serait confié à des professionnels, et le 18 octobre, la Commission nationale des Monuments publia une sorte d'appel d'offres : « Avis. La Commission nationale des Monuments, jalouse de faire

exécuter le décret qui ordonne la suppression des signes de la féodalité dans toute l'étendue de la République, prévient que le 4e jour du 2e mois de cette année, on trouvera dans la salle de la commission au Louvre […], des exemplaires de livres où ces signes subsistent tant sur la reliure que sur le papier du livre ; elle invite tous les bons républicains de tous les états, ainsi que les savants et les chimistes, de se présenter pour les voir, et indiquer ensuite les moyens sûrs de faire disparaître ces signes sans détériorer ( !) ni la couverture ni le papier […] 17 ».

Dès le 2 brumaire an II (23 octobre 1793), le ministre de l'Intérieur Jules-François Paré (1755-1819), qui avait participé à la rédaction du décret, chargea le libraire parisien Rozet de préparer un plan d'application à la Bibliothèque Nationale. Avec l'aide de deux relieurs, Bradel et surtout Petit, qui s'était exercé sur les atlas du Dépôt de la Marine, Rozet présenta ses conclusions et proposa d'exécuter le travail, pour la somme d'un million de livres. D'autres relieurs, sans doute attirés par le gain possible, se manifestèrent à leur tour. En novembre 1793, le relieur Jean-Antoine Pasdeloup (1715-1795), fils du grand relieur Antoine-Michel Pasdeloup, offrit ses services et ceux du doreur Bazin 18. Deux autres relieurs, Durand et Jolivet, montrèrent aussi leur intérêt.

Heureusement les réactions opposées à ce projet ne se firent pas attendre. Très courageusement, un autre libraire parisien, Antoine-Augustin Renouard (1766-1853), instruit du projet de Paré et de la Commission des Monuments dès les premiers jours d'octobre, écrivit le 18 une lettre au Comité d'Instruction publique. Il y expliquait très concrètement pourquoi il était impossible, financièrement et techniquement, de mener une telle opération à bien 19.

Il fut entendu. Le 1er brumaire (22 octobre), le poète et conventionnel Marie-Joseph Chénier (1764-1811), membre du Comité d'Instruction publique, dénonça à la Convention les abus qui se préparaient. Il obtint que le Comité d'Instruction publique soit chargé de rédiger un décret dispensant les monuments des arts et des sciences de l'application de la loi de juillet. Le 3 brumaire ce fut au tour de Gilbert Romme, professeur de mathématiques, révolutionnaire convaincu, inventeur avec Fabre d'Eglantine du nouveau calendrier (voir n° 10) et membre très actif du Comité d'Instruction publique, de réagir : « Par une exagération feinte de républicanisme ou par un mouvement plus digne des Vandales que des français, sous prétexte de poursuivre les fleurs-de-lys, les chiffres des rois, les armoiries et tout ce qui peut rappeler le souvenir de nos tyrans abattus, on a enlevé des médailles chez les citoyens et on les a brisées […]. Nos bibliothèques, nos cabinets, nos dépôts d'art sont menacés […] ». Le lendemain, le décret de protection était publié. Son article 7 interdisait l'usage des signes incriminés, et son article 8 exigeait que « dans les bibliothèques nationales, les livres qui seront désormais reliés porteront le chiffre R.F. (République Française) et les emblèmes de la liberté et de l'égalité. Les estampilles porteront les mêmes lettres et les mêmes emblèmes ». Le personnel de la Bibliothèque Nationale, trop heureux d'avoir échappé au pire, appliqua immédiatement cette décision 20.

Malgré un nouveau rapport de Rozet, malgré l'intervention de La Harpe dans le Mercure de France du 15 février 1794, le Comité d'Instruction publique avait gagné la bataille.

La guerre, elle aussi menaçait les livres. A cause du manque de matière

15. Manuscrits. Archives modernes. CIV. Voir aussi pour d'autres travaux, de sculpture en particulier, Archives nationales. F 17. 1039 A.

16. Les armes de Marie-Antoinette ont été grattées sur les plats de la reliure du catalogue de sa bibliothèque aux Tuileries ; cf. français 13001.

17. Cet avis fut inséré dans le Journal de Paris national du 21 octobre 1793.

18. Archives nationales. F17.1083.

19. Tous les textes ayant trait à ces événements sont publiés dans les Procès-verbaux du comité d'Instruction publique. II. p. 652-665.

20. Voir par exemple les nos 41-54. Deux estampilles furent utilisées, l'une marquée R.F., l'une gravée d'un faisceau de licteur.

première, on avait engagé des études sur le recyclage du papier, et on cherchait aussi à récupérer du parchemin. En avril 1793, une lettre émanant de la 1re division d'Artillerie du ministère de la Marine était envoyée à Dumesnil : « Le ministre me charge, citoyen, de vous prévenir que le citoyen Chamfort, garde nationale, et les commissaires à la conservation du mobilier national aux Thuilleries, ont eu ordre du ministre de l'Intérieur, de remettre à votre disposition tous les parchemins tant en livres d'église que titres de noblesse et de féodalité ou autres pièces inutiles qui existent dans ces deux bâtiments. Vous voudrez bien à la réception de cette lettre vous transporter tant à la Bibliothèque Nationale qu'aux Thuilleries pour y procéder au choix et à l'enlèvement de ceux que vous trouverez propres à faire des gargousses à canon. Taillevis (Louis-Charles Taillevis de Perrigny, adjoint de la première division de Marine, 1766-1827) 21 ».

Cette demande n'eut heureusement pas de suite, mais on en trouve un écho dans le premier et très célèbre Rapport sur les destructions opérées par le Vandalisme, et sur les moyens de le réprimer, que l'abbé Grégoire présenta à la Convention le 14 fructidor an II (31 août 1794) : « […] Le missel de la Chapelle de Capet à Versailles22 allait être livré pour faire des gargousses, lorsque la Bibliothèque Nationale s'empara de ce livre dont la matière, le travail, les vignettes et les lettres historiées sont des chefs-d'oeuvre ». Malgré des outrances dont il convenait lui-même et qui furent utilisées plus tard par les détracteurs de la Révolution, l'énumération par Grégoire des destructions recensées dans ce rapport et dans les deux suivants, des 3 brumaire et 24 frimaire an III (24 octobre et 14 décembre 1794), aida puissamment les hommes politiques à prendre conscience des pertes subies, et leur permit d'y mettre un terme. Après avoir participé à des débats autrement importants sur la question juive ou noire, l'abbé Grégoire favorisait ici le développement de l'idée nouvelle de patrimoine culturel de la Nation, qu'avait proposée le Comité d'Instruction publique.

21. Manuscrits. Archives modernes. CDXCIV.

22. Grégoire cherchait à frapper les esprits, mais ne vérifiait pas toujours ses sources. Le dépôt de Versailles était l'un des mieux tenus et jamais les commissaires de cette ville n'auraient laissé emporter ce missel (identifiable sans doute avec le manuscrit présenté sous le n° 87). Ils eurent assez de mal à admettre son départ pour Paris !

Bibliothèque royale et utopie :

la Très Petite Bibliothèque de Louis-Sébastien Mercier

« Au lieu de ces quatre salles d'une longueur immense et qui renfermaient des milliers de volumes, je ne découvris qu'un petit cabinet où étaient plusieurs livres qui ne me parurent rien moins que volumineux. Surpris d'un si grand changement, je n'osais demander si un incendie fatal n'avait pas dévoré cette riche collection.

« Oui, me répondit-on, c'est un vaste incendie, mais ce sont nos mains qui l'ont allumé volontairement » 2.

Ainsi s'exprime le visiteur venu du XVIIIe siècle devant la Bibliothèque du Roi de l'an 2440 décrite par L.-S. Mercier en 1771. Dix ans plus tard, ce même Mercier écrivit de la véritable Bibliothèque du Roi dans son fameux Tableau de Paris : « Ce

monument du génie et de la sottise prouve que le nombre des livres ne fait pas les richesses de l'esprit humain. C'est dans une centaine de volumes environ que résident son opulence et sa véritable gloire […]. L'esprit se trouve obscurci dans cette multitude de livres insignifiants, qui tiennent tant de place, et qui ne servent qu'à troubler la mémoire du bibliothécaire, qui ne peut pas venir à bout de les arranger. Aussi ne les arrange-t-on pas ; et le catalogue que l'on en fait depuis trente-cinq années, ne sert qu'à redoubler la confusion de ce ténébreux chaos » 2.

Il faut ici éclairer sommairement la personnalité de l'auteur, Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), polygraphe infatigable, rousseauiste fervent, hôte assidu des « déjeuners philosophiques »

de Grimod de La Reynière, reçu par Fanny de Beauharnais. mais aussi écrivain sans pension, exclu de ce « club des philosophes » qu'est devenue l'Académie française. Il ne fait pas partie, comme La Harpe, Suard ou Marmontel, de la nouvelle génération des Lumières cooptée par les grands anciens. Comme son compère Restif de La Bretonne, il est, avant 1789, un « Rousseau du ruisseau », et appartient, bien qu'il s'en défende, à la bohème littéraire telle que l'a définie R. Darnton 3. Avec la Révolution, il devient journaliste et, déjà connu, occupe désormais le devant de la scène. Mais, girondin et partisan d'une monarchie constitutionnelle à l'anglaise, il est emprisonné sous la Terreur. Après Thermidor, il entre au Conseil des Cinq-Cents puis à l'Institut. Notoriété et respectabilité superficielles, car il garde sa réputation d'original et ne saurait être rangé dans le groupe des Idéologues. C'est donc un modéré excentrique que l'inventeur de l'uchronie et l'auteur d'une réforme rêvée et radicale de la Bibliothèque du Roi.

Il faut encore rappeler l'extraordinaire inflation du genre utopique dans le champ littéraire français au XVIIIe siècle. Bronislaw Baczko 4 a pu parler de « temps chaud » de la production des utopies : 70 titres au XVIIIe siècle contre 8 au XVIIe siècle et 36 au XIXe siècle 4. Par ailleurs, l'utopie envahit le genre romanesque où, à la suite de la « République de Salente » du Télémaque de Fénelon, les épisodes se multiplient chez Marivaux, Prévost, Montesquieu ou Voltaire 5.

On a observé que les bibliothèques utopiques sont rares, mal décrites et peu fournies. Celle de L'An 2440, ouvrage qui a connu, rappelons-le, une vogue immense, tant en France qu'à l'étranger – en Allemagne surtout – n'en est que plus intéressante. D'autant qu'il est possible de la comparer avec son pendant : la Bibliothèque du Roi telle que l'a dépeinte – ou dénoncée – Mercier dans le Tableau de Paris. Nous disposons donc de l'utopie et de son contraire qui n'est pas la réalité – il suffit de lire les descriptions que les voyageurs étrangers font de la biliothèque du Roi pour s'en convaincre –6 mais une déformation, un gauchissement de cette réalité. Comme la description de la bibliothèque rêvée a précédé celle de la bibliothèque réelle, on peut presque dire que nous nous trouvons en face d'une utopie, la Bibliothèque de 2440, et d'une dystopie 7, la Bibliothèque royale de 1781 « noircie » par Mercier.

La Bibliothèque du Roi épurée de Louis-Sébastien Mercier est bien connue et a été déjà étudiée par Raymond Trousson 8 : réduction drastique de l'espace – on est loin de la théâtralisation du projet de Boullée – incendie volontaire qui consomme le sacrifice de la mémoire totale sur l'autel de la mémoire utile et sélective, promenade satisfaite à travers les repères culturels agréés par l'auteur. On a supprimé la théologie, la jurisprudence, la rhétorique et, pratiquement aussi, l'histoire. Les littératures étrangères sont à l'honneur : l'italienne pour Le Tasse et Cesare Beccaria dont le Traité des Délits et des peines était un best-seller de l'époque, l'anglaise surtout, ce qui ne surprend pas de l'anglophile, presque de l'anglomane qu'était Mercier : la troisième armoire qui contient les livres anglais est « celle qui renfermait le plus de volumes » et Mercier a considérablement augmenté ce

chapitre dans l'édition de 17867. Il s'est encore offert le plaisir d'assouvir, sans trop de risques, quelques rancunes personnelles en brûlant La Harpe et en faisant « perdre de son embonpoint » à Voltaire, et il a assuré le triomphe, prévisible, de Fénelon sur Bossuet et surtout de Rousseau sur tous ses ennemis. Rappelons que Mercier écrivit, en 1791, un retentissant De Jean-Jacques Rousseau considéré comme l'un des premiers auteurs de la Révolution. La République de Salente et Clarens ont donc, et c'est justice, une place de choix en utopie.

Si Mercier a le mérite d'être le seul utopiste à avoir fait entrer la Bibliothèque du Roi dans son projet d'aménagement du futur, ses idées n'ont rien d'original. L'incendie fondateur qui détruit la vieille bibliothèque est de rigueur en Utopie où l'on a coutume de faire table rase du passé sans trop s'embarrasser de scrupules. Quant aux coupes sombres qu'il préconise, elles reflètent fidèlement les tendances du siècle des Lumières. Le déclin des ouvrages juridiques et religieux, dans la production imprimée comme dans les bibliothèques, est toujours attesté ainsi que la montée de la littérature contemporaine et des littératures étrangères. Télémaque a connu 73 éditions entre 1699 et 1789 et La Nouvelle Héloïse à peu près autant en seulement quarante ans 9. Mercier ne fait qu'exprimer en les radicalisant des choix qui ne sont pas seulement les siens mais ceux de toute son époque. Ce vandalisme qui aujourd'hui nous choque, ne paraissait peut-être pas aussi monstrueux aux lecteurs contemporains. Si le concept de bibliothèque publique existe à la veille de la Révolution – le XVIIIe siècle est une époque de création de bibliothèques – il est récent et imprécis. Celui de bibliothèque nationale, déjà présent avant l'établissement de la République – « la Bibliothèque du Roi regardée de tout temps comme nationale » écrit Talleyrand dans son « Rapport sur l'Instruction publique »(septembre 1791) – est plus flou encore. Certes les amis des Lumières ont pris conscience que les bibliothèques constituent un des moyens privilégiés pour la diffusion des idées nouvelles dans des cercles, élargis sans doute, mais qui restent tout de même assez restreints pour nos critères actuels. Mais il est frappant de constater que, si les bibliothèques sont quasi absentes en Utopie, elles n'apparaissent guère plus dans les textes et projets sur l'instruction publique élaborés en grand nombre pendant la période révolutionnaire. Seul le rapport de Talleyrand, texte long, généreux, exhaustif qui fut bien accueilli des monarchistes constitutionnels mais critiqué par la gauche qui le trouva trop centralisateur, fait apparaître les bibliothèques dans le chapitre « moyens d'instruction » après le paragraphe consacré aux « maîtres de l'enseignement ». S'il rend un hommage, exceptionnel dans ce type d'écrits, aux érudits bénédictins, s'il manifeste le souhait que l'accès au livre soit facilité, il ajoute : « Vous hâterez aussi l'anéantissement si désirable de cette fausse et funeste opulence sous laquelle finirait par succomber l'esprit humain. Une foule d'ouvrages, intéressants lorsqu'ils parurent, ne doivent être regardés maintenant que comme les efforts, les tâtonnements de l'esprit de l'homme se débattant dans la recherche de la solution d'un problème ; par une dernière combinaison, le problème se résout, la solution seule reste, et dès lors toutes les fausses combinaisons antérieures

doivent disparaître : ce sont les ratures nombreuses d'un ouvrage qui ne doivent plus importuner les yeux quand l'ouvrage est fini.

« Donc chaque découverte, chaque vérité reconnue, chaque méthode nouvelle devrait naturellement réduire le nombre des livres » 10.

Le bibliothécaire modèle de l'époque, le fameux Ameilhon, qu'on ne peut soupçonner de vandalisme, projette, dans une note manuscrite conservée aux Archives nationales, de débarrasser les bibliothèques – par des ventes à des particuliers – des livres inutiles : « Vieux commentaires sur l'écriture sainte, éditions surannées des Pères, vieux sermonaires latins et français, traités de théologie scolastique [sic], ouvrages ascétiques ou mystiques, écrits polémiques sur les affaires du jansénisme, relégués pour la plupart dans les greniers à la merci des rats et des souris » 11.

Voilà qui ôte beaucoup de sa singularité au texte de Mercier : « On avait brûlé et Malebranche le visionnaire, et le triste Nicole, et l'impitoyable Arnauld et le cruel Bourdaloue. On parlait des jésuites comme nous parlons aujourd'hui des anciens druides. On avait fait rentrer dans le néant dont elle n'aurait jamais du sortir, cette foule de théologiens dits pères de l'Eglise. » 1.

La Bibliothèque érudite est une réalité ancienne qui s'efface dans l'opinion « éclairée », par gazettes, romans et Encyclopédie interposés, au profit de l'image nouvelle, aux contours encore incertains, de la bibliothèque publique, elle-même liée au paradigme éducatif qui domine le siècle. Le livre s'y trouve investi d'une mission. Il n'est plus objet passif de patientes et obscures investigations. Il est l'agent actif de la diffusion des Lumières. On en arrive à privilégier la notion d'utilité sociale, une notion qui prévaut dans tout le champ culturel qui s'en trouve moralisé. De même qu'on est amené à épurer la religion de tout ce qui paraît inutile et même nuisible : patristique, scolastique, mystique, de même le livre fait l'objet d'une censure délibérée de la part de ceux-là mêmes qui s'insurgent contre la censure royale. Solidaire de la bibliothèque de l'Utopie, il y a la contre-image du livre

complice des forces des ténèbres, en l'occurrence celles combattues par les hommes des Lumières, et du livre dépassé, démodé, ridicule et finalement encombrant.

Dès cette époque, la masse imprimée inquiète et l'immensité du savoir humain que l'individu, en dépit de tous les dictionnaires et les encyclopédies, ne peut plus appréhender, est génératrice d'angoisse. Avec l'idée de perfectibilité nécessaire et indéfinie de l'espèce humaine, qui culmine chez Condorcet, on en arrive à un désir d'épuration, qui n'est pas à proprement parler censure mais plutôt élagage. Il ne convient de garder que les livres précurseurs : l'histoire des idées est ainsi débarrassée de ses rejets et greffons (cf. le texte de Talleyrand cité plus haut). A ces livres, témoins positifs des « progrès de l'esprit humain », auxquels il faut joindre, dans le même esprit, les ouvrages scientifiques et techniques, toujours en progression au cours du siècle, il convient d'ajouter, avec modération toutefois, les « beaux » livres. Ethique et esthétique sont donc les critères dominant, le premier l'emportant largement sur le second, qu'il satellise, tout comme dans les Salons de Diderot. On arrive ainsi à une bibliothèque idéale, qu'on pourrait appeler la bibliothèque de l'honnête nation, vide et désincarnée, et en cela typiquement utopique, plus cénotaphe que lieu de travail, où l'on ne rencontre ni lecteurs ni bibliothécaires, où l'on ne trouve que quelques livres et surtout ni catalogue ni dépôt légal.

A quoi, et à qui, peut donc servir la Bibliothèque du Roi de l'an 2440 ? Elle n'a ni légitimation ni mission, sinon de servir de repoussoir à la Bibliothèque, bien réelle celle-là, de 1771. Peut-être même a-t-elle amusé les bibliothécaires ? Mercier y règle davantage ses comptes avec ses confrères écrivains qu'avec la Bibliothèque du Roi qui est bien plus malmenée dans le Tableau de Paris. Néanmoins il n'est pas indifférent qu'il ait choisi de s'appuyer sur la « grande bibliothèque de Paris »(Talleyrand) pour inventer sa Toute Petite Bibliothèque utopique.

M. Sacquin

1. Louis-Sébastien Mercier, L'An deux mille quatre cent quarante suivi de L'Homme de fer. Préface de R. Trousson, Genève, 1979, I, p. 301 et suiv. (reprint de l'édition de 1799).

2. L.S. Mercier, Le Tableau de Paris. Genève, 1979. II, p. 308 et suiv. (reprint de l'édition d'Amsterdam, 1782).

3. R. Darnton, Bohème littéraire et révolution. Le monde des livres au XVIIIe siècle, Paris, 1983.

4. B. Baczko, Lumières de l'utopie, Paris, 1978.

5. Cf. J.-M. Goulemot, « Les Bibliothèques imaginaires (fictions romanesques et utopies) » dans Histoire des bibliothèques françaises, Paris, 1988, II, p. 501-511.

6. Le témoignage d'Arthur Young daté du 13 juin 1789 va à l'encontre des affirmations de Mercier « un

vaste local, écrit-il, et, comme tout le monde le sait, admirablement rempli. Tout est disposé pour la commodité de ceux qui désirent lire ou prendre des notes ». A la même époque Karamzine écrit : « On voit rarement autant d'ordre : vous indiquez un livre et, en quelques minutes vous l'avez entre vos mains » Cf. Arthur Young, Voyages en France, Paris, 1976, I. p. 281.

7. Cf. M. Sacquin : « La vision utopique de l'Angleterre dans les récits de voyage français entre 1750 et 1789 » dans Komparatistische Hefte. Heft 3 (1981) Reiseliteratur. Universität Bayreuth, p. 52-63.

8. R. Trousson, « Les Bibliothèques de l'utopie au XVIIIe siècle », dans « Buch und Sammler, private und öffentliche bibliotheken im 18 jahrhundert, Heidelberg,

1979. Voir aussi : J.-M. Goulemot, « Nouveautés les utopies », dans Histoire de l'éditionfrançaise, Paris, 1984, II, p. 231-239.

9. Cf. R. Darnton, op. cit., p. 71-109. Résume les monographies de Bluche, Meyer, Furet, Mornet et Roche et en fait la synthèse.

10. Une éducation pour la démocratie, textes et projets de l'époque révolutionnaire, présentés par B. Baczko, Paris, 1982. p. 141.

11. A. Tuetey, Répertoire général des sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Révolution. Paris, 1890-1914, VI, p. 2355 (A.N. F17. 1035).

L'aventure bibliographique

On parlera peu ici des circonstances dans lesquelles bibliothèques et collections confisquées parvinrent à la Bibliothèque Nationale. La seconde partie de cette exposition leur est exclusivement consacrée et cette activité exceptionnelle y est présentée à travers les documents arrivés rue de la Loi à cette époque.

Il faut dire cependant quelques mots de la grande entreprise qui accompagna les opérations de confiscation, et des conséquences qu'elle eut pour la Bibliothèque Nationale.

Dès les premiers décrets de nationalisation, le principal souci des bibliographes fut de chercher à connaître l'ensemble des fonds réunis dans les dépôts provisoires, afin qu'ils deviennent accessibles au plus grand nombre. On avait pour cela recueilli avec soin tous les catalogues des anciennes bibliothèques. Mais cela ne suffisait pas, car l'idée était de constituer un catalogue collectif de tous les livres mis sous la main de la Nation. Un Bureau de bibliographie fut créé pour organiser cette tâche et, sur l'initiative de la Commission des Monuments, plusieurs brochures destinées à aider les « catalogueurs » furent publiées. L'une d'elles, éditée en décembre 1790, concernait les manuscrits, les chartes, les sceaux et les imprimés, une autre, de juillet 1791, se rapportait aux monuments de peinture. Une Instruction pour procéder à la confection du catalogue de chacune des bibliothèques sur lesquelles les Directoires ont dû ou doivent incessamment poser les scellés était publiée le 15 mai 1791. Pleine de détails pratiques et de conseils précis pour le catalogage des livres, elle abordait même, très rapidement il est vrai, la question des « mots-matières ». Le système de classement devait être le même partout et on proposait d'utiliser des cartes à jouer en guise de fiches. Une autre brochure plus élaborée encore, l'Instruction sur la manière d'inventorier et de conserver dans toute l'étendue de la République tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l'enseignement, fut proposée en 1794 par la Commission temporaire des Arts et adoptée par le Comité d'Instruction publique. Elle était accompagnée d'un rapport admirablement documenté de Dom Poirier sur les richesses bibliographiques des provinces. La Bibliothèque Nationale n'était pas directement concernée par ces projets, et ne figurait d'ailleurs pas dans la liste d'établissements parisiens où devaient se rendre les bibliographes 23.

L'intérêt de ce travail pour l'enrichissement des collections dont il avait la garde n'avait cependant pas échappé à d'Ormesson, et il s'engagea à plusieurs reprises pour lui permettre de continuer. Dans son Rapport sur la bibliographie, publié aussi en 1794, Grégoire était encore plus clair. « […] On présume, dit-il, que la Bibliothèque Nationale ne possède que les quatre cinquièmes en espèces de livres, car elle manque d'une foule d'ouvrages qui se trouvent dans d'autres bibliothèques […] », et il ajoutait plus loin que « par le moyen des doubles et des échanges, vous serez à portée de rapprocher du complet la Bibliothèque Nationale. Il lui manquait entre autres choses le Tite-Live imprimé à Venise en 1470 par Vendelin de Spire ; un exemplaire de cet ouvrage, qui arrive de Commune-Affranchie (voir n° 121), fera monument sous deux points de vue, parce qu'il est rare, et parce que dans le siège de cette commune rebelle, un boulet a brisé la couverture et les marges d'un volume, sans endommager le texte ».

23. Instruction… p. 7-10. Sur cette entreprise de catalogue collectif, voir P. Riberette. Les Bibliothèques françaises pendant la Révolution et G.K. Barnett. Histoire des bibliothèques publiques en France. passim.

Malheureusement cette entreprise ambitieuse fut abandonnée le 15 germinal an IV (4 avril 1796), avant d'avoir véritablement abouti.

Il est indéniable que les fichiers envoyés de province et utilisés par Dom Poirier pour son rapport24 servirent ensuite de guide aux employés de la Bibliothèque Nationale pour leurs recherches en province (voir en particulier les

Fiches du catalogue collectif

Trésors). Il s'agit surtout d'opérations ponctuelles qui, avant la création des écoles centrales, avaient pour but de regrouper à Paris les documents les plus prestigieux. Elles concernèrent presque exclusivement des manuscrits précieux.

En 1798, le souhait réapparut de réunir à Paris, à la Bibliothèque Nationale, les monuments du pays entier. Dom Poirier avait souligné l'intérêt des cartulaires et chartriers ecclésiastiques. Le 11 décembre 1798, après un nouveau rapport de Barbier et de Chardon de La Rochette, le ministre envoya donc une circulaire demandant aux administrations départementales d'envoyer les cartulaires, les chartriers, trop volumineux, ayant été abandonnés. Mais les départements firent la sourde oreille et moins de 120 volumes arrivèrent à Paris 25. En 1802 une nouvelle tentative, en direction des dépôts littéraires de province, eut plus de succès.

Pendant ces dix années, une masse énorme de documents de toutes sortes avait été entassée dans des locaux trop petits. Si les manuscrits étaient restés classés par origine, Van Praet avait immédiatement intégré les imprimés dans les séries existantes. Même s'il fallut en 1815 restituer une partie de ces fonds, les acquisitions de la période révolutionnaire déterminèrent par leur ampleur toute l'histoire de la Bibliothèque Nationale au XIXe siècle, des entreprises de catalogage lancées par Léopold Delisle26 aux grands travaux architecturaux qui, dans la seconde moitié du siècle, donnèrent à l'établissement son aspect actuel.

M.P. Laffitte

Je remercie Mme Florence Callu, directeur du Département des Manuscrits, qui a bien voulu guider mes premiers pas dans une entreprise nouvelle pour moi, MM. Michel Garel et Francis Richard, conservateurs au Département des Manuscrits, qui m'ont fait l'amitié de relire les épreuves du catalogue, l'ensemble du personnel du Service photographique, dont le dévouement m'a été d'une grande aide, et plus généralement tous ceux avec qui j'ai eu le plaisir de préparer cette exposition.

24. Il signalait les manuscrits de Soissons, Metz, Saint-Lupicin, etc.

25. L. Delisle, Le cabinet des Manuscrits, II, p. 29-33.

26. Par exemple, le Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque Nationale. Paris, 1897-1981, 231 volumes (introduction de L. Delisle, I, pl. XV et suivantes).

La Bibliothèque Nationale et les dépôts littéraires

L'histoire des dépôts littéraires a été écrite 1, à partir essentiellement de la source primordiale que constituent les « Archives des Dépôts littéraires » conservées à la Bibliothèque de l'Arsenal (Mss. 6487-6513). S'agissant de saisies, et de saisies de biens culturels, cette histoire a été, et pourra être encore complétée et affinée par l'exploitation et la confrontation d'autres sources, en partie publiées : procès-verbaux de la Commission des Monuments, de la Commission temporaire des Arts, du Comité d'Instruction publique2, mais pour une bonne part inédites et dispersées : inventaires de saisies, aux Archives nationales (dans la série F17), documents de la série DQ des Archives de la Seine, catalogues anciens de bibliothèques conservés dans plusieurs établissements (Arsenal, hors les Archives des Dépôts littéraires, Mazarine, Bibliothèque Nationale.), sans compter, parmi bien d'autres pistes, les papiers d'acteurs de la Révolution qui n'ont

pas tous bénéficié d'une monographie comme celle consacrée à Ameilhon3.

L'histoire de l'exploitation par la Bibliothèque Nationale des Dépôts littéraires reste en revanche à écrire 4. Pour le département des Manuscrits, où les prélèvements ont été effectués par grands fonds homogènes, restés par la suite groupés, une appréciation d'ensemble est relativement aisée. Pour les livres imprimés, les masses en jeu ont été beaucoup plus considérables, les unités bibliographiques, prises individuellement, ont été souvent considérées comme de peu de valeur, et leurs itinéraires sont de ce fait difficiles à suivre, la multiplicité des exemplaires, propre à la chose imprimée, rend les identifications quelquefois malaisées ; les livres provenant des dépôts littéraires ont été systématiquement intégrés dans les fonds de la Bibliothèque Nationale, à l'intérieur de son cadre de classement propre : ces données

représentent pour le chercheur un défi à toute tentative de chiffrage, donc d'appréciation quantitative ou qualitative reposant sur des critères sûrs.

De plus, les livres de certains établissements religieux ou de bibliothèques privées n'ont pas toujours transité par les dépôts littéraires : des livres dont s'étaient dessaisies les communautés religieuses dès avant la Révolution ont pu rejoindre les rayons de la Bibliothèque royale (ou nationale, ou impériale) à des époques variées ; sur le moment même, certains ouvrages sont passés directement à la Bibliothèque Nationale 5 ; le XIXe siècle lui aussi a vu bien des retardataires qui auraient dû, qui avaient peut-être passé par les dépôts littéraires, rejoindre les collections de la Bibliothèque Nationale. Dans l'autre sens, le transit de certaines masses de livres par les dépôts littéraires n'obéit pas toujours à une logique simple : si on y trouve les listes de plusieurs milliers de livres provenant de Belgique, on n'y trouve en revanche pas trace des fruits des campagnes d'Allemagne et d'Italie.

Les archives de la Bibliothèque Nationale pour la période révolutionnaire (conservées au département des Manuscrits), qui souvent recoupent les documents des tomes XIII et XIV des Archives des Dépôts littéraires, constituent une source importante pour apprécier les choix des conservateurs de la Bibliothèque Nationale ; mais elles restent incomplètes pour certains dépôts, et malgré la rigueur des listes, beaucoup de provenances en amont des dépôts littéraires restent inconnues.

Le chiffre communément avancé de 300 000 volumes environ6 (ce qui ne signifie évidemment pas 300 000 titres) ne peut être vérifié. Mais il est probable que ce chiffre, deux cents ans après, doive être diminué ; même en admettant que 300 000 volumes ont été retenus par la Bibliothèque Nationale dans les dépôts littéraires, il est certain que tous n'ont pas rejoint les fonds de la Bibliothèque : de nombreux doubles ont été sans doute abandonnés, et ont, dans le meilleur des cas, rejoint la collection de doubles régulièrement entretenue par l'établissement. On sait d'autre part qu'une active politique d'échanges 7 permit à la Bibliothèque Nationale de s'enrichir de collections de manuscrits (Registres du Parlement de Paris, provenant de Lamoignon ; manuscrits d'Eusèbe Renaudot, de Lenain de Tillemont ; d'autres sans doute, voir n° 67), en cédant à des particuliers des imprimés prélevés dans les dépôts littéraires. Des savants aussi, orientalistes notamment, purent bénéficier des largesses de la Bibliothèque pour l'avancement de leurs travaux personnels.

Enfin, il ne faut pas oublier que cette manne tombée sur la Bibliothèque en si peu de temps demanda pour être correctement cataloguée plusieurs dizaines d'années, et que les pratiques fort

libérales de Van Praet en matière de prêt à l'extérieur de la Bibliothèque occasionnèrent des disparitions sans doute considérables, dénoncées entre autres par Paul Lacroix8.

Quant à la politique ou aux orientations générales qui ont guidé les enrichissements en provenance des dépôts littéraires, on peut en voir s'esquisser quelques grandes tendances, à l'examen des nombreux ouvrages, dont les quelques volumes exposés essaient de donner un choix significatif :

– il semble que, comme pour tous les autres modes d'acquisition, on a retenu avec constance les incunables et tout ce qui pouvait s'apparenter aux monuments des premiers temps de la typographie ;

– de même, les vélins ont été méthodiquement pris, ainsi que de nombreux ouvrages en « grand papier », à en juger par la fréquence de cette mention sur les registres ;

– les très beaux exemplaires, bien reliés souvent, peuplent les rayons de la Réserve ; encore convient-il, si possible, qu'il y ait rencontre entre un texte, une édition, et sa provenance, rendue visible par des armes ou un ex-libris ;

– les grands « classiques » de l'érudition et de la recherche, Mabillon, le père Lelong, l' Encyclopédie, l'Encyclopédie méthodique, La Croix du Maine, les grandes compilations de textes religieux et profanes, des collections complètes de revues importantes ont été retenus en nombre, pour venir renforcer les collections d'usuels ou remplacer des exemplaires trop fatigués ;

– deux catégories d'ouvrages, correspondant à deux critères de choix, méritent une mention particulière en raison de la grande quantité d'ouvrages représentés : ce sont les livres étrangers, pour lesquels la politique de la Bibliothèque royale était forcément sélective, mais d'une remarquable qualité, si on examine a contrario, ce qu'il n'a pas été nécessaire de prélever dans les dépôts littéraires ;

– et les livres français « récents »(seconde moitié du XVIIIe siècle), dont l'entrée massive prouve, s'il en était besoin, à quel point le Dépôt légal fonctionnait mal à l'époque.

De façon générale, mais cela est plus sensible encore pour les livres français, on est frappé de l'attention portée à ce qui relève, pour user d'un anachronisme, de la « bibliographie matérielle » : variantes, « émissions » différentes, exemplaires avec « cartons », addenda, etc. Enfin, on ne s'étonnera pas de constater que cette période fut l'occasion de rattraper tous les livres naturellement sujets à échapper à une grande bibliothèque : pamphlets politiques, brochures en tout genre, erotica, et tous « hétérodoxes », religieux, politiques, littéraires, philosophiques. R.J. Seckel

1. J.-B. Labiche, Notice sur les Dépôts littéraires., Paris, 1880. H. Dufresne, Érudition et esprit public au XVIIIe siècle, le bibliothécaire Hubert-Pascal Ameilhon, 1730-1811, Paris, 1962.

2. Procès-verbaux de la Commission des Monuments, publiés par L. Tuetey, Paris, 1901-1902. Procès-verbaux de la Commission temporaire des Arts. publiés par

L. Tuetey. Paris, 1912-1917. Procès-verbaux du Comité d'Instruction publique, publiés par J. Guillaume. Paris, 1889-1907.

3. H. Dufresne, op. cit.

4. S. Balayé. Histoire de la Bibliothèque Nationale des origines à 1800 donne, p. 336-352, p. 410-429 et passim d'importantes indications à ce sujet.

5. Voir l'exemple de Saint-Germain-des-Prés.

6. S. Balayé, op. cil., p. 414.

7. J.B. Labiche, op. cit., p. 77-78.

8. P. Lacroix (Bibliophile Jacob). Les Cent et une, lettres bibliographiques à M. l'Administrateur général de la Bibliothèque Nationale, Paris. 1849 [i.e. 1850], p. 80-84 (lettre XXIX) et passim.

Le Mois

cat. 13

Carte de la République française divisée en 85 départements cat. 31

America méridional cal. 62

Epistolier à l'usage d'une église de Cologne cat. 71

Évangéliaire de la Sainte-Chapelle de Paris cat. 85

Evangiles de Saint-Médard de Soissons cat. 97

Mappemonde en vingt-quatre fuseaux cat. 114

Statuts de l'ordre de Saint-Michel cat. 125

Theriaca cat. 135

Histoire de Louis le Grand cat. 148

La Gerusalemme liberata con le figure di Gian. Bat. Prazzetta cat. 158

Heures d'Anne de Bretagne cat. 147

Matali el-sa adet cat. 206

Évangéliaire de Sainte-Aure Cat. 211

Missel de Saint-Magloire cat. 216

Bibliographie générale

S. Balayé, La Bibliothèque Nationale des origines à 1800, Genève, 1988.

G.K. Barnett, Histoire des bibliothèques publiques en France, de la Révolution à 1939, Paris, 1987.

L. Delisle, Le Cabinet des Manuscrits…, Paris, 1868-1881.

H. Dufresne, Erudition et esprit public au XVIIIe siècle. Le bibliothécaire H.P. Ameilhon, Paris, 1962.

J.B. Labiche, Notice sur les dépôts littéraires et la Révolution bibliographique, Paris, 1880.

P. Riberette, Les Bibliothèques françaises pendant la Révolution (1789-1795), Paris, 1970.

Procès-verbaux de la Commission des Monuments (1790-1794), éd. par L. Tuetey, Paris, 1902-1903, 2 vol.

Procès-verbaux du Comité d'Instruction publique de l'Assemblée législative puis de la Convention nationale, éd. et annotés par J. Guillaume, Paris, 1889-1907 (plus tables, 1952-1961).

Procès-verbaux de la Commission temporaire des Arts, publ. et annotés par L. Tuetey, Paris, 1912-1918, 2 vol.

E. Despois, Le Vandalisme révolutionnaire, Paris, 1888.

G. Gautherot, Le Vandalisme jacobin, Paris, 1914.

Colloque de l'université de Clermont-Ferrand, décembre 1988, actes à paraître.

Exp. « Sous la main de la Nation ». La Révolution française et les bibliothèques, Paris, D.L.L., 1988.

Sources

Archives de la Bibliothèque Nationale : Manuscrits. Archives Ancien Régime. Archives modernes.

Entrées courantes

Le Dépôt légal

Créé en 1537 par l'ordonnance de Montpellier, le Dépôt légal en obligeant les éditeurs d'ouvrages à remettre à la Bibliothèque du Roi un ou plusieurs exemplaires de leur production, a constitué pour celle-ci une importante source d'accroissement de ses collections. Son efficacité s'est améliorée au fil des années et dans les dernières années de l'Ancien Régime, l'essentiel de la production imprimée française, tout du moins parisienne, rejoignait de cette façon les collections nationales.

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (26 août 1789) proclama que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Abolissant les anciens privilèges et proclamant la liberté d'imprimer, la Révolution mettait donc brutalement fin à cette institution du Dépôt légal, en même temps qu'elle supprimait les corporations en 1790. Plusieurs documents incitent néanmoins à penser qu'un certain nombre d'ouvrages ont continué à rentrer de cette façon dans la Bibliothèque qui estimait y avoir encore un « droit moral ». Un effort d'acquisition, malgré la modicité du budget, fut fait pour combler les lacunes, certains bibliothécaires, tel Lefèvre d'Ormesson, prenant même sur leurs propres ressources pour compléter les collections. B. Blasselle, V. Tesnière

Reçu de livres soumis au Dépôt légal

La nouvelle législation et ses modalités d'application

L'absence de toute réglementation a amené un développement considérable d'un des maux traditionnels de la librairie, la contrefaçon. A la suite des nombreuses réclamations émanant des auteurs comme des éditeurs, une nouvelle législation fut adoptée. Déjà, la loi du 19 janvier 1791 avait assuré aux auteurs de pièces de théâtre la propriété de leurs oeuvres : « Les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être représentés sur aucun théâtre public dans toute l'étendue de la France sans le consentement formel et par écrit des auteurs, sous peine de confiscation du produit total des représentations au profit des auteurs ». Le 20 février 1793, le Comité d'Instruction publique de la Convention chargea Marie-Joseph Chénier d'un rapport sur les contrefaçons. Le 19 juillet 1793, Lakanal en fait l'analyse à la tribune et la Convention adopte un décret qui restera en vigueur pendant toute la Révolution. Les principaux points en sont :

– l'affirmation de la propriété littéraire pour les auteurs d'écrits, les compositeurs et les « peintres et dessinateurs qui feront graver des tableaux ou dessins » ;

– la possibilité d'engager des poursuites contre les contrefacteurs ;

– la poursuite en justice des contrefacteurs sera subordonnée au dépôt à la Bibliothèque Nationale de deux exemplaires de l'ouvrage de littérature ou de gravure que l'auteur souhaite protéger.

Cette loi rétablissait donc un Dépôt légal facultatif non pas pour le bien de la collectivité mais pour protéger les intérêts des particuliers. Le Dépôt légal sera rendu obligatoire par la loi de 1810 qui lui donnera un caractère policier de surveillance de l'imprimerie. Quant à la législation sur

le droit d'auteur, elle ne subira pratiquement pas de modification jusqu'à la loi du 11 mars 1957.

En vertu de cette loi les dépôts reprirent donc à la Bibliothèque Nationale et un registre fut ouvert immédiatement. Selon un classement alphabétique sommaire (première lettre du titre de l'ouvrage), les oeuvres déposées furent enregistrées au fur et à mesure de leur dépôt avec quelques indications : date, nom du déposant, adresse bibliographique, nombre d'exemplaires déposés.

Les ouvrages, une fois enregistrés, étaient reliés en veau (au lieu du maroquin précédemment employé et qui devait être importé) puis estampillés. Un décret de la Convention d'octobre 1793 précise : « Dans les bibliothèques nationales, les livres qui seront désormais reliés porteront le chiffre R.F. (République française) et les emblèmes de la liberté et de l'égalité. Les estampilles porteront les mêmes lettres et les mêmes emblèmes ». Ce programme de reliure et d'estampillage semble avoir été, à une époque où l'établissement était largement ouvert au public, appliqué régulièrement pour les volumes, tout du moins à partir de l'an VI. C'est alors par centaines qu'acquisitions et ouvrages entrés par dépôt sont envoyés au relieur Debosseaux. Les brochures, les fascicules et les feuilles volantes n'ont pas été en revanche systématiquement estampillés ni reliés. Ils ne le seront que sous la Restauration, de même que les illustrations des volumes.

B. Blasselle, V. Tesnière

La production musicale : un domaine prospère

L'édition musicale est apparemment restée très prospère pendant la Révolution. On ne dénombre pas moins d'une quarantaine d'éditeurs actifs à Paris, d'importance variable et dont certains ouvrent commerce pendant cette période. Ce chiffre est encore à majorer si l'on tient compte des compositeurs qui éditent eux-mêmes et exclusivement leurs oeuvres.

Le répertoire publié évolue peu et suit de près la vie musicale. On y trouve aussi bien de la musique instrumentale (concertos de solistes célèbres, symphonies et ouvertures d'opéras) que des oeuvres lyriques (partitions et morceaux détachés des opéras-comiques à la mode). La musique sacrée est bien sûr totalement absente de cette production. En revanche, la vogue des journaux de musique ne se dément pas et les principaux éditeurs, Pierre Leduc et Naderman en tête, alimentent une demande qui ne tarit pas.

La plupart des éditeurs se désintéressent complètement du répertoire révolutionnaire. Seul Frère publie à partir de 1790 des hymnes et chansons patriotiques en version pour chant seul, sous forme de feuilles volantes bon marché, de petit format et souvent de couleur bleue.

Les compositeurs qui fournissent la musique de la Garde nationale (futur Conservatoire) se réunissent alors sous l'impulsion de Sarrette pour fonder en 1794 une maison d'édition indépendante, Le Magasin de musique à l'usage des fêtes nationales. Ce magasin recevait du Comité de salut public une subvention substantielle sous forme d'abonnement à ses publications et s'engageait en échange à publier une livraison mensuelle contenant des oeuvres patriotiques mais aussi de la musique instrumentale « profane ». L'intérêt d'un tel contrat était double. Il permettait aux musiciens de faire éditer leurs oeuvres de

circonstance tout en fournissant au gouvernement le moyen pratique de les diffuser à l'échelon national. Ce privilège suscita de vives réactions au sein de la profession qui y voyait une concurrence déloyale. Les éditeurs ne purent cependant obtenir gain de cause.

Par suite de la création officielle du Conservatoire et du non-renouvellement des engagements du Comité d'Instruction publique, les éditeurs du Magasin de musique vont très rapidement négliger le répertoire patriotique pour se consacrer de plus en plus à des ouvrages d'intérêt pédagogique – musique lyrique, musique instrumentale et surtout nombreuses méthodes rédigées essentiellement par les professeurs du Conservatoire.

L'obligation de Dépôt légal semble avoir été très mal respectée. Les éditeurs publient simultanément les mêmes oeuvres en se pillant mutuellement. L'exemple des concertos de violon de Viotti, très populaires à l'époque, est à cet égard très significatif. Entre 1793 et 1796, on les trouve édités à la fois par Imbault, Sieber, Boyer, Naderman et Pleyel.

Les textes officiels ne manquaient pourtant pas. Un arrêt du Conseil d'Etat du 15 septembre 1786 avait déjà tenté de mettre de l'ordre dans la profession en rappelant l'obligation du privilège et du dépôt et en instituant un Bureau du Timbre, qui n'eut pas beaucoup de succès. La loi du 19 juillet 1793 relative au dépôt obligatoire semble avoir été sans effet sur la musique puisque le 24 juin 1798, une pétition est adressée à l'Assemblée nationale par des éditeurs et des compositeurs pour proposer une réglementation du commerce de la musique. Il faudra cependant attendre le courant du XIXe siècle pour qu'entre en application une réelle législation. D. Hausfater-Assaf

1-3

La Marseillaise

Musique.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : C. Pierre, Hymnes et chansons de la Révolution,

Paris, 1904, p. 223-275. – J. Tiersot, Rouget de Lisle : son oeuvre, sa vie, Paris, 1892.

Le 25 avril 1792, dès l'annonce de la déclaration de guerre au maréchal Luckner, chef des troupes françaises à Strasbourg, le maire de la ville, Dietrich, réunit autour d'un dîner un groupe d'officiers et

de civils. C'est au cours de ce dîner qu'est évoquée la nécessité de fournir aux troupes un chant patriotique de qualité, « qui fût en harmonie avec les idées nouvelles et les motifs de la guerre ». Rouget de Lisle, sollicité par ses compagnons, se met au travail dans la nuit qui suit et son Chant de guerre pour l'armée du Rhin est exécuté devant la même assemblée dès le lendemain soir, puis en public par la garde nationale trois jours après.

Immédiatement édité par Dannbach,

Dannbach, se propage rapidement et parvient par différentes sources à Marseille. Il est alors distribué à tous les membres du bataillon en partance pour Paris, qui va en cours de route le répandre à travers la France et le populariser dans la capitale dès son arrivée fin juillet.

Les éditeurs parisiens le recueillent oralement et le publient simultanément ou à peu d'intervalle sous le titre de Marche ou Chanson des Marseillais. On l'exécute alors partout, dans la rue, au

théâtre et au cours de cérémonies officielles et on ajoute, au gré des événements, différents couplets aux six écrits à l'origine par l'auteur. Les dénominations varient beaucoup par la suite (on en relève plus d'une dizaine) et la mélodie originale subit de profondes altérations, jusqu'à ce que la version adoptée par Gossec dans son ballet L'Offrande à la liberté (2 octobre 1792, chorégraphie de Gardel) devienne à peu près officielle.

L'hymne ne prend son titre définitif de Marseillaise qu'au cours du XIXe siècle et est officiellement adopté comme hymne national le 14 février 1879. Les versions successives de l'oeuvre ont provoqué de violentes polémiques concernant sa paternité. Elle n'est maintenant plus contestée à Rouget de Lisle, même si d'autres compositeurs ont par la suite apporté quelques améliorations notables à une oeuvre qui fut, ne l'oublions pas, improvisée en une nuit.

1

Chant de guerre pour l'Armée

du Rhin, dédié au maréchal Luckner

On a cru satisfaire les amateurs, en leur donnant telle que l'original a été imprimé à Strasbourg. – A Paris, chez Bignon, graveur et imprimeur, Place du Louvre à l'Accord parfait, [1792], 4 pp., 230 x 295 mm.

Musique. Vm 7. 17058.

Cette édition pour chant et clavecin, sans nom d'auteur et conforme à la première édition de Dannbach à Strasbourg, reproduit la version d'origine de Rouget de Lisle. Elle permet donc de mesurer l'évolution du texte musical jusqu'à sa version actuelle. L'essentiel y est déjà, cependant, et si certaines tournures mélodiques, un peu maladroites au départ, ont été par la suite corrigées avec bonheur, le rythme lui est demeuré intact. L'hymne, dans son premier état, possède déjà sa physionomie propre et un élan caractéristique ne per mettant pas de contester à Rouget de Lisle la paternité de son oeuvre.

Claude-J oseph Rouget de Lisle (1760-1836), militaire de carrière et auteur amateur de poèmes, chansons et romances, doit sa célébrité au Chant de guerre pour l'armée du Rhin ou Marseillaise,

I

écrit à Strasbourg en 1792. Emprisonné pendant la Terreur puis réintégré dans l'armée, il publie en 1796 des Essais en vers et en prose et un volume de Vingt-quatre hymnes, chansons ou romances.

Complètement oublié pendant l'Empire et la Restauration, il réunit en 1825 l'ensemble de sa production musicale dans un recueil intitulé Cinquante chants français. La Révolution de 1830, en remettant la Marseillaise à l'honneur, apportera enfin à son auteur une reconnaissance officielle tardive.

2

Marche des Marseillais

Ce [sic] vend à Paris chez Goujon, au magasin de musique et de carte géographique, grande Cour du palais de l'Egalité entre le graveur et le libraire,

[1793], [2] pp., 205 mm.

Musique. Vm7. 17073.

Cette édition pour voix seule et en sol majeur est assez fautive et témoigne de la diversité des versions qui circulent à Paris à l'époque. Le plus remarquable, si l'on veut bien laisser de côté les quelques erreurs de gravure grossières dans les

2

altérations et la mesure, est la complète transformation du rythme. Les valeurs

pointées sont systématiquement remplacées par des croches régulières, ce qui donne à l'hymne un caractère languissant et amolli assez curieux mais qu'on retrouve dans la plupart des versions de l'époque, y compris celle de Gossec. Notons également le titre, orné à droite et à gauche de deux bonnets phrygiens gravés et peints.

3

Hymne à la Liberté

[S.l.], [s.n.]. [s.d.], 5 p.. 335 mm. Musique. H2. 151,8.

Titre et prix (6 francs), manuscrits avec griffe de l'éditeur Ozi. Partition solo et choeur avec parties séparées d'orchestre manuscrites.

Compte tenu de la gravure et de la griffe d'Ozi, on peut penser qu'il s'agit de l'édition du Magasin de musique, pour laquelle Constant Pierre donne la date tardive de 1798. Elle ne contient que les trois couplets chantés dans les cérémonies officielles (couplets 1, 5 et 6) et reproduit la version de Gossec pour le ballet L'Offrande à la liberté d'octobre 1792, source de la plupart des harmonisations ultérieures. On observe le même rythme amolli que

3

dans la version précédente, mais la mélodie a pratiquement trouvé sa forme définitive. « L'arrangement du troisième [couplet] est remarquable : des choryphées chantent la mélodie pendant que le choeur à quatre parties soutient les accords "très doux", produisant un effet analogue à celui obtenu "à bouches fermées" » (C. Pierre). Notons enfin la mention finale « Tocsin, canon et la générale », destinée à une exécution en plein air.

D. Hausfater-Assaf

4-7

Le Magasin de musique à l'usage des fêtes nationales

Musique.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : Pierre. Hymnes et chansons de la Révolution, p. 79, 119-143, 692. – C. Pierre, Le Magasin de musique à

l'usage des fêtes nationales et du Conservatoire, Paris, 1895

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Musique à l'usage des fêtes

nationales : 1re collection éditée par le Magasin de musique à l'usage des fêtes nationales.

Paris : du Magasin des éditeurs-musiciens de la

Garde nationale parisienne, rue Joseph, section de Brutus, germinal an II, 330 mm. – Page de titre et frontispice de la 1re livraison.

Musique. Vm 7. 7019 et H 2. 150 (1).

Le 8 novembre 1793, les artistes musiciens de la Garde nationale projettent de s'associer pour la publication des « Hymnes et chants patriotiques destinés à être exécutés dans les fêtes nationales ».

L'association commence sa publication le 21 mars 1794 après que le Comité de salut public eut ordonné, le 15 février, la remise d'un mandat de 33 000 F sur la Trésorerie nationale à la Société des musiciens. Ces livraisons devaient comprendre plusieurs morceaux pour musique militaire (ouvertures, symphonies, marches, pas de manoeuvre), un hymne pour choeur avec accompagnement d'orchestre d'harmonie et des chansons patriotiques. Elles étaient destinées à un public d'artistes professionnels ou d'amateurs très exercés. Divers théâtres en

4

4

reçurent des exemplaires sur l'ordre du Comité de salut public.

La première livraison, datée de germinal an II. parut le 20 germinal. Elle

contient une ouverture pour instrument à vent de Catel, un choeur patriotique de Gossec, exécuté pour la translation de Voltaire au Panthéon, une marche militaire de Catel, une romance sur la mort du jeune Barra (texte d'Auguste, musique de Devienne) et une chanson patriotique de Coupigny sur une musique de Gossec.

La parution régulière ne dura qu'un an (12 livraisons). Le Magasin de musique édita par la suite 11 hymnes à grand choeur entre 1795 et 1798.

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Couverture de la 3e livraison et Avis aux souscripteurs joint à la 5e livraison.

Magasin de musique à l'usage des fêtes nationales. – Collection Ouvrage périodique de chansons et romances

civiques, 1794, 330 mm.

Musique. Vm 7. 7053 bis.

6

Ode à l'Etre Suprême par Auguste du théâtre du Vaudeville, musique de Dalayrac.

Du Magasin de musique à l'usage des fêtes

nationales, rue Joseph, n° 16, 1794, [2] pp.. 255 mm.

– Collection Ouvrage périodique de chansons et romances

civiques, n° 11.

Musique. Vm7. 16814.

Bibl. : R.C. Guilbert de Pixérécourt, Vie de Dalayrac., Paris, 1810. – A. Adam, Souvenirs d'un musicien, Paris, 1857, p. 217-266.

La présente pièce appartient à une deuxième série publiée par les éditeurs-musiciens de la Garde nationale (approuvée en juillet 1794) Ouvrages périodiques de chansons et romances civiques.

La présentation simple (gravure en petit format : in-8°), l'écriture pour une seule voix avec basse en font un recueil destiné à faire participer le peuple aux fêtes et cérémonies publiques grâce à des airs faciles à chanter et à manier.

Cette série fit l'objet d'un abonnement proposant des cahiers mensuels de 4 chansons au prix de 5 F par an.

L'auteur Auguste Dossion, dit Auguste, acteur-auteur du théâtre du Vaudeville, a donné 13 chansons révolutionnaires.

5

5

6

La musique de Dalayrac n'est pas tirée d'un ouvrage antérieur. Elle est originale, quoique le caractère de romance cadre peu avec les paroles.

Nicolas-Marie Dalayrac (1735-1809) appartient, tant par sa vie que son

oeuvre dramatique, à l'Ancien Régime, la Révolution et l'Empire.

Noble de naissance (son véritable patronyme est d'Alayrac), il est sous-lieutenant dans la garde du comte d'Artois et compose la plus fameuse des

romances de l'Ancien Régime : « Quand le bien-aimé reviendra »(chantée dans l'opéra-comique Nina). Au moment de la Révolution, il abandonne la particule, écrit quelques chansons de circonstance et voit l'une de ses romances réutilisée pour la musique de « Veillons au salut de l'Empire ». Apprécié de Napoléon, il est l'un des premiers titulaires de la Légion d'honneur.

Ses derniers opéras- « comiques », inspirés des romans de Lewis et de Mrs. Radcliffe, sont dans le goût « gothique », dépeignant des prisons, une nature sauvage et inquiétante.

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Le Chant du départ : hymne de guerre par ***. Musique de Méhul de l'Institut national.

Au Magasin de musique à l'usage des fêtes nationales, rue Joseph, n° 16, 1794, [2] pp., 25,5 cm. –

Collection Ouvrage périodique de chansons et romances,

n° 14.

Musique. Vm7. 16995.

Bibl. : A. Pougin, Méhul : sa vie, son génie, son caractère, Paris, 1889. – E.C. Bartlet, Etienne-Nicolas Méhul and opera during the French Revolution, Consulate and Empire., Chicago, 1982, 7 vol.

La composition et la création de l'hymne sont sujets à caution. Les paroles de M.– J. Chénier (auteur resté anonyme jusqu'au 9 thermidor) semblent indiquer que l'hymne fut écrit en avril-mai 94 et sans doute produit pour célébrer la double victoire de Fleurus (16-26 juin).

Par la suite, l'oeuvre est celle qui apparaît le plus souvent dans les cérémonies officielles, contrairement à bien des pièces, écrites pour une fête spécifique et jouées à une seule occasion. Elle est encore plus populaire que la Marseillaise.

La carrière musicale d'Etienne-Nicolas Méhul (1763-1817) est à peine commencée avant la Révolution. Elle s'épanouit ensuite, ainsi que sous l'Empire avec de la musique symphonique, chorale et vocale et surtout avec de la musique lyrique pour laquelle il fait figure de novateur.

Couvert d'honneurs, il est nommé inspecteur au Conservatoire (1794), membre de l'Institut (1795), reçoit la

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Légion d'honneur (1804) et remporte le prix créé par Napoléon pour le meilleur ouvrage lyrique (avec Joseph, opéra-comique composé en 1807). P. Vidal

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Tombeau des aristocrates : air, vive Henri IV, n° 10 de Révolutions lyriques où [sic] le triomphe de la libertéfrançaise

composé de diverses ariettes et vaudevilles.

A Paris, chez Frère md. et graveur de musique,

passage du Saumon [ca 1790], [2] pp., 175 mm.

Musique. Vm 7. 7092.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : Pierre, Hymnes et chansons de la Révolution, p. 117-118 et 494. – A. Devriès et F. Lesure, Dictionnaire des éditeurs de musique français, des origines à environ 1820,

Genève, 1979, p. 69.

Avant la Révolution, l'éditeur de musique Jacques-Charles Frère publiait en petit format pour voix seule des extraits d'opéras-comiques et des chansons sur les thèmes à la mode. A partir de 1790, à l'occasion de la Fête de la Fédération, il entreprend la publication de chansons patriotiques en feuilles séparées. C'est le seul éditeur de musique à avoir eu cette activité de façon suivie jusqu'en 1795. Il ne réunit en cahier que les 39 numéros

(composés de feuilles détachées) publiés pour la Fédération sous le titre Révolutions lyriques. dont on a ici le n° 10.

La chanson anonyme est sur un air du XVIe siècle. P. Vidal

8

Le contenu du Dépôt légal

Diverses difficultés se présentent à l'historien qui souhaite exploiter les registres de dépôt. Les unes tiennent à un certain flou qui semble avoir existé à cette époque entre la notion de don et celle de dépôt légal. D'autres sont inhérentes à la brièveté d'une partie des enregistrements, qui rend l'identification assez délicate. On peut néanmoins tirer un certain nombre de conclusions de l'étude de ces registres :

a) La non-exhaustivité de ce type de dépôt. En vertu même de la loi cette démarche est facultative. Les statistiques établies d'après ces registres donnent les chiffres suivants :

1794 : 371

1797 : 345

1800 : 709

1795 : 308

1798 : 475

1801 : 972

1796 : 240

1799 : 815

1802 1 329

Ces chiffres sont inférieurs à ceux des années précédant immédiatement la Révolution (1785 : 895 ; 1786 : 1 615 ; 1787 : 1 470 ; 1788 : 1 680 ; 1789 : 1 020). Sans doute reflètent-ils un certain déclin de la production d'ouvrages pendant les premières années de la période, les imprimeries travaillant surtout pour la presse et les pièces d'actualité, peu déposées. Ils doivent même être revus à la baisse si l'on considère la part qu'y occupent les pièces de musique : 40 pour les ans II et III, 25 pour les ans V et VI.

Mais on ne peut se contenter, surtout pour les premières années de l'application de la loi, de ces registres pour juger de la production. A titre de comparaison, le Journal bibliographique et typographique, dont l'exhaustivité doit elle-même être nuancée, recense pour l'an VI (octobre 1797 à septembre 1798) 652 nouveautés et pour l'an VII (octobre 1798 à septembre 1799) 760. Encore faut-il préciser que l'on n'y trouve pratiquement pas de musique. Le fonctionnement du dépôt était loin d'être satisfaisant sous l'Ancien Régime. Il est globalement médiocre pendant la période révolutionnaire.

b) Les documents déposés sont néanmoins d'une grande variété. A côté de cette présence massive et soudaine des oeuvres musicales pour lesquelles visiblement la loi de 1793 apportait une protection nouvelle et attendue, on retrouve les grandes tendances de la production. Périodiques, almanachs, pièces d'actualité, quoique relativement peu déposés, sont les plus nombreux ensuite. Un regroupement par thèmes, difficile en raison de l'imprécision des sources, permet de distinguer pour les ans V et VI les larges catégories suivantes dans l'ensemble des monographies : politique et actualité : 21 ; littérature (poésie, romans) et philosophie : 29 ; histoire et archéologie : 7 ; sciences (dont médecine, botanique, géographie) 22 ; ouvrages pratiques (dont manuels scolaires) 16 ; religion et morale : 5

c) Les éditeurs n'ont montré que peu d'empressement à reprendre l'ancienne tradition, tandis que les auteurs, dans l'esprit de la loi de 1793, sont de plus en plus nombreux (environ 40 des dépôts pour les ans V et VI). Au fil des registres, nous

voyons écrivains, musiciens, inventeurs, etc. apporter eux-mêmes leur production à la Bibliothèque. Quant aux éditeurs, aucun ne semble, d'après les registres, avoir eu le souci de déposer l'ensemble de sa production. Les plus réguliers sont Maradan et Le Prieur, éditeurs de romans en vogue, Buisson (livres de politique, d'histoire et de voyages), Agasse et Plassan (ouvrages scientifiques). La contribution des bibliothécaires au bon fonctionnement de l'institution mérite d'être soulignée. Il est fréquent de les voir réclamer le dépôt à des directeurs de journaux ou à des éditeurs, et l'on voit souvent Van Praët venir lui-même apporter à la Bibliothèque des ouvrages nouvellement parus.

Les grandes institutions déposent avec irrégularité, mais il n'est pas rare de voir le Comité de salut public, le Comité d'Instruction publique, le ministère de l'Intérieur envoyer leurs publications ou retransmettre à la Bibliothèque des ouvrages qu'ils avaient reçus en dons. Mais on ne note pratiquement aucun dépôt de l'Imprimerie nationale, ce que déplorent les conservateurs.

Les dépôts d'auteurs ou d'éditeurs provinciaux sont plus rares. Il est intéressant de noter ceux effectués par des auteurs ou des éditeurs étrangers, soit à l'occasion d'un voyage à Paris, soit par l'intermédiaire d'un libraire parisien. Enfin des diplomates, tel François Cacault, ambassadeur en Toscane, contribuent à l'accroissement des collections en envoyant régulièrement des ouvrages étrangers.

Quand ce dépôt était-il effectué ? Les délais semblent avoir varié, tantôt juste avant la mise en vente, tantôt plusieurs mois ou années après, à l'occasion d'un autre dépôt. On note que dans les premiers temps de l'application de la loi sont déposés en assez grand nombre des ouvrages publiés depuis plusieurs années, parfois sous l'Ancien Régime. C'est également à cette époque que certains éditeurs ou certains auteurs, peut-être sceptiques sur l'efficacité de la Loi, prennent l'habitude d'en imprimer à la première page de l'ouvrage quelques extraits significatifs suivis de leur signature (voir n° 12). Cette pratique apparue vers 1795, s'est répandue au début de l'Empire. B. Blasselle, V. Tesnière

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Journal de la Montagne

Paris, 1793. – Tome II (n° 1 du 24 brumaire an II au n° 164 du 7 floréal an II).

Imprimés. 4° Lc 2. 786.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : A. Martin et G. Walter, Catalogue de l'histoire de la Révolution française : journaux et almanachs, Paris, 1943, p. 282-283.

Le journal de la Montagne est l'un des rares journaux de clubs révolutionnaires qui ait été conservé jusqu'à nos jours. La plupart de ces feuilles quotidiennes éphémères ont en effet disparu. Ce titre parut du 1er juin 1793 au 28 brumaire an III (18 novembre 1794) chaque jour en livraisons de quatre à huit pages, à l'Imprimerie du Journal de la Montagne et de la Société des Jacobins. Son principal rédacteur, Laveaux (1749-1827), lexicographe, travailla longtemps à la cour de Frédéric II de Prusse avant de revenir dès le début de la Révolution à Strasbourg où il publie avec le libraire Treubell le Courrier de Strasbourg. Jacobin ardent, il est emprisonné puis relâché sur la pression des clubs. C'est alors qu'il vient à Paris où il se livre quotidiennement à des attaques très virulentes contre les fonctionnaires et officiers. La polémique est telle qu'il est de nouveau arrêté à plusieurs reprises et chaque fois libéré sur l'intervention du Club des Jacobins. Une attaque plus violente d'Hébert, mécontent de cette publication qui lui fait concurrence, l'incite à se retirer. Après la Révolution, il retournera à ses premiers travaux. L'autre principal collaborateur est Thomas Rousseau, déjà signalé comme pamphlétaire avant 1789, archiviste de la société des Jacobins.

Le volume exposé est de provenance très composite. Il a été estampillé et relié après coup comme beaucoup de ces feuilles périodiques volantes auxquelles on n'attacha d'intérêt qu'assez tardivement. La série fut complétée ensuite par des acquisitions ponctuelles dans les collections Hennequin et La Bédoyère mais un certain nombre de numéros arrivèrent par dépôt légal, comme en témoigne cette rare et intéressante lettre (non datée) de Van Praet aux rédacteurs (Arch. B.N.,

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carton CCXCI) « Je t'invite, citoyen, au nom du bien public, à envoyer à la Bibliothèque Nationale le journal dont tu es rédacteur et à joindre […] les numéros qui ont paru à ce jour. Il est d'un bon

patriote de s'empresser à enrichir des meilleurs journaux républicains un dépôt aussi souvent consulté par le public et même par les comités de la Convention nationale ».

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L'exhortation est à rapprocher de celle de Villebrune adressée à Le Doux, directeur du Journal de Paris, et à laquelle celui-ci répondait le 6 pluviôse an II (25janvier 1794) : « Il nous serait très

difficile, Citoyen, de te satisfaire sur le complément des numéros qui te manquent depuis l'époque que tu nous désignes, à l'égard de la continuation du service gratuit à la Bibliothèque, tu as

oublié que l'envoi précédent était un droit féodal et qu'il est dangereux et de l'exiger et même de l'accorder.

« Nous pensons qu'il peut être avantageux, dans un établissement public qui possède la collection complette [sic], de continuer à recevoir, mais d'autres établissements du même genre, et nous ne citerons que la Bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés, ont suscrit pour pouvoir continuer leur collection. Ces frais, qui ne sont point ruineux, se prennent sur les fonds destinés aux menus frais de l'établissement.

« L'énormité de nos dépenses actuelles nous force de regarder plus attentivement ces sortes de générosités. Cependant nous ne te dissimulons pas qu'en notre qualité de littérateur et par suite de notre attachement pour le précieux dépôt qui t'est confié, nous reprendrons l'envoi gratuit si tu persévères à nous le demander. Tu calculeras dans ta sagesse, non pas s'il est intéressant que la Bibliothèque soit alimentée, mais si elle doit l'être aux dépens des individus qui produisent. Si tu le juges ainsi, l'envoi suivra de près ta réponse. Salut et fraternité ».

Ces lettres montrent bien que la question du dépôt légal des publications n'a pas fondamentalement changé de nature entre la Révolution et aujourd'hui.

V. Tesnière

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Almanach du Républicain pour l'an deuxième de la République française, une et indivisible

Paris, 1793-1794. – 2 feuilles volantes.

Imprimés. 4° Lc 22. 54 bis.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : B. Baczko, « Le Calendrier républicain :

décréter l'éternité » dans Les Lieux de mémoire : la République, Paris, 1984, p. 38-83. – J. Grand-Carteret,

Grand-Carteret, Almanachsfrançais (1600-1895), Paris, 1896. – A. Martin et G. Walter, Catalogue de l'histoire de la Révolution française : journaux et almanachs, Paris, 1943, p. 608. – M. Sonnet, « Les Almanachs politiques parus pendant la Révolution française », dans Bulletin des bibliothèques de France, XXV (1980), n" 1. p. 5-10. – H. Welschinger. Les Almanachs de la Révolution, Paris. 1884.

Les deux feuilles qui composent l'Almanach du Républicain pour l'an deuxième de la

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République française…, de l'imprimerie de la société typographique des Trois Amis (rue Saint-Jacques, n°61) ont été déposées le 26 brumaire de l'an II par les libraires Guiard et Veuve Langlois, le premier éditeur, la seconde dépositaire. Ils ont été conservés dans cet état précaire jusqu'à nos jours, estampillés tardivement sous la Restauration, comme la plupart des pièces et recueils arrivés alors. La rareté du fait est à souligner d'autant plus que sur les nombreux almanachs politiques, genre inédit éclos sous la Révolution, un pourcentage infime est parvenu aussi directement.

La réforme du calendrier est confiée au comité d'Instruction publique de la Convention en 1793. Un rapport de Gilbert Romme, député du Puy-de-Dôme, inspiré par l'astronome Lalande, en pose les premiers principes. C'est alors qu'est adoptée la date du début de l'ère républicaine, le 22 septembre 1792, correspondant à l'équinoxe d'automne. Le but est de rationaliser les cadres de la vie quoti dienne en prolongeant et achevant la

réforme des poids et mesures. Pour cela, on décide d'accorder l'année avec les mouvements célestes et de mesurer le temps par des calculs exacts fondés sur l'application du système décimal. Ce principe posé, les débats s'enveniment sur les dénominations des mois et des jours. Les propositions de Fabre d'Eglantine finissent par l'emporter en octobre 1793.

Le dépôt de ce calendrier, actuellement peu connu, précède de quelques jours le décret définitif du 24 novembre 1794. Il ne fait que reprendre le titre d'une publication lancée la même année, au coeur de la discussion, par Sylvain Maréchal qui, fort du succès de l'Almanach des honnêtes gens, récidive et propose ses propres dénominations pour les mois et les jours, baptisant ceux-ci de manière pittoresque de noms d'hommes célèbres. Rousseau-Jacquin et Etienne Dupin agissent de même et offrent en juin à leurs concitoyens, sous un titre identique, une galerie philosophique d'hommes illustres. Bien d'autres tentatives de réforme du calendrier, plus ou moins fantaisistes,

voient le jour également à ce moment. Les deux feuilles que l'on expose ont une autre ambition. Destinées à propager avec rapidité et efficacité les principes de la nouvelle ère, elles ont un aspect modeste. Pas d'illustrations, sinon en vignette (bonnet phrygien au bout d'une pique au centre d'un médaillon encadré de symboles républicains). C'est un aide-mémoire qui joue sur deux registres : il apprend aux citoyens jours et mois mais il leur enseigne aussi à vénérer les commandements de la République et de la Liberté. Aux conclusions du rapport de Romme (« C'est aux Français de la nouvelle ère qu'il appartient de faire servir le calendrier, de propager le vrai, le juste, l'utile en faisant aimer la patrie et tout ce qui peut assurer sa prospérité ») répondent « Français, ton pays défendras afin de vivre librement » ou encore « Les loix, les vertus soutiendras même s'il le faut de ton sang ». Tandis que les six commandements de la liberté se réfèrent aux vertus de la démocratie, les autres prescriptions rappellent, s'il en est besoin, que la loi des suspects vient d'être votée : « Le bien des fuyards verseras sur le Sans-culotte indigent ». V. Tesnière

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Abeille (l') française

Paris. 1797. – Un volume in-8°. – Reliure XVIIIe s. Imprimés. 8°. Lc 2. 821 A.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : E. Hatin. Bibliographie historique et critique de la presse périodique française, Paris, 1866, p. 243. – A. Martin et G. Walter. Catalogue de l'histoire de la Révolution française : journaux et almanachs, Paris, 1943. p. 34 et 576. – M. Tourneux, Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution française. I, p. 123. 140. 142, 148.

C'est l'auteur, Edmond Cordier de Saint-Firmin, qui effectue lui-même le dépôt à la Bibliothèque Nationale de son ouvrage périodique l'Abeille française le 2 prairial an V. Le volume qui est une réédition, a été estampillé et relié immédiatement. Il se présente comme un recueil de morceaux choisis, non datés, d'écrivains destiné à l'édification de la jeunesse à qui l'on vante les vertus républicaines. Il se distin-

gue de l'édition originale, de l'Imprimerie française de Mnémozyne (quai des Miramionnes, n° 16), composé de cahiers mensuels de cinquante pages environ chacun, parus de messidor an II à frimaire an III. La première édition ne figure pas dans les registres du Dépôt légal. Le dernier dépôt signalé le 24 floréal an VII correspond au troisième et dernier recueil publié sous ce titre par E. Cordier.

Se donnant le titre d'abbé mais n'ayant pas embrassé l'état ecclésiastique, E. Cordier essaie surtout de vivre de sa plume tant bien que mal. Franc-maçon actif, il publie jusqu'en 1792 les comptes rend us de la loge des Neuf-soeurs à laquelle il appartient comme Voltaire. Dès l'ouverture des Etats généraux, il publie plusieurs brochures favorables aux principes de la Révolution. Il se tait pendant la Terreur et recommence à écrire à la chute de Robespierre, sans en

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tirer une gloire inoubliable. On relève ainsi à titre indicatif dans sa production littéraire Il vaut mieux prévenir le crime que le guérir (1800), Pensées sur Dieu, sur l'immortalité de l'âme et sur la religion (1802), etc.

L'Abeille française, compilation moralisante, reflète toutefois bien la production courante des journalistes sous la Révolution. Le genre était apprécié. En voici pour preuve un jugement paru dans le n° 42 de L'Orateur du peuple (tome VII bis, 19 frimaire II) « C'est une très bonne manière de présenter à la jeunesse des auteurs qui ont souvent placé l'erreur à côté de la vérité. Cette entreprise est digne du patriotisme connu de Cordier ». Il faut ajouter enfin une mention particulière pour l'article « Homme de lettres citoyen » où l'auteur cite avec à propos cette peinture de sa propre condition : « Le véritable homme de lettres est donc vertueux, son âme est pure, sa probité est austère. Si les richesses s'offrent à lui, il s'honore par leur usage ; si elles s'éloignent, il s'honore par sa pauvreté ; souvent même, il dédaigne la fortune qui le cherche »(p. 305). V. Tesnière

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Bibliothèque physico-économique,

physico-économique, et amusante

Paris, 1794-1795. – 2 volumes in-12. – Reliure XVIIIe s.

Imprimés. S. 18924 (2) et 18925 (1).

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : E. Hatin, Bibliographie historique et critique de la presse périodique française, 1866. p. 51. – A. Martin et G. Walter. Catalogue de l'histoire de la Révolution française : journaux et almanachs, Paris. 1943. p. 134. –

Dictionnaire des journalistes (1600-1789). sous la dir. de J. Sgard. Paris, 1987. V. p. 125-127.

« Il est impossible d'apprécier le degré d'utilité de cet ouvrage, qui est écrit d'un style simple et par conséquent toujours intelligible et propre à bien graver dans la mémoire les importants objets qu'il traite : on peut le placer à côté de la Maison rustique, et il doit être surtout très nécessaire aux personnes qui habitent la

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campagne ou la province ». Cette revue de vulgarisation agronomique bénéficie d'un excellent crédit auprès des contemporains, comme le montre cette critique, parue dans le Journal général de France (1791, tome I, p. 493). La personnalité des deux rédacteurs de la première série parue de 1782 à 1796 (24 volumes) y entre pour une bonne part. Antoine-Augustin Parmentier (1737-1813), connu pour la réhabilitation qu'il fit de la pomme de terre, se consacre à propager bien d'autres principes de nutrition et d'hygiène, utilisant avec art les ressources de la presse. Il collabore activement ainsi à la Feuille du cultivateur, au Journal de physique, aux Annales de chimie, au Journal et bulletin de pharmacie, etc. Il s'est adjoint pour la Bibliothèque physico-économique Nicolas Deyeux (1753-1837), de formation identique, qui devient ensuite pharmacien de l'Empereur grâce à Corvisart. La deuxième série de cette revue paraît de 1802 à 1816 (28 volumes rédigés par Sonnini et Denys de Montfort) ; la troi12

troi12

sième de 1817 à 1826 (20 volumes par Thiébaut de Bernaud).

La première série est intéressante à plus d'un titre. Exemple d'un dépôt fait régulièrement à la Bibliothèque Nationale par le libraire-imprimeur Buisson jusqu'en 1796, c'est aussi un périodique qui a été rapidement traité dès son arrivée, bénéficiant d'une reliure soignée et homogène. De 1782 à 1789, les volumes sont recouverts de maroquin rouge aux armes royales ; dès 1790, on passe à une reliure aux fers de la bibliothèque nouvellement rebaptisée. Ce traitement régulier est le signe de l'intérêt attaché à la publication. Par ailleurs, le volume II de 1794 offre un bon indice de l'accueil réservé par les métiers du livre à la loi du 19 juillet 1793 sur le dépôt légal. En effet, Buisson y fait imprimer au verso de la page de titre, après avoir rappelé les principales dispositions du texte en question, la déclaration suivante : « Je place la présente édition sous la sauvegarde des loix et la probité des citoyens. Je déclare que je poursuivrai

devant les tribunaux tout contrefacteur, distributeur ou débitant d'édition contrefaite. J'assure même au citoyen qui me fera connaître le contrefacteur, distributeur ou débitant la moitié du dédommagement que la loi accorde ». V. Tesnière

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Le Mois, journal historique, littéraire et critique, avec figures, par une

Société de Gens de Lettres.

Paris, 1799 (tomes 1 et II de germinal an VII à

vendémiaire an VIII, nos 1 à 6). – Reliure d'époque révolutionnaire.

Imprimés. Rés. p. Z. 877.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : R. Colas, Bibliographie générale du costume et de la mode, 1933. – R. Gaudriault, Répertoire de la gravure de mode française des origines à 1815, 1988, p. 286-288. –

R. Gaudriault, La gravure de mode féminine en France, 1983, p. 44-45, 173, 181. – M. Hébert et Y. Sjoberg, Inventaire du fonds français : graveurs du XVIIIe siècle, X, 1970, p. 451-454 et XII, 1973, p. 264-276. – J. Renouvier, Histoire de l'art pendant la Révolution, 1863, p. 249-250 et 470-478. – E. Sullerot, Histoire de la presse féminine en France des origines à 1848, 1966, p. 74.

A partir de 1794, revues et recueils de modes cessent de paraître en France. C'est en 1797 que se situe leur renaissance. A cette date sont lancés plusieurs titres qui ont connu des fortunes diverses. Un seul survit, absorbant presque tous ses concurrents : le célèbre Journal des dames et des modes, de La Mésangère, officiel sans rival du bon goût sous l'Empire, qui se maintient jusqu'en 1831. Au printemps de l'an V, rivalisent le Journal des modes et des nouveautés du libraire Gosset, le Tableau général du goût, des modes et des costumes de Paris par « une société d'artistes et de gens de lettres » devenu ensuite la Correspondance des Dames et le Messager des Dames. Tous ont eu une existence éphémère.

Le Mois ne fait pas exception à la règle : il a paru de germinal an VII à vendémiaire an IX, soit 17 numéros. Il est édité aussi par une « société de gens de lettres »(Paris, rue des Droits de l'Homme, n° 44) dont l'anonymat n'a pas été percé à jour. On sait toutefois que le libraire qui a effectué le dépôt régulier à la Bibliothèque Nationale est Cholet. La crainte de la contrefaçon, encore une fois,

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l'a vraisemblablement poussé à agir ainsi : le journal contient en effet plu sieurs avertissements à cet endroit, montrant qu'il a dû être imité. C'est l'un des rares cas de recueils de mode arrivé par cette voie régulière à la Bibliothèque, comme l'attestent les estampilles et la reliure très bien conservée portant les fers de l'époque révolutionnaire.

On est plus renseigné sur le graveur des très belles planches de mode (eau-forte rehaussée) qu'il contient, grâce à La Mésangère qui, dans le Journal des Dames (1818, p. 362) l'identifie comme étant L. Labrousse. Il assure que les premières estampes ont été calquées sur sa propre publication, que leur auteur fit des dessins pour les autres numéros du Mois et les grava. Originaire de Bordeaux, Labrousse a été le principal collaborateur d'un prolifique homme de lettres, Grasset de Saint-Sauveur, par ailleurs diplomate et graveur, spécialisé dans les ouvrages documentaires et les romans exotiques. De leur production, la postérité a retenu

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les Costumes des représentants du peuple (1795) et les Fastes du peuple français en tableaux raisonnés de toutes les actions héroïques et civiques du soldat et du citoyen français (1796). Une loi complémentaire à la Constitution de l'an III réglait en effet les costumes des législateurs, directeurs et autres fonctionnaires publics et des estampes représentant les modèles devaient être jointes aux textes des lois et diffusées. Toutefois, le retour en force, sous le Directoire puis le Consulat, de l'élégance qui régit tout, des toilettes aux meubles et objets quotidiens, trouve sa meilleure expression dans les recueils de mode courants dont le public raffole bien plus que des publications officielles. Ainsi Le Mois offre sur un total de 28 planches une dizaine de modèles tel ce jeune élégant en redingote et pantalon collant ou encore cette coquette présentant des chapeaux. La revue présente aussi des décors d'intérieurs ou de théâtre et des échantillons de tissus. V. Tesnière

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Année (l') théâtrale, ou Almanach des spectacles de Paris pour

l'an VIII ; rédigée par un

Observateur impartial.

Paris, 1799-1800. – Un volume in-16. – Reliure

XVIIIe siècle.

Imprimés. Yf. 1890.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : L. Andriès, « L'Illustration dans les almanachs révolutionnaires ou le triomphe de l'allégorie », dans Images de la Révolution française, Paris, 1988, p. 299-306.

– A.-A. Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes,

Paris, 1872. p. 107. – J. Grand-Carteret, Les

Almanachsfrançais (1600-1895), Paris, 1896. –

M. Tourneux, Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, Paris, 1900, III. p. 689-690.

L'Année théâtrale relève de la production courante du XVIIIe siècle, marquée par la multiplication des petits formats de genres aussi divers que les calendriers historiques, les almanachs bibliographiques, les recueils de rébus ou de proverbes, les annuaires industriels et les agendas de théâtre. La miniaturisation

des volumes s'est accrue après 1750. Le style grivois, de plus en plus prisé, s'adresse aussi bien à une clientèle populaire qu'à une clientèle aisée. Celle-ci est particulièrement friande d'almanachs galants à figures gravées par des maîtres vignettistes. Les principaux libraires spécialisés à Paris sont alors Valleyre, Cailleau, Valade, Duchesne, Grangé, Gueffier, Fournier, Desnos, etc. La Révolution, pendant la Terreur, met entre parenthèses toute cette production, qui refleurit subitement sous le Directoire.

André-Charles Cailleau (1731-1798), imprimeur-libraire chez qui l'on trouve l'Année théâtrale (rue de la Harpe, n° 461) est aussi l'auteur de plusieurs petites pièces à succès qu'il édite lui-même, sans compter diverses « Etrennes » qu'il donne régulièrement au public depuis 1750. Sous la Révolution, il écrit un Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares, supplanté par Brunet. Barbier attribue également à la production de sa librairie, dont l'activité semble s'être poursuivie quelque temps après son décès, un Almanach des rentiers dédié aux affamés pour leur servir de passe-temps paru en 1800. Le premier volume de l'Année théâtrale, daté de l'an VIII, est sorti dans les mêmes conditions mais l'ouvrage, qui continue à paraître jusqu'en l'an XII (1803-1804) se trouve ensuite chez le libraire Courcier, après un bref intermède chez Dupont. Il est à noter que Cailleau avait publié déjà en 1790 et en 1793 un Almanach des spectacles.

L'Almanach des spectacles de Paris, dit l'avertissement de l'éditeur, « contiendra toujours une notice exacte des ouvrages nouveaux qui auront été joués dans le cours de l'année, les noms des acteurs et actrices de Paris ; un examen critique des pièces et de ceux qui les représentent ; la nécrologie des auteurs morts ; les lois et arrêtés relatifs aux spectacles ou aux propriétés dramatiques ; enfin des anecdotes sur tout ce qui regarde le théâtre. Il y aura toujours en tête du livre une gravure qui représentera l'événement le plus remarquable arrivé dans l'année. Ainsi, pour cette fois, nous n'avons pas trouvé sujet plus important, que l'incendie

l'incendie la salle de l'Odéon (le 18 mars 1799). Nous l'avons choisi exprès pour rappeller (sic) aux amis des arts la perte immense qu'ils ont faite ». L'ouvrage comporte en outre un calendrier, certes révolutionnaire, mais particularité à signaler, où les noms des saints figurent à nouveau. Le volume exposé porte l'estampille révolutionnaire et la mention : « Les exemplaires ont été fournis à la Bibliothèque Nationale ». Le fait est corroboré par les données des registres correspondants. Cette phrase, destinée à se prémunir contre d'éventuelles contrefaçons, se retrouve en effet sur un grand nombre d'ouvrages du même type. V. Tesnière

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Almanach des honnêtes gens pour l'an VIII, dédié aux belles par un déporté ; avec la pronostication pour chaque mois, envoyée à l'auteur par Me Mathieu Laensbergh,

mathématicien.

[Paris], 1799-1800. – Un volume in-16. – Reliure

XVIIIe siècle.

Imprimés. Ye. 10859.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : L. Andriès, « L'Illustration dans les almanachs révolutionnaires ou le triomphe de l'allégorie », dans Images de la Révolution française, Paris, 1988, p. 299-306.

– A.-A. Barbier. Dictionnaire des ouvrages anonymes,

Paris, 1872, p. 107. – J. Grand-Carteret, Les

Almanachs français (1600-1895), Paris, 1896, p. 339. –

A. Martin et G. Walter, Catalogue de l'histoire de la

Révolution française : journaux et almanachs, Paris, 1943,

p. 601. – M. Sonnet, « Les Almanachs parus

pendant la Révolution française », dans Bulletin des

bibliothèques de France, XXV (1980), 1, p. 5-10. –

H. Welschinger. Les Almanachs de la Révolution, Paris,

1884. p. 1-7,71,95, 110.

Encore un exemple de la renaissance des almanachs traditionnels sous le Directoire

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que cet Almanach des honnêtes gens. Ils arrivent en effet alors en quantité à la Bibliothèque Nationale par la voie du Dépôt légal. A contrario, on voit à quel point les entrées régulières ont été désorganisées auparavant puisqu'il est presque impossible de retrouver dans les registres correspondants des titres d'almanachs politiques révolutionnaires, apparus en 1789 et dont une centaine a été recensée et identifiée.

On le regrette d'autant plus qu'il eut été intéressant de présenter le modèle républicain dont s'inspire celui-ci : l'Almanach des honnêtes gens de Sylvain Maréchal. Le premier que rédige sous ce titre ce bibliothécaire du collège Mazarin en rupture de ban paraît en 1788, « an premier du règne de la Raison ». Il propose déjà une réforme du calendrier, substituant des « honnêtes gens » aux saints. Condamné pour cette audace, Maréchal profite de la liberté de la presse proclamée à la Révolution pour donner plusieurs rééditions de son almanach avec commentaires (1789, 1791, 1792 et 1793). L'ouvrage connaît une vogue extraordinaire et de nombreuses imitations (Etrennes des patriotes, Portefeuille des patriotes, Etrennes à la Vérité, Triomphe de la Liberté et de l'Egalité). Certains reprennent sans vergogne le même titre, tel celui de 1797, subitement réactionnaire, ou encore celui de 1799, que l'on expose ici.

Signé « un déporté » à « Cayenne », il a en fait été écrit par J.-L. Cotinet, d'après Barbier. Dans un esprit de totale dérision caractéristique du style des almanachs du Directoire, l'ouvrage offre un curieux amalgame de références. La plus amusante est l'allusion à Mathieu Laensbergh qui renvoie à un type archaïque d'almanachs donnant des prédictions astronomiques, toujours édités néanmoins pendant la Révolution (Le Grand Messager boiteux, l'Almanach des Bergers, le Mathieu Laensberg). L'auteur reconnaît dans son avertissement qu'il s'agit en l'occurrence d'« une facétie qui n'a d'autre but que de prêter à rire ». Mais si le livret est composé de couplets et d'épigrammes galants, il contient aussi des satires politiques en cet après-18 brumaire. Le frontispice ironisant sur « la

pauvre république » donne le ton d'emblée. Mais il y a bien d'autres railleries, comme celle-ci sur les démagogues devenus courtisans de Bonaparte :

« Je ne suis point né délicat, J'ai l'âme sordide et commune, J'ai trompé le peuple et l'Etat, Pour accélérer ma fortune ». V. Tesnière

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Pigault-Lebrun (Charles-Antoine Guillaume Pigault de l'Epinoy, dit) Angélique et Jeanneton de la place Maubert, par Pigault-Lebrun.

Paris, J.-N. Barba, an septième. Deux tomes en un vol. in-12.

Imprimés Y 2. 59125-59126.

Prov. : Dépôt légal.

Après avoir remporté quelques succès en tant qu'auteur dramatique (Le Pessimiste, 1789 ; Charles et Caroline, 1790), Pigault-Lebrun (1753-1835) conquit la célébrité

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avec son premier roman, L'Enfant du carnaval (1794). Mis en vente pour le prix de trois francs en mai 1799, Angélique et Jeanneton est le troisième d'une longue série dont les fréquentes rééditions tout au long du XIXe siècle attestent la large audience. Nous sommes là aux sources du roman populaire français dont les représentants les plus féconds et les plus lus sont alors Pigault-Lebrun et Ducray-Duminil, qui préfigurent les Paul de Kock, les Ponson du Terrail et autres Dumas.

L'éditeur de la plupart des oeuvres théâtrales et romanesques de Pigault-Lebrun fut Jean-Noël Barba, qui s'installera au Palais-Royal et qui était spécialisé dans le théâtre et le roman léger. Il écrira lui-même une Vie et aventures de Pigault-Lebrun (1836), en hommage à celui qui lui fit gagner tant d'argent. Pendant la Restauration, il sera emprisonné quelques jours en 1825 pour avoir réédité (pour la seizième fois !) L'Enfant du carnaval.

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François René de Chateaubriand

Atala, ou les amours de deux sauvages dans le désert.

Paris, imprimerie de Migneret, an IX-1801. In-12.

Imprimés. Rés. Y 2. 3595.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : L. Hogu, « La publication d'Atala et l'opinion des contemporains », dans Revue des Facultés catholiques de l'Ouest, 1913. – A. Weil, « Les premières éditions d'Atala », dans Bull. de la Soc. Chateaubriand, 4

(1934).

Mise en vente le 2 ou le 3 avril 1801 chez Matthieu Migneret, la première édition d'Atala est déposée à la Bibliothèque Nationale le 9 avril suivant (19 germinal an IX). Bien accueillie par le public, elle sera suivie de quatre autres la même année et traduite en anglais, allemand et italien. Elle fera également l'objet de plusieurs contrefaçons.

L'accueil de la presse est dans l'ensemble assez favorable (Mercure de France du 6 avril, Gazette de France du 11 avril, Journal des Débats du 17 avril). Mais les critiques portant sur le style, notamment celles émanant de l'abbé

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Morellet, du Publiciste (17 avril) et de l'influente Décade philosophique (30 avril) amènent Chateaubriand à pratiquer de nombreuses corrections dès la troisième édition.

Atala sera ensuite repris dans le Génie du christianisme (publié en avril 1802). B. Blasselle

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Théodore-Pierre Bertin

Miss Glamour, ou les Hommes

dangereux, version libre de l'anglais, par Théodore-Pierre Bertin.

Paris, l'auteur, an IX. 2 tomes en un vol. in-12. Imprimés. Y 2. 17858-17859.

Prov. : Dépôt légal.

L'influence de l'Angleterre sur la production littéraire est particulièrement sensible dans le domaine du « roman noir ». C'est en 1797 que sont publiées les premières traductions des oeuvres d'Ann

Radcliffe et celle du Moine de Lewis. Vers la même date, Ducray-Duminil publie ses premiers romans noirs (Victor ou l'enfant de la forêt). Sans appartenir précisément à ce genre – l'auteur fustige ces « romans du jour. qui, en employant des caractères humains ne nous présentent rien de la nature humaine » – Miss Glamour ou les Hommes dangereux reprend des thèmes caractéristiques de la production romanesque de la fin du XVIIIe siècle. L'édifiante histoire de Miss Glamour « dont la piété filiale, portée jusqu'à l'héroïsme pour un père aveugle et infirme, pour un militaire victime de son noble courage, nous retrace les vertus de l'ancienne Rome », appartient, avec ses personnages stéréotypés, au genre sentimental alors en vogue.

Théodore-Pierre Bertin, « traducteur »(ou auteur ?) de Miss Glamour, est plus connu pour avoir inventé une méthode de sténographie et un genre de reliure dite « au vernis ». Mais pour gagner sa vie, il traduisit un nombre

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étonnant d'ouvrages anglais, souvent pour enfants, prenant soin de déposer lui-même à la Bibliothèque Nationale chacune de ses publications. B. Blasselle

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François-Barnabé Tisset

Vie privée du général

Buonaparte. par F.-B. Tisset.

Paris, les marchands de nouveautés, an VI-1798. In-18.

Imprimés 8" Lb 44. 338. Prov. : Dépôt légal.

Datée de 1798 mais déposée à la Bibliothèque Nationale le 2 octobre 1797, cette brochure a donc été écrite avant la paix de Campoformio (17 octobre). Elle relate les hauts faits militaires de Bonaparte, principalement la campagne d'Italie et reproduit le texte du traité de Tolentino (19 février 1797) et de la proclamation de Bassano (10 mars 1797) « Vous n'avez pas encore tout achevé. De tant d'ennemis qui se coalisèrent pour étouffer la république à sa naissance, l'empereur seul reste devant nous ». L'auteur, s'adressant à son héros, déclare parler « au nom de l'Europe entière qui a les yeux arrêtés sur vous et dont l'admiration met le dernier sceau à votre immortalité ».

Cette brochure, rééditée dans une version augmentée dès janvier 1798, illustre la précocité de la légende napoléonienne. Bonaparte, qui était encore inconnu de l'opinion deux ans auparavant, a profité de ses succès italiens pour se livrer à une intense propagande visant à le faire apparaître comme l'homme providentiel.

François-Barnabé Tisset (1759-1814), imprimeur, s'était rallié avec enthousiasme à la Révolution et à la guillotine. Il a publié diverses brochures au titre significatif, comme par exemple ce Compte rendu aux sans-culottes. par très haute, très puissante et très expéditive dame Guillotine. contenant le nom et le surnom de ceux à qui elle a accordé des passeports pour l'autre monde (an II). Le 22 octobre 1797, il annonce dans un prospectus la parution d'un journal, Le Lynx français, dont

l'objectif est de « démasquer les fripons ». A partir de 1798, Tisset sera utilisé par la police pour surveiller la presse.

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Madame Clément-Hémery

Les femmes vengées de la sottise d'un philosophe du jour, ou réponse au projet de loi de M.S.M. portant défense d'apprendre à lire aux femmes. Par Madame***.

Se vend à Paris, chez Mme Benoist.

Imprimés. R. 24173.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : M. Dommanget, Sylvain Maréchal…, Paris,

1950. – R. Gaudriault, La gravure de modeféminine en France, Paris, 1983.

Le projet de loi sur l'instruction présenté par Chaptal (novembre 1800) prônait la généralisation de l'instruction primaire, mais ne disait pas un mot de l'instruction des filles, ce qui provoqua diverses réactions. Le babouviste Sylvain Maréchal enfonça le clou en publiant un Projet d'une loi portant défense d'apprendre à lire aux femmes. Simple provocation ou proposition sérieuse ? Maréchal en tout cas ne faisait que reprendre, avec esprit, un

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thème déjà ancien et qu'on retrouve dans le reste de son oeuvre.

Deux femmes eurent le courage de répondre, simultanément, en février 1801. Mme Gacon-Dufour produisit une brochure (Contre le projet de loi.) qui ne figure d'ailleurs pas dans les registres du Dépôt légal. Mme Clément publia Les Femmes vengées. Cette brochure, déposée le 17 février et dont rend compte Le Journal de Paris du 18 février, répond point par point aux 113 articles du projet de loi.

Mme Clément née Hémery, qui était alors imprimeur d'après R. Gaudriault, a participé en 1797 à la création du Journal des Dames qui deviendra quelques mois plus tard le Journal des Dames et des modes sous la direction de Pierre de la Mésangère. B. Blasselle

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George Macartney

Voyage dans l'intérieur de la Chine et en Tartarie fait dans les années 1792, 1793, 1794 par Lord

Macartney. rédigé par Sir George Staunton. Traduit de l'anglais avec des notes par J. Castéra.

Paris. F. Buisson. 1798. 4 vol. in-8°. Imprimés. 8°(I-n. 68.

Prov. : Dépôt légal.

Le succès de la littérature de voyage, constant au XVIIIe siècle, ne se dément pas à l'époque révolutionnaire. Si l'on note un goût nouveau pour les pérégrinations à caractère ethnologique à l'intérieur même de la France, les descriptions de régions lointaines et exotiques restent très prisées. Parmi celles-ci, la Chine constitue toujours une destination privilégiée.

Le diplomate anglais George Macartney (1737-1806) fut chargé en 1792 par son gouvernement d'établir des

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relations commerciales avec la Chine. Si l'ambassade échoua sur ce plan, les nombreux récits qui en furent publiés firent connaître ce pays bien mieux qu'il ne l'était jusqu'ici. Le compte rendu le plus complet, rédigé par George Staunton, médecin de Macartney, publié à Londres en 1794, tout en présentant la version officielle des événements, fourmille de renseignements sur les moeurs et les institutions des Chinois. La traduction française établie par Castéra fut publiée en février 1798 et plusieurs fois rééditée dans les années suivantes. B. Blasselle

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Jacques-François Dutrône La Couture

Précis sur la canne et sur

les moyens d'en extraire le suc essentiel. par M. Dutrône La Couture.

Paris, Duplain. 1790. In-8°. Imprimés. S. 14842.

Prov. : Dépôt légal.

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L'esclavage, déjà dénoncé par les philosophes, fut remis en cause par les révolutionnaires, notamment par l'active Société des Amis des Noirs. Mais ils se heurtèrent à l'opposition des négociants et des planteurs des îles, qui estimaient que la survie économique des colonies était à ce prix.

Parmi les adversaires déterminés de l'abolition figure en bonne place Jacques-François Dutrône La Couture (1749-1814). Médecin parti vivre cinq ans dans la partie française de l'île de Saint-Domingue (qui comptait près de 500 000 esclaves noirs), alors la plus prospère des colonies, il expliqua son attitude dans de nombreuses brochures à son retour. L'ouvrage présenté ici, dédié à la colonie de Saint-Domingue, constitue un exposé complet, le meilleur à l'époque, sur la culture de la canne à sucre et sur la fabrication du sucre, auxquelles Dutrône s'était consacré. Il y propose diverses améliorations qu'il avait lui-même expérimentées.

Rappelons que la Convention abolit

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l'esclavage dans les colonies françaises en février 1794 et que la révolte des esclaves de Saint-Domingue aboutit à la proclamation de l'indépendance d'Haïti en 1804. B. Blasselle

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Jean-Louis Baudelocque L'Art des accouchements par M. Baudelocque.

Paris, Méquignon l'aîné, 1796. 3e édition. 2 vol. in-8°. Imprimés. Te 121. 71 B.

Prov. : Dépôt légal.

La médecine bénéficia grandement au XVIIIe siècle du progrès scientifique. L'obstétrique, qui était encore souvent aux mains de sages-femmes prisonnières de pratiques superstitieuses, fit de considérables progrès grâce à des médecins comme Mauriceau et Levret. Elle doit aussi beaucoup à l'enseignement et aux écrits de Jean-Louis Baudelocque (1746-1810), médecin-accoucheur, qui contribua notamment à diffuser l'emploi du forceps. L'Art des accouchements, son ouvrage majeur, publié pour la première fois en 1781, connut plusieurs rééditions chez le même éditeur pendant la Révolution et dans la première moitié du XIXe siècle. Il est illustré de planches, dessinées par Chailly, en nombre limité pour « que le prix de l'ouvrage n'excède pas les moyens de la plupart des étudiants auxquels il est destiné », et parce qu'elles

ne peuvent « suppléer que très imparfaitement aux mannequins et aux fantômes dont on se sert pour les cours d'accouchements ». B. Blasselle

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Bernard-Germain-Etienne de la Ville, comte de Lacépède

Histoire naturelle des poissons, par le comte Lacépède.

Paris, Plassan, an VI-1789-an XI. 5 vol. in-12.

Imprimés. S. 29483.

Prov. : Dépôt légal.

Exp. : Exposition Lacépède, Agen, Bibliothèque

municipale, 1976, catalogue par Marthe Chaumié e Anne-Marie Labit.

Le naturaliste Lacépède (1756-1825) fut un admirateur de Buffon qui le fit nommer garde et sous-démonstrateur au cabinet d'Histoire naturelle en 1785. A sa demande, il s'attache à poursuivre l'Histoire naturelle et publie deux volumes (consacrés aux quadripèdes ovipares et aux serpents) en 1788 et 1789. Au début de l'année 1795, il est nommé professeur pour la chaire de zoologie des reptiles et des poissons puis élu directeur du Muséum. Jusqu'en 1803, il va se consacrer à la publication de son oeuvre maîtresse, L'Histoire naturelle des poissons, dont le premier volume est déposé par son éditeur Plassan en avril 1798. Les quatre suivants paraissent de 1800 à 1803. Pour chacun, une édition in-4° précède de quel23

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ques semaines une édition in-12. L'ouvrage décrit au total 1 463 espèces différentes, dont 369 « n'avaient pas été reconnues par les naturalistes avant la publication de cette Histoire » précise le prospectus publicitaire. Chaque volume illustré de nombreuses planches, est précédé d'une introduction générale situant les poissons dans le cadre de la nature. Pour mener à bien cet ouvrage, Lacépède s'est appuyé sur la documentation rassemblée par Buffon, les dessins exécutés par le naturaliste Philibert Commerson, diverses descriptions de vovageurs et la collection du stathouder de Hollande entrée à cette époque au Muséum.

Déjà élu député de Paris à l'Assemblée législative en 1791, puis sénateur en novembre 1799, Lacépède mena une carrière politique qui prit le dessus sur son activité scientifique après la publication de l'Histoire naturelle des cétacés (1804).

B. Blasselle

Le Dépôt légal protecteur d'inventions

Promulguée le 19 juillet 1793, la loi du Dépôt légal faisait obligation « à tout citoyen qui mettra au jour un ouvrage soit de littérature ou de gravure dans quelque genre que ce soit. d'en déposer deux exemplaires à la Bibliothèque Nationale ou au cabinet des Estampes de la République ». Elle fut respectée presque immédiatement, sans difficulté et avec un zèle qu'éditeurs ou imprimeurs n'avaient pas montré sous l'Ancien Régime.

Quand on examine la nature des « ouvrages » qui ont fait l'objet du dépôt, en grande majorité inspirés d'une iconographie désuète, fort éloignée des idéaux révolutionnaires, on peut légitimement s'étonner d'un tel empressement venant de petits fabricants peu acquis aux idées nouvelles. En regardant de plus près les dispositions de la loi, notamment les cinq alinéas qui précèdent celui où est stipulé le Dépôt légal lui-même, on saisit mieux la volonté du législateur et l'intérêt qu'y ont trouvé les déposants. Sous la monarchie, l'astreinte au versement des ouvrages ayant obtenu le privilège du Roi, était aussi l'assurance pour l'imprimeur, l'éditeur et l'auteur de bénéficier d'une protection face aux contrefacteurs.

Elle le reste dans la loi révolutionnaire, qui élargit la définition de la contrefaçon en la greffant sur la notion du droit des auteurs et de leurs héritiers pendant dix ans, tout en la libérant du privilège, forme détournée de la censure. Cette conception prévaudra jusqu'en 1925, date à laquelle le Dépôt légal cessa de garantir la propriété littéraire ou artistique attachée au document imprimé. L'intitulé même de la loi ne porte pas sur la nécessité du dépôt mais sur « les droits de propriété des auteurs, d'écrits en tout genre, compositeurs de musique, peintres et dessinateurs ».

C'était étendre considérablement à la fois le principe et le champ d'application des dispositions antérieures, en offrant une garantie dont se trouvèrent bénéficiaires non seulement éditeurs ou imprimeurs, mais fabricants de papiers peints et d'éventails, dessinateurs de produits manufacturés (pendules notamment), artistes ayant fourni des dessins préparatoires à la gravure, cartographes. Le Dépôt légal devenait une combinaison de l'ancien privilège du Roi garantissant désormais la création, et du dépôt de brevets d'invention.

Elle stipulait que le déposant devait recevoir du « bibliothécaire un reçu signé », à charge pour ce dernier de tenir un registre exact des pièces entrées. Il est aisé dès l'an III de relever les noms des fabricants et le détail des pièces déposées, dans divers registres conservés aujourd'hui au cabinet des Estampes : celui des Entrées, ou « Relevé des estampes déposées de l'an V à l'an XII », le journal de Joly fils, enfin diverses pièces d'archives récapitulatives comme un « Relevé des dépôts d'éventails et de papiers peints ». On constate ainsi que dès l'an IV le cabinet des Estampes reçut 65 pièces par le Dépôt légal, 95 en l'an V, 200 en l'an VII, 86 en l'an VIII, 3 058 en l'an IX, année de reclassement où beaucoup de documents laissés de côté furent intégrés et qui vit en outre l'arrivée du don Lamotte (2 461 pièces) et de l'échange avec le libraire de Nuremberg Frauenholz (466 pièces), 263 en l'an X.

Tirer des conclusions exactes de ce que nous permettent de connaître les registres du Dépôt légal sous la Révolution est assez délicat. Le caractère léger, voire futile ou carrément contrerévolutionnaire de ce qui est entré au cabinet des Estampes par cette voie, déroute. Cette produc-

tion existait bel et bien, abondamment même. Elle n'était pourtant pas la seule, et des collections comme celles du baron de Vinck ou de Hennin, entrées plus tardivement à la Bibliothèque Nationale, en fournissent la preuve. Il est pourtant difficile de croire que Joly père, puis Joly fils, dont les sympathies n'allaient certes pas aux conventionnels, aient opéré des tris et laissé de côté ou éliminé au mépris de la loi, des documents qui leur répugnaient. On peut imaginer que cette iconographie de propagande, irrégulière en quelque sorte, n'a peut-être pas fait l'objet du Dépôt légal et est restée entre les mains du Comité de salut public, sans que les Joly songeassent à la réclamer.

Une troisième explication s'appuierait sur la conception même de la loi, destinée avant tout à éviter les contrefaçons et protéger la propriété artistique.

A ce titre ce sont les fabricants d'images en série, puisant dans un répertoire ressassé, qui pouvaient y trouver davantage leur compte que ceux qui imprimaient des représentations des scènes historiques contemporaines.

Quoi qu'il en soit, il ne semble pas que le gouvernement révolutionnaire se soit préoccupé au même titre que la monarchie absolue, de surveiller une production iconographique dont l'impact pouvait être considérable et fort utile, ni à plus forte raison de l'engranger. Hommes de théories et d'idées, les Conventionnels n'ont pas dû saisir l'importance de l'image dans la diffusion de celles-ci et se sont manifestement désintéressés de leur intégration au patrimoine national, plus soucieux en fin de compte de la confiscation du passé que de l'assimilation du présent.

F. Fossier

Sources : Estampes. Yc 79 rés. Relevé des estampes déposées de l'an V à l'an XII, registre apocryphe dressé vers 1810. – Ye 10 rés., Agenda dejoly fils pour le département des Estampes (1778-1808). – Ye 1 rés. 1780-1795, dossier 371, Relevé des dépôts d'éventails et de papiers peints.

Estampes et gravures

La gravure originale, bien que numériquement la moins abondante dans les premières années, devint à partir de l'an V la source, avec les éventails et les papiers peints, de la majeure partie des dépôts. Ceux-ci étaient faits par les artistes eux-mêmes ou par l'imprimeur, parfois par les deux ; dans le premier cas, une seule épreuve était déposée, dans le second, deux. Le premier versement de cette nature, du 1er thermidor an III (17 juillet 1795), est très instructif à cet égard : le dessinateur lui-même, Louis Bocquet, et non le graveur J.B. Chapuy, déposa la planche des « Quarante jours d'incendie de la plaine du Cap français » ; le 29 thermidor, l'imprimeur, Cordier, en remit à son tour deux épreuves.

La même année, le 26 vendémiaire (17 octobre), arriva au cabinet des Estampes un envoi du Comité d'Instruction publique provenant de Bordeaux, don d'un certain Lomet (le colonel Antoine-François Lomet, graveur amateur, élève de Senefelder ?) d'une gravure représentant un « autel votif aux dieux tutélaires de Bordeaux » ; c'est le seul cas, pendant toute la période allant de l'an III à l'an X, où le cabinet se soit enrichi d'une pièce non imprimée à Paris. Il n'est pas indifférent de constater que le fait se

produisit juste après la promulgation de la loi, qui d'ailleurs ne dispensait pas explicitement la province du versement. Il semble qu'ensuite elle ne s'y soit plus pliée. La dernière entrée de l'année, le 10 brumaire (1er novembre), ne manque pas d'intérêt non plus : les « Adieux de Louis XVI à sa famille », gravés par Vérité, entraient à la Bibliothèque Nationale en pleine Terreur.

L'an IV se révèle peu intéressant dans le domaine de la gravure originale : Lassus, professeur aux écoles de santé, déposa son portrait gravé par Gaucher, qui de son côté s'était abstenu de le faire ; le 29 messidor (17 juillet), Chateigner, « secrétaire de l'administration municipale du canton de Bruxelles », remit la première livraison des « Tableaux des événements de la Révolution française depuis sa naissance », dépôt qui fut complété le 12 germinal an VI (1er avril 1798), par le versement des 3e, 4e et 5e planches. Un homonyme, imprimeur rue Saint-Jacques, déposa à la même époque, par deux fois, des séries de costumes du Directoire.

Le 12 thermidor an IV (30 juillet 1796), apparaît pour la première fois sur les registres du Dépôt légal, le nom de l'imprimeur Blin, pour deux gravures de Julien Moret. Ce dernier

ne se contenta pas de déposer des gravures, mais aussi des éventails, pour le compte de fabricants comme Coutelier (23 floréal, 25 prairial, 9 messidor an V, été 1797), ou pour le sien propre (23 prairial, 3 messidor, 1er thermidor an VI, été 1798). Blin avait sa boutique 18, rue des Noyères (actuelle place Maubert), Blin le Jeune, 56, rue Galande.

Un autre déposant scrupuleux apparaît dès cette époque : Joseph-Laurent Julien, collaborateur de Moret, versa ses gravures de costumes de représentants du peuple, qu'il compléta le 19 germinal de l'année suivante (8 avril 1797) par sa caricature « Le riche du jour ou le prêteur sur gage ».

Une espèce de régularité s'installe désormais, qui fait apparaître jusqu'à six ou sept fois par an le nom d'un graveur ou d'un imprimeur comme Darcis, la citoyenne Girard (femme, puis veuve de Romain Girard et mère du graveur Alexis-François Girard), ou encore Tresca et Lemonnier. Chacun d'entre eux avait sa spécialité : Louis Darcis gravait plutôt de la gravure de reproduction, après une incursion dans le croquis-charge ; Girard imprimait des portraits ou des scènes royalistes ; Tresca, Bonvallet, Lemonnier gravaient et imprimaient de la caricature. Le 6 nivôse an V (décembre 1798), Darcis déposa « Les Incroyables », le 13 pluviôse, c'est Salvadore Tresca avec les « Croyables au Perron », le 28 pluviôse Darcis avec « L'Anglomane » et les « Merveilleuses » ; le 29, Tresca avec « La folie du jour », puis « Point de convention », « Faisons la paix » ; passée cette date, il disparut des registres, alors qu'il ne mourut qu'en 1815.

La citoyenne Girard, dont l'officine se trouvait 29, rue Barthélémy, actuelle rue d'Orchampt, donnait, elle, plutôt dans l'image contre-révolutionnaire : elle imprima une gravure de Bavarrois, « Séparation de Louis XVI et sa famille », déposée le 21 ventôse, puis deux portraits de la duchesse d'Angoulême et du Dauphin (16 germinal), une planche intitulée « Héroïsme de Guillaume Tell », ainsi il est vrai que le premier portrait gravé de Bonaparte (6 floréal), suivi rapidement d'un second en compagnie de l'archiduc Charles (21 floréal). Le 15 thermidor elle remit deux portraits de Hoche et d'Essed Ali Effendi, ainsi qu'un retirage des « Adieux de Louis XVI », qui avait connu un énorme succès ; le 11 fructidor, une planche intitulée « Cortège de l'ambassade de la Porte ». En l'an VI elle déposa encore quatre fois des portraits, des costumes, des éventails qu'elle s'était mise à imprimer, à l'instar de son collègue Blin.

L'imprimeur Bonvallet apparaît à son tour le 25 floréal an V (14 mai 1797) avec un portrait de Bonaparte, le 3e en deux mois, puis le 11 prairial avec un « Massacre des Français dans la République de Venise » ; l'année suivante, « Triomphe de la Paix entre la République et l'Empereur » et un recueil de costumes du Conseil des Cinq-Cents.

Quant à Lemonnier, il se mit à déposer régulièrement à partir du 12 messidor an V, « Club des chichi », « Entre deux chaises le cul par terre », « Il prit, quitta et reprit le cilice et la hère », « La pelle au cul », « Loterie nationale de l'armée », et ceci jusqu'au milieu de l'an VI.

Tout l'an V et une partie de l'an VI virent fleurir un grand nombre de caricatures, plus rares par la suite, sans doute parce

que le sentiment de soulagement éprouvé au sortir de la Terreur se dissipait peu à peu. Marchand, Laroque, Turpin, Darlet, Lançon, Simon Petit, déposèrent régulièrement au cabinet des Estampes des gravures satiriques aux sujets souvent identiques : le 8 floréal an V, Darlet déposait son « Boeuf à la mode » d'après Callet, suivi de celui de Lançon, le 28. Mais après l'an VI, le dépôt de la gravure originale consista essentiellement en portraits, nous l'avons dit, en scènes historiques ou allégoriques dues à Maignon et Chateigner (« Des efforts de l'impuissance de l'athéisme »), à Berthet (« Serment de Bonaparte », médaillons de Bonaparte, Alexandre, Hannibal et du Cid), à Sergent (« Honneurs rendus au général Marceau »), à François Sauvage, ordinairement imprimeur d'éventails (« Bombardement de Cadix par les Anglais »), et aussi en recueils de costumes, dont ceux de La Mésangère sur des dessins de Desrais (29 frimaire) et ceux de Willemin (16 germinal et 3 fructidor).

La gravure d'interprétation, elle, fut plus constamment représentée dans les versements dès l'an III. Gamble, dont le fils imprima des éventails à partir de l'an VI, et Coypel, « artistes et marchands de gravures », versèrent le 24 thermidor an III (11 août 1795) une série de gravures de la Chaussée d'après Vernet, de Ruotte et Tétar d'après Boizot, de Biosse d'après Vallin, de Coqueret d'après Dutailly, production de charme qui continua de trouver pendant toute la Révolution une clientèle légère et fidèle. Le 26 vendémiaire vit arriver deux autres types de dépôts, une « Offrande à l'Eternel » gravée par Gérard d'après Taillasson, un oeuvre d'Augustin de Saint-Aubin tiré chez Blin. Deux grands domaines constituèrent les versements durant cette période : la gravure d'imitation à sujet galant ou champêtre (Picot d'après Watteau et Lemoyne, Darcis d'après Boilly, Vernet, Isabey, Desnoyers d'après Henry, Demarteau d'après Le Barbier jeune) ; la gravure d'interprétation à sujet antique ou patriotique (Darcis gravant le « Marius à Minturnes » de Drouais, « Ils l'ont pris il faut le rendre » imprimé par Marchant d'après Bosio, portrait de Masséna par Morel d'après Rigo, « le 31 may 1793 » de Tassaert d'après Harriet, et son portrait de Bonaparte d'après Hennequin, « Cérémonie funèbre en l'honneur de Hoche » par Lépine d'après Girardet, « L'Education d'Achille » par Berwic d'après Renard, la « Liberté d'Italie » de Monsaldy d'après Hennequin, la « Nuit du 9 thermidor » de Tassaert d'après Harriet, « L'Aurore » du Guide et « Ariane à Naxos » d'Angelica Kauffmann, gravés par Picot).

Dans l'ordre des dépôts effectués avec l'idée de préservation de la propriété artistique, le nombre des pièces entrées au cabinet des Estampes entre l'an III et l'an VI est plus limité dans un premier temps. Le 29 fructidor an IV (15 septembre 1796), avec un « modèle de chariot monté sur des nouvelles constructions de roues ; les queues dans leur roulage concourent à l'effet des rouleaux sur lesquels on fait ordinairement parcourir les plus gros fardeaux ». Puis Angrand fils déposa le 16 floréal ses modèles dessinés de costumes pour les représentants du peuple ; enfin le ciseleur Larra déposa le 29 fructidor deux modèles de pendule à sujet. Son collègue Debrout donna également, exactement un an plus tard, deux modèles dont un représente « l'Amour rémou-

leur ». En revanche, l'an VI ne vit arriver aucun modèle, alors que le cabinet des Estampes en reçut jusqu'à cinq ou six par an à partir de l'an VII. Seuls deux envois de Vannier, puis de Lefèvre, tous deux employés des postes, l'un pour un calendrier perpétuel, l'autre pour un « Tableau pour convertir les poids décimaux en livres et fractions de la livre », témoignent de ce type d'enrichissement.

Il n'en est pas de même dans le domaine des éventails, où le dépôt prit un essor extraordinaire à partir de l'an VI précisément, constituant environ les deux tiers environ de la totalité des versements. Deux listes extrêmement précieuses conservées dans les archives du cabinet des Estampes nous en fournissent le détail depuis l'an III. Le nom du déposant est précédé d'un numéro d'ordre correspondant à la date précise du dépôt, qu'on retrouve d'ailleurs le plus souvent dans l'Agenda, déjà cité, du département, et suivi du nombre des pièces versées. Dans ce « Relevé des dépôts de papiers peints et éventails depuis l'an III jusqu'à l'an X », deux versements sont signalés pour l'an III, un pour l'an IV, quinze pour l'an V, 39 pour l'an VI. La même liste relève le nom des déposants de papiers peints, mais uniquement à compter de l'an VII.

Pour les éventails on trouve les noms de Dubourg, Talamara, Bance, Lapault, Patrelle, Boistier (sic pour Boissier), Sainton, Turpin, Blin, Benard, Gris, Girard, Vve Tabary, Bonne-ville, Camus, Boulet, Martin, Dodard, Baron, Lemercier, Bayo, Germain, Hurault, Didier, Gamble, Dodard, Fr. Sauvage.

Quant aux papiers peints, pour mémoire, on voit en l'an VII des dépôts effectués par Huber et Dinan, Paulo, Chapuy, Petit, Berthelot, Monchablon, Jacquemart et Benard, Arnoult, Legrand, Richard Bon, Millet, Dubois, Hartmann et Rissler, Rabée, Duserne et cie (Lyon), Soury-Le Chevalier, Robert, Pauquet. Ce sont les noms des principaux fabricants de Paris et de

province ; peu vinrent s'y ajouter jusqu'à l'an X, hormis Chapillon ou Legrand, et les versements se firent avec une régularité à laquelle les fabricants d'éventails, presque exclusivement parisiens, plus nombreux et moins assis dans leur commerce, ne se plièrent pas.

Les scènes représentées sur ces éventails ne manquent pas de surprendre, même si l'on tient compte de la frivolité de l'objet.

Pour deux ou trois modèles où figurent des assignats ou « Wurmser rendant les armes à Napoléon »(dépôt de Blin par Coutelier), combien de pastorales, de scènes galantes, allégoriques ou exotiques ! Le versement de cinq modèles que fit Patrelle le 6 brumaire an V (27 octobre 1796), est assez révélateur sur ce point : une « Course de chevaux anglais », « Une chasse au sanglier », une « Danse espagnole », une « Escarpolette chinoise », un « Mariage cacique ». Aux mêmes dates ses collègues déposaient une « Dame turque devant le Sultan », ou un « Mariage samnite », des « Musiciens et concert espagnols », spécialité partagée de Dodard et Blin. D'autres donnaient dans un genre plus grivois avec un « Jeune à l'anguille », une « Jeune fille offrant des fruits », « Confidence », avant de retrouver les sujets traditionnels de la fable tant exploités au XVIIIe siècle : Renaud et Armide, Jupiter et Léda, Orphée, Achille reconnu, Diane chasseresse, avec des adaptations au goût du jour, comme Paul et Virginie, Némorin et Estelle.

Certaines enfin s'efforçaient de rester dans un style plus noble et moral avec « Sagesse, espérance et maternité », les « Enfants de Mars ramenant la Paix », « L'Amitié éclairée par la Raison », les « Coeurs couronnés », les « Amants électrisés par l'Amour »(sic). Tout cela garde néanmoins un côté badin qui sent sa « douceur de vivre », que l'on retrouve au même degré dans les sujets choisis par les fabricants de papiers peints. F. Fossier

25

25-27

Eventails

Estampes.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : On ne dispose d'aucune étude sur les éventails imprimés pendant la Révolution mais simplement d'aperçus avec H. Bouchot, « L'Histoire par les éventails populaires », dans Lettres et arts, 1885, p. 22-64 et avec H. Frauenberger. Geschichte der Fächer, Leipzig. 1878, 2 vol.

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Bance

Eventail aux assignats (an III).

Taille-douce en 2 couleurs, 180 x 450 mn. Lc 13 n° 7.

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A la date du 23 juin 1796, on lit dans le Journal de Joly : « Cinq messidor an IV. Le citoyen Bance marchand d'estampes conformément à la loi a déposé au département des épreuves d'un nouvel éventail représentant la collection de papiers-monnaye ayant eu cours pendant la Révolution française. » Cette pièce porte le n° d'inventaire 4559.

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« La Montagne enfante

la constitution républicaine », éventail patriotique (an III).

Eau-forte en couleurs avec rehauts d'aquarelles et semis de poudre d'argent, 155 X 470 mm. Lc mat 2.

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Le Rendez-vous, éventail en noir et blanc (an VI).

Eau-forte, 175 X 455 mm. Lc mat 2.

Contrairement aux papiers peints ou au papier monnaie, les éventails imprimés ne furent réunis et classés qu'à partir de l'an VI, chronologiquement et sans nom de fa bricant. Certains noms comme Dubourg, spécialiste de l'éventail rehaussé à l'aquarelle, Talamara, qui travaillait dans le goût étrusque, apparaissent dans le Journal du cabinet des

Estampes, mais sans références d'inventaire.

Parfois un exemplaire type porte la mention « déposé à la Bibliothèque Nationale » La majeure partie des pièces était destinée à être rehaussée à l'aquarelle ou à la gouache et à partir de l'an VI l'usage de la couleur au pochoir, voire de l'eau-forte en couleurs devint de plus en plus fréquent.

Les thèmes choisis là encore ne sont pas nécessairement patriotiques. Bergeries, scènes galantes ou simplement frises et décorations florales ornent principalement ces pièces. F. Fossier

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Benjamin Franklin, papier peint de Zuber.

Estampage et peinture à la détrempe,

795 x 1 000 mm.

Estampes. Li 16 n° 434.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : F. Teynac, P. Nolot et J.D. Vivien, Le Monde du papier peint, Paris, 1881. – J.P. Seguin, Décors panoramiques Zuber (Rixheim, Zuber, s.d.).

Simple employé chez le drapier de Mulhouse Dollfus, Jean Zuber en devint vite l'associé dès 1797 avant de prendre en 1802 la direction de l'affaire sise à Rixheim, qui fonctionne encore de nos jours. S'étant spécialisé dans la fabrication des panoramiques, il eut recours aux artistes paysagistes en vogue à l'époque, comme Mongin, Delteil et Malaine, et fut considéré avec Dufour à Mâcon comme le meilleur fournisseur de l'Empire dans ce domaine.

Le portrait de Franklin entouré de fleurs est une composition de Malaine vraisemblablement, d'après le buste de Houdon ; il date sans doute du début de l'an VII et fut déposé à la Bibliothèque Nationale le 23 messidor sous le numéro de dépôt légal 434, ainsi qu'en témoigne quantité de paraphes au verso de la pièce : y figurent deux cachets, celui du département du Haut-Rhin et celui de l'Administration municipale du canton d'Habsheim accompagné de la signature du délégué cantonal Druin datée de Colmar, la signature du délégué du président du département Madon, nommé Spouy (?) et le numéro d'ordre de versement au dépôt légal. C'est dire avec quel soin celui-ci était fait, même dans le cas de fabriques situées en province. Les versements de cette nature s'opérèrent régulièrement de l'an VII à l'an XII. Par la suite le rétablissement des manufactures d'Etat fut sans doute interprété comme une autorisation tacite de ne plus s'y astreindre ; les versements s'interrompirent donc définitivement.

Le sujet, assez singulier au demeurant dans une production essentiellement décorative était cher à l'idéologie post-thermidorienne et annonce une autre série de panoramiques de Zuber consa28

consa28

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crée à l'indépendance américaine, qui a d'ailleurs été placée dans un des salons de la Maison-Blanche de Washington.

F. Fossier

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Les Noces aldobrandines, papier peint de Monchablon (an VII).

Estampage et peinture à la détrempe, 540 X 970 mm en deux lés.

Estampe. Li 15.

Prov. : Dépôt légal (1799).

Bibl. : La fabrique de Monchablon n'a pas été

étudiée. On se reportera avec fruit à F. Teynac,

P. Nolot et J.D. Vivien, Le Monde du papier peint, Paris, 1981 et à O. Nouvel, Papiers peintsfrançais, 1800-1850,

Paris, 1981.

Moins célèbre que la fabrique de Jacquemart et Bénard, la fabrique de Monchablon située place de l'Estrapade, déposa de l'an VII, date d'instauration de la loi du dépôt légal applicable aux papiers peints, jusqu'à l'an X, des pièces d'excellente facture dont les sujets étaient parfois repris à l'identique par d'autres maisons : c'est le cas ici avec les « Noces aldobrandines », inspirées de la célèbre fresque du Vatican, qu'un concurrent de Monchablon, Legrand, imprimait à Paris au même moment et dans les mêmes coloris. Ce papier peint a été déposé le 7 messidor an VII (25 juin 1799), sous le n° 62.

F. Fossier

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Drapé de soie verte garni de point d'Alençon avec cordelières, papier peint de Jacquemart et Bénard

(an VIII, pièce 1447).

Estampage et peinture à la détrempe,

2 780 x 560 mm en sept lés.

Estampes. Li 17.

Prov. : Dépôt légal (1799). Inventaire n° 4551.

Bibl. : F. Teynac, P. Nolot etj. D. Vivien, Le Monde du papier peint, Paris, 1981.

Née d'une étrange association, celle de Pierre Jacquemart commerçant en toiles peintes installé dans l'hôtel Jabach et du chevalier Eugène Balthazar Crescent Bénard de Moussinières, chef du contentieux de l'hôtel des Fermes et membre du Comité révolutionnaire, la fabrique Jacquemard et Bénard connut une grande

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prospérité durant toute la Révolution pour s'être attribué le monopole de la décoration des salles de spectacles et des fêtes publiques tant à Paris qu'en province. Installée dans les locaux de Réveillon à la Folie-Titon, elle s'était fait une spécialité de l'imitation de tissus qu'elle reproduisait avec une qualité insurpassée. Le chiffre d'affaires de la maison, l'abondance des commandes passées par l'administration, le soin apporté à la fabrication placent la maison Jacquemard et Bénard bien au-dessus de ses rivales parisiennes comme Bon, Hubert et Dinan, Paulot, Chapuy, Legrand ou Berthelot. Elle est aussi à part dans son genre de productions exclusivement décoratives, sans figures, ni scènes, ni même arrangements floraux. Il faut noter dans la pièce présentée ici avec quelle finesse l'Alençon est rendu en superposition de la soie.

On a voulu faire du papier peint, « le porte-parole » de la Révolution pour reprendre l'expression de F. Teynac. S'y retrouvent effectivement beaucoup de trophées, de piques, de faisceaux, de libertés coiffés d'un bonnet phrygien, etc. mais cela ne constitue pas la totalité ni même la majeure partie d'une production restée très libre et plus soucieuse d'effets décoratifs que d'enseignements patriotiques.

Ce papier peint a été déposé à la Bibliothèque Nationale le 8 frimaire an VIII (29 novembre 1799). F. Fossier

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L. Brion de la Tour

Carte de la République française divisée en 85 départements

Paris. Esnauts et Rapilly, 1793. – Carte gravée et coloriée, 4 feuilles assemblées, 1 030 x 1 155 mm. Cartes et plans. Ge. B. 2353.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : M. Pastoureau. « Contrefaçon et plagiat des cartes de géographie et des atlas français de la fin du XVIe au début du XVIII' siècle M. dans Les Presses grises. La Contrefaçon du livre (XVIe-XIXe s.). Paris, 198 p. 275-302.

Sources : Manuscrits. Archives modernes, CXXIX.

Le décret du 19 juillet 1793 proposait aux auteurs une protection contre les contrefacteurs en échange du dépôt de deux

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exemplaires de leurs oeuvres à la Bibliothèque Nationale. Le 26 juillet suivant, Brion de la Tour fut le premier géographe à bénéficier de cette mesure en apportant la carte que voici, comme en témoigne une note manuscrite inscrite dans la marge inférieure et une mention sur le

registre qui fut ouvert pour les cartes de géographie entrées dans ces conditions.

La protection du droit d'auteur était depuis longtemps un problème crucial pour les cartographes. Produite selon la technique de l'estampe et souvent assimilée à celle-ci, la carte était en réalité

beaucoup plus menacée par la contrefaçon puisque le génie artistique n'y entrait que pour une faible part. Sous l'Ancien Régime, plusieurs procès s'étaient donc efforcés de placer les litiges non plus sur le terrain de la gravure et de l'édition, mais sur celui du contenu scientifique des

cartes. Des experts avaient alors été choisis, de préférence au sein des académies, mais la tourmente révolutionnaire vint balayer ces bons principes.

La création des départements, au début de 1790, coïncida avec l'abolition des privilèges d'impression. Les cartes existantes – et en particulier la carte de Cassini – furent donc utilisées sans vergogne comme supports de la nouvelle division administrative. Une concurrence sauvage donna naissance à une floraison de cartes et de petits atlas départementaux que l'évolution des événements intérieurs et extérieurs périmaient rapidement. Dans ce climat d'urgence et de fièvre éditoriale, l'actualité du découpage administratif et du tracé des frontières primait indéniablement sur les travaux de fond de la cartographie. M. Pastoureau

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Edme Verniquet

Plan de la ville de Paris avec sa nouvelle enceinte levé géométriquement sur la méridienne de l'Observatoire, parachevé en 1791.

Paris, 1793-1799. Gravé au burin, 72 feuilles reliées en un volume.

Imprimés. Grand Folio Lk7.6043.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : J. Pronteau, Edme Verniquet (1727-1804) architecte et auteur du « Grand Plan de Paris »(1785-1791), Paris. 1986.

Architecte de formation, E. Verniquet avait acheté en 1774 l'une des quatre charges de commissaire général de la voirie de Paris et avait de ce fait commencé certains levés de plans de rues de la capitale. Une déclaration royale de 1783 ayant enjoint à ces commissaires d'établir des plans des rues de la ville, afin de mettre en oeuvre une véritable politique d'urbanisme – comportant en particulier l'alignement et l'élargissement de certaines voies – il montra un tel enthousiasme pour cette entreprise qu'il en devint le directeur et le responsable sur le plan financier. En 1785, il fit accepter le principe de l'établissement d'un grand plan général de Paris, financé par des

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deniers publics, et il intensifia alors ses levés de plans (1 200 plans pour 2 000 rues environ), effectués de nuit, au flambeau, par une équipe de cinquante à soixante ingénieurs.

La supériorité de ce travail sur tous ceux qui l'ont précédé réside dans les opérations trigonométriques et les calculs de triangulation qui l'accompagnèrent. Pour la première fois, un plan de Paris était en effet raccordé géométriquement à la « méridienne de l'Observatoire » et à sa « perpendiculaire », déterminées avec la plus grande précision par les savants de l'Académie des sciences au début du siècle. Verniquet avait en outre pris soin de faire noter les longueurs des façades ainsi que les noms des propriétaires (et quelquefois ceux des locataires). Son plan devenait ainsi un monument de l'administration municipale et en particulier un préalable à toute réforme fiscale.

Le dessin manuscrit en fut réalisé dans une galerie du couvent des Cordeliers entre 1785 et 1791. On le cloua sur un panneau de bois de chêne de 5,35 X 4,35 m, afin d'éviter toute déformation. Le considérant comme un « objet d'instruction publique », le ministre de l'Intérieur le fit transférer en 1795 à la Bibliothèque Nationale où les propriétaires des maisons et le public en général pourraient venir le consulter librement. Installé dans une salle basse, dite des Antiques, le plan ne tarda pas à souffrir de l'humidité mais les efforts de Verniquet pour le faire transporter en un autre

lieu restèrent vains. Ce n'est qu'en 1808 que le Conseil des Bâtiments civils, rue de Grenelle, fut autorisé à recueillir l'encombrant document. Au milieu du XIXe siècle, on le retrouve à l'Hôtel de Ville où il périt dans les incendies de la Commune.

Il en existait heureusement une copie gravée et publiée en forme d'atlas dont un exemplaire est présenté ici. Verniquet en avait sollicité le privilège d'impression en 1789, espérant que la vente de l'ouvrage le rembourserait de ses importantes mises de fonds. Ses voeux ne furent pas exaucés sur ce point, mais l'utilité du plan gravé se révéla vite incontestable. Il fut distribué à toutes les administrations et servit de base aux travaux de la Commission des Artistes (1793-1797) qui réfléchissait à l'aménagement des propriétés nationales et municipales ; il fut enfin à l'origine du cadastre parisien commencé en 1807.

Les 44 premières feuilles furent déposées en double exemplaire au département des livres imprimés le 26 fructidor an IV (12 septembre 1796). La signature de Verniquet figure au dos de nombreuses planches de cet exemplaire. Deux autres exemplaires du plan furent transmis au département des Estampes par le ministre de l'Intérieur le 8 vendémiaire an VII (29 septembre 1798) à la demande de Joly ; l'un était sur papier de Hollande, l'autre sur papier de France. Le volume est ouvert à la page de titre qui comporte un petit plan de Paris colorié. A gauche, portrait de Verniquet. M. Pastoureau

Le papier-monnaie

Contrairement aux autres catégories de documents iconographiques soumises au dépôt, qui furent immédiatement versées, le papier-monnaie fit l'objet de directives spéciales, ordonnées par Ginguené le 9 thermidor an IV (27 juillet 1796). Il invitait le ministre des Finances à déposer au cabinet des Estampes tous les papiers-monnaies par l'intermédiaire de l'imprimeur Canu. Une lettre du ministre de l'Intérieur, Pierre Bénézech, à Joly, datée du même jour, en fait état : « Sur votre demande, citoyen, écrit Bénézech, j'ai invité le ministre des Finances à mettre à votre disposition la collection de tous les papiers-monnaye émis en France depuis le commencement de la Révolution. ».

Quelques semaines plus tard, les matrices ayant servi à la réalisation de ces papiers-monnaies allaient prendre le même chemin.

Posant le 23 fructidor an IV (8 septembre 1796), une liste de questions administratives au ministre des Finances, Ramel de

Nogaret, les directeurs de la fabrication des promesses de mandats lui avaient notamment demandé quelle serait la destination des matrices d'assignats inutilisées conservées dans leurs locaux, « dont la place naturelle serait, suggéraient-ils, au Conservatoire ». Le ministre avait immédiatement répondu : « Au cabinet des Médailles ». A sa demande, en effet, Bénézech autorisa trois semaines plus tard le conservateur des Médailles de la Bibliothèque Nationale à recevoir ce dépôt. Dans une lettre du 7 vendémiaire an V (28 septembre 1796), adressée au conservateur du cabinet des Médailles à la Bibliothèque Nationale, André Barthélemy de Courçay, il écrivait en effet : « Ces matrices qui sont des chefs-d'oeuvre de l'art sont aussi des médailles de la Révolution ». On conserve au cabinet des Médailles un « Etat des matrices ayant servi à la multiplication des formats solides pour l'impression des diverses coupures d'Assignats Républicains, qui ont été remises par le Directeur des artistes de la fabrication du

Lettre du ministre de l'Intérieur Bénezech, 7 vendémiaire an V

Papier-Monnoye au Cabinet des Médailles et Pierres gravées, conformément à la décision du Ministre des finances du 23 fructidor an IV (8 septembre 1796) ». Une attestation de remise au citoyen Barthélémy, directeur du cabinet des Médailles et Pierres gravées, datée du 13 vendémiaire an V (4 octobre 1796), et signée du directeur des artistes, Reth, est ajoutée au bas de cet état. La liste des matrices remises, énumérées dans l'ordre des valeurs et numérotées de 1 à 12, chacune contenue dans une cassette fermant à clef : 10, 15 et 50 sols ; 5, 10 et 25 livres ; 100 francs ; 125, 500 et 750 livres ; 2 000 et 10 000 francs, accompagnait le relevé.

Le lendemain, Reth déposait également quatorze billets assignats républicains correspondant à ces matrices.

J. Veyrin- Forrer

Sources : Médailles. Archives.

Liste des matrices déposées àla B.N

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Section de la Bibliothèque

Billet de confiance de quarante sols

1791 : taille-douce sur acier, 3 pièces de 70 x 95 mm. Estampes. Pb 10.

Prov. : Dépôt légal.

Bibl. : C. Bloch, « La monnaie et le papier-monnaie. Instruction, recueil de textes et notes », dans Bull. d'histoire économique de la Révolution, 1911, p. 1-2. – J. Lafaurie, « Les assignats et les papiers-monnaie

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émis parles gouvernements révolutionnaires (1790-1798) », dans Bull. de la société historique du papier-monnaie,

papier-monnaie, p. 1-7. – J. Lafaurie, Les assignats et les papiers-monnaie émis par l'Etat au XVIIIe siècle, Paris,

1981.

« Les billets de confiance » émis par quartiers de Paris et destinés à être échangés contre des assignats ou des billets de la « caisse patriotique », se multiplièrent

jusqu'à leur interdiction le 19 décembre 1792 ; furent émis également des billets de la « Compagnie de distribution », de la « Caisse de change », de la « Banque de secours. », des promesses d'assignats de la « caisse d'escompte », sans compter les innombrables effets de commerce qui circulaient parallèlement. La complication de ces systèmes de paiement et le carac33

carac33

tère aléatoire du règlement entraînèrent toutes sortes de contrefaçons.

Les trois pièces présentées ici sont un billet authentique et deux faux saisis et versés au titre du dépôt légal. Ces billets ne connurent qu'une existence assez brève puisqu'ils furent interdits un an après leur parution pour être remplacés soit par des assignats directement hypothéqués sur les domaines nationaux, soit par des bons au porteur (bons de la seconde loterie, bons des Trois-Quarts, mandats territoriaux, etc.), dont l'émission fut aussi assujettie au dépôt légal.

F. Fossier

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Matrices solides Six des matrices solides ayant servi au polytypage (clichage) des « formats d'une seule pièce » pour l'impression des assignats républicains.

Cuivre. Montage sur semelle. Mandrin signé « GRASSAL FECIT ». Médailles (citées selon l'ordre de fabrication. Les numéros sont ceux de la remise au cabinet des Medailles).

Prov. : Dépôt du ministère des Finances (1796).

Bibl. : A.-G. Camus, Histoire et procédés du polytypage et de la stéréotypie, Paris, 7 brumaire an 10 (24 octobre 1801). – M. Grassal, Observations. en réponse au premier paragraphe d'une adresse du sieur Herhan à ses créanciers [et pièces jointes], S.I., après le 20 ventôse an 10 (11 mars 180 1). – J. Lafaurie, Les Assignats et les Papiers-Monnaies émis par l'Etat au XVIII' siècle, Paris, 1981.

Sources : J.-P. Droz, Réflexions. sur la fabrication de tous les Assignats créésjusqu'à cejour. Ms. signé, daté

Nivôse 2e (décembre 1793), Monnaie de Paris, EE. – F.-E. Guillot, Mémoire sur le choix et l'exécution des Elémens des Assignats. Ms. signé, daté 13 frimaire l'an 3e (3 décembre 1794), Monnaie de Paris, EE.

Durant les premiers jours de 1793, la Convention a pris plusieurs décrets concernant la fabrication des assignats républicains, arrêtant notamment un nouveau système administratif et une refonte générale. Place des Piques, dans l'ancien couvent des Capucines où les ateliers ont été centralisés l'année précédente, l'un des trois directeurs, François-Edme Guillot, qui porte le titre de « directeur des artistes », se préoccupe d'améliorer les procédés de multiplication. Il s'agit

essentiellement d'obtenir pour chaque espèce de coupure des billets rigoureusement identiques entre eux, afin de faciliter la détection des faux. Car la composition typographique des assignats renfermant à la fois textes et ornements, parties fixes et éléments mobiles (griffes, numéros), est fort complexe et les procédés traditionnels, tant au moment de la fonte qu'à celui de l'impression, engendrent inévitablement des variations préjudiciables à l'identité souhaitée.

Sous la tutelle de Guillot, l'« artiste mécanicien » Martial Grassal a l'idée de réunir les diverses matrices servant à un même assignat pour en former un bloc unique qui permette d'opérer la fonte d'un seul coup. Au prix de nombreux efforts, il parvient à justifier et calibrer les matrices isolées de l'assignat de 25 livres, puis à les ajuster ensemble, les monter sur une semelle et enfin les enchasser dans un mandrin, fabriquant ainsi une « matrice solide » en cuivre, de dimensions relativement importantes. Dès lors, le principal problème à résoudre est de forcer le métal de fonte à pénétrer dans les cavités d'une

telle matrice. La pression requise est en effet bien supérieure à celle que déploie, à l'aide d'un rapide mouvement du bras qui tient le moule, le fondeur de caractères travaillant avec une matrice ordinaire. Le dispositif que Grassal arrive à mettre au point est une masse de bois à glissière, sorte de mouton portant la matrice à sa partie inférieure, la face tournée vers le bras. La brusque descente verticale du mouton sur un alliage fondu en cours de refroidissement provoque l'enfoncement de la matrice et génère ainsi une plaque de plomb portant l'empreinte en relief de cette matrice, plaque dite « format d'une seule pièce ». Il suffit de répéter l'opération pour multiplier les formats identiques, les « polytyper » ou « clicher ». Une fois montés sur semelles, ceux-ci peuvent être fixés sur les formes typographiques et servir à l'impression. Par mesure de sécurité, il ne devait être fabriqué qu'une seule matrice solide par type d'assignat. « L'art du polytypage en lettres presque aussitôt perfectionné qu'inventé, déclare Guillot à juste titre, marque une place brillante dans l'histoire des arts mécaniques ».

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6. 25 livres

LOI DU 6 juin 1793//L'AN DEUX DE LA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE//Domaines nationaux. //Assignat //de vingt-cinq livres, // 105 x 158 x 23 mm. Griffe A. Jame biffée. Emplacement du numéro de série obturé.

Première en date des matrices solides dont le polytypage fut réussi (vers septembre 1793). Hormis les quatre pièces d'encadrement légendées et le mot « Série », les éléments typographiques sont ceux qui avaient été utilisés pour les assignats de même valeur émis les 16 décembre 1791 et 24 octobre 1792. Poinçons des ornements gravés par Nicolas Gatteaux. Poinçons des caractères gravés par Jean-Baptiste Gérard (un seul pour les quatre lignes en lettres liées).

Joint : Assignat timbré (Lafaurie, 168).

N° 5. 10 livres

LOI DU 24 OCTOBRE 1792//L'AN IR. DE LA

RÉPUBLIQUE/// Domaines nationaux.//Assignat//de dix livres, //…//

101 x 143 x 23 mm. Griffe Taisaud biffée.

Emplacement du numéro de série obturé.

A l'exception de la date inscrite dans l'encadrement supérieur, la composition typographique est celle de l'assignat de même valeur émis le 16 décembre 1791. Ornements de Gatteaux. Poinçons des caractères gravés par Firmin Didot (un pour la date, un pour les quatre lignes en lettres liées).

Joint : Assignat timbré (Lafaurie 161).

2. 15 sols

Loi du 23 mai 1793. L'an 2me de la République.

Domaines nationaux.//Assignat//de quinze sols, //…// // 27 x 44 X 26 mm. Griffe Buttin biffée. Emplacement du numéro de série obturé.

A l'exception de la date inscrite dans deux pièces d'encadrement supérieures, la composition typographique est celle de l'assignat de même valeur émis le 4 janvier 1792. Ornements de Gatteaux. Caractères de Gérard qui avait réutilisé en partie les lettres liées de l'assignat de 25 livres et avait insolitement apposé sa signature : « GÉRARD FECIT ». Celle-ci, très fine, semble avoir été écrasée au polytypage.

Joint : Assignat timbré (Lafaurie, 166).

12. 10 000 francs

ASSIGNAT//de dix mille francs./ /créé le 18 Nivôse l'an 3eme. de la RÉPUBLIQUE (7 janvier 1795)//… // 188 x 286 x 28 mm. Le mot « mille » en acier. Emplacements de la griffe, du numéro de série et du numéro individuel obturés. Talon obturé à l'exception des mots « Série » et « N° ».

Poinçons des ornements gravés par Gatteaux. Poinçons des caractères gravés par Firmin Didot, Jean-Baptiste Gérard et Henri Didot. Cette matrice fut conçue pour un billet de « mille livres » qui devait comporter un talon. Modifiée, elle servit sans talon pour l'assignat de « mille francs » dont l'ajustage fut terminé en frimaire an III (décembre 1794). En germinal an III, elle fut changée en 10 000 francs et fut alors ajustée avec son talon, mais en thermidor an III elle fut remise en 1 000 francs. Enfin en nivose an IV, elle fut à nouveau changée en 10 000 francs, état dans lequel elle apparaît ici.

Poinçons du talon gravés par Gatteaux légende circulaire centrale et les mots « Sûreté », « Union », ces deux derniers imprimés à l'identique par Dupeyrat (recto verso coïncidant, le verso ici en rouge)

Jointe : Epreuve avec talon, timbrée (Lafaurie 177 a).

11. 2 000 francs

ASSIGNAT//de deux mille francs, / //…// créé le 18 Nivôse l'an 3eme. de la RÉPUBLIQUE. //… // 204 X 315 X 28 mm. Emplacements de la griffe, du numéro de série et du numéro individuel obturés. Talon obturé à l'exception des mots « Série » et « N° ».

Poinçons des ornements gravés par Gatteaux. Poinçons des caractères gravés par Firmin Didot, Jean-Baptiste Gérard et Henri Didot. Selon Guillot, on devait commencer l'ajustage de cette matrice en frimaire an III (décembre 1794). « Cet assignat, écrit-il, est pour le moment le terme le plus haut des progrès du Polyty-page en lettres ».

En outre, deux médaillons, l'un à droite gravé en taille-douce par Gatteaux, l'autre à gauche imprimé à l'identique par Dupeyrat.

Jointe : Epreuve non timbrée, avec son talon (Lafaurie, 176 a).

N° 7. 100 francs

ASSIGNAT//de cent francs. //… // Créé le 18 nivôse de l'an 3eme de la République française. // 147 x 188 x 29 mm. Emplacements de la griffe, du numéro de série et du numéro individuel obturés.

Poinçons des ornements gravés par Gatteaux. Poinçons des caractères gravés par Firmin Didot. Dernière des matrices solides polytypées qui donnèrent lieu à une diffusion d'assignats. (Les assignats de 1 franc et de 5 décimes ne furent pas mis en circulation).

Joint : Assignat non timbré (Lafaurie, 173). La griffe est ici celle de Mané, orfèvre appelé à la fabrication des assignats à l'automne 1793 et qui y perfectionna le tour à portrait.

J. Veyrin-Forrer

Les achats

Avant même la Révolution la crise économique, puis les troubles politiques et l'effort de guerre eurent en partie raison des crédits alloués aux acquisitions de toutes sortes nécessaires à l'enrichissement des fonds de la Bibliothèque Nationale. A propos des sommes attribuées par les autorités de l'époque, on se reportera avec bonheur au chapitre V, « La Bibliothèque à l'heure des révolutions », de l'ouvrage de S. Balayé, La Bibliothèque Nationale des origines à 1800, Genève, 1988. Réduite par force, cette activité primordiale que représentent les acquisitions resta malgré tout très vivante dans chaque département de la Bibliothèque, aussi bien pour les acquisitions « courantes » proprement dites de livres de travail, manuels, périodiques, etc., que pour les achats exceptionnels de documents rares et précieux, atteignant des prix très élevés.

Les listes d'acquisitions d'imprimés, les plus nombreuses et les plus complètes, apportent la preuve de cette vitalité. Scrupuleusement tenues par Van Praet lui-même, elles répertorient chronologiquement les titres d'ouvrages achetés, auxquels sont mêlés quelques manuscrits, estampes, etc. Elles en donnent la description bibliographique, le nom du vendeur (libraire, particulier) ou de la vente, et le prix. Quelques acquisitions exceptionnelles figurent sur ces listes. En 1793, Van Praet acheta au libraire parisien de Bure l'édition in-12 du Voltaire de Kehl, en 92 volumes (voir pour l'édition in-8°, le n° 76), pour la coquette somme de 198 livres ; quelques semaines plus tard, le relieur Durand ne recevait « que » 130 livres, somme dérisoire par rapport aux prix actuels, pour le merveilleux manuscrit en deux volumes connu sous le nom de Bréviaire de Belleville (latins 10483-10484), enluminé en 1323-1326 par le grand artiste parisien Jean Pucelle. Mais la plupart des livres achetés aux libraires n'excédaient pas 3 à 9 livres le volume. Seuls les atlas et les cartes géographiques, en général très chers, dépassaient régulièrement les cinquante livres.

Pour toute cette année 1793, les dépenses liées aux achats d'imprimés répertoriés par Van Praet s'élevèrent à près de 11 500 livres. De Bure, fournisseur attitré de la Bibliothèque, s'y taillait la meilleure part. Six ans plus tard, en l'an VI, il l'avait toujours : 13 360,50 francs lui étaient versés, alors que Barrois touchait à peine 5 000 francs. Les mémoires de ses livraisons mentionnaient des

livres français, contemporains ou légèrement antérieurs, mais aussi de nombreux ouvrages étrangers, édités aux quatre coins de l'Europe : Londres bien sûr, Lausanne, Bilbao, Dresde, Florence, Nimègue, etc. Les deux Barrois (dont le plus jeune ne livrait que des livres en anglais, de Londres, d'Edimbourg) et Jean-Claude Molini pour les livres italiens se partageaient à Paris le reste des grands marchés. L'essentiel de la littérature germanique était fournie par Treuttel, installé à Strasbourg.

D'autres marchands apparaissaient périodiquement dans les listes de Van Praet. Imprimeurs-libraires, libraires, commissionnaires en librairie, ils étaient nombreux à entretenir des relations avec la Bibliothèque Nationale : d'abord ceux du quai des Augustins, les deux Barrois susnommés, Fuchs, Pierre-Michel Lamy, Prault, Mérigot (nos 59-61), Magimel (voir p. 108), Grégoire, Santus ; puis Pougens, installé quai Voltaire à côté de l'agence parisienne de Treuttel ; Cuchet, voisin de De Bure rue Serpente ; et ailleurs dans Paris Renouard l'aîné, Mercier, Beaurain, Bailly, Didot. Certains avaient des spécialités. Gravel fournissait principalement des ouvrages de sciences naturelles, de chimie et de médecine, Buisson des estampes, Janssen des livres en néerlandais et en allemand, Thibault (?) des cartes géographiques.

Des achats de livres se faisaient également au Palais-Egalité, dans les échoppes qui encombraient les galeries de bois, supprimées en 1828, de l'actuel Palais-Royal.

De plus, Van Praet achetait directement chez les fabricants et les artistes. En 1793 toujours, des estampes « à sujets révolutionnaires » furent payées au graveur Helmant (Isidore-Stanislas Helman, élève de Le Bas, 1743-1806/1809), installé rue Saint-Honoré.

Jusqu'à la fin de la période révolutionnaire, on trouve la trace d'abonnements adressés aux directeurs de différents journaux. Ainsi La Décade philosophique, littéraire et politique fut payée 21 livres pour les trois mois du printemps 1795, et une quittance de souscription à L'Esprit des journaux fut signée par Desaulnays.

Outre la presse du temps, on se souciait de faire entrer dans les collections nationales tout un aspect de la littérature contemporaine, désigné sous le terme sybillin de « brochures sur les affaires présentes », qui allaient de La Révolution en vaudeville et des Nuits de la Conciergerie aux très sérieuses Considérations sur la nature de la Révolution de France, publiées en 1793 à Londres et à Bruxelles par Jacques Mallet du Pan. En prairial an III (mai-juin 1795), 63 de ces libelles et pamphlets à caractère politique ou satirique furent achetés pour 50 livres, 38 le furent en fructidor, et 51 en thermidor. Des almanachs entraient aussi régulièrement par achat, venant compléter ceux qui étaient soumis au Dépôt légal (voir nos 14-15).

Pour ce qui est des autres achats courants, reflet des préoccupations du siècle des Lumières, les sciences humaines arrivaient en tête : histoire, littérature, beaux-arts, de nombreux récits de voyages, atlas, droit. Mais les sciences dites exactes, chimie, astronomie, médecine, n'étaient pas négligées. Ces documents sans gloire constituaient la grosse masse des acquisitions de la Bibliothèque Nationale. Peu ont été retenus parmi les pièces exposées ici (voir nos 41-54). Cependant l'ensemble qu'ils forment présente un grand intérêt et une étude systématique des listes de Barrois, de Bure et autres mériterait d'être tentée.

Les autres départements achetaient moins que les imprimés, et il s'agissait le plus souvent de documents rares et précieux, dont on verra plus loin des exemples. Pour le cabinet des Médailles, l'état récapitulatif des entrées témoigne pour ces années d'une grande activité. Le cabinet des Manuscrits achetait presque exclusivement des documents médiévaux, autant qu'on puisse en juger. en raison de l'absence après 1792 de listes récapitulatives comparables à celles des imprimés. Les années 1794-1797 semblent par ailleurs avoir été peu propices aux acquisitions exceptionnelles.

Bon de livraison du librairie Treuttel

Un phénomène original a marqué les achats, aussi bien courants qu'exceptionnels, pendant toute cette période. C'est l'engagement personnel auquel se livrèrent les conservateurs, pour des sommes parfois importantes. Ils se faisaient ensuite rembourser les avances qu'ils avaient consenties. Millin pour les médailles, Bélissent et Langlès pour les manuscrits, Van Praet, Capperonnier et surtout Desaulnays pour les imprimés, étaient coutumiers du fait. Ainsi Desaulnays avait avancé l'argent nécessaire à l'achat en 1795 de deux lots de cartes (nos 62-63), dont l'un coûtait plus de 370 livres, prix très élevé, même pour des cartes. Dans un tout autre genre, il avait aussi payé à l'avance, puis s'était fait rembourser, les 9 livres 10 sous d'un manuel d'autodéfense et de boxe, édité à Londres en 1789 !

Maintenir à jour les collections existantes, combler les lacunes, compléter les séries, trouver des exemplaires de remplacement pour les documents fragiles ou en mauvais état, et, quand c'était possible, obtenir une pièce rare ou précieuse, telles furent les règles qu'appliquèrent les conservateurs. Certains ont marqué profondément le choix des acquisitions faites pour leur département : Van Praet pour les imprimés, Joly pour les estampes. On verra plus loin le cas de Barbié du Bocage, véritable précurseur de la constitution du département des Cartes et Plans. M.P. Laffitte

Bibl. : P. Delalain, L'Imprimerie et la librairie à Paris de 1789 a 1813, Paris. 1899. Sources : Manuscrits. Archives A.R 66. – Archives modernes, passim.

La Bibliothèque Nationale et le commerce de l'art

En prenant de l'ampleur, et en s'organisant, le commerce de l'art avait beaucoup évolué depuis le début du XVIIIe siècle. Le livre avait changé de statut et y avait gagné en prestige. Auparavant, le marché du livre ancien tenait plutôt de la brocante, et les grands collectionneurs, comme Jacques-Auguste de Thou, jugeaient avec un oeil érudit les raretés qui leur étaient proposées. Le XVIIIe siècle transforma les livres en objets d'art. Certains libraires se spécialisèrent alors dans ce commerce fructueux et commencèrent à rédiger des catalogues d'un genre nouveau, où la bibliophilie faisait son apparition. Nous verrons plus loin que de Bure, dont le nom a déjà été cité à propos des acquisitions courantes, avait été chargé du catalogue de la vente Loménie de Brienne (n°35). Regnault, spécialisé dans le commerce des estampes, avait rédigé celui de la vente du comte de Milly (n°37). Enfin Mérigot s'était attaché à éditer celui de la bibliothèque de Lamoignon (nos 59-61).

La Bibliothèque Nationale avait suivi la même évolution, et s'était très vite adaptée à cette nouvelle donne. Avec les achats de gré à gré, la participation aux enchères était un moyen courant pour elle d'acquérir livres rares, manuscrits, estampes, monnaies et médailles.

Pendant la Révolution, seul le manque de crédits mit un frein aux achats prestigieux. Le 28 janvier 1792, par exemple, d'Ormesson répondait à un solliciteur qu'il avait dû attendre le résultat des ventes du mois de janvier, et en particulier de celle de Mirabeau, avant de pouvoir répondre à la proposition de son correspondant. La cassette de la Bibliothèque n'était pas suffisante pour tout acheter.

En marge des difficultés financières évoquées plus

haut, les événements des années 1789-1799 accentuèrent, sans vraiment les modifier, les phénomènes qui régissaient le commerce de l'art depuis plusieurs années, comme la dispersion à l'occasion des grandes ventes publiques de collections magnifiques, la fuite vers l'étranger et tout spécialement vers l'Angleterre de toutes sortes d'objets d'art, de livres et même de bibliothèques entières, quand les ventes n'avaient pas directement lieu à Londres. On peut rappeler que c'est à Londres que furent vendus en 1795 les bijoux de Mme du Barry, qui lui avaient été volés à Louveciennes (voir n° 187). Les conséquences de la Révolution furent plutôt la dépréciation de certains types d'ouvrages, dont un nombre important avait été « libéré » par les séquestres, et en conséquence la baisse des prix, que le collectionneur anglais Lord Pinto constatait pour les bijoux et les objets les plus luxueux.

Bibl. : M. Beurdeley, La France à l'encan, L'Exode des objets d'art sous la Révolution, Paris. 1981. – J. Viardot, « Naissance de la bibliophilie : les cabinets de livres rares », dans Histoire des bibliothèques françaises, II. Paris, 1988, p. 269-289. – Id., « Livres rares et pratiques bibliophiliques M. dans Histoire de l'édition française, I. Paris, 1984, p. 446-467.

Les ventes publiques

Les ventes aux enchères s'étaient multipliées à Paris depuis 1700, et le phénomène s'était encore accéléré à partir de 1770. La Bibliothèque Nationale avait pris part aux adjudications chaque fois qu'elle l'avait pu. Le rôle actif qu'elle joua en 1784 aux ventes spectaculaires de la collection du duc de La Vallière dont le jeune Van Praet avait aidé de Bure à rédiger le catalogue, est à cet égard significatif. Elle s'y porta acquéreur de 255 manuscrits, pour un montant de 41 197 livres 4 sous, sans compter les incunables, éditions rares, etc. On pourra comparer ce chiffre avec celui, cité plus haut, qui concernait les acquisitions courantes de toute l'année 1793

Le rythme des ventes publiques ralentit légèrement pendant la Révolution, mais le nombre des enchères à Londres ou en Hollande augmenta, lui, de façon insolite. Le personnel de la Bibliothèque Nationale n'avait pas les moyens de s'y rendre et dut se contenter des enchères parisiennes. Outre les grandes ventes signalées dans les notices, des achats furent réalisés à une vente Hénin, au début de 1793, à une vente Tilliard (le graveur ?) en

mars 1793, à la vente Anquetil du Perron et à bien d'autres. A partir de l'an IV (septembre 1795), eut lieu la dispersion de la collection Anisson-Duperron. Un lot exceptionnel de documents manuscrits et imprimés réunis par les membres de la famille d'Anisson, qui s'étaient succédé à la tête de l'Imprimerie Royale, fut acquis par la Bibliothèque. Il concernait essentiellement l'histoire de l'imprimerie et de l'édition françaises.

Le contenu de ces ventes semble avoir été très surveillé par les autorités. En mars 1796, devaient être vendues en adjudication des « matrices de formats ». Il s'agissait en réalité des matrices des assignats. Le ministre de l'Intérieur, en accord avec son collègue des Finances, les fit retirer de la vente et déposer au cabinet des Médailles, à la Bibliothèque Nationale (voir n° 34).

M.P. Laffitte

Bibl. : E. Coyecque, Inventaire de la collection Anisson. I. Paris, 1900, p. I-CVI.

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Dante

La Commedia, avec le commentaire de Cristoforo Landino.

Florence, Nicolaus Laurentii. 1481. – In-folio, gravures sur cuivre et dessins à la plume. Imprimés. Rés. Yd, 179. Prov. : Vente Loménie de Brienne (mars 1792). Bibl. : GW 7966. – M. v. Arnim. Katalog der Bibliothek Otto Schäfer Schweinfurt, I, 1, Stuttgart, 1984. 115. – L. Donati, Il Botticelli e le prime illustrazioni della Divina Commedia, Florence, 1962. – F.-X. Laire, Index librorum ab inventa typographia ad annum 1500. Sens, 1791. II. p. 41 n° 11. – C.H. Rother, « Nikolaus Laurentii und seine Danteausgabe vom Jahre 1481 », dans Zeitschrift für Bücherfreunde. 1921. p. 78-80. Exp. : La Stampa a Firenze 1471-1550. Florence, Biblioteca Riccardiana. 1984, 6.

Durant le mois de mars 1792 se déroula à Paris, à l'Hôtel de Bullion, une des plus grandes ventes d'incunables. Le commissaire-priseur Le Jeune présidait à la dispersion de l'illustre collection de l'ex-cardinal Etienne-Charles Loménie de Brienne (1727-1794) que les royalistes appelaient par dérision le cardinal « L'Ignominie » pour avoir prêté serment à la Constitution civile du clergé et s'être

démis du cardinalat, en 1791. Ce prélat éclairé, très lié avec les philosophes de son temps, avait été « principal ministre » de Louis XVI avant d'être remplacé par Necker en 1788. Sa passion des livres jointe à des moyens exceptionnels l'avait conduit à former une superbe collection axée surtout sur les éditions des débuts de l'imprimerie, grâce à la science et la compétence de son savant bibliothécaire, le Père François-Xavier Laire, qui sillonna l'Allemagne et surtout l'Italie (en compagnie de son maître) après 1788, à la recherche d'incunables rares extraits le plus souvent de bibliothèques conventuelles.

Par la rareté de ses articles cette collection était l'une des plus riches de cette fin d'Ancien Régime. Songeons que pas moins de trois exemplaires complets de la Bible de Gutenberg y figurèrent, dont un sur vélin qu'il céda au Roi en 1788 ! Et lorsque les tribulations de la Révolution contraignirent Loménie à se dessaisir de sa bibliothèque dont F.-X. Laire venait de dresser le minutieux catalogue, la Bibliothèque Nationale ne fut pas la moins ardente à enchérir. Sur les quelque 2 000 volumes mis en vente (dont plus de 1 300 incunables), près de 550 furent acquis par elle, presque tous des éditions du XVe siècle. Il s'agit là de la plus grosse quantité d'incunables jamais achetée par la Bibliothèque Royale puis Nationale lors d'une vente aux enchères. A titre de comparaison, elle n'avait acheté que ( !) 290 incunables lors de la célèbre vente du duc de La Vallière, huit ans auparavant. Le total du bordereau de la Bibliothèque Nationale à la vente Loménie de Brienne s'éleva à 39 615 livres 6 sols, somme d'autant plus énorme pour la Bibliothèque que son budget d'acquisition s'était considérablement réduit à cette époque.

Il est naturellement bien difficile de ne signaler qu'une seule pièce parmi les raretés dont s'enrichit la Bibliothèque à cette vente. Le Dante présenté ici est précieux à plus d'un titre : c'est un exemplaire de la fameuse édition florentine de 1481 imprimée par l'Allemand Nicolaus Laurentii. Certes ce n'est pas l'édition princeps de la Divine Comédie mais c'est la

première à être munie de l'abondant commentaire de l'humaniste Cristoforo Landino. C'est surtout la première à comporter – partiellement – des illustrations. Et pas n'importe lesquelles : au lieu des habituelles gravures sur bois qui illustraient les incunables depuis 20 ans (voir n° 57), une série de 19 gravures sur cuivre s'insère dans le texte des premiers chants de l'Enfer. Les liens entre ces gravures dues au burin de Bacio Baldini ou de Francesco Rosselli, et les dessins de Botticelli destinés à servir de modèle pour un manuscrit de Dante sont encore mal élucidés. En tout cas il s'agit là du premier essai, encore bien imparfait, d'insertion de gravures en taille-douce dans le texte typographique, ce qui posait de nombreuses difficultés techniques ; de fait, seules les deux premières gravures ont été tirées sur la même page que le texte (avec un deuxième passage sous une presse en taille-douce) ; quant aux dix-sept suivantes, elles ont été collées dans les espaces blancs réservés.

Outre la série complète des gravures sur cuivre, cet exemplaire est le seul à comprendre 16 dessins à la plume, d'une facture analogue, remplissant les blancs ménagés primitivement pour les gravures, dans les chants XV à XXIV et XXX à XXXIII du Paradis.

Ces différents mérites valurent à ce volume de monter jusqu'à la dernière enchère de 1 030 livres, une des plus élevées de la vente. D. Coq

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Vincent de Beauvais

Miroir historial, traduction française de Jean de Vignay.

Paris, Antoine Vérard, 1495-1496. – 8 vol. in-folio sur vélin, 26 grandes miniatures. Imprimés. Rés. Vélins 642-650. Prov. : Vente de Monsieur de Soyécourt (1792). Bibl. : Copinger 6250 CIBN V-190. – J. Van Praet, IV, n° 452. – J. Macfarlane. Antoine Vérard. Londres, 1900, n° 42.

Des quatre parties du monumental Speculum majus (ou Bibliotheca quadruplex) dans lequel le dominicain Vincent de Beauvais

avait compilé au XIIIe siècle une sorte d'« abstract » de tout ce qui avait été écrit jusqu'à son époque dans les domaines théologiques, scientifiques, historiques et. même philosophiques, seule la partie relative à l'histoire (Speculum historiale) fut traduite en français. Cette traduction, commandée à l'hospitalier Jean de Vignay par le roi Philippe VI au début du XVIe siècle, connut pendant tout le bas Moyen Age un durable succès dans les milieux princiers et aristocratiques. Dans ces conditions, il n'est guère étonnant qu'à l'extrême fin du XVe siècle, le libraire parisien Antoine Vérard ait entrepris de faire imprimer le Miroir historial pour sa clientèle de parlementaires et de riches marchands dont le goût pour l'histoire était vif.

Publié en cinq énormes tomes se succédant du 29 septembre 1495 au 7 mai 1496, illustré de 31 grandes gravures sur bois au début de chaque chapitre, c'était l'ouvrage français le plus volumineux qui eût été mis sous les presses jusqu'alors. Et comme Vérard avait coutume d'imprimer sur vélin une partie des exemplaires de façon à les faire décorer et enluminer à l'imitation des manuscrits de luxe contemporains, cela a encore augmenté l'épaisseur de ces somptueux volumes et conduit les relieurs à en dédoubler les tomes. C'est le cas de cet exemplaire en huit volumes (les tomes III/1 et III/2 manquent) dont est présentée ici l'une des grandes miniatures qui illustrent l'ouvrage, surpeintes sur les gravures sur bois d'origine : sans grand rapport avec le texte qui l'environne, elle représente un prince à cheval suivi de son armée, se préparant à entrer dans une ville par un arc de triomphe.

On sait le goût prononcé de Joseph Van Praet pour les exemplaires sur vélin et il ne s'est pas privé, durant la période révolutionnaire, d'en faire parvenir à la Bibliothèque Nationale, moyennant finance ou sans bourse délier. Celui-ci a été acheté, nous dit-il « à la vente des livres de M. de Soyécourt en 1792 ». Il n'existe malheureusement pas de catalogue de cette vente et l'on en est réduit à des conjectures sur l'identité du vendeur. Il devrait s'agir de Charles-Joachim de

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Seiglière de Belleforière, comte puis marquis de Soyécourt (1725-1794), qui servit brillamment dans les armées de Louis XV et qui hérita coup sur coup les biens de ses deux frères aînés, le marquis de Soyécourt, décédé en 1790, et le marquis de Feuquières, mort en 1791. Il eut à peine le temps de prendre possession de cet immense patrimoine car au moment de la Terreur il fut jeté dans la prison des Carmes d'où il ne sortit que pour mourir sur l'échafaud en 1794. Avait-il fait vendre ses livres avant d'être emprisonné pour se procurer des liquidités durant cette époque troublée ? D. Coq

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Bernhardt Rode

« Paulus Apost gesch. 9C25 »

Saint Paul s'échappant de Césarée.

Eau-forte de 1783, Sdbd., 515 x 310 mm. – Reliure demi-maroquin rouge au chiffre de la B.N. (vers

1799).

Estampes. Ca 24c fol. 33.

Prov. : Vente de M. de Milly (3-6 juin 1799).

Inventaire n° 4114.

Bibl. : Il n'existe pas de catalogue ni d'études de

l'oeuvre gravé de B. Rode. Pour la bibliographie

générale, nous renvoyons à Thième et Becker,

XXVIII, p. 455-458.

Rode est un des meilleurs représentants de la peinture historique de la fin du XVIIIe siècle. Formé à l'école de Pesne, habitué de l'atelier de Van Loo et de Restout, il voyagea beaucoup dans le nord de l'Italie avant de se fixer à la cour de Frédéric II, qui lui confia le soin de réorganiser son Académie des Beaux-Arts en 1783.

Très influencé dans sa gravure par Castiglione et Tiepolo, il grava essentiellement ses tableaux bibliques et allégoriques, ainsi qu'une série de paysages de Prusse et du Harz et les « Actions glorieuses de Frédéric le Grand ». Sa technique un peu lourde fut sévèrement jugée en France (correspondance Heinecken-J oly), beaucoup plus favorablement en Allemagne (correspondance de Chodowiecki avec Anton Graff, publiée par C. Steinbrucker en 1921).

Joly père avait acquis pour le cabinet du Roi à la vente de P.-J. Mariette

(1775, n° 359), un certain nombre de pièces qui fut complété en l'an VII par un achat à la vente du comte de Milly. Le Journal du Cabinet des Estampes le signale sous le n° d'inventaire 4114 : « Acquisition Mariette n° 359 ; complété par l'oeuvre acquis à la vente de M. de Milly dans l'an VII ». L'ensemble de l'oeuvre fut relié et inventorié en l'an VIII et constitue un excellent témoignage de la continuation des travaux de classement et d'enrichissement des collections pendant la Révolution, y compris quand il s'agissait d'artistes étrangers.

La pièce présentée ici provient de la collection Milly. C'est l'une des plus célèbres eaux-fortes de Rode, exécutée dans un style pittoresque à l'italienne, bien qu'avec beaucoup de lourdeur, et très éloigné du goût austère à l'antique alors apprécié en France. F. Fossier

Les achats de gré à gré

Les achats de gré à gré furent certainement la manière préférée des conservateurs d'enrichir les collections qui leur étaient confiées, et souvent les propriétaires s'adressèrent directement à eux. Dans la correspondance reçue par la Bibliothèque Nationale dans les années 1789-1799, figurent de nombreuses lettres de solliciteurs de tous genres, proposant l'achat d'imprimés anciens ou contemporains, rares ou non, de manuscrits, d'estampes, de monnaies, etc. Ces offres étaient examinées avec beaucoup de circonspection, moitié par prudence, moitié par manque d'argent, et beaucoup ne furent pas retenues. En ventôse an IV (février 1796), le citoyen Leclerc avait proposé gravures, estampes et manuscrits orientaux, mais à cause d'une mésentente sur le prix d'achat, l'accord ne put se faire. Des acquisitions prestigieuses furent réalisées cependant, comme celle du Bréviaire de Belleville cité plus haut. Dans certaines occasions, les libraires pouvaient aussi servir d'intermédiaires (voir n° 57).

La Bibliothèque Nationale, selon un usage ancien que Colbert avait étendu jusqu'en Orient, pour sa bibliothèque et pour celle du roi, utilisait aussi les services de « rabatteurs », tel Jean-Baptiste Maugerard. Cet ancien moine de Saint-Arnould de Metz connaissait parfaitement toutes les bibliothèques du nord de l'Europe, qu'il « écuma » pendant toute la période révolutionnaire, pour son propre compte ou pour celui de « clients » (n° 39). Et il finit sa carrière comme agent de la Bibliothèque Nationale dans les départements de l'Est (voir p. 152). –

Bibl. : J.-B. Traube et R. Ehwald. Jean-Baptiste Maugerard. Munich, 1904 (Abhandlungen der K. Bayer. Akademie der Wissenschaften).

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Miroir de l'humaine salvation

Flandres, milieu et fin du XVe siècle. – Parchemi 54 ff., 430 X 310 mm. – Reliure maroquin rouge Manuscrits. Français 6275.

Prov. : Achat (4 septembre 1790).

Bibl. : J. Lutz et P. Perdrizet, Speculum humanae

salvationis, texte critique, traduction inédite de Jean Miél Mulhouse, 1907. – F. Winkler, Die Flämische

Buchmalerei des XV. und XVI. Jahrhunderts, Leipzig, 1925, p. 137-138.

Sources : Manuscrits. Archives A.R. 66, f. 268.

Le choix des textes réunis dans cette compilation répond à cet objectif : prouver que chaque épisode de la vie de la Vierge Marie et de Jésus ont été annoncés ou préfigurés par des événements de l'histoire universelle. Dans les différents chapitres, le récit évangélique est donc accompagné de trois autres histoires « prophétiques ». Cet ouvrage mystique à fonction pédagogique a connu un énorme succès à la fin du Moyen Age, aussi bien en latin qu'en langue vulgaire. Il fut produit en série dès le début de l'imprimerie, avant de tomber dans l'oubli. Il en existe plusieurs traductions françaises, dont celle présentée ici, exécutée par Jean Miélot, chanoine de Lille (voir n° 192)

pour le duc de Bourgogne Philippe le Bon, qui posséda trois exemplaires du Miroir. Dans les copies soignées, l'abondance des peintures, quatre par chapitre, illustrant chacun des petits récits, a aussi contribué à la vogue de ce texte qu'elles rendaient accessible, à la manière d'une bande dessinée, à toute une partie de la population, qui ne savait pas lire. Attribuée ici, à tort, à Vincent de Beauvais, l'original latin est l'oeuvre d'un moine dominicain, resté anonyme.

Ce manuscrit a été copié dans les Flandres, peu après 1449. Le peintre d'Audenarde, Jean Le Tavernier (voir n° 192) en a commencé les enluminures du dernier cahier, qui contient le portrait du traducteur au f. 50v. Le reste du cycle iconographique a été terminé après 1480 par un artiste appelé le « Maître d'Edouard IV de 1479 », d'après un manuscrit exécuté pour ce prince. Le Miroir de l'humaine salvation était ici destiné à un grand personnage flamand. Certains tableaux montrent en effet des hommes portant la Toison d'Or, ordre créé par le duc de Bourgogne pour ses chevaliers.

Dans une reliure de maroquin rouge à la Du Seuil très soignée, le volume fut

proposé à la Bibliothèque du Roi et acheté en septembre 1790 pour la confortable somme de 600 livres. M.-P. Laffitte

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Biblia latina [Mayence, Johannes Gutenberg et Johann Faust, 1455].

2 vol. in-folio sur papier. Imprimés. Rés. A. 71. Prov. : Achat à Dom Jean-Baptiste Maugerard (janvier 1792). Bibl. : J.-B. Maugerard, Mémoire lu à la séance du 24 août 1789 de la Société royale des Sciences et des Arts de Metz sur la découverte d'un exemplaire de la Bible connue sous le nom de Guttemberg, accompagné de renseignements qui prouvent que l'impression de cette Bible est antérieure à celle du Pseautier de 1457, Metz, 1789. – R. Stöwesand, « Noch unbekannte Gutenbergbibeln und ein Überblick über die Entwicklung der Registrierung », dans Archiv für Geschichte des Buchwesens, II (1956), col. 490-512. – I. Hubay, « Die bekannten Exemplaren der zweiundvierzigzeiligen Bibel und ihre Besitzer », dans Johannes Gutenbergs zweiundvierzigzeilige Bibel. Faksimile-Ausgabe., Munich, 1979, p. 140-141, 17..– Id., « Zur Provenienz der Pariser Gutenberg-Bibel », dans Philobiblon, 26 (1982), p. 157-165. Exp. : Le Livre, Paris, Bibliothèque Nationale, 1972, n° 109. – La Mémoire des siècles, Strasbourg, 1988, n° 64.

Parmi la cinquantaine d'exemplaires de la Bible de Gutenberg (appelée aussi Bible à 42 lignes) conservés actuellement dans le monde, celui-ci est un de ceux qui paient le moins de mine : imprimé sur papier, incomplet de nombreux feuillets, dépourvu de sa décoration originelle, revêtu d'une reliure récente sans aucun attrait, il est loin d'avoir l'apparence monumentale et prestigieuse de l'autre exemplaire de la Bibliothèque Nationale, complet celui-là et sur peau de vélin, dont les quatre volumes ont été exposés avec faste l'année dernière à Strasbourg. Et pourtant, les deux volumes présentés ici

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sont encore plus célèbres à cause d'une particularité qui les met au rang de documents de la plus haute importance pour l'histoire des débuts du livre imprimé : dans deux mentions manuscrites portées à la fin de chaque tome, un certain Heinrich Albch, dit Cremer, vicaire de la collégiale Saint-Etienne de Mayence, précise qu'il a terminé l'exécution de la décoration et de la reliure du premier volume à la Saint-Barthélémy (24 août) de l'année 1456, et à l'Assomption (15 août) de la même année pour le second. Or, jusqu'à l'époque de la découverte de cet exemplaire, on ne savait quelle édition, de cette Bible non datée ou d'un Psautier portant la date imprimée de 1457, pouvait être considérée comme le premier grand livre à avoir été imprimé dans le monde occidental.

Car Gutenberg et Fust n'ont pas jugé bon d'indiquer la date d'achèvement de leur Bible et aucun témoignage contemporain, aucun document d'archive ne nous l'a précisé de manière certaine. Ces deux mentions ont donc été longtemps les seules sources contemporaines permettant aux historiens de fixer au moins une limite avant laquelle la Bible avait forcément paru : août 1456. Et même, compte tenu du temps exigé par le travail de Cremer – effectué, bien entendu, une fois que l'ouvrage fut sorti des presses –, l'impression du premier livre occidental ne pouvait pas avoir excédé 1455. De fait, de récentes recherches ont prouvé que la Bible avait

été achevée d'imprimer durant l'année 1455.

Le mérite de la découverte de cet exemplaire si important revient au bénédictin Jean-Baptiste Maugerard (1735-1815), bibliothécaire de l'abbaye Saint-Arnoul-lès-Metz et du cardinal de Montmorency-Laval, évêque de Metz. Bibliographe moyennement compétent mais personnage remarquable pour son flair et son peu de scrupule, il a pour ainsi dire « écumé » les bibliothèques conventuelles allemandes depuis 1765 environ jusqu'en 1806. Agissant pour son propre compte ou pour celui de quelques grands collectionneurs, il réussit par astuce à obtenir de bibliothécaires peu au fait de leurs richesses, un nombre incalculable de manuscrits et surtout d'incunables qu'il échangeait souvent contre des volumes récents, prétendument plus utiles que ces « vieux bouquins moyenâgeux ». Ainsi pas moins de trois Bibles de Gutenberg furent-elles distraites par ses soins de différentes bibliothèques mayençaises, et parmi elles, les deux exemplaires conservés aujourd'hui à la Bibliothèque Nationale.

Pour ce qui est de la Bible ici présentée, il la repéra dans la bibliothèque du séminaire de Mayence en juillet 1789, en perçut tout l'intérêt historique, et l'obtint sans mal du sous-régent du séminaire. Il se dépêcha de faire une communication à son sujet à la Société royale des Sciences et des Arts de Metz le 24 août suivant, prouvant ainsi pour la première fois l'antériorité de la Bible à 42 lignes sur le Psautier de 1457.

Mais après la Révolution les temps s'assombrirent un moment pour l'habile ecclésiastique : ayant refusé de signer la Constitution civile du clergé, il dut émigrer précipitamment en 1792. Pressé de se procurer des fonds en vue de son exil pour l'Allemagne, il vendit en janvier 1792 sa bibliothèque riche en éditions anciennes. Une partie de celle-ci fut acquise à l'amiable par la Bibliothèque Nationale, dont cette Bible qu'il dut céder, le couteau sous la gorge, pour la somme de 240 livres, ce qui peut paraître dérisoire eu égard à l'importance historique de l'exemplaire, mais qui se comprend tout à fait si l'on

considère ses incomplétudes et sa piètre condition.

D'ailleurs, il ne semble pas que Maugerard en ait jamais voulu à la Bibliothèque Nationale puisqu'il continua depuis son exil à faire ses offres de courtage en livres à Van Praet, le conservateur des imprimés. Aussi bien, son rôle de pilleur des richesses bibliographiques allemandes s'officialisa-t-il en quelque sorte en juillet 1802 lorsque Chaptal, ministre de l'Intérieur, le nomma « commissaire du gouvernement pour la recherche des sciences et arts dans les quatre départements du Rhin », pour le compte du Conservatoire de la Bibliothèque Nationale. D. Coq

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Rosset

Juives de Damas

Plume, encre et aquarelle, 395 x 285 mm. – Reliure maroquin rouge aux armes de Napoléon 1er Estampes, Od 19, pl. XIII. Prov. : Achat de Chamfort à Rosset (8 mai 1793). Inventaire n° 3068. Bibl. : Rosset n'apparaît pas dans le répertoire de Lamy, ni dans celui d'Audin et Vial sur les artistes lyonnais.

Un des trois fils du sculpteur Joseph Rosset, rival de Falconet ; l'artiste, contrairement à ce qu'on lit dans le titre du recueil Moeurs et coutumes et orientales dessinées dans le pays en 1790 par Rosset sculpteur de Lyon, semble avoir dessiné des figures de fantaisie d'après une iconographie européenne, pour un volume de texte. Cet album de planches ne fut ni gravé, ni imprimé, mais illustre bien le souci des artistes de préserver leurs droits de créateur et la mission qu'ils reconnaissent à la Bibliothèque Nationale de préserver ceux-là.

Contrairement à ce qui figure dans l'inventaire, le recueil de Rosset n'a pas dû être acheté par Chamfort, qui l'avait vraisemblablement reçu en dépôt. Le journal du cabinet des Estampes à la date du 16 avril 1792 signale : « Le S. Bounieu a reçu du cen Chamfort l'un des bibliothéquaires le recueil des costumes orientaux exécutés par Rosset ». F. Fossier

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41-54

J.G. Fichte, I. Kant, etc.

Prov. : Achat de Keil (1797).

Bibl. : J. Hansen, Quellen zur Geschichte des Rheinlandes im Zeitalter der Französischen Révolution 1780-1801, III (1794-1797), Bonn. 1935. p. 856-859, n° 232.

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J.G. Fichte Beitrag zur Berichtigung der Urtheile des Publikums über die franzosische Révolution

S.I.. 1795. In-8°.

Imprimés. 8° La 32. 32A.

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Id.

Versuch einer Kritik aller

Offenbarung

Königsberg, Hartung. 1793. In-8°. Imprimés. R. 11969.

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P. Hupfauer

Druckstücke aus dem XV.

Jahrhunderte, welche sich in der Bibliothek des regulirten

Chorstiftes Beuerberg befinden

Augsburg. Stage. 1794. In-8

Imprimés Q. 6097 reproduction de la marque du libraire parisien Jean Petit).

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I. Kant

Critik der reinen Vernunft

Riga. JF Hartknoch. 1794. In-8 Imprimés R. 12006.

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Id.

Grundlegung zur Metaphysik der Sitten

Riga. J.F Hartknoch. 1792. In-8° Imprimés. R. 12001.

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Id.

Metaphysische Anfangsgründe der Naturwissenschaft

Riga. J.F. Hartknoch. 1787 In-8

Imprimés. R. 12000

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Id.

Prolegomena zu einer jeden künftigen Metaphysik.

Riga, J.F. Hartknnoch. 1787 In-8

Imprimés. R 1997

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Id.

Die Religion innerhalb der Grenzen der blossen Vernunft

Königsberg. F. Nicoluvius. 1794. In-8

Imprimés R. 120 11.

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Id.

Träume eines Geistersehers, erlâutert durch Träume der Metaphysik

Riga. J.F Hartknoch. 1766. In-8 Imprimés. R. 11940.

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Id.

Zum ewigen Frieden.

Königsberg. F. Nicolovius. 1796. In-8 Imprimés E* 2240 bis

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J.S. Pütter

Historische Entwickelung der heutigen Staatsverfassung des Teutschen Reichs

Göttingen. Vandenhoekek Ruprecht. 1783. 3 vol. in-8

Imprimés. M. 14096-14098.

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J.A. Scopoli

Anfangsgründe der Metallurgie.

Mannheim, C.F. Schwan et G.C. Gôtz, 1789. In-4°. Imprimés. S. 5103.

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E. Schneider

Gedichte

Frankfurt am Main, 1790. In-8°.

Imprimés. Yh. 1368 (portrait d'Eulogius Schneider).

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K.K. Siebold

Chirurgisches Tagebuch.

Nürnberg, E.C. Grattenaver, 1792. In-8°. Imprimés. 8° Td 74. 74.

Les premiers monuments de la typographie n'étaient pas les seuls livres recherchés par les commissaires français à l'étranger. Ils ne négligeaient pas la production la plus contemporaine, ainsi que le montre l'action d'Anton Keil, « commissaire du gouvernement pour la recherche des objets de science et arts dans les pays conquis d'Allemagne ».

Celui-ci, né à Everndorf en 1769, avait adhéré avec enthousiasme aux idées révolutionnaires en 1794 et servi comme interprète dans l'armée du Rhin avant de travailler à Paris pour le Comité d'Instruction publique. Le 25 fructidor an IV (11 septembre 1796), le ministre de l'Intérieur Bénézech le nomma commissaire pour la rive gauche du Rhin, sous administration française depuis la fin de 1794. Si, aux mois d'octobre et de novembre 1796, il visita les bibliothèques de Trèves, Coblence, Bonn, Cologne et Aix-la-Chapelle, faisant parvenir à la Bibliothèque Nationale plusieurs caisses de livres anciens, il se préoccupa également de « procurer à la Bibliothèque Nationale tous les bons ouvrages modernes qui ont paru en Allemagne ». Il utilisa pour ce faire le produit de la vente des collections appartenant aux collectivités civiles ou religieuses supprimées, lorsque celles-ci n'avaient pas été jugées dignes d'être envoyées à Paris. C'est ainsi que la bibliothèque des états provinciaux de Trèves

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fut transportée en bloc à Maestricht pour y être vendue aux enchères. A Cologne furent également vendues, par le libraire Schmitz, cinq caisses de livres provenant de Bonn et d'Aix-la-Chapelle, puis les collections de livres de l'université et du cabinet d'histoire naturelle de Bonn.

Nous avons conservé le dossier de l'achat de livres modernes effectué par Keil grâce à la vente de la bibliothèque des états de Trèves, témoignage intéressant sur les méthodes et les curiosités des hommes de la Révolution. Le 2 pluviôse an V (21 janvier 1797) Keil écrivit de Cologne aux conservateurs de la Bibliothèque pour annoncer que venaient de lui parvenir des ouvrages achetés à Leipzig et à Francfort (« je n'ai acheté que des ouvrages dont le mérite m'était connu »). Le 4 ventôse (23 février) il indiquait aux mêmes que deux « ballots » avaient été envoyés par Liège les 6 et 12 pluviôse (26 et 31 janvier). Le 11 ventôse (1er mars). Van Praet et Capperonnier procédaient à l'ouverture des ballots et accusaient réception de 270 ouvrages postérieurs à 1766, la plupart datant des trois dernières années.

La liste par genres donnée en tête du procès-verbal met en valeur l'importance de la philosophie : 61 titres, soit 22 du total. Il s'agit avant tout d'éditions de Kant – qui selon le mot de Marx « a donné la théorie allemande de la Révolution française » –, et de ses commentateurs dont Fichte. Ce dernier est également représenté par ses fameuses Contributions pour rectifier le jugement du public sur la Révolution française qui fondèrent sa réputation de jacobin au lendemain de sa nomination comme professeur à l'université d'Iéna.

A cet ensemble a été joint un recueil de poèmes d'Eulogius Schneider (1757-1794), ancien professeur d'éloquence à l'université de Bonn devenu accusateur public au tribunal révolutionnaire du Bas-Rhin. La part très active que ce franciscain défroqué prit à la campagne hébertiste de déchristianisation le fit dénoncer comme représentant d'un « complot impie » de l'étranger en Alsace et il fut condamné à mort en 1794. Traducteur de la Marseillaise en allemand, il avait fait figurer parmi ses poèmes un vibrant éloge de la destruction de la Bastille.

La présence des Eléments de métallurgie de Scopoli et du Journal de chirurgie de Siebold, elle, montre l'intérêt porté à la production technique et scientifique (73 titres), tandis que celle du Développement historique de la constitution de l'empire germanique du grand juriste Pütter, professeur à l'université de Göttingen, atteste d'une remarquable ouverture d'esprit.

Enfin le catalogue des incunables de la bibliothèque des chanoines de Beuerberg rappelle le rôle de ces catalogues dans la politique d'acquisitions de Van Praet.

Nous avons présenté un ensemble représentatif de ces ouvrages, tous présents aujourd'hui au département des Imprimés, dans leurs reliures néo-classiques et avec les traductions en français de leurs titres portées par Van Praet lui-même sur chaque feuillet de garde.

U. Baurmeister et F. Dupuigrenet

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Coustumes des duchez, contez et chastellenies du bailliage de Senlis

Paris, pour Galliot Du Pré et Jean André. 1540. – In-folio sur vélin, réglé et enluminé. – Reliure de maroquin noir à décor doré semé d'alérions et à la devise du connétable Anne de Montmorency. Imprimés. Rés. Vélins 457. Prov. : Achat (1798).

Bibl. : Van Praet, II. p. 110. n° 162. – F de Lasteyrie. « Un grand seigneur du XVIe siècle : le connétable de Montmorency ». dans Gazette des Beaux-Arts, 1879, p. 109. – E. Rouveyre. Connaissances nécessaires à un bibliophile, 5e éd., VI. Paris, 1899. p. 20. – I. Schunke, « Der Meister der Estiennebibel und die Renaissance-Buchbinder in Paris », dans Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, XXI, 1959, p. 603, pl. VI. – E. de la Fontaine Verwey, « Une Reliure pour le connétable Anne de Montmorency dans la Bibliothèque royale à La Haye », dans Mélanges Herman de la Fontaine Verwey, Amsterdam, 1968, p. 381.

Le cheminement de ce volume depuis le XVIe siècle jusqu'à son acquisition par la Bibliothèque Nationale en 1798 reste un mystère. Certes, il est évident qu'il a appartenu dès sa publication au connétable Anne de Montmorency (1493-1567) dont les emblèmes, la devise et les armoiries sont surabondamment figurés dans l'encadrement enluminé de la première page ainsi que sur les plats de la reliure.

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Cet intrépide homme de guerre, favori de François Ier et surtout de Henri II, était, on le sait, à peu près illettré mais il fit preuve toute sa vie de goût non seulement pour les arts mais même pour les lettres. La collection de livres et de manuscrits qu'il forma était une des plus belles de son temps et les relations qu'il entretenait avec Jean Grolier – qui supervisait pour le connétable les travaux de rénovation de son château de Chantilly – ont dû être déterminantes pour la constitution de sa bibliothèque et surtout dans son attention portée à la beauté de ses exemplaires.

Ce volume contenant la première édition imprimée des Coutumes de Senlis lui a été vraisem bla blement offert par l'un des deux conseillers du Roi commis par François Ier à la mise en ordre et à la rédaction de ce coutumier en 1539, André Guillard et Nicole Thibault. Le connétable, largement possessionné dans le bailliage de Senlis où était entre autres situé Chantilly, était le dédicataire obligé de ce coutumier, et il n'est pas étonnant que cet exemplaire de présent imprimé sur vélin, réglé et enluminé aux armes et aux emblèmes d'Anne de Montmorency, ait été revêtu d'une élégante reliure de maroquin noir à décor doré exécutée dans l'atelier du maître dit « de Fontainebleau » des fers à rinceaux forment une bordure et un panneau rectangulaire central dans lequel le semé d'alérions des Montmorency et la devise grecque « ATIAANOS »(c'est-à-dire « inflexiblement ») personnalisent le donataire.

Comment et à quelle époque ce volume est sorti de la bibliothèque des Montmorency ou des Condé qui en héritèrent avec Chantilly, on ne sait. Certainement avant la deuxième moitié du XVIIIe siècle, période durant laquelle Louis-J oseph de Bourbon-Condé a fait malheureusement relier à nouveau à ses armes la plupart des volumes de sa bibliothèque. La seule chose qui soit sûre, c'est qu'« il a été acquis en 1798 », comme le note laconiquement Van Praet dans son catalogue des vélins de la Bibliothèque.

D. Coq

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Jacques-Philippe Le Bas

Le Retour à la ferme, d'après N. Berchem.

1775, eau-forte de Weysbrod reprise au burin par Le Bas. Sdbd.. 510 X 655 mm. – Reliure demi-maroquin bordeaux moderne (en remplacement d'une reliure datée du 7 thermidor an VII). Estampes. Ee 11c, fol. 10.

Prov. : Achat (1798). Inventaire 3422.

Bibl. : G. Duplessis, « Le Département des Estampes pendant la période révolutionnaire »(publication de la lettre de Hecquet). dans Le Bibliophile français, juin 1872, p. 9. – L'essentiel des études parues sur Le Bas est cité à la fin de l'excellente notice que lui a consacrée F. Gardey, dans Inventaire du fonds français des graveurs du XVIIIe s., XIII. p. 78-320.

Graveur de Watteau, Boucher, Lancret, Joseph Vernet pour ses « Ports de France », Jacques-Philippe Le Bas (1707-1783) est un des plus brillants représentants de la gravure française d'interprétation au XVIIIe siècle. Son oeuvre (plus de 800 planches) témoigne d'une virtuosité et d'une faculté d'assimilation peu communes

communes lesquelles ses contemporains se sont unanimement inclinés, même si beaucoup de ses pièces ne sont pas entièrement de sa main. Reçu à l'Académie en 1743 comme « graveur pensionnaire du Roi », il ne vit néanmoins pas son oeuvre entrer dans les collections royales et ce n'est que le 9 thermidor an VI (27 juillet 1798), à la sollicitation d'Hecquet, qu'il entra à la Bibliothèque par achat pour la somme de 3 000 livres. La lettre d'Hecquet à Joly était du 7 frimaire an IV (28 novembre 1795).

La planche présentée ici, « Le Retour à la ferme », dédiée au duc de Cossé-Brissac, est datée de 1775. Tirée d'un tableau de N. Berchem, comme l'indique la mention « Peint par N. Berghem », elle illustre bien à la fois le goût de la pastorale déjà démodée à l'époque où l'oeuvre de Le Bas entra dans les collections publiques et la nature du travail accompli par le graveur : celui-ci a

confié la réalisation du dessin à l'eau-forte à son élève Weysbrod, puis repris la planche au burin.

L'oeuvre complet de Le Bas, vendu par Hecquet, avait été classé et monté par celui-ci en cinq volumes reliés, chaque artiste gravé étant annoncé par une feuille intercalaire manuscrite. La reliure d'époque a été remplacée en 1925. F. Fossier

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Ackermann von Bôhmen (Bamberg, Albrecht Pfister, vers 1463).

Die vier Historien : Joseph, Daniel, Judith, Esther. Bamberg, Albrecht Pfister, 1462.

Biblia pauperum (en allemand) (Bamberg, Albrecht Pfister, circa 1462).

In-folio, gravures sur bois. Imprimés. Rés. A. 1646 (1-3). Prov. : Achat à Augsbourg (janvier 1799). Bibl. : GW, 194 ; Hain, 8749 ; GW, 4325. – A.-G. Camus, Notice d'un livre imprimé à Bamberg en 1462 lue à l'Institut national, Paris, an VII. – S. de Ricci, Catalogue raisonné des premières impressions de Mayence (1445-1467), Mayence, 1911, nos 27, 29, 30. – M.I.A. Steiner, « Über die âlteste Buchdruckergeschichte Bambergs », dans Historisch-litterarisch-bibliographisches Magasin, 5 (1792), p. 1-38. – G. Zedler, Die Bamberger Psisterdrucke, Mayence, 1911, p. 15-19,20-27,27-29.

Ce recueil acquis en janvier 1799 contient trois éditions des plus rares d'Albrecht Pfister, le prototypographe de Bamberg. La célébrité de cet imprimeur, dont sont conservées une dizaine d'éditions datant des années 1460-1464, est due à deux titres de gloire : non seulement il est le premier à avoir imprimé des livres en langue vulgaire (en haut allemand), mais il a introduit pour la première fois des gravures sur bois pour illustrer la plupart de ses éditions. Ces deux importantes innovations témoignaient d'un élargissement notable du public visé par cet imprimeur : il ne s'agissait plus seulement de toucher les ecclésiastiques ou les universitaires capables de lire le latin des livres liturgiques, bibliques ou juridiques imprimés dans la région rhénane par Gutenberg et ses successeurs depuis une

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demi-douzaine d'années. Pfister s'adresse à un public nouveau : les riches bourgeois des villes marchandes de l'Allemagne méridionale (Nuremberg, Augsbourg, etc.) friands de textes écrits dans une langue compréhensible aux non-doctes et illustrés de gravures frustes mais très vivantes qui secondent et quelquefois remplacent la lecture.

Le recueil présenté ici est à cet égard particulièrement représentatif : la première pièce est la deuxième édition d'un texte allégorique attribué à Johann von Tepl (vers 1400) et mettant en scène un paysan de Bohême, veuf depuis peu, qui attaque la mort en justice. La seconde est la seule qui soit datée et signée de Pfister il s'agit de l'histoire (peut-être compilée par lui-même) de quatre héros bibliques, Joseph, Daniel, Judith et Esther. Quant à la dernière pièce, il s'agit d'une Bible des pauvres en langue germanique, c'est-à-dire des extraits de la Bible accompagnés d'analyses et de réflexions morales sommaires, très abondamment illustrés. C'est le type même d'ouvrage destiné à des personnes qui n'étaient pas accoutumées à la lecture et dont l'enseignement et l'édification se faisaient davantage par l'image que par l'écrit. Après une large diffusion depuis la fin du XIIIe siècle sous forme de manuscrits puis de livrets xylographiques, ce texte fut imprimé ici pour la première fois avec des caractères mobiles.

Ces trois pièces en allemand, munies chacune de nombreuses gravures sur bois (5, 61 et 136) rehaussées de couleurs, ont été vraisemblablement réunies dès l'origine. A la fin du XVIIIe siècle, elles appartenaient à un ami du pasteur Matthias Jakob Adam Steiner, d'Augsbourg, qui décrivit pour la première fois ce recueil en 1792.

Ce volume si précieux ne pouvait qu'être convoité par la Bibliothèque Nationale qui essayait de compléter, à l'instigation de Van Praet, sa collection des monuments importants des premiers temps de l'imprimerie. Son acquisition fut décidée et effectuée au début de l'année 1799 (pluviôse an VII), par l'intermédiaire du libraire Barrois pour 1 500 F.

D. Coq

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'Abdullâh Hâtefi Djâmî

Tamour-nâmeh

Iran (Shirâz ?), XVIe s. Papier, 168 ff, 210 x 140 mm. – Reliure indienne à rabat et recouvrement en cuir rouge avec pièces de papier mâché estampées et dorées.

Manuscrits orientaux. Supplément persan 641. Prov. : Achat à Brueys (1802).

Bibl. : E. Blochet, Catalogue des mss. persans de la Bibliothèque Nationale, III, Paris, 1928, p. 334, n° 1803. – M. Bayânî, Khushnivisân, III, Téhéran, 1969-70, n° 1207, p. 814-816. – B.W. Robinson, A descriptive catalogue of the persian paintings in the Bodleian Library, Oxford, 1958, p. 108-109 et 121-123. –

B.W. Robinson, Persian paintings in the India Office

Library, Londres, 1976, p. 79, n° 239. – Stchoukine,

Les Peintures des manuscrits safavis, Paris, 1959, p. 103 et pl. XIV.

Cette épopée persane a été composée vers 1500 par 'Abdullâh Hâtefi Djâmî, mort en 1521. Elle est consacrée aux campagnes de Tamerlan et dédiée à un prince timouride, sultan Hoseyn Mirzâ Bayqarâ. Il en a été réalisé de nombreuses copies au XVIe siècle. Copiée en écriture Nastacliq sur papier sablé d'or, dans des encadrements de filets bleu, brun, or, rouge, vert et or, celle-ci est signée du calligraphe M. Qavvâm Kâteb Shirâzi (Hammâmî). Bien que non datée, elle est cependant caractéristique du style de Shirâz au milieu du XVIe siècle.

La peinture du f. 58, l'une des neuf ornant le volume, représente le bateau que Tamerlan, après ses opérations à Tabriz, aurait utilisé sur le fleuve Araxe, pour partir à la conquête de la région, avant de se lancer dans celle de la Géorgie voisine. Ce serait un épisode de la campagne entreprise par Tamerlan en 1386. Mais le bateau représenté évoque plutôt les navires du golfe Persique : un bateau plus grand mais de même voilure, peint à Shirâz à la même époque, peut se voir par exemple dans un manuscrit figurant à la vente Sotheby's de Londres du 10 octobre 1988 (pl. VII du Catalogue). La représentation de Tamerlan à bord d'un navire appartient aussi au cycle des illustrations du Zafar-nâmeh de Yazdi, version en prose de l'histoire du conquérant, tel qu'il apparaît dans un manuscrit de l'India Office copié en 1533, très probablement à Shirâz ; il s'agit alors de navigation sur

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l'Amou-Daria, bien que le type du navire évoque les précédents.

Relié en Inde pour Pierre de Brueys, résident français à Surate, ce volume porte, comme la plupart de ceux de Brueys, le cachet et une notice persane de Mîrzâ Qanbar cAlî Gudjarâtî, fils de Djacfar-cAlî Kerbelâ'î, petit-fils de Sâleh M. Khân Shirâzî, secrétaire de Brueys entre 1786 et 1791, qui a soigneusement refait de sa main les feuillets 166-167 du manuscrit pour son maître. Brueys était encore en Inde en 1793. Acquise auprès de divers Orientaux, d'Anglais résidant en Inde (David Price.), ou par l'intermédiaire du père Marcel d'Alep, supérieur des Capucins de Surate, la bibliothèque de Brueys renfermait plus de cent manuscrits persans, souvent fort beaux, dont certains provenaient des sultans de Golconde. Brueys vendit à la Bibliothèque Nationale cent dix manuscrits persans. Cette importante collection y entra, d'après une note du Supplément persan 677, le 11 nivôse an X (1er janvier 1802). Elle fut d'abord cotée à part. F. Richard

Un cas exemplaire : la bibliothèque Lamoignon

Considérée à la fin du XVIIIe siècle comme l'une des plus belles d'Europe, cette collection avait été créée au siècle précédent pour Guillaume de Lamoignon, premier président du Parlement de Paris (1617-1677), par l'érudit Adrien Baillet. Encyclopédique, elle fut l'objet d'accroissements de la part de ses possesseurs successifs, jusqu'à Chrétien-François de Lamoignon, qui y ajouta les livres de son beau-père, le garde des Sceaux Berryer.

En 1787, Chrétien-François devint à son tour garde des Sceaux, et contribua avec Loménie de Brienne (voir n° 35) aux édits du timbre et de la subvention territoriale, causes, entre autres, des premiers troubles. Il dut démissionner dès octobre 1788 et, très affecté par son échec, mourut en mai 1789.

Le libraire Mérigot rédigea alors le catalogue de ses livres, et le publia en trois volumes, en 1791-1792. Dans une lettre du 22 mars 1792 envoyée à la Bibliothèque Nationale, il annonçait la parution de ce catalogue et précisait que s'il ne trouvait pas un acheteur pour l'ensemble (était-ce un appel ?), une vente publique aurait lieu de mai à juillet 1792. Mérigot cependant renonça à organiser les enchères, peut-être parce que le marché était saturé, peut-être parce qu'il avait intérêt à écouler cette collection trop importante petit à petit. Une partie en fut semble-t-il vendue en

Angleterre, comme ce fut le cas pour les bibliothèques de Talleyrand ou de Noailles. Des manuscrits aboutirent chez des collectionneurs anglais, et des ouvrages juridiques en français passèrent entre les mains du libraire londonien Payne.

Entre 1794 et 1801, la Bibliothèque en obtint cependant quelques épaves, parmi lesquelles un manuscrit médiéval qu'elle acheta à Mérigot, puis un lot important de documents modernes, qu'elle échangea à Magimel (voir échanges de manuscrits). Les volumes présentés ici figuraient dans le catalogue de vente sous les numéros 155, 156 et 188.

Ce sort fut sans doute celui de bien d'autres bibliothèques privées françaises, parmi celles qui avaient échappé à la confiscation. M.P. Laffitte

Bibl. : G.A.E Bogeng, Die Grossen Bibliophilen, Leipzig. 1922, p. 142-143. – Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. de Lamoignon, par JG Mérigot. Paris, 1791-92.

Sources : Manuscrits. Archives A.R 55, f. 179.

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Notitia Dignitatum imperii romani

Bâle ? vers 1436. – Parchemin, 148 ff., 310 X 215 mm. – Reliure basane vert foncé. Manuscrits. Latin 9661. Prov. : Achat (19 avril 1794). Bibl. : S. Edmunds, « The Missals of Felix Vand early savoyard illumination », dans The Art Bulletin, XLVI (1964), p. 127-141. – Aspects of the Notitia Dignitatum, papers presented to the Conference in Oxford., Oxford, 1976. – A.C. de la Mare et L. Hellinga, « The first book printed in Oxford. », dans Transactions of the Cambridge Bibliographical Society. VI Il 2 (1978), p. 221. Exp. : R.W. Hunt and others, The Survival of Ancient literature, Oxford, Bodleian Library, 1975, n° 146.

La Notitia Dignitatum imperii romani est une sorte de répertoire des différents degrés de l'administration et de l'armée romaines,

divisé en deux parties, l'Ouest dépendant de Rome, l'Est relevant de Constantinople. Datable du début du Ve siècle, elle constitue avec d'autres textes analogues un recueil connu par plusieurs copies tardives. Leur modèle unique carolingien, conservé à Spire jusqu'au XVIe siècle, a aujourd'hui disparu, à l'exception d'un feuillet.

Le manuscrit présenté ici est l'une de ces copies, réalisée par un scribe italien qui a travaillé pour l'archevêque de Milan, Francesco Pizolpasso ; ce scribe était à Bâle en 1436. Les nombreuses et très curieuses peintures qui illustrent la Notitia sont inspirées par le modèle ancien disparu. Elles sont très proches de celles d'un autre exemplaire de la Notitia, aujourd'hui conservé à Oxford. On attribue

attribue deux volumes au même peintre savoyard, Perronet Lamy, employé à plusieurs reprises par le duc Amédée de Savoie. Le codex de Spire avait été apporté à Bâle en 1436, en vue de l'exécution du manuscrit d'Oxford, et sans doute aussi de la copie moins soignée de Paris. Les pères de l'Eglise y étaient alors réunis en concile et discutaient justement d'un rapprochement possible entre Rome et Constantinople.

Le volume parisien était en 1441 entre les mains de l'érudit italien Pier Candido Decembrio, qui devait l'envoyer au collectionneur anglais Humphrey, duc de Gloucester, qui ne le reçut jamais. Celui-ci avait quelques difficultés avec ses intermédiaires et la Notitia porte un ex-libris du couvent des Célestins de Paris, de

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la fin du XVe siècle. On la retrouve à la fin du XVIIIe siècle chez Chrétien François de Lamoignon, garde des sceaux, mort en 1789. Dans une longue notice d'avril 1794, Bélissent, garde des manuscrits, expose avec force détails l'intérêt de ce manuscrit, qui fut acquis peu après.

M.P. Laffitte

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Louis XIV

Lettre à Chrétien-François de Lamoignon, avocat général du Parlement de Paris

Manuscrit autographe. 24 août 1664. – Papier. XIII – 274 fT.. 242 x 175 mm. – Reliure maroquin rouge. Manuscrits. Français 14051, f. XII. Prov. : Vente Mérigot (décembre 1800). Bibl. : Catalogue des livres provenant du fonds d'ancienne librairie du citoyen J.G. Mérigot, Paris. 1800, n° 1585, p. 138.

S'inspirant de l'exemple hollandais, Colbert créa, à coup de capitaux mobilisés de force, des compagnies à monopoles et privilèges dont les défauts étaient, entre autres, l'insuffisance des capitaux et la résistance des milieux commerçants. La compagnie des Indes orientales fut la seule à traverser tout le règne, avec bien des vicissitudes. Pour les souscriptions, le Roi et Colbert exercèrent une lourde pression officielle – l'académicien Charpentier rédigea même une brochure-prospectus – dont cette lettre témoigne : « Je désire, écrit le Roi, que non seulement vous employiés tout vos soins pour les faire enregistrer purement et simplement mais aussi que vous ayés à faire entendre à mon nom à tous les officiers de mondit parlement qu'ils ne me scauraient mieux plaire qu'en s'intéressant à mon exemple dans la dite compagnie. ». On est loin du Traité d'économie politique publié par J.B. Say deux ans après l'achat par la Bibliothèque des discours de Lamoignon auxquels cette lettre est jointe, mais peut-être point très éloigné des idées et des méthodes du Premier Consul qui empêchera la réédition de ce Traité.

M. Sacquin

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Panégyrique de Guillaume de Lamoignon

XVIIe siècle. – Papier. 62 ff., 225 x 155 mm. –

Reliure XVIIe siècle, décorée de semés de fleurs de lis et portant au centre des plats les armes de Guillaume de Lamoignon (losangé d'argent et de sable, au franc-quartier d'hermines).

Manuscrits. Supplément grec 584.

Prov. : Vente Mérigot (1800).

C'est à la vente publique de l'ancien fonds de la librairie Mérigot, le 29 frimaire de l'an IX, que la Bibliothèque Nationale acheta ce manuscrit, provenant de la bibliothèque de Lamoignon, et composé en l'honneur de son ancêtre Guillaume Ier

de Lamoignon (1617-1677), premier président du Parlement de Paris. Orné d'un portrait gravé de ce haut magistrat, qui fut aussi législateur et bibliophile, il réunit des textes écrits à sa gloire, en trois langues (grec, latin, français) panégyrique, ode, épigrammes et sonnet. Peut-être sont-ils dus à la plume de Louis de Roussel, prêtre de Vernon, bachelier en théologie, qui ne signe que la dernière partie du volume. M.O. Germain

Politiques d'acquisition dans les départements

On a pu voir combien Van Praet suivait de près les achats de livres imprimés. Ce fut également le cas de Joly, qui joua un rôle de premier plan dans les acquisitions du cabinet des Estampes, avant et pendant la Révolution, et dont le fils continua l'oeuvre. C'est avec Barbié du Bocage, dont la personnalité influença fortement les entrées de cartes géographiques, que nous illustrerons ici cet aspect particulier du travail des conservateurs.

Nous verrons ensuite quels problèmes posait à la fin du XVIIIe siècle l'acquisition de manuscrits modernes, si

naturelle aujourd'hui. Et enfin nous dirons quelques mots des échanges, cette méthode judicieuse qu'utilisa la Bibliothèque Nationale pour s'enrichir à bon compte.

Bibl. : H.A. Joly, Lettres à Karl-Heinrich von Heinecken, éd. par Macallister-Johnson. Paris, 1988.

Géographie et cartographie : un rendez-vous manqué

La Révolution donna l'occasion à la Bibliothèque Nationale de se doter, pour la première fois, d'une section spécialement dévolue aux cartes de géographie. Cette frêle institution reflétait l'intérêt grandissant de la société française pour les questions d'espace, intérêt récemment accru par la création des départements et par les conquêtes de la République. En dissociant les cartes des estampes, des imprimés et des manuscrits auxquels elles étaient mêlées jusqu'alors, cette section particulière préfigurait le divorce de la Géographie d'avec l'Histoire. Mais, en prétendant offrir à la libre consultation des documents auparavant réservés – en vertu

de leur détail et de leur actualité – à l'élite des stratèges, elle lançait un terrible défi aux partisans de la raison d'Etat.

Le fondateur de la « partie géographique » du département des Imprimés fut Jean-Denis Barbié du Bocage (1760-1825), géographe ambitieux et tenace, déjà connu par ses travaux savants et notamment par les cartes du Voyage du jeune Anacharsis de l'abbé Barthélemy. Ce dernier était aussi garde du cabinet des Médailles de la Bibliothèque et lui avait procuré un poste de premier commis dans ce département en 1785. Il le vit partir avec regret à la fin d'octobre 1792. A cette date intervint en effet la

création de la section géographique, qui coïncidait avec la fusion temporaire des départements des Imprimés et des Manuscrits. Barbié en tint les rênes jusqu'à son limogeage, en octobre 1795, pour manque de ponctualité et pour refus d'obtempérer aux exigences du conservatoire de la Bibliothèque. De ces trois années d'activité il faut retrancher la durée de son incarcération, intervenue en septembre 1793. C'est donc dans un laps de temps extrêmement court que Barbié du Bocage jeta les fondations du futur département des Cartes et plans. Ainsi qu'il l'exposa dans un mémoire particulièrement novateur du printemps 1794, Barbié songea en effet à transformer sa section en un cinquième département. Il voulait y regrouper, en premier lieu, les atlas disséminés dans les diverses parties des Imprimés et des Manuscrits et procéder à l'inventaire de leur contenu, carte à carte. Il envisageait ensuite de se faire attribuer par les autres dépôts d'Etat (Guerre, Marine, Affaires étrangères, Intérieur) leurs cartes devenues périmées et hisser ainsi la Bibliothèque au rang de seul dépôt rétrospectif de cartes et plans de la Nation. Il souhaitait enfin disposer d'un budget suffisant pour acquérir les cartes qui lui paraissaient les plus remarquables, notamment dans le domaine étranger.

Il faut souligner à ce propos l'importance des achats effectués par Barbié lors des dix-huit premiers mois de son mandat, grâce à des crédits exceptionnels. Deux de ces acquisitions sont présentées ici : la carte d'Amérique du Sud de Juan de la Cruz (n° 62) et la série manuscrite des îles des Antilles à l'époque de la guerre d'Indépendance américaine (n° 63). Mais il n'est pas indifférent de noter aussi l'entrée d'atlas nautiques britanniques alors très actuels, tels que l'East India Pilot et le

Neptune américo-septentrional, de la toute récente carte du duché de Berg de Wiebeking, ainsi que des dernières cartes des départements français. Les critères d'achat de Barbié privilégiaient constamment la modernité, l'exactitude et la rareté des documents. Bien que son éducation ait baigné, comme celle de ses contemporains, dans le culte de l'Histoire, Barbié du Bocage était fasciné par les derniers progrès de la cartographie. Il voyait en celle-ci un « instrument d'instruction publique » qui méritait, à ce titre, d'être mis à la disposition des lecteurs de la Bibliothèque Nationale. Cette conviction, jointe à l'instinct de possession qui anime bien des conservateurs, faillit faire de la Bibliothèque le principal dépôt de cartes de la Nation.

Un mois après sa nomination, en effet, Barbié avait persuadé la Commission des Monuments et le ministre de l'Intérieur d'y transporter les cartes et plans confisqués dans les maisons royales et princières et alors en attente aux Tuileries. Ces collections comprenaient notamment le fameux cabinet de géographie de Louis XVI qui, en raison de son mystère, suscitait beaucoup de convoitises. Le 29 décembre 1792, le ministre informait Chamfort du transfert imminent de tous ces documents à la Bibliothèque Nationale « où non seulement le dépôt de tout ce qui n'y est pas encore doit être fait, mais même où il sera plus convenable de faire, ainsi que le propose la commission, le triage et le départ des doubles qui pourraient s'y trouver et dont on disposerait ensuite de la manière la plus utile à l'instruction publique ».

Or cette mesure ne fut jamais appliquée. Dès janvier 93, le ministre de la Marine invoquait l'urgence des préparatifs militaires pour se faire attribuer les cartes et plans confisqués que viendrait choisir le garde du Dépôt de la Marine, Buache de la

Portrait de Barbie du Bocage

Portrait de Buache

Neuville. En mars, le ministre de la Guerre obtenait à son tour le même privilège et Calon, directeur du Dépôt de la Guerre, était autorisé à « se servir, à volonté ». Peu après, le ministre des Affaires étrangères demandait avec succès, lui aussi, la priorité sur la Bibliothèque pour venir étoffer ses collections. Celle-ci, espérant ne pas être totalement perdante, proposa, comme nous l'avons vu, que l'on reverse à son profit les documents ayant perdu tout caractère d'actualité. Mais elle ne fut pas vraiment entendue. Après quelques mois d'idéalisme et d'enthousiasme, la Bibliothèque Nationale se vit donc, en ce qui concerne la cartographie, sacrifiée à la raison d'Etat : en même temps qu'elle reconnaissait la Géographie comme une discipline à part entière, elle expérimentait que celle-ci « servait surtout à faire la guerre ».

Le flot des saisies révolutionnaires apporta cependant à la Bibliothèque, en matière de cartes et plans, beaucoup mieux que des épaves. Mais l'imbrication de ces documents avec les fonds de certaines bibliothèques privées entraîna souvent leur intégration dans les anciens départements de l'établissement plutôt que dans la nouvelle section géographique. Ainsi la carte de Cassini de Marie-Antoinette (n° 163) entra-t-elle aux Imprimés, tandis que celle de Madame Victoire allait aux Estampes. Vers les Manuscrits furent dirigés le recueil enluminé des marches de l'armée de Louis XIV en Flandre (n° 149), provenant du cabinet de Louis XVI, ainsi que l'Insulaire d'André Thevet, atlas des îles du monde du XVIe siècle que possédait l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Les éditions incunables de la Géographie de Ptolémée reçurent également toutes les faveurs des bibliothécaires des Imprimés, avides de réunir les premiers témoignages de l'imprimerie (n° 118).

Le département des Estampes, de son côté, continua de s'enrichir en cartes gravées, grâce notamment à l'étonnante collection géographique de l'abbaye de Saint-Victor, irrémédiablement périmée, mais qui recélait des pièces rarissimes (n° 112-115). Il semble qu'en revanche, les cartes et plans d'un format inhabituel aient été dirigés en priorité vers la section de Barbié, tels la gigantesque vue de Vienne rapportée de Bruxelles (n° 195) ou, provenant de la bibliothèque du comte de Chastellux, le plan terrier des châtellenies de Senan et Volgré (n° 173) et le petit plan en relief du canal de Charolais (n° 174).

Or aucun aménagement n'avait été effectué dans les locaux des Imprimés pour abriter ces nouveaux documents. « Il n'y a point de tablettes propres à contenir les cartons qui renferment les cartes géographiques » déplore un mémoire. Les cartes étaient empilées à même le sol et « dans le cas de dépérir par l'humidité du pavé ». Le grand plan de Paris de Verniquet (n° 32), exposé en permanence dans la salle dite des Antiques depuis 1795, commença lui aussi, à se détériorer en raison de l'humidité ambiante. Il devint clair que la Bibliothèque n'avait pas les moyens de ses ambitions.

La section géographique eut donc toutes les peines du monde à survivre, surtout après le départ de Barbié du Bocage. Le Dépôt légal, rétabli en juillet 1793, et pour lequel les cartes géographiques firent, pour la première fois, l'objet d'un registre distinct de celui des estampes, ne drainait que fort peu de

documents : sept inscriptions seulement, entre juillet 1793, quand fut déposée la carte de France de Brion (n° 31), et ventôse an VI, date à laquelle le dépôt légal des cartes fut récupéré par le département des Estampes. Le garde de celui-ci, Joly, affirmait bien haut sa vocation à conserver les plans topographiques aussi bien que les cartes de géographie et il obtint le versement des publications cartographiques des administrations de la Marine, de la Guerre et de l'Intérieur.

Cependant, les Imprimés, bien que privés de leur géo graphe, ne reniaient pas complètement sa politique. Ils continuaient d'inscrire l'achat de cartes à leur budget : une somme de 600 livres en l'an VII, sur un total de 11 600 ; 2 400 livres en l'an VIII et en l'an IX (sur 46 400 livres), « pour les meilleures cartes géographiques de tous les pays ». Ces efforts demeuraient cependant insuffisants et la demande de crédits était accompa gnée de ce commentaire amer : « C'est dans Paris le seul dépôt de cartes géographiques où le public obtient un libre accès et où il puisse élucider l'Histoire à l'aide de la Géographie. Mais, il faut l'avouer, c'est aussi le moins fourni en ce genre de livre ».

La Bibliothèque Nationale qui avait reçu, à l'occasion de la Révolution, des trésors dans le domaine de la cartographie ancienne, n'avait donc pas réuni, dans le même temps, une collection de cartes modernes qui pût satisfaire son public. Elle avait capitulé devant les difficultés matérielles (le coût élevé des cartes, leurs difficultés de stockage) et surtout devant les résistances des hommes. A l'extérieur, les autres dépôts de l'Etat s'étaient rués sur les documents contemporains et ne lui avaient laissé que des miettes. A l'intérieur, il avait fallu affronter la jalousie des anciens départements, furieux à l'idée de se voir dépossédés par le petit dernier.

La section géographique des Imprimés végéta ainsi, à demi-asphyxiée, jusqu'à la Monarchie de Juillet. Mais sa création n'avait pas été inutile. En 1828, un ancien ingénieur-géographe de l'expédition d'Egypte « au chômage », Edme-François Jomard, reprendra les arguments de Barbié du Bocage et, cette fois, obtiendra la création d'un département des Cartes et plans à part entière. Il faudra donc le temps d'une génération pour que la Géographie soit acceptée en tant que telle au sein de la Bibliothèque, pour que l'essor de cette nouvelle discipline se traduise par une évolution des structures de conservation et pour que les cartes de géographie soient tout simplement des cartes de géographie et non plus des estampes, des manuscrits ou des imprimés. M. Pastoureau

Sources : Manuscrits. Archives modernes. LXXXVI, CVII. f. 6' (Mémoire de Barbié du Bocage), f. 6' et ss. (autre mémoire) – Archives nationales. F 17. 1039, dossier 6. 326 (lettre du ministre de l'Intérieur à Chamfort).

Nota bene : Ce texte est le résum é d'un article à paraître dans la Revue de la Bibliothèque Nationale.

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Juan de la Cruz America meridional

Madrid, 1775. – Carte gravée en taille-douce aquarellée. – 8 feuilles assemblées,

1 740 X 2 280 mm.

Cartes et plans. Ge. CC.650.

Prov. : Achat (1793).

Sources : Manuscrits. Archives modernes, CVII. fol. 6V ; CCLXIX : CCLXXIII.

L'achat de cette carte de l'Amérique du Sud contemporaine s'inscrit dans la politique de développement de la section géographique créée au sein du département des Imprimés et confiée à J.-D. Barbié du Bocage à partir de janvier 1793. Dans un mémoire resté manuscrit, ce dernier choisit cette carte comme exemple de l'accroissement des collections au moyen d'achats dans les ventes et « en faisant venir de l'étranger ». Il écrit : « On a soin de ne choisir que des objets de la plus grande importance et on citera ici pour exemple la grande carte de l'Amérique méridionale de la Cruz en huit feuilles dont le roi d'Espagne a les planches et dont il ne donne des exemplaires qu'à très peu de personnes. On en a fait l'acquisition à la vente de Montmorin et on ose dire qu'on ne l'a pas payée cher ».

La carte avait tout de même coûté la somme non négligeable de 371 livres 19 sous. Par la suite, la Bibliothèque s'efforcera d'obtenir ce genre de pièces à la faveur des saisies à l'étranger. Une liste précise sera ainsi dressée en l'an VII de cartes et d'atlas imprimés en Espagne et au Portugal à faire venir en priorité.

M. Pastoureau

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Nicolas

Cartes des Antilles

a) Nicolas, Ile de la Dominique, 1

400 x 645 mm.

Cartes et plans. Ge. D. 15560.

b) Nicolas, Ile de la Barbade, 1782

420 x 560 mm.

Cartes et plans. Ge. D.15561.

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c) Nicolas, Baie de Carlisle de la Barbade,

1782

345 x 525 mm.

Cartes et plans. Ge. D. 15562. Cartes manuscrites aquarellées.

Prov. : Achat (1793).

Sources : Manuscrits. Archives modernes, CCLXXIII.

Ces trois charmantes cartes font partie d'une série de douze pièces manuscrites représentant plusieurs îles, ports et forts des Antilles, indiquant en particulier les attaques des troupes françaises et les mouvements des armées navales pendant la guerre d'Indépendance américaine, série que la Bibliothèque Nationale acheta le 7 février 1793 pour le prix de 120 livres.

Le récapitulatif des achats de l'année 1793 vante les qualités artistiques de leur auteur, un certain Nicolas, inconnu par ailleurs. Il déclare aussi que ces plans ne sont que des copies, mais faites avec soin, et « peut-être sur les originaux qui se trouvaient dans le cabinet géographique du ci-devant Roi aux Thuilleries ». Les cartes du roi avaient en effet été dirigées directement vers le Dépôt de la Marine ; elles devinrent, aux yeux des institutions

qui les convoitaient et auxquelles elles venaient d'échapper, un véritable mythe, car elles ne possédaient pas, dans l'ensemble, l'intérêt stratégique qu'on leur prêtait.

Cet achat témoigne, si cela était nécessaire, de la curiosité des dirigeants de la Bibliothèque pour les événements d'outre-Atlantique. Ces plans « sont essentiels pour la dernière guerre d'Amérique dans les isles, sur laquelle il n'y a encore rien de gravé », dit le mémoire, probablement rédigé par J.-D. Barbié du Bocage. M. Pastoureau

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Jacques de Yaulx

Les premières oeuvres. contenant plusieurs règles, pratiques, secrets et enseignements très nécessaires pour bien et sûrement naviguer par le monde

Le Havre, 1584. – Manuscrit avec figures et cartes peintes sur parchemin. 31 ff., 435 X 320 mm (ouvert 630 mm). – Une reliure moderne a remplacé la reliure en parchemin vert d'origine.

Manuscrits. Français 9175.

Prov. : Achat (1799).

Bibl. : Abbé A. Anthiaume, Cartes marines, constructions navales, voyages de découvertes chez les Normands 1500-1650, Paris. 1916. p. 133-143. – Id., Evolution et enseignement de la science nautique en France et principalement chez les

Normands. Paris, 1920, p. 76.

Ce manuel de pilotage est une copie, différente par de menus détails et inférieure en qualité artistique, du célèbre Manuscrit français 150 qui provient de la bibliothèque de Colbert. Il fut exécuté à la fin du XVIe siècle au Havre, à une époque où ce qu'on appela « l'école de cartographie normande » était à son apogée. Après s'être formés auprès de pilotes portugais, les Normands avaient en effet acquis une parfaite maîtrise de la science nautique, accordant notamment un grand soin à l'instruction de leurs marins. Cet ouvrage est du reste contemporain de l'ordonnance d'Henri III du mois de mars 1584 qui instaurait un examen de capacité pour les maîtres ou commandants de navires.

Son auteur, Jacques de Yaulx, exerçait les fonctions de cosmographe et de pilote « royal », et participait à ce titre à la préparation documentaire des expéditions maritimes officielles.

L'ouvrage présenté ici est une version luxueuse – dédiée à Nicolas de Riberpré en ce qui concerne cet exemplaire et à l'amiral de Joyeuse pour le français 150 – d'un traité de cosmographie et de pilotage à l'usage d'un vaste public de marins. De Vaulx y développe une conception anticopernicienne de l'U nivers mais se révèle plus à l'aise dans l'exposé des théories pratiques de la navigation astronomique et des données fondamentales de la cartographie.

Ce manuscrit jugé inutilisable pratiquement mais néanmoins digne d'être conservé, fut dirigé vers la Bibliothèque Nationale par J.-N. Buache de la Neuville, directeur du Dépôt de la Marine, chargé de collecter les documents utiles à son ministère, et par Rochon, membre de l'Institut. Legrand l'acheta pour la somme de 27 francs le 25 floréal an VII (16 mai 1799) du citoyen Ménu, lieutenant de la 3e compagnie de Vétérans nationaux à Meudon. M. Pastoureau

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Les manuscrits d'auteurs

On sait que l'engouement pour les manuscrits autographes d'écrivains débuta au XIXe siècle. L'exemple de Balzac offrant les siens à ses amis est bien connu. Par ailleurs, la politique d'acquisition de ces manuscrits par dons ou legs a son origine, presque mythique, dans le célèbre testament de Victor Hugo. En 1881, il léguait ses manuscrits à la Bibliothèque Nationale dont il espérait qu'elle deviendrait la future « bibliothèque des Etats-Unis d'Europe ». Le concept de manuscrit d'auteur, tel qu'il existe de nos jours, c'est-à-dire le ou les manuscrits de travail d'un écrivain, éventuellement pourvus de corrections et de variantes et présentant des états divers et successifs permettant de reconstituer la genèse de l'oeuvre, ne s'est constitué que très lentement. Longtemps après l'invention de l'imprimerie, imprimeurs et auteurs continuèrent à détruire les manuscrits originaux, tachés et raturés, une fois la survie de l'oeuvre assurée par l'impression. Seuls les nobles et le haut clergé, habitués à conserver leurs archives, faisaient exception. C'est ainsi que nous sont parvenus les manuscrits de Brantôme, Bossuet, Fénelon ou Montesquieu tandis que ceux de Rabelais, Molière, Corneille ou Racine ont à peu près disparu. Au XVIIIe siècle la situation évolua quelque peu. Pour des raisons de censure, de nombreuses copies, autographes ou non, des oeuvres des philosophes circulaient dans les salons, mais il ne s'agissait pas de manuscrits de travail. A partir de la seconde moitié du siècle, quelques écrivains commencèrent à conserver avec soin leurs manuscrits : ainsi Diderot, Beaumarchais, Choderlos de Laclos, Bernardin de Saint-Pierre, Sade, Sébastien Mercier et surtout Rousseau. Dans le même temps les catalogues de vente, de plus en plus nombreux, n'offraient pratiquement jamais de manuscrits littéraires. Ni les amateurs, ni les bibliothécaires ne semblaient s'y intéresser. Lorsque Louis Racine « donna »(contre une pension de 1 000 livres) en 1756 à la Bibliothèque Nationale les papiers « subsistants » de son père il offrait, en fait, sa correspondance, quelques fragments de mémoires historiques, des traductions d'auteurs anciens et des livres annotés.

Pourtant les procès-verbaux du Comité d'Instruction publique et les Archives du Département des manuscrits conservent la trace de tractations menées à la fin du Consulat pour acquérir le manuscrit de la Nouvelle Héloïse ou plutôt la moitié de ce manuscrit, l'autre se trouvant dans la bibliothèque du Comité de Salut public, devenue ensuite celle de la Chambre des députés. Ce manuscrit avait été acheté par un libraire, dans un but évident de spéculation, à la vente Hérault de Séchelles, pour la somme, très modeste, de 700 francs. Il en demande 12 000 à la Bibliothèque Nationale qui finit par refuser après des négociations qui durèrent trois ou quatre ans. Le vendeur insistait sur sa volonté de voir demeurer dans la bibliothèque de la Nation ce manuscrit d'un philosophe que la Révolution avait panthéonisé en 1794. Jean Capperonnier lui répondait que l'amateur d'autographes pouvait

déjà trouver des manuscrits de la main de Jean Jacques à la Bibliothèque et que, surtout, il ne s'agissait pas d'un inédit. Il est évident que cent ans plus tard la réponse de l'Administrateur de la Bibliothèque Nationale eut été autre. La baisse de popularité du philosophe bien-aimé des sans-culottes n'explique pas seule ce refus bien qu'il faille signaler qu'à la même époque on achetait, pour une somme voisine, des lettres de Voltaire qui venaient d'être éditées (n° 65). Quelques années auparavant Dom Poirier n'avait pas réussi à obtenir le rachat des manuscrits de Fénelon – parmi lesquels se trouvait le Télémaque, autre best-seller de l'époque – et ils furent restitués aux Salignac de La Mothe-Fénelon. « Dans des temps plus favorables, écrivait le vieux bibliothécaire, la République recueillerait aisément le fruit de ses avances par une édition soignée des oeuvres choisies de Fénelon ». Si son argumentation est archaïque sa démarche est moderne et l'on peut y voir, comme dans l'affaire de La Nouvelle Héloïse, même si ici comme là il y eut échec, les signes précurseurs d'un engouement profond et durable. M. Sacquin

Bibl. : Delisle, le Cabinet des Manuscrits, I. p. 424-425. – R. Pierrot, « les écrivains et leurs manuscrits, remarques sur l'histoire des collections modernes », dans Bulletin de la Bibliothèque Nationale, 4 (décembre 1979). – Procès-verbaux du Comité d'Instruction publique, publiés par J. Guillaume, VI. p. 931 et suiv. – M. Thomas, « les Manuscrits », dans Histoire des bibliothèques françaises, II, Paris, 1988, p. 338-341.

Nota bene : Ce texte est le résumé d'un article à paraître dans la Revue de la Bibliothèque Nationale.

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Voltaire

Lettres à Frédéric II

26 juin et 2 décembre 1750. – Papier. 230 x 180 mm. Manuscrits. Français 15204, ff. 191-192.

Prov. : Achat (1803).

Bibl. : Lettres inédites de Voltaire à Frédéric le Grand roi de Prusse, publiées sur les originaux, éd. Boissonade, Paris, 1803, p. 104-108 (lettre XXIII). – Les OEuvres complètes de Voltaire, éd. T. Besterman et al., Genève,

Oxford, 1968, 95, p. 294-296 (D. 4166). –

R.B. Asprey, Frédéric le Grand, Paris, 1989. –

A. Magnan. Dossier Voltaire en Prusse (1750-1753),

Oxford, 1985. – C. Mervaud, Voltaire et Frédéric II :

Une dramaturgie des lumières, 1736-1778, Oxford, 1985.

Infatigable épistolier, Voltaire s'était découvert, en 1736, un correspondant assidu et admiratif en la personne du prince royal de Prusse dont il publia l'Anti-Machiavel en 1740, alors que son auteur devenait Frédéric II et. conquérait la Silésie. De désillusions en atermoiements, l'amitié épistolaire s'était poursuivie, entrecoupée de courts séjours de Voltaire en Prusse, sources de déceptions nombreuses, jusqu'en 1749. Cette année-là, le philosophe, cédant aux pressions du Roi, avait accepté de le rejoindre ; mais la mort de « Vénus-Newton », alias Mme Du Chatelet, en septembre, mit fin à ses projets. « Apollon » résista tout l'hiver aux colères, aux promesses et aux prières de son « Salomon du Nord » mais finit par céder, alléché par le vieux rêve d'un complot philosophique soutenu par un pouvoir ami et une imprimerie secrète. Le 26 juin 1750, Voltaire quitte Compiègne où il a été reçu par Louis XV et le 2 juillet il est à Clèves. Les déceptions et les querelles qui s'ensuivirent, jusqu'au retour de 1753, sont bien connues et passionnèrent les contemporains pris à témoin par les acteurs de cette bouffonnerie tragique. Le « jeune Darnaud » évoqué par Voltaire dans la lettre exposée ici est le poète François de Baculard d'Arnaud (1718-1805) qui, sur sa recommandation, l'avait précédé en Prusse mais dont il devint jaloux et qu'il fit bientôt chasser de la cour.

Le 14 thermidor an XI (2 août 1803) la Bibliothèque Nationale acheta pour 300 livres au libraire Jacq ues-Auguste Delalain un recueil de lettres originales de

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Voltaire. Delalain en avait confié, l'année précédente, l'édition à Jean-François Boissonade (1772-1857). Helléniste distingué, mais aussi grand amateur de littérature anglaise, introducteur des romans gothiques de M.G. Lewis et d'Ann Radcliffe, Boissonade devait encore donner, en 1824, une édition extrêmement savante du Télémaque de Fénelon. Il dit dans sa préface avoir travaillé sur des originaux envoyés par Frédéric Jacques Bast, secrétaire du Landgrave de Hesse et affirme tout ignorer des précédents propriétaires. L'examen de son exemplaire personnel (Rés. Z. 2342) et, en particulier, de la liste manuscrite des personnes à qui il envoya son ouvrage, parmi lesquels de nombreux conservateurs de la Bibliothèque Nationale, pourrait fournir quelq ues indications à ce sujet. Son édition se veut scientifique et l'est en effet. J.-B. Suard a examiné les lettres, lui-même les a comparées aux originaux conservés à la Bibliothèque Nationale. Il ne publie que cinq des huit lettres déjà présentes dans l'édition de Kehl, parce qu'elles avaient été publiées « mutilées et inexactes », et indique les variantes des trois autres dans sa préface. Son exemplaire personnel porte des corrections et ajouts manuscrits et une lettre

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y est jointe, qu'il écrivit au rédacteur des Archives littéraires en 1804 pour apporter d'autres précisions, en particulier sur la lettre XXIII que nous exposons ici. Un commentaire de cette édition parut dans le Magasin Encyclopédique de Millin alors conservateur des Antiques, Médailles et Pierres gravées, sous la plume de l'abbé Alexandre-J oseph de Bassinet : « Cette correspondance de la vanité », écrit-il, « embrasse six ou sept années depuis 1746 jusqu'en 1753. Les dix-huit volumes de celle de l'édition de Kehl n'empêchent pas de lire ce volume avec plaisir ».

De fait, l'intérêt du public pour Voltaire n'avait pas faibli et Delalain n'hésita pas à faire de cette correspondance, pratiquement inédite, une édition in-8° à 3,75 francs et une autre in-12 à 1,75 franc. Observons encore que les 300 livres payées, en 1803 par la Bibliothèque Nationale pour soixante-dix-neuf lettres qui venaient d'être publiées sont précisément le prix qu'elle avait refusé de verser, deux ans auparavant, pour le manuscrit de La Nouvelle Héloïse.

M. Sacquin

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Chansonnier dit de Maurepas

Papier, 569 ff., 320 x 215 mm. – Reliure maroquin

rouge aux armes de Maurepas.

Manuscrits. Français 12617.

Prov. : Vente Méon (septembre 1803).

Bibl. : Catalogue des Livres… de la bibliothèque de M[éon],

Paris, 1803, n° 3719, p. 458. – E. Raunié, Chansonnier historique du XVIIIe siècle, d'après les collections

manuscrites Clairambault, Maurepas, etc., Paris,

1879.

Le XVIIIe siècle est le siècle des chansonniers qui s'appliquent, plus que jamais, à démolir l'ordre ancien : querelles religieuses, guerres, ministres et favorites, grands événements aussi bien que ragots grossiers, tout passe à travers le miroir déformant de leur verve gouailleuse avec un succès assuré en dépit d'une répression inégale mais toujours sévère. La plupart d'entre eux sont restés prudemment anonymes. Héritiers des chansonniers du Pont-Neuf du siècle précédent, ils n'étaient pas tous d'origine populaire, comme en témoignent certaines satires politiques trop précises pour n'être pas le fait de courtisans ou de gens de lettres (Voltaire lui-même s'y était essayé dans sa jeunesse).

Le comte de Maurepas, à qui ses épigrammes dirigés contre la Pompadour valurent d'être exilé dans ses terres en 1749 – ce qui lui permit de rimailler à loisir – est demeuré la figure emblématique de la chanson politique française du siècle des lumières. Amateur passionné, il avait fait exécuter, vers 1759, une transcription en quarante-quatre volumes (français 12612-12659) du Chansonnier dit de Clairambault (français 12686-12743) composé des cahiers du collectionneur Roger de Gaignières.

Les deux chansonniers eurent des destins parallèles et une fin semblable : la Bibliothèque Nationale. Le Chansonnier Clairambault, légué par Nicolas-Paschal Clairambault à l'ordre du Saint-Esprit, fut déposé en 1772 au couvent des Grands-Augustins. Extrêmement consulté jusqu'alors, il fut communiqué avec plus de réserve par les moines. Les collections de Clairambault arrivèrent le 9 mai 1792 à la Bibliothèque Nationale (voir p. 15) et le chansonnier y demeura

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longtemps oublié, éclipsé par sa célèbre copie accessible au public dès son entrée à la Bibliothèque.

Le chansonnier Maurepas avait, en effet, été dès son exécution une curiosité bibliographique : quarante-six volumes reliés en maroquin rouge aux armes du comte, tous remarquables par leur élégance calligraphique et les tables alphabétiques dont ils étaient pourvus. Acquis à la vente Méon, il fut utilisé très tôt par les historiens : citons, par exemple, Victor Cousin pour sa biographie de Mme de Longueville (1853). Il couvre la période 1549-1759 et témoigne avec éclat de cet engouement qui poussait les contemporains à recueillir les curiosités, habitude ancienne que l'on trouve, près de deux siècles plus tôt chez Pierre de l'Estoile, et que les convulsions du Grand Siècle, la Fronde en particulier, développèrent encore. A la veille de la Révolution, quelle bibliothèque, robine ou nobiliaire, ne possédait pas son chansonnier, si modeste fût-il ? M. Sacquin

Les échanges

Cette façon ingénieuse de remplacer les crédits défaillants avait déjà été utilisée par la Bibliothèque Nationale, avec ses doubles comme monnaie d'échange, tout particulièrement par le cabinet des Médailles. Dans le courant de l'année 1798, elle reçut l'autorisation, ou plutôt le privilège, puisqu'elle fut officiellement la seule à en bénéficier, d'obtenir de particuliers des manuscrits précieux ou des ouvrages rares, en échange de livres à prendre dans les dépôts provisoires. Il s'agissait bien sûr d'une mesure d'économie, mais aussi d'une manière élégante sinon efficace d'utiliser le reliquat des dépôts littéraires, alors que toutes sortes d'institutions y avaient déjà abondamment puisé.

En décembre 1798, furent acquis de cette manière les papiers de travail de l'abbé Eusèbe Renaudot (nouv. acq. fr. 7456-7500). Petit-fils de Théophraste Renaudot, cet ecclésiastique avait réuni une documentation importante sur les affaires diplomatiques et religieuses du règne de Louis XIV, qui rejoignit ainsi sa collection de manuscrits précieux, arrivée avec le fonds de Saint-Germain-des-Prés (voir n° 127). En février 1799, La Vie de saint Louis (français 13746-13752) de l'historien janséniste Le Nain de Tillemont fut achetée au ci-devant bénédictin Dom Brial, contre vingt volumes choisis dans un dépôt. Enfin en 1801, les 514 volumes des Registres du Parlement, provenant de la collection du président Lamoignon (voir aussi nos 59-61), furent échangés aux libraires Pougens et Magimel contre un lot de livres

estimés par Van Praet à 5 372 francs. Pour les livres imprimés, on trouve mention de l'échange le 25 novembre 1798 d'une Bible géorgienne de 1743, contre un Voltaire in-8° sans figures, édition de Beaumarchais et une Encyclopédie de Genève in-4° que le ministre de l'Intérieur François de Neufchâteau avait autorisé à prendre au dépôt des Cordeliers.

Mais il ne restait pas toujours parmi les lambeaux des bibliothèques saisies les volumes que souhaitaient recevoir en échange les possesseurs des manuscrits convoités par la Bibliothèque Nationale. Les marchandages donnèrent lieu à des correspondances pittoresques. Ainsi le propriétaire du Valère Maxime présenté désirait un exemplaire de la Bibliographie générale des Voyages de La Harpe, et l'Encyclopédie, dans son édition in-folio. Les conservateurs fouillèrent pour lui les dépôts littéraires, ou plutôt ce qui en restait. Mais le premier ouvrage manquait et le second était incomplet, et ils lui octroyèrent à la place des ouvrages patristiques et une édition complète de saint Bonaventure !

M.P. Laffitte

Bibl. : Delisle, Cabinet des Manuscrits, II, p. 38-39. – Labiche, Notice sur les Dépôts littéraires, p. 77-78.

Sources : Manuscrits. Archives modernes, CIV et CDXCIV.

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Valère Maxime Facta et dicta memorabilia

Provins, 1167. – Parchemin, 149 ff., 320 X 235 mm.

– Reliure maroquin fauve.

Manuscrits. Latin 9688.

Prov. : Echange (2 août 1798).

Bibl. : B. Munk Olsen, L'Etude des auteurs classiques

latins aux XIe et XIIe s., II, Paris, 1985, p. 667. –

Ch. Samaran et R. Marichal, Catalogue des manuscrits en écriture latine…, III, Paris, 1974, p. 137. –

P.D. Stirnemann, « Quelques bibliothèques

princières et la production hors scriptorium au

XIIe s. », dans Bulletin archéologique du C.T.H.S.,

XVII-XVIII A (1984), p. 7-38.

Historien romain du Ier siècle, Valère Maxime n'a laissé qu'un ouvrage, Facta et dicta memorabilia, sorte de compilation d'anecdotes, d'événements et de maximes

extraits des écrivains antérieurs et surtout des historiens romains, classée en grandes catégories un peu arbitraires : religion, prodiges, patience, amitié. Dédicacé à l'empereur Tibère dans une épître à la limite de la flagornerie, ce florilège s'attache surtout à dépeindre les moeurs et la vie quotidienne à Rome. Le style de l'ouvrage, laborieux et décadent, n'en fait pas un chef-d'oeuvre littéraire.

Ce texte a cependant connu le succès au Moyen Age. Le scribe d'origine insulaire Guillaume l'Anglais l'a copié en 1167, à Provins, à l'intention du comte de Champagne, pour qui il transcrira quelques années plus tard un autre auteur difficile, Aulu-Gelle. Ce comte de Champagne, Henri le Libéral, avait épousé

Marie de France, fille d'Aliénor d'Aquitaine et du roi de France Louis VII. Protectrice de Chrétien de Troyes, Marie de France était aussi poétesse. Le grand seigneur lettré qu'était Henri le Libéral préférait, dit-on, la compagnie des livres à celle des hommes ; il est très représentatif de cette aristocratie intellectuelle, laïque ou ecclésiastique, qui à la fin du XIIe siècle favorise le retour d'une production livresque privée, presque totalement abandonnée depuis l'époque carolingienne. Il s'agit le plus souvent de copies très soigneusement exécutées, mais sans ostentation, de textes parfois ardus, comme le Valère Maxime, mais on ne peut préciser si elles sont issues d'ateliers privés ou monastiques. On retrouve ce

manuscrit parmi les livres légués par le comte de Champagne à la chapelle de son palais, la collégiale Saint-Etienne de Troyes.

Le propriétaire, le citoyen de Belloc, sans doute Georges-Antoine- Thérèse de Belloc, né à Toulouse en 1774 et qui sera plus tard préfet, reçut en paiement des livres extraits pour lui d'un dépôt littéraire. Les tractations eurent lieu au cours de l'été 1798. M.P. Laffitte

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Les dons

Au cours des siècles, la Bibliothèque du Roi s'était forgé, auprès des classes éclairées de l'Europe entière, un prestige qui lui avait valu des donations magnifiques. Ce prestige passa tout entier à la Bibliothèque Nationale, et les dons continuèrent d'arriver, même aux heures les plus sombres de la Révolution.

Cependant, qu'il s'agisse de livres, de manuscrits, de cartes, de gravures, les dons de cette période consistèrent en pièces isolées plutôt qu'en ensembles importants.

Une correspondance très variée, émanant de personnes privées ou d'institutions, accompagnait les documents, envoyés de France ou de l'étranger. Elle témoigne de la fierté que collectionneurs ou auteurs éprouvaient à participer, même modestement, à l'enrichissement des collections de cette maison, que certains d'entre eux appelaient la « Grande Bibliothèque Nationale de Paris ».

Sources : Manuscrits. Archives A.R., 55. – Archives modernes, CCXCI. CDXCII et DXX.

Le mécénat

Dans les premières décennies du XVIIIe siècle, la Bibliothèque du Roi avait bénéficié de quelques donations importantes, en quantité comme en qualité : les manuscrits et les imprimés de Morel de Thoisy (1725), la collection musicale de l'abbé de Brossard (1726), les manuscrits d'Antoine Lancelot (1733), les papiers de Racine, offerts par son fils Louis (1756), des livres et manuscrits russes provenant du docteur Clère, ancien médecin des années de la Tzarine (1776), les gravures et les bronzes du duc de Caylus (1764-1765), etc.

Une telle générosité ne se manifesta pas pendant la Révolution, c'est là une des conséquences les plus immédiates des événements. En effet les bibliothèques qui en d'autres circonstances auraient pu être offertes à la Bibliothèque Nationale étaient soit atteintes par les lois contre l'émigration et saisies, soit vendues en France même ou à l'étranger. Parmi les rares exemples d'ensembles entrés

entre 1789 et 1799. on peut citer la collection Noyseau d'Ormesson, sur laquelle on reviendra plus loin, et le Recueil de la jurisprudence et des privilèges de la Chambre des Comptes (français 10991-11079 et nouv. acq. fr. 1565-1660), réuni par Athanase-Alexandre Clément de Boissy (1718-1793), maître en la Chambre des Comptes et écrivain : ces documents furent donnés par son fils Clément de Blavette. en 1797. Les autres collections rencontrées dans les dossiers « dons » des Archives correspondent plutôt à des saisies : le don de la collection Duchêne en thermidor an II (juillet 1794) était en réalité un dépôt des archives de l'agence générale du clergé, supprimée peu avant. Ces archives seront cédées aux Archives Impériales [puis Nationales] sous le second Empire. M.P. Laffitte

Bibl. : C. Couderc. « Inventaire sommaire de la collection Clément de Boissy ». dans Rerue des Bibliothèques, avril-juin 1835.

Anne-Louis-François de Paule Lefèvre d'Ormesson de Noyseau

Les difficultés internes que connaît Le Noir. bibliothécaire du roi, amplifiées tout au long de 1789, le contraignent à se retirer en décembre. Le comte de Saint-Priest, ministre de la Maison du roi,

propose d'abord la charge à l'abbé Barthélémy, mais c'est Anne-Louis-François de Paule Lefèvre d'Ormesson de Noyseau qui en reçoit finalement les provisions et prête serment en janvier 1790.

Il a trente-huit ans. Court passage que celui de ce parlementaire, député de la noblesse aux Etats généraux, qui ne résiste pas à la chute de la monarchie. Roland, devenu ministre de l'Intérieur, scinde à ce moment le poste de bibliothécaire du roi pour Carra et Chamfort, premiers bibliothécaires nationaux. Le 21 août 1792 d'Ormesson remet les clés de l'établissement où il a fait preuve d'une remarquable activité, s'adaptant avec souplesse à des circonstances inédites. Fidèle à la monarchie tout en restant modéré, il a signé la protestation du 15 septembre 1791, visant à rappeler le Parlement. Il est arrêté le 17 décembre 1793, en même temps que les membres du Parlement de Paris et Malesherbes. Accusé de complot royaliste, il est condamné et exécuté le 20 avril 1794.

Lors du procès, le Comité de surveillance de La Fontaine en livra un portrait intéressant : « Possédant avant la Révolution plus de 60 000 livres de rente, ayant un revenu actuel de 10 000 livres, en relation avec des ci-devant nobles non suspects et des patriotes, philosophe, bon, grand travailleur et présumé patriote ; au moins s'il n'aime pas la Révolution, il n'est pas contre ». De fait, Lefèvre d'Ormesson est d'abord un savant, helléniste réputé, qui est admis à l'Académie des Inscriptions en 1792 et qui poursuit ses études de grec en prison. Sa bibliothèque personnelle mise en vente les 12 pluviôse et 2 messidor an IV (1er février et 20 juin 1796) comprend plus de 10 000 volumes, parmi lesquels un grand nombre d'ouvrages sur la littérature classique et les langues rares.

Ce collectionneur se trouve plongé à la Bibliothèque du Roi dans une situation très difficile. Le rapport demandé par l'Assemblée nationale à Lebrun en octobre 1789 exige des économies drastiques. Par ailleurs le dépôt légal est supprimé le 21 juillet 1790. Certes, la mise à disposition de la nation des biens du clergé le 2 novembre 1789 introduit des modes d'enrichissement inespérés, mais elle n'assure pas l'arrivée de la production courante qui au début de la Révolution connaît une inflation, en partie conséquence de la liberté de la presse proclamée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le budget prévu est de 80 000 livres, ne comprenant pas les appointements du bibliothécaire (10 000 livres), alors que 120 000 livres seraient le minimum nécessaire pour les dépenses régulières de fonctionnement. Lefèvre d'Ormesson n'obtient que 110 000 livres en 1790 et 100 000 livres en 1791, sommes obérées en grande partie par les acquisitions exceptionnelles. Il avance ainsi ses propres deniers pour permettre des acquisitions d'estampes, dont beaucoup de portraits et caricatures d'actualité (3 416 pièces pour une somme de 4 434 livres), et aussi des abonnements à des journaux, 67 titres totalisant 6 335 numéros pour un montant de plus de 1 100 livres, de l'Ami du roi à l'Ami du peuple en passant par le Journal des amis de la Constitution, le Journal des débats, les Lettres du Père Duchesne, etc. Son but est de rassembler tout ce qui a été imprimé sur la Révolution depuis l'Assemblée des notables : non content de solliciter des dons des députés des deux assemblées, il insiste auprès de nombreuses autorités pour qu'elles continuent un dépôt légal bien que celui-ci n'existe plus. Son intérêt s'étend jusqu'aux affiches et placards (achat d'environ 300 pièces) ainsi

qu'aux textes des lois et aux procès-verbaux des différentes séances des assemblées et comités. Il prospecte enfin en province, jusqu'à Perpignan.

Lefèvre d'Ormesson, qui est également président du Comité ecclésiastique et d'aliénation des biens nationaux devenu Commission des Monuments, soutient activement Van Praet et Capperonnier dans les choix qu'ils opèrent dans les bibliothèques saisies. D'autre part, sur son intervention personnelle, par décret du 14 août 1790, la Constituante réunit à la Bibliothèque du Roi deux fonds importants et récents, le Dépôt de législation et de droit public et le Cabinet des chartes. Cet afflux de documents pose à la fois des problèmes de catalogage et de locaux. Sur ce dernier point, en dépit de ses efforts, Lefèvre d'Ormesson n'obtient presque rien. En revanche lui revient l'initiative d'une bibliographie générale. Elle voit le jour avec le Bureau de bibliographie qui ne sera pas rattaché à son établissement. Il s'agit de la première tentative de catalogue collectif en France, dont les résultats n'ont pas été à la hauteur des espérances initiales. Sous sa présidence enfin, la Commission des Monuments réussit à éviter beaucoup de destructions : certaines des collections épargnées se sont retrouvées à la Bibliothèque du Roi. Le bilan, fort méconnu, de ces deux années sous la férule de Lefèvre d'Ormesson, est donc particulièrement riche. V. Tesnière

Bibl. : Catalogue de la vente d'Ormesson (Imprimés. Al2269 et 12277).

Sources : Archives nationales. F 7. 477418. procès de Lefèvre d'Ormesson. – Manuscrits. Nouv. acq. fr. 12671-12672. liste des journaux de la collection d'Ormesson. – Estampes. Ye. 1 1780-1835, acquisitions du cabinet des Estampes.

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Les Révolutions de Paris

Paris, 1789-90. – Tome 1 (n° 1 du 12-17 juillet 1789 au n° 13 du 3-10 octobre 1789) et tome V (n° 53 du 10-17 juillet 1790 au 65 du 12-9 octobre 1790). – Reliure d'époque révolutionnaire pour le tome V. Imprimés. 8° Le2.271.

Prov. : Collection Ormesson.

Bibl. : L. Gallois, Histoire des journaux et journalistes de la Révolution française, Paris, 1845, II, p. 187-232. – Histoire générale de la pressefrançaise sous la direction de C. Bellanger. J. Godechot, P. Guiral et F. Terrou, Paris, 1969.1. p. 452. – A. Martin et G. Walter.

Catalogue de l'histoire de la Révolution française : journaux e almanachs, Paris, 1943, p. 540-556. Sources : Manuscrits. Nouv. acq. fr. 12672.

Il est à peine besoin de présenter les Révolutions de Paris, l'un des plus célèbres journaux politiques de la période 1789-1799, dont l'épigraphe en tête de chaque livraison est encore présent dans les mémoires (« Les grands ne nous paraissent grands que parce que nous sommes à genoux. Levons-nous ! »).

Prudhomme, son directeur (1752-1830), d'abord commis-libraire à Lyon, puis relieur à Meaux et Paris, lance cette publication avec Tournon dès le lendemain du 14 juillet 1789. Loustalot, jeune avocat, ami de Desmoulins, en est le principal rédacteur jusqu'à sa mort en 1790. Le succès immédiat de ces gros cahiers hebdomadaires de 32 à 48 pages est dû non seulement au talent des plumes qui y écrivent mais aussi au sens commercial et politique de Prudhomme. Il tire en effet vite parti de l'appétit des Parisiens pour les récits détaillés des événements révolutionnaires dont il se fait une spécialité contrairement aux autres feuilles périodiques moins étoffées en ce sens. On s'arrache le titre. Les éditions se multiplient, les contrefaçons aussi. Tournon se sépare de son associé pour lancer les Nouvelles Révolutions de Paris qui tiendront deux ans. A la mort de Loustalot, Prudhomme insiste, sans abuser le public averti, sur sa qualité de principal rédacteur mais prend soin de s'entourer d'une bonne équipe de journalistes parmi lesquels on retient Chaumette, Maréchal, Fabre d'Eglantine. Résolument aux côtés de la révolution en marche, le ton est moins polémique que celui de Marat ou Desmoulins. Arrivé à son 225e numéro

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(25 pluviôse an II, soit 28 février 1794), Prudhomme annonce à ses lecteurs la cessation de sa publication.

Les deux tomes exposés sont entrés sous la Révolution. Ils proviennent de la collection réunie par Lefèvre d'Ormesson. Le volume I est précédé d'une introduction, parue seulement en 1790 : ce n'est donc pas la première édition mais la neuvième. Il porte le cachet de Prudhomme (« Seul propriétaire et éditeur des Révolutions de Paris ») qui a été imprimé a posteriori pour se garantir contre le journal de Tournon et d'autres contrefaçons. L. Gallois le confirme, en précisant d'autre part que les gravures de ce volume ne figuraient pas dans les tout premiers numéros imprimés et que Prudhomme les promit à ses lecteurs par la suite, cherchant toujours à se défendre contre une âpre concurrence. Le tome V possède une reliure d'époque révolutionnaire particulièrement intéressante : le dos porte deux types de fers représentant l'un la Bastille assiégée, l'autre un bonnet phrygien au bout d'une pique entouré de la devise « Vive la liberté ». On rappellera simplement que le récit des événe68

événe68

ments du 14 juillet 1789 marque le début de la fortune du journal. V. Tesnière

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Journal général de France

Paris, 1791 (n° 1 du 1er janvier 1791 au n° 180 du 31 décembre 1791). Imprimés. 4° Le2.69. Prov. : Collection Ormesson. Bibl. : J.-P. Bertaud. Les Amis du roi : journaux et journalistes royalistes en France de 1789 à 1792, Paris, 1984, p. 199 et 217. – E. Hatin, Bibliographie de la presse périodique, Paris, 1866, p. 19, 96, 155, 213. – A. Martin et G. Walter. Catalogue de l'histoire de la Révolution française : journaux et almanachs, Paris, 1943, p. 341-342. – A. Robinet, Dictionnaire historique et bibliographique de la Révolution et de l'Empire. Paris, 1898, I, p. 287.

Sources : Manuscrits. Nouv. acq. fr. 12672.

Le Journal général de France est l'émanation des Affiches de province, devenues Affiches,

annonces et avis divers en 1762. En 1784 est porté le sous-titre Journal général de France qui l'emporte l'année suivante. Ce périodique tri hebdomadaire, puis à partir de janvier 1790 quotidien en livraisons de quatre pages in-4°, cesse de paraître en août 1792. Il reparaît provisoirement après vendémiaire an V sous le titre de Journal général de France, l'Orateur constitutionnel et le Gardien de la Constitution, puis après la proscription de fructidor, de nouveau en l'an VI.

Mais le rédacteur qui a assuré la renommée du titre, Louis-Abel de Bonafons, abbé de Fontenai (1737-1806), s'est retiré dès la mi-janvier 1791 pour fonder le Journal général, donnant libre cours alors

à ses plaidoyers pour la cause de Louis XVI. Faisant partie du réseau lié à l'émigration que d'Antraigues entretient en France pour le compte des frères du roi, il devient un ardent propagateur de la politique du pire, se dissociant en cela de confrères royalistes plus modérés comme Royou. La chute de la monarchie met un coup d'arrêt à ses activités. Le rédacteur émigre mais le titre refait surface en 1801-1802, devenant Journal général de la littérature, des sciences et des arts. Avant la Révolution, Fontenai, jésuite et homme de lettres, qui succéda en 1779 à Meusnier de Querlon, avait transformé le Journal général de France, périodique d'annonces et d'informations générales en un recueil

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littéraire parmi les plus intéressants, d'après Hatin, pour la bibliographie et l'histoire des lettres de la seconde moitié du XVIIIe siècle. C'est Jacques-Marie Boyer-Brun, d'après Martin et Walter, qui prend la relève en 1791 et a dès lors la responsabilité de la publication. Ce journaliste nîmois, qui avait quitté sa ville pour Paris après le massacre des catholiques, ne passait pas pour sympathisant de la Révolution. Le principal rédacteur est toutefois l'abbé André-Charles Brotier, neveu de Gabriel Brotier membre de l'Académie des Belles-lettres, et lui-même mathématicien et helléniste réputé, que la politique intéresse peu. Parmi les collaborateurs, on notera le prolifique romancier Ducray-Duminil. Le quotidien a beau affirmer avoir toujours « sous les yeux les principes de sagesse, de modération et d'impartialité que M. l'abbé Fontenai a si bien exprimés », le ton, toujours plein de verve, se fait parfois ironique et ouvertement polémique. Il disparaît également avec la fournée de journaux royalistes supprimés au cours de l'été 1792.

La liste d'abonnements de journaux qu'avait souscrits Lefèvre d'Ormesson et qui reviennent ensuite à la bibliothèque dont il avait la charge, présente quelque ambiguïté. Est porté en effet « Journal général de France » sans précision supplémentaire, ni indication de la dépense engagée. Les volumes conservés actuellement par la Bibliothèque Nationale permettent de trancher en faveur du titre abandonné par Fontenai au début de 1791 : les estampilles attestent que les volumes I, II, IV et V correspondant aux années 1789 et 1791 sont arrivés pendant la Révolution, le tome III provenant de la collection La Bédoyère, acquise sous le Second Empire. Le Journal général de France figure au milieu d'autres titres royalistes dans le choix fait par d'Ormesson, comme l'Ami du Roi de Royou, celui de Crapart, le Journal de M. Suleau, le Journal des amis de la Constitution monarchique, etc. dont la provenance est moins assurée. V. Tesnière

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Les Sabats jacobites

Paris, 1791, tome I (nos 1 à 25, non datés). Imprimés. 8° Le2.541.

Prov. : Collection Ormesson.

Bibl. : J.-P. Bertaud, Les Amis du roi : journaux et journalistes royalistes en France de 1789 à 1792, Paris, 1984, p. 46, 83-84. – L. Gallois, Histoire des journaux et des journalistes de la Révolution française, II, Paris, 1846, p. 403-420. – A. Martin et G. Walter, Catalogue de l'histoire de la Révolution française : journaux et almanachs, Paris, 1943, p. 243 et 559.

Sources : Manuscrits. Nouv. acq. fr. 12672.

« Ce journal […] prêchera la soumission aux nouvelles lois, le respect dû à notre monarque et la nécessité de la monarchie que la secte jacobite voudroit détruire. Sous le manteau de la folie, il dira constamment la vérité ; et c'est avec les armes du ridicule qu'il combattra et démasquera ces libellistes forcenés, et cette ligue de régicides qui ne cherchent qu'à éterniser le trouble et l'anarchie […]. Ce sera principalement sur ses bons amis les jacobins que l'auteur dirigera ses vaudevilles. Il ne cessera de leur dire :

Du haut en bas Messieurs, vous mettez tout en France ; Du haut en bas Vous traitez gens de tous états. Lassant bientôt sa patience, Vous serez traités par la France Du haut en bas ».

Le ton est donné d'emblée par l'auteur de ces pamphlets royalistes qui ont paru tous les deux jours à Paris entre 1791 et 1792, suivis des Grands Sabats publiés de juin à août 1792. Il s'agit d'un Cambrésien que la Révolution a détourné de l'état ecclésiastique et d'un substantiel bénéfice, le contraignant à vivre de sa plume. François Marchant cherche avant tout le succès : il brocarde donc le parti triomphant. La Chronique du Manège le fait connaître. Il se lance ensuite, en même temps que les Sabats dans la publication d'autres feuilles comme la Constitution en vaudevilles (1792) ou encore les Bienfaits de l'Assemblée nationale ou les Entretiens de la mère Saumon, doyenne de la Halle, suivi de vaudevilles (1792). Il cultive, on le voit, une satire grossière inspirée de la tradition du théâtre de foire ou du genre poissard. Y correspondent du côté républicain le Père

Duchesne et ses innombrables imitations. Le public goûte fort ces feuilles qui n'hésitent pas à manier l'injure et l'attaque personnelle, contrairement aux journaux de Royou ou de Fontenai où l'analyse et le commentaire politique dominent. Conscient de l'influence du journal de Marchant auprès des Parisiens, Louis XVI n'a pas hésité à lui accorder des subsides ainsi qu'à des titres de même veine, le Journal à deux liards, le Logographe, l'Indicateur et le Postillon de la guerre. Il n'existe pas de preuves formelles pour les autres publications royalistes dans les papiers découverts chez le roi après le 10 août 1792 (Archives nationales. C 187/133). Le monarque réservait d'autre part 6 000 livres pour la correspondance avec les auteurs et journalistes qui lui étaient favorables ainsi que 2 000 livres pour les abonnements à tous les journaux et l'achat d'un bon nombre de pamphlets.

Les trois volumes des Sabats jacobites que possède la Bibliothèque Nationale viennent de la collection rassemblée par Lefèvre d'Ormesson au début de la Révolution. Assez éclectique, celle-ci comporte surtout des journaux politiques. On note, mais ils sont en minorité, les Lettres du Père Duchesne, le Journal du diable, le Logographe et le Journal à deux liards. Ce dernier et les Sabats, bien qu'estampillés et reliés tardivement, ont été conservés jusqu'à maintenant. Signalons enfin que le frontispice qui ouvre le premier volume fait allusion à une anecdote célèbre de la Révolution. Le journaliste Gorsas avait coutume de stigmatiser les dépenses somptuaires de la cour en les opposant à la misère du peuple et à la sienne en particulier. Mesdames, tantes du roi, lors de leur départ, furent ainsi arrêtées par une foule qui avait lu les plaintes du rédacteur du Courrier des départements et leur réclamait fort sérieusement : « Rendez-nous les chemises à Gorsas ! ». La presse royaliste se délecta de cet épisode. V. Tesnière

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Dons isolés

Si l'on retrouve dans les Archives de la Bibliothèque Nationale une correspondance abondante concernant des documents d'intérêt bibliophilique, souvent de grande valeur, il s'agit plus souvent de propositions d'achat que de dons. C'est de l'étranger que viennent les pièces les plus remarquables, et il est parfois difficile d'y faire la différence entre ce qui venait de francophiles, tels le bibliophile Hüpsch (n° 71) ou les scientifiques Fischer (n° 72) et

Schultz, professeur à Giessen, qui le 3 thermidor an V (21 juillet 1797) envoya à la « Grande Nation française » un manuscrit tartaro-chinois sur feuilles de palmier d'un côté, et les dons forcés ou de circonstance, comme ce Cicéron envoyé à Paris par les professeurs de l'Université de Mayence (n° 73), qui pensaient peut-être protéger ainsi le reste de leurs collections, d'un autre côté.

Epistolier à l'usage d'une église de Cologne

Cologne (?), XIe s. – Parchemin, 128 ff., 295 x 225 mm. – Reliure ivoire.

Manuscrits. Latin 9454.

Prov. : Don du baron Hüpsch (1794).

Bibl. : F. Boyer, « Les Conquêtes scientifiques de la Convention (1794-1795) », dans Revue d'histoire moderne et contemporaine, XVIII (1971), p. 367-368. – A. Goldschmidt, Elfenbeinskulpturen, I, Berlin, 1914, 38. – J.M. Plotzek, « Zur Initialmalerei des 10. Jahrhunderts in Trier und Köln », dans Aachener Kunstblätter, XLIV (1973), p. 110-111. – F. Steenbock, Der Kirchliche Prachteinband in frühem Mittelalter., Berlin, 1965, n° 36.

Exp. : Die Sammlungen des Baron Hüpsch. Ein Kolner Kunstkabinett um 1800, Cologne, 1964, n° 48 et passim. – Omamenta Ecclesiae. Kunst und Künstler der Romanik, Cologne, 1985, E 61.

Ce recueil contient les épîtres pour les dimanches et les fêtes de l'année. On y reconnaît des textes pour plusieurs saints vénérés à Cologne, dont saint Géréon et saint Séverin. La décoration du manuscrit, réservée aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, dans le style colonais du XIe siècle, est inachevée. Mais le soin particulier apporté à la lettre ornée illustrant la fête de saint André, pourrait suggérer que cet épistolier était destiné à l'abbaye Saint-André de Cologne.

Il a conservé sa reliure originale de peau blanche ; l'ais supérieur est orné de plaques d'ivoire ornementales dont la sculpture, pratiquée à claire-voie, laisse apparaître un fond doré. Ces plaques sont entourées de seize portraits, identifiés comme ceux des apôtres et des évangé71

évangé71

listes. Leur style rappelle l'art byzantin : vraisemblablement exécutées en Italie du Nord au Xe siècle, elles ont été utilisées un siècle plus tard pour ce recueil. Une liseuse de samit façonné à plusieurs couleurs, dont il reste un fragment, protégeait l'ensemble.

Le manuscrit provient de la collection du baron Johann Wilhelm Karl Joseph Hüpsch, qui le remit en cadeau aux commissaires de la République le 26 novembre 1794, peu après l'entrée des troupes françaises à Cologne, et obtint en échange la jouissance de la maison d'un

émigré où il logea ses collections. Curieux personnage que ce baron Hüpsch, qui en réalité n'était pas baron et ne s'appelait pas Hüpsch. Bibliophile averti, il avait a plusieurs reprises entre 1789 et 1792 pro posé ses services à Paris pour l'achat d'éditions rares ; médecin, il fournit un remède contre la gale aux soldats français.

De Cologne, le manuscrit fut transféré à la Bibliothèque Nationale le 29 août 1799. M.P. Laffitte

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Calendarium anni 1457

[Mayence, imprimeur de la Bible à 36 lignes, vers 1456]. Placard anopistographe.

Imprimés. Rés. V. 725.

Prov. : Don de G. Fischer.

Bibl. : GW, 1286. – Pellechet, 3166.

G. Fischer

Notice du premier monument typographique en caractères mobiles avec date connu jusqu'à ce jour

Mayence, T. Zabern, 1804. In-4°.

Imprimés. Q. 1513.

Au témoignage d'Armand-Gaston Camus, dans son Voyage fait dans les départements nouvellement réunis… à la fin de l'an X. Paris, 1803, le jeune naturaliste saxon Gotthelf Fischer avait été écarté de la chaire d'histoire naturelle qui devait lui revenir lors de la réouverture de l'univer-

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sité de Mayence, en 1798, au profit « de l'ami d'un des membres du Directoire exécutif, et Fischer se trouva transformé de professeur d'histoire naturelle en bibliothécaire de l'université ».

A ce poste, qu'il occupa jusqu'en 1804, quand il fut nommé professeur d'histoire naturelle à Moscou, Fischer se passionna pour l'histoire des débuts de la typographie, tout spécialement pour Gutenberg. Aujourd'hui encore, ses Typo-graphischen Seltenheiten, publiées par fascicules entre 1800 et 1804, restent un classique de l'étude des premiers incunables. Ses recherches portèrent d'abord sur le fonds très riche dont il avait la garde, mais il travailla également dans d'autres bibliothèques, dont la Bibliothèque Nationale où Van Praet lui réserva le meilleur accueil. En outre, il dépouilla les archives de Mayence à la recherche d'indications sur l'histoire du papier au XVe siècle. C'est ainsi qu'il découvrit un almanach, « morceau imprimé d'une très haute antiquité, et qui servait d'enveloppe au registre des comptes de l'an 1457 ». Par comparaison avec un Donat également découvert aux archives de Mayence par son collègue le diplomatiste Bodmann, Fischer attribua l'impression de l'almanach à Gutenberg. Le plus ancien livre imprimé alors connu, le Psautier

Psautier 1457, n'ayant été achevé qu'au milieu de l'année 1457, il s'empressa de présenter sa découverte aux membres de la classe de littérature de l'Institut comme celle du « premier monument typographique en caractères mobiles avec date connu. ». La francophilie de Fischer, qui était allée jusqu'à lui faire écrire dans la préface de son Essai sur les monuments typographiques de Jean Gutenberg, Mayence, 1802, que « les palmes qui couvrent la République ombragent aussi Mayence sa fille adoptive. et désormais on comptera parmi les villes françaises celle où fut inventée l'imprimerie », l'incita à faire don à la Bibliothèque Nationale de l'almanach comme du Donat mentionné plus haut (Vélins 1036).

Nous exposons l'almanach dans sa reliure contemporaine de son entrée à la Bibliothèque, et la notice de Fischer.

F. Dupuigrenet

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Cicéron

Epistolae ad familiares

Venise, Nicolas Jenson, 1475. In-folio. Imprimés. Rés. Vélins 1149. Prov. : Don de l'Université de Mayence (1798-1802). Bibl. : M. Billanovich, « Benedetto Bordon e Giulio Cesare Scaligero », dans Italia medioevale e eumanistica, XI (1968), p. 187-256 : 209-211. – BMC, V, 175. – De Marinis, 1632. – GW, 6815. – Pellechet, 3598. – C.A. Schaab, Die Geschichte Erfendung der Buchdruckerkunst durch Johann Gensfleisch, Mayence, 1830,1, p. 399.

Les Epistolae ad familiares, modèle de bonne latinité, furent publiées dès l'introduction de l'imprimerie en Italie avec un succès constant. Ce fut le premier livre imprimé à Rome par Sweynheym et Pannartz en 1467, et à Venise, par Jean de Spire en 1469. Le Français Nicolas Jenson, le plus grand imprimeur de Venise avant Alde Manuce, l'avait imprimé dès 1471, la deuxième année de son exercice. En 1475 même, une édition concurrente était publiée par Filippo Petri.

Le possesseur de cet exemplaire, Peter Ugleimer, était en étroites relations d'affaires avec Nicolas Jenson dont il finança plusieurs éditions avant d'entrer en 1480 comme partenaire dans la grande compagnie fondée par Jenson et Jean de Cologne. Les armes d'Ugleimer figurent aux plats de la reliure dans un décor d'entrelacs d'inspiration orientale et, selon T. De Marinis, plus précisément persane. Il s'agit de la plus ancienne reliure connue réalisée pour Ugleimer. Lors de la dispersion de la bibliothèque de celui-ci, le volume passa à la bibliothèque de l'université, enrichie à la veille de la Révolution par les collections des ordres religieux dissous en 1781, et qui comptait en 1788, selon le bibliothécaire Forster, 50 000 volumes dont 45 000 antérieurs à 1700 et 35 000 doubles souvent vendus à des libraires ou à des amateurs.

La première mention des Epistolae de 1475 dans des documents français figure dans une « Note des livres rares et précieux qui se trouvent répandus dans les bibliothèques de Mayence » datée du 21 frimaire an VI (11 décembre 1797). soit au lendemain du traité de Campoformio par les articles secrets duquel

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73

l'Empereur avait cédé Mayence aux Français. Il y est indiqué que le volume est conservé à la « bibliothèque des jésuites », c'est-à-dire celle de l'université dont l'ordre avait eu la charge jusqu'en 1773. Des lettres adressées à Capperonnier par l'ex-abbé Mulot, ancien bibliothécaire de Saint-Victor et secrétaire du commissaire général pour les pays rhénans, Rudler, précisent le 8 pluviôse et le 21 ventôse an VI (28 janvier et 11 mars 1798) que la Bibliothèque Nationale va recevoir prochainement trois précieux incunables dont les Epistolae. Trois ans plus tard, le 4 floréal an IX (25 avril 1801), Capperonnier proteste auprès de Chaptal – ministre de l'Intérieur dont dépend Mayence, rattachée définitivement

définitivement la France depuis la paix de Lunéville (9 février 1801) et qui est devenue le chef-lieu du département du Mont-Tonnerre. Le « choix de livres précieux » effectué par Mulot et Rudler est resté « en dépôt à Mayence », et Capperonnier en demande l'envoi, citant explicitement les Epistolae. Le 30 thermidor an IX (18 août 1801), le bibliothécaire de l'université Fischer annonce à Van Praet l'envoi imminent des Epistolae et d'un Vocabularium germanico-latinum de 1469. Enfin, le 6 germinal an X (28 mars 1802), l'Assemblée générale des professeurs de l'université décide de faire don de ces deux volumes à la Bibliothèque Nationale, comme l'indique la mention portée sur les Epistolae par Fischer. On peut remarquer

que les professeurs de l'école centrale du Doubs avait également fait don en 1802 à la Bibliothèque Nationale d'une autre édition incunable du même texte (Milan, 1472). La saisie initiale, résultant du droit de conquête, s'était transformée en un don effectué par les professeurs d'une université provinciale de la République au profit de la capitale. Mais une lettre tardive de Van Praet à Carl Anton Schaab, de janvier 1827, nous apprend que ce don aurait été en fait un échange, Van Praet ayant « donné pour cet exemplaire le Catholicon de 1460 sur papier, relié en vélin vert, avec les armes de Pie VI sur le dos ». F. Dupuigrenet

Dons d'auteurs

Déposés directement par les auteurs ou remis par des intermédiaires, libraires, collègues ou simples contacts, les dons d'ouvrages contemporains sont un complément important des livres entrés par achat ou soumis au Dépôt légal : ainsi l'employé de la Bibliothèque du Roi Leprince, bien placé pour en estimer l'utilité, donna en 1789 les sept volumes de l'édition in-4° des oeuvres de Jean-Jacques Rousseau, qui n'avait pas été soumise au Dépôt légal (Rés. S. 1380-1386 ?). La part des dons ne pouvait que grandir pendant les années où le Dépôt légal fut supprimé.

La correspondance conservée ne couvre sans doute qu'une partie des dons reçus par la Bibliothèque Nationale. A travers elle on peut cependant se faire une idée de leur nature, tout à fait représentative des préoccupations et des travaux des contemporains. On y rencontre plusieurs récits de voyages, une Géographie des Grecs, publiée à Paris chez

Debure en 1791 et offerte dès sa parution par son auteur, Pascal François Joseph Gossellin, député de Flandre ; les traités de charpenterie et d'architecture de Nicolas Fourneau, publiés une dizaine d'années avant la Révolution et donnés en 1793 par la veuve Houdin ; plusieurs ouvrages d'agriculture exotique, sur le café, le sucre, l'indigo, les épices, édités à Amsterdam ou dans l'île de France (actuelle île Maurice) et envoyés à Capperonnier par Joseph François Charpentier de Cossigny de Palma (1730-1809), député en 1789 de ladite île de France, reçus à la Bibliothèque en pluviôse an VIII (janvier 1800). En août 1792, des ouvrages de médecine avaient été envoyés de Verdun et les écrits de Marat furent déposés en grande pompe par l'Assemblée générale de la section du Contrat social, le 27 pluviôse an II (15 février 1794).

La production française

Il est difficile, dans la correspondance qui concerne les envois d'oeuvres éditées ou conservées en France, de faire la différence entre les versements découlant du Dépôt légal ou des confiscations, et ceux qu'occasionnait le souci de nombreux auteurs d'entrer à la Bibliothèque Nationale, et d'immortaliser ainsi leur oeuvre. On a pu par ailleurs voir que le Dépôt légal était aussi

souvent exécuté par les auteurs, les dessinateurs ou les graveurs (gravures mais aussi médailles, voir 74), que par les imprimeurs et les éditeurs.

On peut constater que pendant les trois années où l'obligation du Dépôt légal fut complètement supprimée, les conservateurs continuèrent d'encourager le don d'un exemplaire de toute

publication à la Bibliothèque, au nom d'un droit moral. En 1792, après des réclamations d'autant plus virulentes que la Bibliothèque Nationale avait dû s'incliner à plusieurs reprises devant le Dépôt de la Guerre, le ministère de la Guerre accepta de déposer un spécimen complet des « Tables des constructions de l'artillerie de France », enluminées par Benoist, à condition qu'il soit conservé dans le « cabinet des ouvrages secrets ». En janvier 1794, le directeur du Journal de Paris se plaignait à Villebrune des pressions exercées sur lui par les gardes des Imprimés, et ajoutait avec un peu d'amertume que la Bibliothèque aurait pu prendre un abonnement. Mais il s'inclinait, car il était indispensable à ses yeux de figurer dans les collections nationales (voir n° 9). Et quelques jours plus tard, le « citoyen Montalembert »(Marc-René, marquis de Montalembert, 1714-1800, général de division en 1791, conseiller de Carnot au Comité de salut public), remettait pour les mêmes raisons les tomes déjà publiés de son Art défensif supérieur à l'art offensif. Enfin le 7 janvier 1793, peu avant le

rétablissement du Dépôt légal, les éditeurs de Ponce-Edouard Ecouchard, dit Lebrun, chantre de la Révolution, déposaient son Ode sur les événements de l'année 1792, en plusieurs exemplaires de formats différents.

Peu de manuscrits contemporains figurent dans les dons de cette époque : Les Réflexions sur le bonheur de Madame du Châtelet (français 13084) apportés en prairial an VIII, la traduction d'Ovide par Malfilâtre (français 14905), offerte par l'imprimeur Plassan le 12 ventôse an VII (2 mars 1799), après qu'il l'eût imprimée, les papiers légués à la Bibliothèque Nationale par l'architecte Boullée, et remis en pluviôse an VII (février 1799) par son légataire Benard, architecte du ministre de l'Intérieur, le manuscrit de Gossec, présenté ici, en sont les représentants. Ils sont pour la plupart arrivés tardivement.

Les graveurs de monnaies et de médailles apportaient aussi volontiers leur production. Les registres du cabinet des Médailles en font foi. M.P. Laffitte

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Dominique Vivant-Denon

La Calomnie d'Apelle, d'après l'école de Raphaël.

Eau-forte, rehauts de pointe-sèche et roulette. 2e état. Sbd. « Denon del. et set ». Cachet de V.D. bg (fourmi et tamis encadrés par V.D.), 315 X 465 mm. – Reliure maroquin rouge, roulette à chaud, aux armes de Louis XVIII (dos).

Estampes. Ef47 fol. 41.

Prov. : Don de l'artiste (1798). Inventaire n° 3428.

Bibl. : Bartsch illustré, t. CXXI, pl. CCCXX. – Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIII' s., p. 565, n° 234.

Exp. : Raphaël et l'artfrançais, Paris, Petit Palais, 1983, n° 271.

Personnage de toute première importance dans la réorganisation du Muséum (cf. J. Chatelain, D. Vivant-Denon et le Louvre de Napoléon, 1893), Vivant-Denon (1747-1825) traversa la Révolution avec habileté et bénéficia de la faveur aussi bien de Mme de Pompadour que des Montagnards puis de Napoléon Ier. Son oeuvre gravé (plus de 500 pièces) est de qualité inégale et d'inspiration disparate, allant de l'allégorie à la scène historique pour son oeuvre originale (100 pièces environ), interprétant par ailleurs très librement la peinture classique dans sa gravure d'imitation.

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La pièce présentée ici est inspirée du dessin attribué longtemps à Raphaël « la Calomnie d'Apelle » conservé au Louvre. Elle apparaît déjà dans le catalogue de l'oeuvre de l'artiste publié en 1803 (p. 7) et remonte aux années 1795-96. Donnée

par l'artiste à la Bibliothèque Nationale en l'an VI, elle illustre bien, abstraction faite de la vanité propre à l'auteur, la volonté de beaucoup de graveurs de l'époque d'y déposer leur oeuvre quand bien même celui-ci n'ait rien eu de révolution-

naire. La curiosité d'esprit de V.D. aussi habile évocateur de la gravure de Rembrandt que de la peinture du Guerchin ou de Teniers, s'accompagne ici dans cette interprétation de Raphaël, d'une liberté humoristique qui prouve qu'on pouvait beaucoup dire et beaucoup faire sous la Terreur à condition de savoir s'y prendre.

F. Fossier

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Hymne à l'Etre suprême pour choeur à 4 voix, avec accompagnement d'orchestre d'harmonie. Paroles de M.-J. Chénier, musique de Gossec.

Ms. autographe, 1794. 1 partition, 44 pp., 340 X 260 mm.

Musique. Ms. 1461.

Prov. : Don.

Bibl. : C. Pierre, Hymnes et chansons de la Révolution, Paris, 1904, p. 312-320. – L. Dufrane, Gossec, sa vie, ses oeuvres, Paris, 1927. – J.G. Prod'Homme, François-joseph Gossec., Paris, 1949 (In Euterpe, n° 8.) – W. Thibaut, François-Joseph Gossec, chantre de la Révolution française…, Gilly, 1970 (figures de Wallonie).

De l'oeuvre imprimée au Magasin de musique à l'usage des fêtes nationales (voir nos 4-7), il ne reste rien, les exemplaires portant le texte de M.-J. Chénier ayant été scrupuleusement détruits par décision de Robespierre. Le travail de Gossec ne fut pas perdu pour autant. De nouvelles paroles, écrites par Th. Desorgues, furent substituées pour les cérémonies du 20 prairial an II et une version populaire fut gravée pour être distribuée au peuple la veille de ce jour.

La partition autographe ici présentée n'est pas complète car elle a été réduite pour l'impression. Les cahiers sur lesquels se trouvaient transcrites les deuxième et quatrième strophes ont été enlevés.

Exemplaire ayant servi à la gravure, elle porte le « bon à graver » de Catel, Devienne et Lefèvre.

Né dans le Hainaut, François-Joseph Gossec (1734-1829) fut un compositeur actif avant et après la Révolution.

Musicien chez le fermier-général La Pouplinière, puis chez le prince de Conti et le prince de Condé, organisateur de

concerts, il composa de la musique religieuse, de la musique de chambre, des symphonies.

Très impliqué dans la Révolution, il écrivit de nombreuses oeuvres de circonstances (marches, symphonies, ouvertures, oeuvres chorales), participa à la fondation du Conservatoire, fut nommé à l'Institut dès sa fondation et chevalier de la Légion d'honneur dès la première promotion.

Sous l'Empire, sa carrière de compositeur était terminée. Celle d'enseignant cessa en 1816 à la dissolution du Conservatoire. P. Vidal

Les livres publiés à l'étranger

Comme les Français, les auteurs, les imprimeurs, les libraires étrangers mirent un point d'honneur à continuer de déposer dans les collections de la Bibliothèque Nationale les ouvrages qu'ils jugeaient dignes d'y figurer. Il s'agissait surtout de textes scientifiques, provenant de toute l'Europe.

Ainsi la grande édition de Polybe, du philologue français Jean Schweighaeuser, fut régulièrement envoyée à Paris, de l'an II à l'an IV. Il s'agissait pourtant d'une publication étrangère, imprimée à Leipzig entre 1785 et 1795, comme le célèbre Voltaire de Beaumarchais, édité à Kehl (n° 76). Et l'imprimeur berlinois F.T. Lagarde envoyait régulièrement sa production, entre autres une traduction allemande imprimée sur vélin, signalée dans le journal Le Bien Informé du 12 pluviôse an VI (31 janvier 1798), du Voyage du jeune Anacharsis, de l'abbé Barthélemy. Le comte d'Orford, Horace Walpole reçut en avril 1792 une lettre de remerciement dont la minute est conservée : « M. Horace Walpole, comte d'Oxford (sic) en son château de Shawberry Hill (sic) près Twickenham, comté de Middlesex, près Londres. J'aurais du, Monsieur le Comte, vous adresser plutôt les témoignages de la plus profonde reconnaissance. La magnificence de la reliure rend ce présent encore plus recommandable. ». Le fils du célèbre homme d'Etat anglais Robert Walpole, lui-même écrivain et grand amateur d'art avait déjà envoyé ses oeuvres à la Bibliothèque Nationale, ainsi que des ouvrages imprimés dans son château de Strawberry Hill, reliés somptueusement à ses armes. Une correspondance avec Capperonnier, datée de 1766, en garde le souvenir. Francophile convaincu, il avait sans doute fait, peu avant avril 1792, un second envoi, peut-être les Anecdotes of printing in England., éditées à Strawberry Hill en 1780 ? Les reliures à la dentelle qui recouvrent ses différents dons méritaient bien l'admiration des conservateurs de Paris.

Un autre Anglais, le géographe John Churchmann, avait envoyé son Magnetic Atlas, publié à Londres en 1794 au bureau des Longitudes, dont faisait partie Lakanal. Il y reçut un accueil favorable et il fut décidé de la remettre à la Bibliothèque, le 3 brumaire an IV (23 octobre 1795). Et le mathématicien italien Vincente Brunacci (1768-1818), spécialiste d'analyse transcendentale et d'astronomie, donna plusieurs de ses traités le 27 thermidor an VIII (15 août 1800), lors d'un séjour à Paris.

Des Français aussi, scientifiques ou vivant à l'étranger, firent des dons intéressants. En frimaire an V (novembre 1795), le chimiste Balthasar-Georges Sage (1740-1824), professeur de minéralogie et fondateur de l'Ecole des mines (1783), déposa un recueil d'ordonnances concernant les mines espagnoles, édité à Madrid en 1783. Cet ouvrage, qui lui avait été offert par le roi d'Espagne, ne figurait pas à la Bibliothèque Nationale. Le diplomate François Cacault (1743-1805), ambassadeur de France en Toscane, fit de même exactement un an après, pour des livres en italien. Enfin Talleyrand, alors ministre des Affaires étrangères, servit en vendémiaire an VII (septembre 1798) d'intermédiaire entre la Bibliothèque et un Français résidant à Coire en Suisse, qui souhaitait offrir un lot de livres en langue rhétique, dialecte roman parlé dans les Grisons et le Frioul, et au Tyrol.

Enfin on peut citer à titre anecdotique les 28 ouvrages en latin et en italien saisis avec d'autres prises sur un bateau en provenance de Morlaix. Le Comité d'Instruction publique les attribua à la Bibliothèque Nationale le 28 prairial an III (5 juin 1795). Peut-être s'agissait-il de l'une de ces nombreuses collections, exportées illicitement vers l'Angleterre pour y être mises aux enchères, à meilleur prix qu'à Paris ? M.P. Laffitte

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Voltaire

OEuvres complètes

Kehl, de l'imprimerie de la Société littéraire typographique, 1785-1789 (1790). – 70 vol. in-8°sur grand papier satiné, 108 planches gravées d'après Jean-Michel Moreau le Jeune.

Imprimés. Rés. Z. 4450-4519. Prov. : Don de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (2 juillet 1791). Bibl. : E. Dacier, « Le "Voltaire de Kehl" de la Bibliothèque nationale », dans Trésors des Bibliothèques de France, V (1935), p. 208-213.

Exp. : Dix siècles de livres français, Lucerne, 1949, 188. – Voltaire, un homme, un siècle, Paris,

Bibliothèque Nationale, 1979, n° 684. – Cinquante reliures françaises à décor sur des textes importants et

provenant de collections renommées, Paris, Bibliothèque Nationale, 1988, n° 35.

« Il y a bien des chances », faisait remarquer Emile Dacier, « que parmi les quelque quatre millions de livres conservés rue de Richelieu, ceux-ci soient les seuls à avoir été portés solennellement de la Bastille au Panthéon, sous les yeux des badauds parisiens. ». C'est lors de l'« apothéose » de Voltaire, le 11 juillet 1791, que se produisit cet événement

rarissime : dans le cortège qui escortait le char funèbre contenant les cendres de Voltaire, que la Constituante avait décidé de porter en grande pompe au Panthéon, figurait en effet en bonne place un brancard surmonté d'un coffre. Ce coffre en forme de corps de bibliothèque, porté par des hommes vêtus à l'antique, contenait les 70 volumes in-octavo de la plus récente édition des oeuvres de Voltaire : l'édition dite de Kehl. Et pas n'importe quel exemplaire : il s'agissait de celui, sur papier vélin satiné à grandes marges, que venait d'offrir à la Nation pour cette

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circonstance exceptionnelle, le promoteur et le commanditaire de cette édition, Beaumarchais. On-sait en effet que l'auteur du Mariage de Figaro avait entrepris dès 1778 de publier, à ses frais, les OEuvres complètes de Voltaire d'après les manuscrits qu'il avait achetés au libraire Panckoucke. Ayant installé l'imprimerie de sa société littéraire typographique à Kehl, juste de l'autre côté du Rhin de manière à échapper aux poursuites de l'administration royale, il était parvenu, à grands frais et après bien des difficultés, à mener à son terme cette gigantesque et ruineuse publication dont les 70 volumes s'échelonnèrent de 1785 à 1790 (bien que le dernier porte la date de 1789).

Peu importe si le don généreux de ce superbe exemplaire à la Nation (via la Bibliothèque du Roi) ait été fait par Beaumarchais autant pour manifester sa piété littéraire envers le grand homme célébré que pour donner un coup de publicité à son édition qui se vendait mal. La belle lettre d'accompagnement (montée après coup en tête du 1er volume) qu'il adressa le 2 juillet précédant la cérémonie

à l'abbé Des Aulnays, garde des Imprimés de la Bibliothèque du Roi, précise simplement que « cette collection des fruits d'un immortel génie aura sa place, à la translation de Voltaire, devant les gens de lettres, ses disciples et ses enfants ; c'est de là qu'elle sera portée à la Bibliothèque Nationale »(anticipant ainsi d'un an sur cette nouvelle dénomination)

L'exemplaire ne reçut sa reliure actuelle de maroquin rouge aux armes royales doublée de tabis bleu qu'après son entrée à la Bibliothèque. Mais il avait été donné « en feuilles, pour laisser la liberté de relier comme on le jugera convenable », et c'est ainsi que les volumes se présentaient lors de la cérémonie du 11 juillet 1791. Rarement livres ont autant manifesté qu'en cette circonstance leur fonction symbolique : ces 70 volumes en feuilles, renfermés dans une manière de tabernacle porté en triomphe, n'étaient évidemment pas destinés à être lus ou consultés. Ils étaient seulement objets d'hommage et d'admiration, symbolisant parfaitement pour les organisateurs du

cortège comme pour ses spectateurs, l'esprit et le génie d'un homme contenus tout entiers dans ses OEuvres complètes.

D. Coq

Triomphe de Voltaire. 11 juillet 1791

Confiscations

Les trésors des églises

Les trésors conservés au Moyen Age par les institutions religieuses assuraient la continuité d'une tradition très ancienne. Différents exemples antiques sont, en effet, bien attestés. Il était de coutume à Rome que les sanctuaires, de même que les grands personnages ou les officiers de haut rang, possèdent des ensembles de vaisselle d'or et d'argent richement ornés. Considérées avant tout pour leur valeur monétaire, ces pièces d'orfèvrerie représentaient le moyen élégant de thésauriser un capital, toujours prêt, ainsi, à être réinvesti dans un achat important notamment foncier. Les auteurs anciens, lorsqu'ils évoquent ce mobilier, le décrivent en terme de poids, précisant que celui-ci est souvent inscrit sur les objets eux-mêmes. Des exemples tangibles sont fournis par les découvertes archéologiques. En 1895 par exemple, la trouvaille près de Pompéi du trésor de Boscoreale, aujourd'hui conservé au musée du Louvre, a livré outre des monnaies d'or et des bijoux, plus de cent pièces d'argenterie : articles de toilette, coupes d'apparat et service de table. Les récipients les plus spectaculaires sont les vases à boire et à verser qui témoignent de l'excellence des orfèvres dans l'art du repoussé, technique qui consiste à travailler la plaque de métal sur son envers pour faire apparaître sur l'endroit un décor en relief. Etaient ainsi illustrés des épisodes complexes telle la soumission des barbares à l'empereur Auguste ou bien le sacrifice d'un taureau par deux Victoires ailées. Grand nombre de ces coupes et de ces cruches, submergées par les laves du Vésuve dans la villa de leur propriétaire en 79 avant J.-C., portent gravés sous le fond, des noms propres et des indications pondérales.

Le cabinet des Médailles, pour sa part, expose en permanence dans ses salles un trésor de sanctuaire, celui du temple gallo-romain mis au jour en 1830 à Berthouville (Eure), et dont la richesse s'élevait à près de cent pièces d'argent. Les dons des fidèles, notables du lieu ou pèlerins de passage, complètent le mobilier du culte proprement dit, dont fait partie la grande statuette du dieu Mercure à qui est dédié l'ensemble. On trouve dans ce lot de nombreux exemples de l'art achevé des artistes des Ier et IIe siècles après J.-C. Il suffit de citer la centauresse modelée en haut-relief sur un des canthares, ou les épisodes de la guerre de Troie orfévrés sur les aiguières d'argent doré : le corps d'Hector traîné

dans la poussière devant les murailles de la ville puis son rachat par le vieux Priam.

La coutume d'offrir et de conserver des objets précieux dans les sanctuaires, loin de disparaître, se transmet tout naturellement aux églises des premiers temps du christianisme. Après la confiscation ordonnée en 311 par l'empereur Constantin, les trésors des temples païens furent répartis entre les églises de l'empire, qui se constituent alors en véritables banques investies du pouvoir de fondre une partie des richesses en cas de nécessité. Différents inventaires permettent de se faire une idée assez précise de ces fortunes. Il est attesté qu'à Rome, Ravenne, Antioche ou Jérusalem, entre autres, de lourdes plaques d'argent ouvragées recouvraient une partie du mobilier des édifices consacrés au culte : autel, ciborium, jubé, portes. Le système d'éclairage comptait également des lampes d'argent.

Le patrimoine de l'Eglise se diversifie, et si l'on retrouve les ex-voto et la vaisselle liturgique, les bijoux, les manuscrits précieux, les riches étoffes (soieries, par exemple), les objets d'ivoire y occupent une place importante.

Telle est donc la filiation des collections prestigieuses conservées jusqu'à la Révolution dans les sanctuaires chrétiens, et qui réunissaient dès le Moyen Age, reliques, objets cultuels, vêtements, fourrures, instruments scientifiques, jeux, bijoux, livres. Chacun de ces éléments était non seulement une expression concrète de la puissance de l'Eglise, mais aussi de la légitimité du pouvoir du Roi face à ses sujets et face aux autres souverains.

Symboles de la richesse contestée de l'Eglise, ces collections ont été très éprouvées pendant la Révolution. Dès la nationalisation des biens du clergé à l'automne 1789, leur situation à part, entre biens meubles et bibliothèques, a rendu leur conservation très aléatoire et leur sort bien différent selon les circonstances, et elles seront souvent partagées entre musées et bibliothèques. Grâce à la diversité et à l'importance des pièces recueillies par la Bibliothèque Nationale, nous verrons au fur et à mesure des pages se dessiner leur histoire aux multiples facettes.

Une cause de destruction, trop fréquemment attribuée aux seuls révolutionnaires pour la période qui nous intéresse, doit être évoquée ici, la fonte, conséquence de la crise financière de 1789. En effet, le rôle de réserve joué par les trésors dans l'Antiquité et à l'époque paléo-chrétienne, avait perduré pendant tout le Moyen Age et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. La notion de patrimoine culturel, qui protège aujourd'hui la production des siècles passés, sans tenir compte de sa valeur marchande, a été en quelque sorte inventée au cours de la Révolution.

On peut citer cette congrégation de Trèves qui en 1628 entra en possession – après une découverte fortuite – d'un trésor d'argenterie romaine pesant plus de cent kilos : les pièces d'orfèvrerie furent immédiatement vendues et aussitôt fondues.

A son tour l'histoire du trésor de Saint-Denis illustre bien cette coutume puisque les religieux et les princes y piochèrent à de nombreuses reprises. Ainsi, en 1340, Philippe VI de Valois, mis dans l'embarras par les premiers revers de la guerre de Cent Ans, y emprunta sept couronnes d'or et la croix de Philippe Auguste qu'il rendit quelques mois plus tard. Plus près de la Révolution, E. de

Silhouette, nommé par Louis XV contrôleur général des Finances en mars 1759, décida de fondre les lampes et les chandeliers d'argent du choeur de la Basilique, pour tenter de remédier aux difficultés financières du royaume.

C'est donc conformément à un usage ancien que Louis XVI, dès 1790, prit les premières mesures de fonte de l'argenterie des églises, sur une proposition de l'Assemblée nationale. Il avait donné l'exemple aux autres citoyens en envoyant à l'hôtel de la Monnaie sa propre vaisselle de métal précieux, espérant régler ainsi certains des problèmes financiers du pays. Il fut sans doute entendu, car une célèbre gravure représente des citoyennes offrant leurs bijoux à la Nation, le 7 octobre 1789. Grâce aux inventaires des trésors établis après la nationalisation des biens du clergé, la collecte fut aisée et peu de pièces échappèrent à la fonte ou à la vente. Cependant on avait beaucoup surestimé, semble-t-il, les possessions ecclésiastiques et l'opération ne fut pas aussi fructueuse qu'on le souhaitait. Une nouvelle décision de récupération des métaux précieux fut prise en mars 1791. Après le discours prononcé par le citoyen Cambon à la Convention, le 2 brumaire an III (7 novembre 1794), elle fut aggravée et élargie aux objets trouvés chez les émigrés. Ces décisions avaient heureusement été tempérées – pour la première fois dans l'histoire et ceci est tout à l'honneur des révolutionnaires – par des instructions et mesures destinées à protéger les oeuvres dont l'intérêt artistique ou historique primait la valeur marchande : la Commission des Monuments rédigea dès le 18 janvier 1791, la déclaration suivante :

« 1) Quand le prix actuel de la façon surpassera, ou même ne fera qu'égaler la valeur de la matière, on ne fondra pas le monument.

La fonte des « Dépouilles de la Superstition », 1793

2) Tout monument antérieur à l'an 1300 sera conservé, à raison des costumes (on sera souvent aidé à déterminer l'âge des châsses et reliquaires par les dates des procès-verbaux qui accompagnent les reliques).

3) Tout monument précieux par la beauté du travail sera conservé.

4) Les monuments qui sans être précieux par la beauté du travail, offriraient des instructions sur l'histoire et les époques de l'art, seront conservés.

5) Si parmi les monuments qui ne méritent pas d'être conservés, il s'en trouverait qui présentassent quelques détails intéressants pour l'art, ils seront dessinés avant la fonte.

6) Tout monument qui intéressera l'histoire, les moeurs et les usages sera conservé.

7) Lorsqu'un monument portera une inscription ou légende intéressante pour l'histoire ou l'art, on enlèvera cette inscription pour la conserver, en faisant mention du monument dont elle aura été détachée. Si cette inscription est gravée sur une pièce solide ou pleine, on en fera une copie figurée ou calquée.

8) On détachera, sans les endommager, les pierres précieuses et les pierres gravées, les médailles, les bas-reliefs encastrés dans les pièces d'orfèvrerie ; on les enverra à Paris pour l'examen en être fait par la commission, sauf le renvoi des pièces conservées aux départements à qui elles appartenaient.

9) Lorsque les reliques seront posées sur des étoffes ou tissus qui peuvent offrir des éclaircissements relatifs aux manufactures, on aura soin de les mettre à part pour être examinées, quand elles mériteront d'être conservées. Le prêtre chargé du transport des reliques sera prié d'en séparer ces tissus ou ces étoffes avec les précautions qu'exige la décence ». Rendu officiel le 20 mars 1791, ce texte fut appliqué à la lettre (voir n° 81).

Des conditions de conservation parfois déplorables s'ajoutèrent aux dégradations volontaires. A Chartres, on avait enlevé et récupéré pour les canons le plomb des toitures de la cathédrale. Les livres, entassés dans les bas-côtés, furent laissés sans protection contre les intempéries.

En raison de tout cela, et malgré le dévouement éclairé des savants, les pertes furent immenses. Cependant les livres furent dans leur ensemble respectés, de même que les objets dont l'importance historique était évidente. La plupart des pièces sauvées devaient être déposées, selon les instructions de la Commission des Monuments, « soit au Cabinet des Antiques, rue de Richelieu, soit au Dépôt provisoire [des Petits-Augustins] ». Dans le second cas elles étaient par la suite acheminées vers leur lieu de conservation définitif, les livres arrivant à la Bibliothèque Nationale. I. Aghion, M.P. Laffitte

Barthélémy, le cabinet des Médailles et la Révolution

Lorsqu'au mois d'octobre 1790, l'Assemblée législative décida de mettre les propriétés ecclésiastiques à la disposition de la Nation, elle dota du même coup le cabinet des Médailles d'une source d'enrichissement inouïe. Au cours des années tumultueuses qui suivirent, la vocation du cabinet se transforma et ses objectifs évoluèrent vers ce qui constitue encore aujourd'hui sa mission : l'accroissement, le classement et l'étude des collections, mais aussi la communication et l'exposition didactique des richesses.

En 1741, s'était achevé le transfert du cabinet du Roi, de Versailles à Paris. La somptueuse collection de monnaies, de médailles et d'antiques, que les rois de France avaient rassemblée depuis le Moyen Age, était désormais installée au-dessus de l'arcade reliant la rue Colbert à la rue de Richelieu ; seules les gemmes restèrent à Versailles jusqu'en 1791.

L'abbé Jean-Jacques Barthélemy veillait aux destinées du lieu depuis 1754. Personnage exemplaire, à la fois homme du monde et grand savant, apprécié et respecté de tous, il restera garde du cabinet des Médailles jusqu'à sa mort en 1795. La curiosité pour les sciences historiques et archéologiques qui s'éveilla très tôt en lui, n'était peut-être pas étrangère à ses origines provençales. Jean-J acques Barthélemy était né à Cassis en 1716 et au cours de ses années d'études, à Marseille, chez les Oratoriens puis les Jésuites, il se passionna pour le grec et les langues orientales, notamment l'hébreu, le syriaque et l'arabe. De retour dans sa famille à Aubagne, il fréquenta les érudits et les collectionneurs locaux, et perfectionna son apprentissage de l'archéologie, de l'épigraphie, de la numismatique.

Lorsque l'abbé Barthélemy arrive à Paris en 1744, son érudition est d'emblée reconnue et une rencontre avec Gros de Boze, le garde du Cabinet du roi, membre de surcroît de l'Académie française, détermine sa carrière. Celui-ci prend le jeune homme en amitié, lui fait rencontrer les savants parisiens, et six mois plus tard il le prend comme adjoint.

Si Barthélemy passe de nombreuses heures à classer et à cataloguer les collections royales, dont il est devenu lui-même le garde à la mort de Gros de Boze, il n'en poursuit pas moins ses travaux d'érudition. On lui doit en particulier la découverte des alphabets palmyrénien et phénicien, ainsi que la première traduction d'une inscription araméenne de Palmyre et d'une inscription phénicienne. Pour mener à bien ce travail, il suivit une démarche originale qui servit plus tard de modèle à Silvestre de Sacy et à Champollion. Travaillant sur des monuments épigraphiques bilingues, il chercha à repérer et à identifier les noms propres qui figuraient dans l'inscription grecque correspondant à la langue indéchiffrée.

Grâce à son savoir et à sa sagacité les collections s'enrichirent de pièces importantes dans les années qui précédèrent la Révolution. Outre le long voyage qu'il effectua en Italie, à la recherche de monnaies, Barthélemy fit l'acquisition de cabinets de collectionneurs, et notamment de celui de Joseph Pellerin qui comptait trente-deux mille monnaies grecques, et passait pour être le plus riche après le Cabinet du Roi. Plus tard, son livre « Voyage du jeune Anacharsis en Grèce » qui, traduit en plusieurs langues, fut dès sa parution en 1788, un formidable succès, le fit connaître du grand public. Adoptant le genre du roman historique, l'auteur faisait revivre la Grèce antique à

travers le journal de voyage d'un jeune Scythe en 363 avant J.-C. Les Athéniens y admiraient le Parthénon, Aristote y recevait l'enseignement de Platon, et Praxitèle travaillait pour Olympie.

L'idée de chercher à plaire et à instruire à la fois, en écrivant un livre agréable dans sa forme, n'étonne pas de la part d'un homme qui était tout le contraire d'un personnage austère : affable, raffiné, spirituel et brillant il fréquentait la société la plus policée de l'époque. Mais lorsque éclate la Révolution, Barthélemy est déjà très âgé, et ses forces sont déficientes, la renommée et la réputation dont il jouit, rendent, pourtant, ses avis précieux. Le respect dû à son âge et à son autorité scientifique, préserva en retour le cabinet des Médailles où affluaient les nouvelles richesses prélevées dans les abbayes ou confisquées dans les cabinets privés ; elles furent classées et mises à l'abri sans dommage. Barthélemy n'était-il pas, écrivait Emile Mâle, « l'auteur d'un livre que la Convention admirait et où elle retrouvait jusqu'à son langage ? Les Grecs n'y étaient-ils pas appelés "de fiers républicains" et n'y était-il pas dit que le plus grand spectacle donné par la Grèce au monde était "celui d'une nation qui préfère la mort à la servitude" ? La Convention, enfin, n'y trouvait-elle pas le modèle de ses cortèges et de ses fêtes civiques, où l'encens fumait sur les trépieds ? ». Ainsi, lorsque sur une dénonciation, Barthélemy fut arrêté, « sous prétexte d'aristocratie » le 2 septembre 1793, et conduit à la prison des Madelonnettes, il n'y resta que quelques heures. Pour effacer définitivement le souvenir de cette erreur, le ministre de l'Intérieur se rendit lui-même à son domicile pour lui annoncer une nomination aux fonctions de garde de la Bibliothèque Nationale. L'abbé Barthélemy refusa cependant cette lourde charge et demanda la faveur de rester au cabinet des Médailles, où il était secondé depuis 1760, par son neveu, l'abbé de Courçay. Jean-Jacques Barthélemy mourut le 30 avril 1795.

Malgré des descriptions souvent vagues, on connaît assez bien les acquisitions dues aux confiscations révolutionnaires, et qui plus est, le caractère systématique de ce phénomène fournit une image précise de ce qu'était le goût des aristocrates et des collectionneurs à la fin du XVIIIe siècle. Les acquis du cabinet des Médailles dépassent, en effet, tout ce que les rois avaient pu y apporter jusque-là. Le bénéfice qu'en retira l'institution fait oublier la perte d'oeuvres capitales, détruites dans le but de faire disparaître les souvenirs de la religion et de la monarchie, ainsi la croix qui ornait le choeur de la basilique de Saint-Denis, ou

les ornements arrachés au bâton cantoral de la Sainte-Chapelle. Il avait aussi été proposé, à la Convention, de faire fondre les pièces d'or conservées au cabinet des Médailles ! Il convient cependant de ne pas oublier que les achats continuaient à être nombreux et réguliers. Les inventaires du cabinet des Médailles en témoignent. Tous les objets intéressant cette collection, et qui n'arboraient pas les insignes bannis, y furent déposés en grand nombre, à savoir les bronzes, les pierres gravées, les vases de toutes provenances, les objets d'orfèvrerie, enfin les monnaies et les médailles en quantité. En premier lieu, ils arrivèrent des institutions religieuses, ainsi, dès 1791, du trésor de la Sainte-Chapelle et de l'abbaye de Saint-Denis ; puis, en 1793, on apporta les monnaies de l'abbaye de Sainte-Geneviève (les antiques ne seront réunis à l'ensemble qu'en 1797), et les gemmes de la cathédrale de Chartres. Les cabinets de curiosités des émigrés et des condamnés payèrent à leur tour un large tribut. D'anciens hôtels particuliers de la capitale servaient d'entrepôts aux objets d'art, qui étaient ensuite redistribués. Ces dépôts déversèrent quantité de caisses d'objets archéologiques à la Bibliothèque Nationale, notamment celui de la rue de Beaune, en 1795, ou celui de la maison de Liancourt, rue de Varennes, dans lequel avait été rassemblé le célèbre cabinet d'antiquités de Valentinois. Les confiscations n'épargnèrent ni la province – Lyon par exemple – ni les villes étrangères conquises par les armées. C'est ainsi qu'en 1795 les collections du Stathouder de Hollande vinrent gonfler les lots déjà recueillis. De même les commissaires des Arts qui suivaient les armées de Bonaparte faisaient-ils parvenir d'Italie des caisses d'antiquités et d'objets d'art. On recherchait parfois certains documents particuliers dont on connaissait l'existence. Le cabinet des Médailles conserve la copie d'une lettre adressée au ministre en ces termes : « Je crois nécessaire de vous rappeler que le monument célèbre et important pour l'explication d'une foule de particularités relatives à l'antiquité égyptienne, existe dans le musée de Turin. Il serait intéressant de le faire venir pour le placer dans le musée des Antiques déjà riche en monuments égyptiens et dont les trésors dans cette partie, s'accroîtront sans doute par les victoires de nos frères d'armes et les recherches des savants qui les accompagnent ».

Le 30 août 1795, le Comité d'Instruction publique charge les agents diplomatiques et consulaires d'une mission complémentaire, à savoir « de faire passer, pour être déposés au Muséum des Antiques, les médailles antiques et

modernes en cuivre ou en bronze, qu'ils pourront se procurer dans le cours de leur mission, sans entraîner la République dans de trop grands frais ». Pendant ce temps, l'administration de la Monnaie renvoie, en 1796, au cabinet des Médailles, d'énormes lots d'objets qui avaient été, dans un premier temps, destinés à la fonte.

Il s'agit parfois de pièces médiocres, tel un camée ayant appartenu à Mme du Barry, mais également d'oeuvres exceptionnelles, par exemple, un monogramme du Christ, en diamants et or émaillé, provenant du couvent des Carmélites, ou encore un fragment d'orfèvrerie ajouré, seul reliquat de la précieuse croix de Saint-Denis.

Il fallait maintenant organiser et gérer cet énorme dépôt, mais aussi veiller à la conservation des pièces et faire du cabinet des Médailles tout entier, une école d'archéologie. Un mémoire énumère les dépenses à prévoir en 1794 et propose la remise en état de la collection de gemmes.

« et une somme égale pour le nettoyage périodique des pierres gravées, quand elles auront été mises en bon état. Cette précieuse collection a besoin d'une utile et prochaine réparation. Les pierres sont en général fort sales, il faut les laver ; les montures en émail sont dégradées, il faut les réparer, quelques-unes ne sont pas montées, il faut les monter ; il manque un grand nombre de pierres plus ou moins fines à quelques entourages, il faut y suppléer par des pierres de même genre qui couvrent les reliquaires de Saint-Denis et de la Sainte-Chapelle ; par ce moyen on n'aura à payer que la main-d'oeuvre ».

Le corollaire aux réparations envisagées, est l'exposition publique des collections. Barthélémy écrit au Comité d'Instruction publique : « depuis que vous avez ordonné la publicité des dépôts de la Bibliothèque, tous les jours et à toutes les heures du jour pour les élèves de l'école normale. ».

L'objectif recherché est de rendre la présentation didactique. Il est donc instamment recommandé de disposer méthodiquement les collections et de placer une étiquette explicative sous chaque objet en indiquant même « l'ouvrage où il est figuré ou décrit ». Pour achever la transformation du cabinet des Médailles en un outil pédagogique, un projet, soumis à la Convention nationale le 2 juin 1795, propose la création d'un poste de conservateur-professeur : « Le conservateur-professeur sera chargé de disposer la collection d'une manière méthodique et d'enseigner dans des cours publics ce qui a rapport aux inscriptions, aux médailles et aux pierres gravées, l'histoire

et les progrès de l'art chez les anciens, celles des moeurs, des costumes et des visages de l'Antiquité ».

Il s'agissait de créer en France la première chaire d'archéologie en nourrissant l'espoir de rivaliser un jour avec Eckhel, qui enseignait à Vienne depuis 1775 ou encore avec Heyne qui professait à Göttingen. C'est Millin qui occupera, le premier, ces fonctions. Cependant les collections étaient entassées et l'espace manquait. L'idée vint de déménager le cabinet des Médailles, et de créer un Muséum des Antiques, indépendant de la Bibliothèque Nationale, qui réunirait l'ensemble des antiques du Cabinet du Roi et du Muséum du Louvre. Un premier rapport en ce sens avait été proposé en 1794, un second l'année suivante mais le projet fut abandonné et lorsque le décret du 25 vendémiaire an IV (octobre 1795) réorganisa la Bibliothèque Nationale il ne fut plus question d'en séparer la collection d'antiques.

Lorsque s'achève la Révolution, le cabinet des Médailles, qui regroupait désormais les plus belles pièces des plus riches collections qui existaient en France, était devenu le cabinet d'amateur idéal. Il était prêt, alors, à recevoir toutes les grandes donations dont il bénéficia au cours du XIXe siècle. Quoi de plus prestigieux et de plus séduisant pour le duc de Luynes, que de faire voisiner sa propre collection avec les trésors des églises ou les anciennes collections royales ? I. Aghion

Bibl. : T.M. Du Mersan. Histoire du cabinet des Médailles, Paris, 1838. – E. Babelon. Catalogue des camées antiques et modernes de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1897, p. CXIICLXXIX. – M.J. Guillaume. Procès-verbaux du Comité d'Instruction publique de la Convention nationale, Paris. VI. 1907, en particulier p. 255 et suivantes. – Cérémonies en l'honneur de l'abbé J.-J. Barthélémy à Aubagne et à Cassis, le dimanche 12juin 1938, Institut de France, n° 18. Paris, 1938. – A. Dupont-Sommer. Jean-Jacques Barthélémy et l'ancienne académie des Inscriptions et Belles Lettres, Institut de France, 24, Paris, 1971.

Saint-Denis, abbaye royale

Héritière de la tradition antique, la basilique reconstruite au VIIe siècle par Dagobert contenait déjà des richesses offertes par le roi, et des textes des VIIIe et IXe siècles font allusion à un trésor, que les Carolingiens contribuèrent à augmenter : Charles le Chauve donna plusieurs manuscrits, dont les Evangiles présentés ici, et des pièces d'orfèvrerie telles la coupe de Chosroès ou « L'Ecran » dit de Charlemagne. Le premier inventaire détaillé date du Xe siècle. Au XIIe siècle, l'abbé Suger marqua de sa personnalité le trésor de Saint-Denis en privilégiant pierres et vases précieux réservés au culte, et à partir de Philippe Auguste, la faveur des monarques capétiens ne cessa de se manifester, de saint Louis, qui remit à Saint-Denis les couronnes du sacre, jusqu'à Louis XVI qui y fit déposer son manteau fleurdelisé. Mais simultanément, à l'occasion des famines ou des guerres ou plus simplement d'embarras financiers, ventes et fontes eurent lieu, jusqu'en 1760. Dans l'Histoire de l'abbaye de Saint-Denis en France, publiée en 1706 par Dom Michel Félibien, des planches gravées représentent les armoires dans lesquelles le trésor était exposé au public.

Le cabinet des Médailles conserve même un guide destiné au visiteur et publié en 1783.

Nécropole royale, gardienne d'illustres reliques – le Saint Clou et la Sainte Couronne d'épines, par exemple – dépositaire depuis le XIIIe siècle des insignes royaux, l'abbaye de Saint-Denis symbolisait, plus que tout autre lieu, l'union du pouvoir royal et de l'autorité religieuse. Aussi, lorsque éclata la Révolution, son trésor fut d'emblée démantelé, puisque les objets qui le composaient étaient bien les signes tangibles des puissances contestées.

Le premier prélèvement eut lieu le 30 septembre 1791 : quatorze pièces dont quatre camées, deux intailles, cinq vases de

Le trésor de Saint-Denis

pierres dures, deux manuscrits et le fauteuil de Dagobert, considérées comme des monuments des arts et des sciences, furent portées à la Bibliothèque Nationale. Les habitants de Saint-Denis protestèrent vivement et réclamèrent la suspension d'une telle décision qui : « fait un tort d'autant plus considérable à la ville de Saint-Denis, que les antiques qui viennent d'être retirées du trésor sont précisément celles qui attiraient beaucoup d'étrangers et de savants à Saint-Denis, qui s'y arrêtaient pour y dîner, coucher et même y séjourner et y faisaient une consommation dont cette ville va se trouver privée ; que ses habitants méritent d'autant plus la sollicitude de l'assemblée nationale qu'ils perdent, par l'effet de la révolution tous les avantages dont cette ville jouissait, sans être indemnisé par aucun, ce qui opère une émigration déjà très considérable ; qu'en conséquence sans entendre s'opposer à l'exécution de la loi, ils prient cependant Messieurs les Commissaires du Département de vouloir bien suspendre leur mission jusqu'à ce que la commune ait fait parvenir ses réclamations à la prochaine législature, de la justice de laquelle elle ose espérer la suppression d'un décret qui achève de ruiner Saint-Denis sans enrichir la capitale. »(Signé : Pelletier, maire ; Noël, procureur de la commune). La protestation fut réitérée l'année suivante, mais en vain. Saint-Denis rebaptisé Franciade en 1793 fut dépouillé une seconde fois : le 12 novembre 1793, ce qui restait du trésor, augmenté de pièces provenant de la Sainte-Chapelle de Paris, fut transporté en un cortège sacrilège à la Convention nationale, puis partagé entre le garde-meuble et le Muséum national, futur musée du Louvre. Quatre manuscrits de ce deuxième lot, dont les reliures furent fondues en 1794, ont été transmis à la fin du XIXe siècle du musée du Louvre à la Bibliothèque Nationale. Mais le Denys l'Aréopagite à reliure d'ivoire, offert à l'abbaye par l'empereur Manuel Comnène en 1408, resta au Louvre.

Le 21 décembre 1796, l'administration de la Monnaie envoya au cabinet des Médailles un certain nombre d'objets ayant échappé à la fonte. On trouve, parmi ceux-ci, un fragment du revêtement de la croix de saint Eloi, précieux et unique vestige de l'orfèvrerie dagobertine. Un ultime et malheureux épisode marqua la fin de la dispersion du trésor : en 1798, les ministres de l'Intérieur et des Finances, organisèrent une vente aux enchères qui entraîna une nouvelle perte de pièces inestimables, notamment l'agrafe du manteau royal de Charles V.

I. Aghion, M.P. Laffitte

Bibl. : E. Babelon, Catalogue des Camées antiques et modernes de la Bibliothèque Nationale, Paris. 1897, p. CXL-CLXIX. – Bl. de Montesquiou-Fezensac. Le Trésor de Saint-Denis, Paris, 1973, I. p. 3-59. – C. Beaune, « Les Sanctuaires royaux ». dans Les lieux de Mémoire, II. La Nation (1), Paris. 1986. p. 69-87. – D. Gaborit-Chopin, Regalia, Paris, RMN. 1987, p. 6-31.

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Tasse de Salomon

Iran Sassanide, VIe-VIIe s. – Or, grenats, cristaux de roche et verre verts. – Diamètre : 282 mm. Médailles. Bab. n° 379.

Prov. : Abbaye de Saint-Denis en France (1791). Bibl. : E. Babelon, Catalogue des camées antiques et modernes de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1897. – P.O. Harper, The Royal Hunter. Art of the Sasanian Empire, Asia House Gallery, New York, 1978. – P.O. Harper et P. Meyers, Silver Vessels of the Sasanian Period – Volume one : Royal Imagery, New York, The Metropolitan Museum of Art, 1981.

Exp. : Trésors de Chine et de Haute-Asie, Paris, Bibliothèque Nationale, 1979, n° 145, p. 76.

Coupe d'or, décorée de trois cercles concentriques de fleurs et de rosettes gravées en camée sur des médaillons alternativement en cristal de roche et en grenat. Cette résille est complétée par des losanges de verre vert. Le rebord de la coupe et le disque central sont entourés chacun d'un bandeau de petits grenats cloisonnés. Le camée central, en cristal de roche, représente le souverain sassanide assis de face, somptueusement vêtu et coiffé de la couronne d'apparat. Son trône consiste en un long lit de banquet dont les pieds sont des protomés de chevaux ailés.

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Plusieurs coussins sont empilés à la gauche du roi. Sur la base annulaire de la coupe, une inscription en pehlevi précise le poids d'or (307 denar) utilisé à la fabrication de la monture, fondue d'un seul tenant.

Bien que les sources littéraires nous apprennent que les princes sassanides faisaient usage de vaisselle d'or, la coupe de la Bibliothèque Nationale en est pour l'instant l'unique exemple connu. Aussi pose-t-elle de multiples problèmes non encore résolus et en particulier celui de l'origine de sa fabrication et celui de sa datation.

Dans le royaume sassanide, les couronnes varient selon les règnes, ici la comparaison est possible avec celle de Peroz (457-484) et celle de Kavad Ier (499-531 puis 488-497). Le thème du roi trônant, par contre, n'est pas attesté avant la fin de la dynastie, au premier quart du VIIe siècle. D'autre part, si la forme de la couronne et l'inscription pehlevi militent en faveur d'une origine sassanide, d'autres caractéristiques ou détails (pieds du trône, coupe du vêtement royal, technique de l'orfèvrerie ajourée.) trouvent des parallèles dans l'art de l'Asie centrale, et ont amené des comparaisons solides avec l'art hunnique. Selon Prudence O. Harper, il est actuellement impossible de conclure.

La victoire sur les sassanides de l'armée d'Héraclius, empereur de Byzance, et le sac du palais de Chosroès II qui s'en suivit en 628, est peut-être à l'origine de l'arrivée en Occident de cette coupe d'or qui est citée dans les Grandes Chroniques de France parmi les dons de Charles le Chauve à l'abbaye de Saint-Denis. Au Moyen Age, elle était désignée comme « Tasse de Salomon », du nom du roi d'Israël, admiré pour sa sagesse, sa science et sa magnificence, dans le monde chrétien aussi bien que dans le monde musulman. Ainsi appelait-on « oeuvre de Salomon », des oeuvres d'art exécutées avec une suprême habileté, surtout lorsque leur origine était inconnue.

La coupe de Chosroès fait partie du premier prélèvement exécuté à Saint-Denis, le 30 septembre 1791. Dans le procès-verbal, elle apparaît sous le

numéro 5 : « un plateau de pièces rapportées, dans le fond duquel est encastré un morceau de cristal représentant un Roy Parthe gravé en creux ». I. Aghion

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Navette godronnée

Byzance, Xe s. – Coupe en sardoine ; monture occidentale d'argent doré, de pierres fines et d'émaux cloisonnés sur or, première moitié du XIe s. – Hauteur : 98 mm. Longueur : 211 mm.

Médailles. Bab. n° 373.

Prov. : Abbaye de Saint-Denis en France (1791).

Bibl. : E. Babelon, Catalogue des camées de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1897, p. 209-211. – Montesquiou-Fezensac et Gaborit-Chopin, Le Trésor de Saint-Denis, I, II, III, p. 59-60, pl. XXXXIV.

Exp. : Le Trésor de Saint-Marc de Venise, Paris. 1984, p. 292-299, n° 42c.

Une bordure très ouvragée d'argent doré complète la coupe dont la vasque godronnée est taillée dans une sardoine. Le bord de la navette est recouvert d'un étroit ruban de métal, sur lequel s'adapte la monture proprement dite, qui épouse la forme des godrons. Chaque arceau est décoré d'une pierre fine en cabochon, cantonnée de quatre émaux cloisonnés ; le champ est couvert de filigranes. Une partie lisse, autour de laquelle on retrouve un décor comparable, a été ménagée aux deux extrémités de la coupe. Des filets torsadés relient la bordure à un pied évasé, plus simplement orné d'une couronne de festons filigranés.

On s'accorde à penser que la navette de sardoine est d'origine byzantine, peut-78

peut-78

être inspirée de l'art sassanide du VIIe siècle, alors que la monture, légèrement plus tardive, est l'oeuvre d'un orfèvre occidental. Des comparaisons ont été établies, notamment, avec la navette à encens, en stéatite, du trésor de Saint-Marc de Venise et avec une coupe ronde du Louvre provenant des collections de la Couronne de France.

Malgré la richesse de cet objet composite, on en connaît mal l'histoire ; on ignore, en particulier, à quelle date il est entré dans le Trésor de Saint-Denis. L'oeuvre est citée en 1505, puis dans les différents inventaires qui suivirent, mais sans détails particuliers.

La navette a fait partie du premier prélèvement effectué à Saint-Denis, le 30 septembre 1791 et fut transportée au cabinet des Médailles dans le lot très précieux qui contenait, entre autres choses, le trône de Dagobert et l'intaille de Julie. I. Aghion

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Fauteuil de Dagobert

France, IXe s. (?). – Bronze en partie doré. – Hauteur : 1,35 m. Largeur : 780 mm. Médailles. N° 651. (Inv. des Monuments du Moyen Age). Prov. : Abbaye de Saint-Denis en France (1791). Bibl. : Montesquiou-Fezensac et Gaborit-Chopin, Le Trésor de Saint-Denis, 1971-1977,1, II. III, p. 116-118, pl. CI-CII.

Exp. : Ingelheim am Rhein 774-1974, Ingelheim. 1974, p. 399-401. – La Neustrie, Rouen, 1985, p. 47 et 289.

Quatre protomés de panthères forment les pieds de ce siège de bronze, que complètent des croisillons et des traverses. Les accoudoirs, surmontés à l'avant de petits globes et à l'arrière de têtes barbues, sont constitués de deux bandeaux ajourés, décorés de rosettes (partie inférieure) et de motifs végétaux (registre supérieur). Le dossier, de forme triangulaire, est orné de trois cercles et de rinceaux. Il est communément admis qu'une croix était à l'origine placée dans le cercle central. Au XIIe siècle (Suger l'indique dans son De administratione), le trône fut réparé : les croisillons furent immobilisés par des rivets, le pied arrière droit remplacé. Resté pliant jusqu'à cette date, il se trouvait désormais fixé. Une restauration beaucoup plus grossière fut exécutée en 1802, lorsque Bonaparte désira utiliser le célèbre siège, à l'occasion de la création de l'ordre de la Légion d'honneur.

Le « Trône de Dagobert » est un monument complexe, qui pose de nombreux problèmes non encore résolus. Les avis des auteurs diffèrent quant à sa fonction initiale et à la date de fabrication de ses différents éléments.

Le fauteuil, en effet, est composé de deux parties, exécutées à des époques différentes : d'une part, le siège proprement dit, de l'autre le dossier et les accoudoirs. L'idée selon laquelle le siège serait une chaise curule romaine, n'est plus considérée comme acceptable, mais la question se pose toujours de savoir s'il est mérovingien ou carolingien. Pour Patrick Périn, qui suit Konrad Weidemann, le siège, à l'origine pliant, serait une oeuvre du VIIe siècle, « témoignant à la fois de la survivance des modèles de l'Antiquité et de l'habileté des bronziers travaillant pour la cour mérovingienne ». C'est-à-dire qu'il pourrait dater du règne de Dagobert (629-639). Danielle Gaborit-Chopin propose pour sa part d'y voir « une fidèle réplique carolingienne d'un pliant de bronze antique ».

Les accoudoirs et le dossier, par contre, sont toujours considérés comme des additions faites pendant le règne de Charles le Chauve, dans la seconde moitié du IXe siècle.

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On ne connaît pas la date à laquelle le fauteuil est entré dans le Trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Aucun élément indubitable ne permet de conclure à un cadeau de Charles le Chauve.

En 1791, le « Trône de Dagobert » fut transporté au cabinet des Médailles. Une lettre – datée du 8 octobre 1791 et signée de Pelletier, le maire de Saint-Denis – précise que des précautions particulières

particulières été prises, pour le transport de ce monument fragile ; le document témoigne, en outre, du prestige qui était encore attaché, à la fin du XVIIIe siècle, au « Fauteuil de Dagobert » : « Messieurs les commissaires, députés de l'Assemblée nationale qui sont venus hier au Trésor de Saint-Denis, faire le choix ordonné par les décrets, m'ont chargé de vous faire passer la cuvette de porphyre donnée par Dagobert à l'abbaye de Saint-Denis, ainsi que le fauteuil ou siège du même roi. Je les ai fait arranger de façon que j'ai tout lieu de croire que l'un et l'autre vous parviendront autant bien que leur état de vétusté peut le permettre ». I. Aghion

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Pièce d'échecs

Italie méridionale, fin du XIe s. – Ivoire, traces de dorure et de peinture rouge. – Hauteur : 128 mm. Largeur : 73 mm. Médailles. Ivoire n° 316.

Prov. : Abbaye de Saint-Denis en France (1791).

Bibl. : A. Goldschmidt, Die Elfenbeinskulpluren aus der Zeit der Karolingischen und Sächsischen Kaiser (VIII-XI. Jahrhundert), Berlin, IV, 1926. 161-165 et 170-1 74.

– H. et S. Wichmann, Schach. Ursprung und Wandlung der Spielfigur in zwölf. Jahrhundert, München, 1960, p. 286. n° 27 et fig. 27. – Montesquiou-Fezensac et Gaborit-Chopin, Le Trésor de Saint-Denis, III, p. 73-74, pl. LIX.

La présence de pièces d'échecs en ivoire dans le trésor d'une église ou d'une abbaye n'était pas chose rare au Moyen Age. L'ivoire, en effet, était une matière recherchée et respectée, à laquelle on prêtait des vertus magiques dues à sa pureté et à son incorruptibilité. Quant au jeu d'échecs, symbole à la fois guerrier et courtois, il représentait en microcosme la société féodale. Posséder un jeu d'échecs était toujours signe d'un certain pouvoir, et l'Eglise, qui en plusieurs occasions avait condamné les joueurs et la pratique du jeu, aimait abriter des pièces d'échecs dans ses « collections ».

L'abbaye de Saint-Denis conservait ainsi dans son trésor plusieurs pièces d'échecs en ivoire, provenant de jeux d'apparat des XIe-XIIe siècles. Parmi ces jeux, l'un d'entre eux, dit « jeu de Charlemagne ». était particulièrement

admiré pour ses grandes dimensions (c'était certainement dès l'origine un jeu destiné à être montré et non fait pour jouer réellement), pour la qualité de ses figures et de son matériau et pour sa provenance prestigieuse. En fait, il ne datait nullement de l'époque carolingienne mais de la fin du XIe siècle, et provenait non pas d'Orient mais d'un atelier d'Italie méridionale, pro ba blement Salerne. Dès le XIVe siècle, toutefois, la légende voulait que ce jeu ait été offert par le sultan Haroun al-Raschid à Charlemagne à l'occasion de son couronnement de l'an 800. Nous savons évidemment qu'il n'en est rien (l'Occident n'a pas connu le jeu d'échecs avant l'an mil), mais sous l'Ancien Régime cette tradition avait encore cours ; elle commençait seulement à être mise en doute à la veille de la Révolution.

Le nombre des pièces de ce jeu conservé à Saint-Denis était de 30 (sur 32) d'après un inventaire du début du XVIe siècle, mais il n'y en avait plus que 16 au moment de son dépôt au cabinet des Médailles, le 13 décembre

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1793 : deux rois, deux reines, trois quadriges (= tours), quatre éléphants (= fous), quatre cavaliers et un fantassin (= pion). On expose ici l'un des quadriges, pièce dont le rôle et la valeur sur l'échiquier étaient voisins de ceux de la tour dans le jeu moderne. Ce quadrige, hérité du jeu d'échecs indien, puis persan et enfin arabe, avant d'être définitivement transformé en tour par le jeu occidental, avait pris des formes variées : lion, dragon, scène de combat ou de chasse. D'autres figures du jeu musulman (le vizir devenu la reine, l'éléphant devenu le fou ou l'évêque) ont subi de semblables mutations.

Les trois quadriges conservés du jeu « de Charlemagne » portent encore des traces de dorure, et l'un d'eux, des traces de peinture rouge. Sur l'échiquier occidental, en effet, jusqu'au milieu du XIIIe siècle au moins, s'affrontent non pas des pièces blanches et des pièces noires, mais des pièces blanches et des pièces rouges. Ce n'est que progressivement que, aux échecs comme dans d'autres jeux (tables, dames, marelle), le camp rouge est devenu un camp noir, l'opposition entre le noir et le blanc étant devenue plus forte dans la culture européenne que l'opposition entre le rouge et le blanc. Complétant l'opposition des couleurs, un décor différencié de semis, de croisillons et de guillochures permet de distinguer également les quadriges de chaque camp. Michel Pastoureau

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Couronnement

de « l'Ecran de Charlemagne »

Rome. Ier s. après J.-C. – Aigue-marine gravée : monture d'or. de saphirs et de perles, France. IXe s. – Hauteur totale : 180 mm hauteur de l'intaille : 52 mm. Largeur totale : 104 mm ; largeur de l'intaille : 37 mm. Médailles. Chab. n° 2089. Prov. : Abbaye de Saint-Denis en France (1791). Bibl. : Dom M. Félibien. Histoire de l'abbaye de Saint-Denis en France, Paris, 1706. pl. IV. – A. Chabouillet. Catalogue général des camées et pierres gravées de la Bibliothèque impériale, Paris. 1858. p. 270-271. – J. Hubert. « L'escrain dit de Charlemagne au Trésor de Saint-Denis ». dans Cahiers archéologiques, IV (1949). p. 71-77. – Montesquiou-Fezensac et

Gaborit-Chopin. Le Trésor de Saint-Denis, I. II. 4, III. p. 23-27. pl. VII et VIII. – Pour la gemme proprement dite, voir : P. ZazofT, Die antiken Gemmen, Munich. 1983. p. 321 et pl. CY-4. Exp. : Charlemagne, Aix-la-Chapelle. 1965, n° 562. a et b. – La Seustrie. Les pays au nord de la Loire de Dagobert à Charles le Chauve (VIIe-IXe s.), Rouen. 1985. 122. p. 295-297 et 378.

Au centre du joyau, le portrait de Julie, fille de l'empereur Titus (79-81), est gravé en intaille dans une grande aigue-marine d'une eau très pure. Cette oeuvre, admirée comme l'une des plus belles gemmes antiques, est signée du graveur grec Evodos (EYODOC EnOIEI). Le portrait est placé au centre d'une monture carolingienne composée d'une couronne de neuf saphirs, surmontés de six perles. Seul le saphir qui se trouve au sommet est gravé, d'un côté d'un dauphin, de l'autre du monogramme de la Vierge. Toutes les pierres fines sont serties à jour dans des montures d'or ; chaque saphir est fixé à la pièce centrale par deux granulations, alors que les perles sont retenues par un clou d'or et une collerette de petites feuilles ajourées.

L'intaille de Julie dans sa somptueuse monture, fut portée au cabinet des Médailles dès le 30 septembre 1791, après le premier prélèvement, effectué à son

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profit dans le trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Cette composition était placée au sommet du portique d'orfèvrerie, connu depuis le XVIe siècle sous le nom « d'Ecran de Charlemagne », et qui avait été offert à l'abbaye par Charles le Chauve. Reposant sur un coffret reliquaire plus tardif, « l'écran » lui-même consistait en une grille d'or entièrement couverte de perles et de pierres précieuses, travail des orfèvres carolingiens, et qui mesurait plus d'un mètre de haut sur quatre-vingts centimètres de large. Ce monument sans équivalent était d'une richesse inouïe, comme en témoigne, d'ailleurs, le nombre de pierres qu'a fourni son démontage en 1794 : plus de

sept cents perles, deux aigues-marines, huit rubis, onze améthystes, vingt-deux grenats, cent trente-cinq émeraudes et deux cent neuf saphirs.

En effet, si un fragment de l'ouvrage a été préservé dès 1791, les commissaires de la Commission temporaire des Arts décidèrent ensuite de la destruction de ce prodigieux monument. Ils en reconnurent, néanmoins, implicitement l'intérêt, puisqu'ils chargèrent l'architecte Etienne-Eloi Labarre de dessiner le relevé précis de l'objet, qui avait été déposé à l'Hôtel de la Monnaie.

Le fruit de ce travail fut l'aquarelle, conservée aujourd'hui au cabinet des Estampes, qui constitue avec l'inventaire

L'écran de Charlemagne

de l'abbaye de Saint-Denis dressé en 1634, un témoin essentiel du passé. L'image restitue avec fidélité la structure et les couleurs de cette étonnante construction en trois étages d'arcs superposés, où foisonnent les perles et les pierres fines, et au sommet de laquelle on reconnaît le portrait de Julie. I. Aghion

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Evangiles de Saint-Denis

Nord-Est de la France, début du IXe s. et Paris, XIIIe s. – Parchemin, 250 ff., 280 X 190 mm. – Reliure ivoire et orfèvrerie, dos refait. Manuscrits. Latin 9387.

Prov. : Abbaye de Saint-Denis en France (1791). Bibl. : M. Huglo, « Les Chants de la Missa greca de Saint-Denis ». dans Essays presented to Egon WVellesz, Oxford, 1966, p. 74-83. – Montesquiou-Fezensac et Gaborit-Chopin, Le Trésor de Saint-Denis, III, p. 86-87.

– F. Mütherich, « Die Buchmalerei am Hofe Karls des GroBen », dans Karl der GroBe, III, Karolingische Kunst, Düsseldorf, 1965, p. 150, 40. – D. Nebbiai-Dalla Guarda, La Bibliothèque de l'abbaye de Saint-Denis en France, Paris, 1985, p. 219.

Exp. : Charlemagne, Aix-la-Chapelle, 1965, n° 47 1. – Manuscrits à peintures en France, VII'-XII' s., Paris, Bibliothèque Nationale, 1954, 88.

Sources : Manuscrits. Archives A.R. 66, f. 266.

La tradition veut que les Evangiles présentés ici aient été légués à Saint-Denis par Charles le Chauve, qui en était l'abbé laïc, en 877 ; il n'en existe aucune preuve. Cependant l'écriture sur parchemin pourpré et la décoration, du début du IXe siècle, rappellent fortement l'évangéliaire de Charlemagne, copié en 781-783 par Godescalc. Les Evangiles de Saint-Denis pourraient être une production des ateliers de la « Cour de Charlemagne ».

La reliure, parfaitement reconnaissable sur l'une des planches de Félibien, est prestigieuse. Dans l'ais supérieur est enchassé un ivoire contemporain du manuscrit, et de même style : un Christ magnifiquement sculpté y figure sous une arcature décorée dans les écoinçons de deux paons, disposition fréquente dans les manuscrits de l'Ecole du Palais. Ajoutée au XIIIe siècle, la bordure métallique gothique est rehaussée en alternance d'améthystes, de cornalines et d'émaux champlevés rouges et bleus décorés de grotesques. Certaines pierres sont des

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intailles médiévales. La plaque de cuivre gravé qui orne l'autre plat est aussi du XIIIe siècle : saint Luc et saint Jean y sont représentés debout, accompagnés chacun de leur animal symbolique. L'ensemble est l'oeuvre d'un excellent orfèvre parisien. Lors de cette opération de reliure, un cahier a été inséré au milieu

de l'Evangile de Jean. Il contient les textes des messes pour les plus grandes fêtes de l'année, dont celle de saint Denis, écrits en grec et décorés à Paris vers 1280. A l'origine de cette particularité, se trouve l'identification de saint Denis, évêque et martyr à Paris, avec Denys l'Aréopagite, converti par saint Paul. L'« exotisme »

des textes grecs était goûté ailleurs qu'à Saint-Denis, mais c'est dans cette abbaye que leur usage prit le plus d'ampleur.

Arrivé dès 1791 à la Bibliothèque Nationale, dans le premier lot de pièces saisies dans le trésor de Saint-Denis, le manuscrit a été ainsi protégé des déprédations que subit quelques années plus tard l'abbaye royale. M.P. Laffitte

Les chapelles palatines

Dans l'Occident chrétien, toute résidence royale ou seigneuriale possédait sa chapelle. Ainsi la paroisse dédiée à saint Barthélemy dans l'île de la Cité (voir n° 89), avait été celle du palais mérovingien.

Ayant acheté à l'empereur d'Orient la Couronne d'épines du Christ, conservée jusque-là dans le palais impérial de Constantinople, saint Louis décida d'élever une chapelle dédicacée à cette relique : construite en 1246-1248, la Sainte-Chapelle abritait très vite un trésor important, témoignant de la piété et de la générosité royales, et contenant reliques prestigieuses, objets d'art et manuscrits (nos 83-86).

Après la nationalisation des biens du clergé, Louis XVI, arguant de l'histoire de la Sainte-Chapelle, fit transporter les reliques à Saint-Denis, les pierres gravées et les manuscrits dans sa bibliothèque, qui n'était pas encore nationale. Mais les objets métalliques furent fondus.

Plus de quatre cents ans après saint Louis, les architectes Mansart et Robert de Cotte, à qui Louis XIV devait aussi confier

le choeur de Notre-Dame (voir n° 88), s'inspirèrent de la Sainte-Chapelle, pour le plan et la décoration de la seconde chapelle du château de Versailles. La construction en commença en 1689, quatre ans après la révocation de l'Edit de Nantes. Le Roi Soleil, si conscient du poids de la monarchie française dans la Chrétienté, renouvelait ainsi le geste symbolique de son très pieux prédécesseur, à qui il dédicaça d'ailleurs cette chapelle. Mais il s'agissait plus de sa part d'un acte de politique religieuse que de foi. Comme saint Louis, Louis XIV fit copier à l'usage de Saint-Louis de Versailles des manuscrits luxueux, et ses successeurs continuèrent cette tradition ; le manuscrit présenté ici (n° 87) fut commandé sous Louis XV, et achevé sous Louis XVI.

Bibl. : A. et J. Marie, Versailles au temps de Louis XIV, Paris, 1976, III, p. 457-503. – Abbé S.J. Morand, Histoire de la Sainte-Chapelle de Paris, Paris, 1790.

Sources : Manuscrits. Archives A.R. 66, f. 290-291.

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Grand Camée de France

Rome, second quart du Ier s. apr. J.-C. – Sardonyx à cinq couches. – 310 X 265 mm.

Médailles. Bab. n° 264.

Prov. : Sainte-Chapelle de Paris (1791).

Bibl. : E. Babelon, Catalogue des camées antiques et modernes de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1897. – J. Charbonneaux, Mélanges d'archéologie et d'histoire, offerts à Charles Picard, Paris, 1949, p. 170-186. – H. Jucker, « Der grosse pariser Kameo », dans Jahrbuch des Deutschen Archaölogischen Instituts, XCI (1976), p. 211-250. – W.R. Megow, Kameen von Augustus bis Alexander Severus, Berlin, 1987.

Exp. : La Librairie de Charles V, Paris, Bibliothèque Nationale, 1968, 98.

Le décor gravé en camée sur cette pierre fine se divise en deux parties. Au registre inférieur, des captifs, Parthes et Germains, sont entassés pêle-mêle et littéralement écrasés par la scène qui se déroule au-dessus d'eux. La réalité de leur soumission est accentuée par l'espace réduit qui leur est accordé. On reconnaît, au second registre, l'empereur Auguste (27 av. J.-C.-14 apr. J.-C.), la tête voilée et ceinte de la couronne radiée, qui

occupe le centre de la zone supérieure consacrée aux princes immortalisés. Il est entouré de Germanicus, monté sur un cheval ailé, et du fils de Tibère Drusus le Jeune. La figure flottante vêtue à l'orientale, portant un globe dans ses mains, pourrait être Enée, désigné dans la légende comme l'ancêtre d'Auguste. Les attitudes et les gestes des notables qui participent à la scène centrale établissent un lien avec le groupe céleste.

Le centre de la gemme est réservé à Tibère (14-34 apr. J.-C.) trônant avec sa mère Livie sur un piédestal ; il préside une cérémonie solennelle que l'on suppose être la désignation de Néron (debout en armes devant lui) comme prince de la Jeunesse en 23 après J.-C.

L'explication du tableau reste aujourd'hui encore sujette à controverses, cependant l'interprétation et la date que nous proposons ici, sont les plus généralement admises.

La complexité de la scène représentée, la taille exceptionnelle de l'agate, font du Grand Camée de France une pièce

unique, dont on suit l'histoire mouvementée depuis le Moyen Age, sans savoir cependant comment elle parvint en France. Il semble vraisemblable qu'elle ait été vendue par l'empereur de Constantinople, Baudouin II, à saint Louis en 1247, en même temps que divers joyaux et reliques. Néanmoins, il n'est pas nommément désigné. La première mention apparaît avant 1279 dans l'inventaire du trésor de la Sainte-Chapelle. Mais en 1343, Philippe de Valois, qui se trouve dans une situation financière difficile, met en gage le camée auprès du pape Clément VI. En 1379, une opération analogue, demandée alors par Clément VII, ramena le monument dans le trésor. C'est à cette occasion que Charles V le fit orner d'une riche monture sur laquelle il fit graver l'inscription suivante : « Ce camaïeu bailla à la Sainte-Chapelle du palais, Charles, cinquième de ce nom, roi de France, qui fut fils du roi Jean, l'an 1379 ».

Les inventaires postérieurs signalent tous le précieux camée. Celui de 1573 nous donne, grâce à une longue et précise

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description, une idée de ce que pouvait être la somptueuse monture d'or émaillé et de pierres précieuses, qui fut volée en 1804.

Le 26 février 1791, Louis XVI exprima le souhait que les pièces du trésor de la Sainte-Chapelle venant de « dons particuliers de ses pères », soient soustraites à la vente. On trouve la note suivante dans les archives du cabinet des Médailles :

« L'intention de Sa Majesté est de faire placer, à titre de dépôt seulement et jusqu'à ce qu'il ait été statué ultérieurement à cet égard, les reliques avec leurs reliquaires dans l'église de Saint-Germain l'Auxerrois paroisse de son château des Tuileries : les pierres précieuses seront transportées au cabinet des Médailles et les manuscrits à la Bibliothèque du Roi ». Le 1er mai 1791 le Grand Camée est déposé au cabinet des Médailles, en même temps que le Bâton cantoral et qu'un sceau en argent. Le reçu est signé par Barthélemy qui précise dans une note :

« Si l'on juge à propos de transporter ailleurs ce trésor, il serait convenable d'en retirer ce précieux monument, pour le placer au cabinet des Médailles puisqu'il ne peut être expliqué que par leur secours et qu'il n'est point d'endroit où les savants et les étrangers soient plus à portée de le consulter ». Précisons que Peiresc avait, en 1620, donné une interprétation païenne de la scène en proposant d'y voir l'Apothéose d'Auguste, et non plus comme on le pensait jusqu'alors, le Triomphe de Joseph à la cour du roi Pharaon. I. Aghion

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Le Bâton cantoral

Camée romain, première moitié du IVe s. monture : Hennequin du Vivier, orfèvre. France, avant 1368. – Calcédoine, vermeil, argent. Hauteur 310 mm.

Médailles. Bab. n° 309.

Prov. : Sainte-Chapelle de Paris (1791).

Bibl. : Abbé S.J. Morand, Histoire de la Sainte-Chapelle, p. 56-57. – E. Babelon, Catalogue des camées antiques et modernes de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1897. p. 161-170. – D. Gaborit-Chopin, « Le Bâton cantoral de la

Sainte-Chapelle », dans Bulletin monumental, 132, 1 (1974), p. 67-81.

Exp. : Les Fastes du Gothique, Paris, Grand Palais, 1981, n° 204, p. 205.

A une tunique d'argent doré, est fixé un buste de calcédoine laiteuse identifié avec Constantin. L'empereur est vêtu d'une cuirasse que recouvre l'égide gravée en son centre d'une croix latine. De la draperie émergent deux mains d'argent, l'une d'elles tenant encore une couronne torsadée. Cette composition repose sur un chapiteau décoré de rameaux feuillés, en argent doré, soudés au support, dont la partie supérieure est ornementée

d'arceaux et de cercles entre deux bandeaux moulurés. A la base du monument, un noeud d'argent martelé, que des rubans divisent en quartiers, repose sur un tore concave. Des silhouettes de fleurs de lis sont encore visibles.

Vers 1368, Charles V commanda à l'orfèvre Hennequin du Vivier, l'actuel couronnement du Bâton que le roi offrit ensuite – en 1379, semble-t-il – au trésor de la Sainte-Chapelle. Ce monument est cité pour la première fois dans l'inventaire de 1480. La description qui en est donnée précise que la couronne émaillée de vert était hérissée d'épines, que la main gauche tenait une longue croix de

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vermeil, que le buste émergeait de nuées émaillées de bleu et que le noeud était décoré de fleurs de lis. Toutes choses que confirment et complètent la gravure et le commentaire publiés par l'abbé Morand en 1790, dans son Histoire de la Sainte-Chapelle : des fleurs de lis et des dauphins étaient, en outre, placés dans les alvéoles de l'arcature, et la main gauche n'était pas déchirée. Force est de constater que le sommet du Bâton cantoral a subi des modifications importantes juste après ou avant son transport, en 1791, au cabinet des Médailles. Près de deux mois se sont, en effet, écoulés entre l'invitation faite, le 11 mars 1791, à l'abbé Barthélémy de

Courçay, de se rendre à la Sainte-Chapelle pour y rencontrer le commissaire du roi, qui devait lui remettre les objets précieux destinés au cabinet des Médailles, et leur dépôt le 1er mai 1791 (voir n° 83).

Le reçu signé ce jour-là est très imprécis ; aucune mention n'est faite des insignes religieux et monarchiques. En tout état de cause, l'objet a été fortement altéré au moment de leur arrachage. Ce n'est que plus tard que l'on veillera à éviter ce genre de dégradations. Le 29 mai 1794, la Commission temporaire des Arts, tout en confirmant la nécessité de faire disparaître « les attributs de

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royauté, de féodalité et de superstition », fit valoir que, ce faisant, aucun préjudice ne devait être porté aux objets d'art.

I. Aghion

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Evangéliaire de la Sainte-Chapelle de Paris

Paris, après 1241. – Parchemin, 132 ff., 360 X 265 mm. – Reliure argent doré XIIIe s. Manuscrits. Latin 9455.

Prov. : Sainte-Chapelle de Paris (1791). Bibl. : R. Branner, « The Grande Chasse of the Sainte-Chapelle », dans Gazette des Beaux-Arts, LXXVII (1971), p. 5-18. – M. Th. Gauthier, « Les Couvertures précieuses des manuscrits à l'usage de la Sainte-Chapelle », dans Septième centenaire de la mort de saint Louis, Paris, 1976, p. 141-163. – A. Vidier. « Le Trésor de la Sainte-Chapelle », dans Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile-de-France, X XXIV (1907). p. 199-234, XXXV (1908). p. 189-239, XXXVI (1909), p. 345-395, XXXVII (1910), p. 185-369.

L'exemplaire présenté ici est l'un des trois évangéliaires à reliures précieuses du XIIIe siècle provenant de la Sainte-Chapelle de Paris. Il occupe dans cet ensemble une place déterminante, aussi bien en ce qui concerne sa date et la facture de sa reliure, que les textes qu'il contient.

Dans la série des fêtes courantes qui y sont représentées, figure la commémoration des reliques de la Couronne d'épines et de la vraie Croix. En 1239, une relique de la Couronne du Christ avait été vendue à Louis IX par l'empereur de Constantinople Baudouin II de Courtenay, qui avait besoin d'argent. Celles de la Croix étaient arrivées à Paris en 1241. Pour ces précieux monuments, le futur saint Louis avait décidé la construction de la Sainte-Chapelle. Ce manuscrit fut le premier à être exécuté pour cette église, peu après 1241.

Chacun des ais de la reliure est recouvert d'une plaque d'argent doré repoussé sans raccords, dont les structures en relief sont soutenues par de la poix. L'encadrement médiéval de pierres précieuses a été remplacé avant 1536 par une frise Renaissance. Au pied de la Crucifixion, qui occupe le plat supérieur, une intaille antique, déposée en 1834 et remise au cabinet des Médailles, occupait la place traditionnellement attribuée à la

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tête d'Adam. Le soleil et la lune encadrent la croix, en allusion peut-être aux troubles astronomiques qui accompagnèrent le supplice de Jésus. La couronne d'épines qui ceint la tête du Christ n'est pas nouvelle dans l'iconographie du XIIIe siècle, mais elle est encore assez rare pour être remarquée et mise en relations avec les reliques. Sur le plat inférieur, le Christ en majesté, assis sur un arc-en-ciel, est entouré des symboles des évangélistes. A ses pieds est fixée une grosse perle de verre vert.

Ces deux scènes, comparables aux premières sculptures réalisées pour la Sainte-Chapelle, apportent un témoignage intéressant sur l'art du métal à Paris au milieu du XIIIe siècle. Leur

rigueur et leur caractère austère, l'aspect douloureux des personnages sont peut-être le signe de l'influence de Blanche de Castille, très liée aux cisterciens.

Apporté au cabinet des Médailles avec les pièces gravées, ce manuscrit fut transmis au cabinet des Manuscrits dans les jours qui suivirent, en compagnie du Missel (latin 9436), de même provenance.

M.P. Laffitte

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Intaille de la Sainte-Chapelle

Rome, premier quart du IIIe s. – Améthyste (variété violette du quartz). – Hauteur : 40 mm. Médailles. Chab. 2101.

Prov. : Sainte-Chapelle de Paris (1791).

Bibl. : Abbé S.-J. Morand, Histoire de la Sainte-Chapelle, Paris, 1790, p. 56. – A. Chabouillet, Catalogue général des camées et pierres gravées de la Bibliothèque impériale, Paris, 1858, p. 273.

Le buste de Caracalla est gravé en creux dans une améthyste. L'empereur, barbu, tête nue, est représenté de profil, vêtu du paludamentum. Le portrait réaliste, finement gravé sur cette gemme, est certainement l'oeuvre d'un artiste romain contemporain du souverain. Par contre, la croix que le personnage semble porter sur l'épaule ainsi que l'inscription en lettres grecques : 0 TIETROC, ont été rajoutées à une époque postérieure. Les traits de Caracalla présentent certaines analogies avec ceux que la tradition prêtait à saint Pierre, aussi a-t-on cherché à transformer cette image païenne en une effigie du saint. On connaît d'autres exemples de ce type.

Morand publie, dans son Histoire de la Sainte-Chapelle, une description de la reliure en vermeil sur laquelle était enchâssée la pierre fine et il consacre une note à la gemme elle-même : « Cette pierre représente un Caracalla médiocrement gravé, et l'inscription 0 TTETROC est une fripponnerie connue du Bas-Empire pour mieux tromper la pieuse crédulité ».

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En 1834, la pierre fine fut déposée au cabinet des Médailles, pour être conservée avec les séries antiques et une imitation en pâte de verre fut placée sur la reliure. I. Aghion

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Evangéliaire de la chapelle royale de Versailles

Paris, 1767-1776. – Parchemin, 57 ff.,

385 x 270 mm. – Reliure maroquin vert.

Manuscrits. Latin 8897.

Prov. : Château de Versailles (1795).

Bibl. : M. Roland-Michel, « Cochin illustrateur, et le missel de la Chapelle royale », dans Jahrbuch der

Berliner Museen, 1979, p. 153-179. – R. Portalis,

Nicolas Jarry et la calligraphie, Paris, 1897, p. 93. –

P. Pradel, « Le Symbolisme de la Chapelle de

Versailles ». dans Bulletin monumental, XCVI (1937), p. 335-355.

Sources : Manuscrits. Archives modernes, CDXCIV.

Cet évangéliaire, associé à un épistolier, est appelé à tort « missel de la chapelle du château de Versailles ». D'une somptuosité rare au XVIIIe siècle pour ce genre de livres, peint à gouache sur vélin, le tome consacré aux évangiles des grandes fêtes est daté de 1776 et signé N.L. Barbier : Louis-Nicolas Barbier, peintre à gouache et membre de l'Académie Saint-Luc, confrérie réunissant les peintres depuis 1290.

D'autres artistes ont signé aussi ce manuscrit : Baudouin, élève et gendre de Boucher, qui commença le travail dès

1767, est l'auteur de la Nativité (f. 5v). François Mercier, peintre miniaturiste, a exécuté la décoration ornementale : guirlandes, encadrements, fleurons. Et Pierre-Nicolas Leroy, ici calligraphe, est plus connu comme géographe du roi. Plus insolite est le nom de frère Hippolyte, bénédictin de Saint-Martin-des-Champs, qui venait d'inventer un procédé pour accentuer le brillant des ors dans les miniatures sur vélin.

Au salon de 1774 de l'Académie Saint-Luc, Barbier présenta certaines peintures de ce manuscrit. Le livret de cette exposition précisait qu'elles avaient été exécutées d'après des dessins de Cochin. Charles-Nicolas Cochin le fils, garde des dessins du roi, était aussi le maître à dessiner de Mme de Pompadour.

Avant 1772, il avait reçu commande pour ce fameux « missel ». Il présenta des dessins au salon du Louvre de 1775, où Diderot les remarqua. Bien que le nom de Cochin ne figure pas dans ce volume, sa personnalité y est omniprésente, dans le style des peintures comme dans le choix d'une iconographie très fidèle aux textes bibliques. Il est possible même que certaines grandes illustrations aient été peintes directement sur ses ébauches.

On ne sait pas si l'entreprise fut terminée et si ce manuscrit servit jamais au culte. Cependant, il était à Versailles au début de la Révolution. Il est décrit très précisément, avec sa reliure de maroquin vert, dans le reçu du 13 juillet 1795, qui témoigne de son dépôt à la Bibliothèque Nationale. M.P. Laffitte

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Paris et ses églises

Deux cent soixante et une communautés religieuses étaient installées à Paris à la veille de la Révolution, parmi lesquelles on recense cinquante-deux paroisses d'importances très diverses. La plupart de ces établissements, réguliers ou séculiers, possédaient en marge de leur bibliothèque, soit un trésor véritable, soit quelques objets précieux, livres manuscrits ou imprimés et linges liturgiques nécessaires à l'exercice du culte.

Les fontes successives, les ventes, et aussi le vandalisme, entraînèrent la destruction ou la dispersion de ces collections. Cependant les livres furent relativement épargnés : ils ne pouvaient pas être fondus, n'étaient pas aussi facilement monnayables que des objets, et surtout les hommes désignés pour leur sauvegarde firent preuve d'une admirable vigilance : dès le 8 octobre 1791, Ameilhon, responsable du dépôt de Saint-Louis la Culture, attira l'attention des autorités sur ces volumes particulièrement menacés en raison de leur contenu, et les réclama pour son propre dépôt : « J'ai l'honneur de vous faire observer que

les personnes qui enlèvent les effets de sacristie ou trésors des églises, emportent en même temps les livres de chant, bréviaires, missels, rituels. Cependant, ces livres devraient m'être remis pour être placés avec ceux dont je suis dépositaire, dans la classe des livres liturgiques. On m'a dit qu'on les avait portés en très grande quantité aux Petits-Augustins de la reine Marguerite. ».

On doit en effet constater que la plupart des volumes à usage liturgique qui sont parvenus à la Bibliothèque Nationale ne sont pas passés par ses mains. Ils avaient dès 1790-1791 été confiés à la Commune de Paris et placés sous la garde de Pierre-Arnaud Vallet de Villeneuve, trésorier de la municipalité. Ils transitèrent ensuite par le dépôt des Petits-Augustins (actuelle école des Beaux-Arts) cité par Ameilhon, créé pour accueillir les objets d'art des églises parisiennes.

Bibl. : Le Diocèse de Paris, I, Des origines à la Révolution, Paris, 1987 (Histoire des diocèses de France, 20).

Notre-Dame

Par chance, le chapitre de Notre-Dame de Paris s'était, en avril 1756, dessaisi de sa bibliothèque ancienne – 301 manuscrits remarquables –, au profit de la Bibliothèque du Roi, contre la

somme de 50 000 livres, destinée à payer la reconstruction de la sacristie par Soufflot. Mais le trésor de la cathédrale était resté sur place. Il avait, par le passé, été sollicité à plusieurs reprises pour le

paiement d'impôts exceptionnels : par lettres patentes du 2 juin 1562, Charles IX avait, pour la préparation de la guerre, taxé le chapitre de Notre-Dame à 20 000 livres ; et pour que les chanoines puissent payer cette somme importante, il les avait autorisés à envoyer à la fonte ou à vendre les plus belles pièces du trésor. L'opération eut lieu immédiatement et rapporta la somme de 22 561 livres.

Lorsqu'il fut inventorié en novembre 1790 et placé sous scellés, ce trésor contenait entre autres des livres liturgiques, imprimés ou manuscrits, des reliquaires médiévaux, et aussi des objets précieux des XVIIe et XVIIIe siècles, témoignages du renouveau de l'intérêt royal pour la cathédrale parisienne à partir de 1638, et du mécennat des Confréries, dont la plus active en faveur de Notre-Dame était celle des orfèvres.

En grande partie trop récents pour attirer l'attention des savants, et trop représentatifs d'une mode qui n'était plus au goût du jour, les objets furent enlevés en plusieurs fois entre le 22 août et novembre 1792, par les membres du comité de la Section de la Cité. Transportés d'abord à l'hôtel de la Monnaie où les éléments

métalliques furent fondus, ils furent ensuite remis au dépôt des Petits-Augustins.

Des livres manuscrits et imprimés figuraient dans les listes de transfert, parmi lesquels un graduel en huit volumes de format atlantique, copié au XVIIe siècle. A l'occasion de son sacre en 1804, Napoléon le fit rendre par la Bibliothèque Nationale au cardinal de Belloy, archevêque de Paris, qui l'avait réclamé, en même temps que des reliques qui avaient été déposées au cabinet des Médailles. On restitua aussi un évangéliaire-épistolier, mais une note de 1811 conservée dans les archives du département des Manuscrits précise qu'il ne s'agissait pas de l'exemplaire provenant de Notre-Dame, resté rue de Richelieu et présenté ici.

D'autres pièces, sauvées pendant la Révolution et rendues à la cathédrale, seront définitivement détruites lors des émeutes de 1830 et 1831. M.P. Laffitte

Sources : B.H.V.P. Manuscrit C.P. 3529. – Manuscrits. Archives modernes, CDXCII.

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Evangéliaire de Notre-Dame de Paris

Paris, 1753. – Parchemin, 112 pp., 370 X 290 mm. – Reliure chagrin rouge au chiffre de Louis-Philippe ; aux contreplats, restes d'une couvrure de maroquin rouge aux armes de Notre-Dame de Paris.

Manuscrits. Latin 9461.

Prov. : Notre-Dame de Paris (1792).

Bibl. : M. Aubert, La Cathédrale Notre-Dame de Paris, Paris, 1950. – P.M. Auzas, « Antoine de La Porte, chanoine jubilé de Notre-Dame de Paris », dans Mémoires de la Fédération des sociétés historiques et archéol. de Paris, I (1949), p. 247-277. – L.J. Thiery, Guide des amateurs et étrangers voyageurs à Paris, II, Paris, 1787, p. 109-116.

Accompagné d'un épistolier daté lui aussi de 1753, cet évangéliaire regroupe les lectures pour les grandes fêtes de l'année liturgique particulières à la cathédrale de Paris. Les textes sont rehaussés d'initiales peintes et d'une décoration ornementale importante, bien dans le goût du XVIIIe siècle. Pour chaque fête, une miniature inspirée par le récit biblique est placée en frontispice, dans un encadrement compliqué imitant le bois sculpté. La finesse du dessin et la fraîcheur des coloris ne peuvent cacher la qualité très inégale des scènes, dues à des artistes différents.

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Les deux fêtes les plus importantes sont illustrées par une peinture à pleine page : pour la Fête-Dieu, on reconnaît aisément l'ostensoir qu'avait offert en 1708 le chanoine Antoine de La Porte,

grand bienfaiteur de Notre-Dame. Ce « soleil » de 75 kilos d'argent doré avait été dessiné par Robert de Cotte, puis modelé par Philippe Bertrand et exécuté par Claude Ballin, orfèvre du roi. L'Agneau pascal y est allongé sur le livre fermé des sept sceaux, décrit dans le quatrième chapitre de l'Apocalypse de saint Jean. La seconde peinture, pour l'Assomption, représente le maître-autel de Notre-Dame de Paris. Cet autel avait été réalisé sur l'ordre de Louis XIV, entre 1699 et 1723, par les sculpteurs Coustou et Coysevox, d'après les projets de Mansart et de Robert de Cotte. Il commémorait le « Voeu de Louis XIII » en février 1638, le roi, apprenant qu'après vingt-trois ans de mariage la reine était enfin enceinte, mit sa personne et le royaume de France sous la protection de la Vierge. Il s'engagea à faire reconstruire le maître-autel de Notre-Dame. C'est son fils qui finalement commandita les travaux.

La plupart des bronzes et la mise au tombeau de Vassé ont été fondus en 1792, Viollet-le-Duc a supprimé les plaquages de marbre, une partie de l'autel est aujourd'hui dans l'église de Rueil. Seules sont revenues à leur place les statues de marbre blanc représentant Louis XIII et

Louis XIV, sculptées par Coustou et Coysevox.

Un ostensoir en argent pour les processions, exécuté par le célèbre orfèvre Germain en 1718, un vitrail triangulaire du choeur… figurent aussi dans les miniatures du manuscrit.

Les deux monstrances comme les manuscrits furent inventoriés en 1790 dans l'inventaire du trésor de Notre-Dame. Les objets et les ornements de vermeil des livres, exécutés en 1756, furent fondus à la Monnaie en octobre 1792. Les manuscrits furent ensuite portés au dépôt des Petits-Augustins.

M.P. Laffitte

L'Ostensoir du chanoine de La Porte

Paroisses et couvents

Si les abbayes de fondation ancienne, si les cathédrales avaient amassé des trésors importants, les églises plus modestes possédaient, elles, quelques pièces d'orfèvrerie, surtout en argent (vases, plats et même cuillers), des livres et des ornements, que la

générosité populaire, à l'image de celle des rois, avait apportés dans les sanctuaires. Mais leur valeur artistique était très inégale et beaucoup ont disparu.

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Evangéliaire-épistolier de la paroisse Saint-Barthélemy de Paris

Paris, 1762. – Papier, 195 ff., 320 X 230 mm. – Reliure argent doré, XVIe s. Manuscrits. Latin 9462.

Prov. : Paroisse Saint-Barthélemy de Paris (1791). Bibl. : J. Lebeuf, Histoire de la ville de Paris et de tout le diocèse de Paris, II, Paris, 1864, p. 257-264 et 279-281.

Exp. : Trésors sacrés, trésors cachés. Patrimoine des églises de Seine-et-Marne, Paris, musée du Luxembourg, 1988. n° 85.

Sources : Archives nationales. F19. 611 (7).

Remis à la Commune de Paris après la nationalisation, ce manuscrit fut conservé dans le trésor de la ville, sis au 1 de la rue des Francs-Bourgeois. Il fut ensuite transféré, avec le reste de l'argenterie de Saint-Barthélemy,

Saint-Barthélemy, l'hôtel de la Monnaie, le 9 avril 1791. Sa reliure devait y être fondue, en exécution du décret du 23 octobre 1790, mais elle fut exceptionnellement épargnée. Le volume fut confié le 13 mai 1791 aux gardes des manuscrits de la Bibliothèque du Roi.

Deux plaques d'argent doré. réalisées à Paris autour de 1550, constituent la reliure du manuscrit. La Crucifixion du

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plat supérieur est d'une conception un peu surannée. Elle est sans doute copiée sur une gravure ancienne : derrière les personnages se profile la ville de J érusalem, telle qu'on la retrouve dans d'autres productions contemporaines. La seconde plaque, où l'on reconnaît les deux patrons de l'église, saint Barthélémy et sainte Catherine d'Alexandrie, est plus moderne dans sa composition et possède de réelles qualités artistiques. Une frise d'encadrement complète l'ensemble ; des têtes d'angelots y sont sculptées en alternance avec le coutelas de saint Barthélémy ou la roue de sainte Catherine, instruments de leur supplice. Ces plaques, destinées au XVIe siècle à un livre aujourd'hui disparu. ont été réutilisées pour un évangélaire-épistolier du XVIIIe siècle, mauvaise copie des luxueux manuscrits médiévaux. Y sont regroupées les lectures des principales fêtes de l'année et celles des deux patrons de l'église.

Situé dans l'île de la Cité, Saint-Barthélemy était la chapelle du palais à l'époque des rois mérovingiens. Celle-ci fut transformée en paroisse au XIIe siècle. Vendue le 12 novembre 1791. l'église fut démolie l'année suivante et remplacée

sous le Directoire par le théâtre de la Cité, fermé en 1807. puis par une salle de bal public. Lors du percement du boulevard de Sébastopol, le passage étroit et obscur qui y accédait fut détruit. Le manuscrit présenté ici est le seul objet conservé provenant de l'un des plus anciens sanctuaires parisiens. M.P. Laffitte

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Monogramme du Christ

Europe du Nord. vers 1600. – Or émaillé et diamants. – Hauteur : 62 mm. Médailles. Chab. 2720.

Prov. : Couvent des carmélites de Paris (1796). Bibl. : M. Chabouillet. Catalogue général des camées, Paris. 1858. – E. Babelon. Catalogue des camées antiques et modernes de la Bibliothèque Nationale, Paris. 1897. p. CLVII-CLXIII. – Y. Hackenbroch. Renaissance Jewellery, Munich. 1979.

Exp. : Princely Magnificence, Court Jewels of the Renaissance, 1500-1630, Londres. Victoria and Albert Museum. 1980. n° 55.

Les lettres gothiques de ce pendentif forment le monogramme du Christ (IHS ou YHS). Sur l'une des faces, elles sont recouvertes de diamants rectangulaires taillés en « doz d'asne » ; sur l'autre, les instruments de la Passion se détachent sur un fond d'émail blanc, dans un arrangement raffiné qui accompagne le tracé des caractères.

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De nombreux portraits de princesses témoignent de la popularité de ce type de bijou à la Renaissance et au début du XVIIe siècle. Par exemple, celui de Jane Seymour par Holbein, daté de 1536 et conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne.

Ici. la forme des lettres suggère une origine nord-européenne, aussi a-t-il été proposé qu'il s'agissait du bijou réalisé d'après le dessin de l'orfèvre flamand Arnold Lulls, pour Anne de Danemark. Les éléments décoratifs qui ornent le contour des lettres, diffèrent cependant suffisamment du dessin pour contredire cette hypothèse. Rosettes et arabesques s'apparentent plutôt à celles du monogramme conservé au Victoria and Albert Museum de Londres. Si on ne sait rien des circonstances dans lesquelles le bijou parisien a été acquis par le couvent des Carmélites, on connaît, en revanche, la date précise de son entrée dans la collection nationale. Le 1er nivôse an V (21 décembre 1796), l'administration de la Monnaie envoie un lot important de débris de reliquaires ou d'objets de petites dimensions qui n'avaient pas été fondus. La liste montre les provenances disparates de ces monuments. On y trouve cité le comte de Vergennes, le district d'Orléans ou encore à la mention XXXV : « Provenant des Carmélites. Le chiffre de Jésus en brillants, monté en or émaillé en dessous ». I. Aghion

Sanctuaires de France et de l'étranger

Dans son long rapport du 2 messidor an II (20 juin 1794), Dom Poirier décrit à l'intention de la Commission temporaire des Arts l'état du catalogue des imprimés et des manuscrits réunis dans les dépôts départementaux. Il indique que « les manuscrits antérieurs au XIe siècle ne se trouvent communément que dans les ci-devant cathédrales et dans les anciennes abbayes des bénédictins. ». Il souligne l'ancienneté et la beauté des écritures et de la décoration « jusqu'à la couverture qui par la matière et par les bas-reliefs souvent antiques dont elle est ornée, intéresse également l'antiquaire et l'artiste ». La tendance centralisatrice des révolutionnaires de 1789 s'est traduite en projets successifs qui visaient à regrouper à Paris cette part très prestigieuse du patrimoine récemment nationalisé : une première vague de saisies en province eut donc lieu avant la création des écoles centrales en 1795. On peut citer la mission accomplie par le même Dom Poirier à Chartres à la fin de 1793 (nos 91-93), ou la demande adressée en 1794 par la Commission temporaire des Arts à la commune de Lauconne à propos des Evangiles de Saint-Lupicin (n° 98).

Les écoles centrales furent supprimées par la loi du 1er mai 1802 et remplacées par des lycées. Leurs bibliothèques, constituées avec les livres des dépôts littéraires, furent mises sous scellés et placées directemént sous la main de la Nation. Et elles ne furent confiées aux municipalités qu'en janvier suivant (décret du 28 janvier 1803). Ce court laps de temps fut mis à profit pour regrouper à Paris des fonds anciens importants, comme les manuscrits des abbayes de Corbie ou de Saint-Corneille de Compiègne. Maugerard (voir aussi n° 39), qui connaissait le trésor de la cathédrale

de Metz pour l'avoir admirablement catalogué en 1765, en fit expédier les plus beaux fleurons à Paris en octobre 1802 (n° 94). Il fit de même à Luxembourg, où 85 manuscrits d'Echternach et d'Orbais furent choisis pour Paris.

Pierres gravées antiques, manuscrits de haute époque, aussi remarquables par leurs peintures et leurs origines princières que pour leurs reliures précieuses, imprimés rares et précieux, furent aussi recherchés dans toute l'Europe. Ils sont entrés en foule dans les collections de la Bibliothèque Nationale pendant la Révolution, puis sous l'Empire. La plupart firent en 1815 l'objet d'une restitution, comme le célèbre « codex d'Ada », conservé aujourd'hui à Trèves, qui provient des mêmes ateliers que les Evangiles de Saint-Médard de Soissons (n° 97).

Trésors des cathédrales

On retrouve dans ce chapitre le genre de manuscrits, d'objets, de livres qui avaient été saisis dans les sanctuaires parisiens, mais provenant ici des grandes métropoles provinciales. Il s'agit d'établissements qui – à un moment de leur histoire – avaient

eux aussi bénéficié de la faveur royale, Metz à l'époque carolingienne, Chartres de la part des rois capétiens. Pour cette raison les trésors que conservaient ces églises sortaient du commun.

M.P. Laffitte

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Missale secundum usum Ecclesie Carnotensis, cum multis ac variis additamentis.

Parisiis ; Vidua Thielmanni Kerver. 1529. – [7] f. bl. – CXL f. – [89] f. – XLVIII f.. in-folio. Imprimés. Rés. Vélins 161. Prov. : Cathédrale de Chartres (1793). Bibl. : L. Merlet. Catalogue des reliques et joyaux de Notre-Dame de Chartres, Chartres, 1885. – Procès-verbaux de la Commission des Monuments, publiés par L. Tuetey, 2 vol., Paris, 1901-02. Sources : Manuscrits. Archives modernes, CDXCIV.

e missel est sans doute l'imprimé le plus omptueux d'un « trésor » provenant de hartres, dont d'autres pièces sont

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entrées à la Bibliothèque Nationale : treize manuscrits de haute époque, eux aussi de la bibliothèque du Chapitre de Chartres et plusieurs « pierres gravées » appartenant à la châsse qui renfermait, dans la cathédrale, la célèbre « chemise » sans couture que la Vierge aurait portée au moment de l'Annonciation, une des reliques les plus célèbres de la chrétienté qui, avant qu'on la vît, en 1712, et qu'on s'aperçût alors qu'il s'agissait plutôt d'un « voile », d'une longue pièce de tissu d'origine proche-orientale, avait donné naissance à toute une imagerie dont ce missel précisément porte témoignage : un exemplaire précieux, entièrement imprimé sur vélin, dont les initiales et les gravures sur bois sont richement peintes et dorées, couvert surtout d'une exceptionnelle reliure datant du début du XVIIe siècle, au moment de la donation du volume : « ex dono magistri Florentii Mathieu canonici Carnotensis 1608 » est-il gravé au dos. Le maroquin noir est orné d'un semé de fleurs de lis et de « chemises » de la Vierge. Deux médaillons représentent, au plat supérieur une Crucifixion, au plat inférieur une Annonciation.

On trouve le volume décrit dans un rapport de Dom Poirier et Androphile Sergent ; il a été rapporté en nivôse an II (décembre 1793) pour être déposé à la Bibliothèque Nationale avec huit autres imprimés (dont un Marsile Ficin, De Triplici vita, 1489) et les manuscrits.

R.J. Seckel

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Evangiles de Chartres

Ouest de la France. IXe s. – Parchemin, 189 ff., 270 X 230 mm. – Reliure chagrin violet aux armes e chiffre de Louis-Philippe.

Manuscrits. Latin 9386.

Prov. : Cathédrale de Chartres (1793).

Bibl. : J.J. Alexander. « Manuscrits enluminés », dans Landevennec et le monachisme breton dans le Haut Moyen Age, Landevennec. 1985. p. 269-273. – B. Davezac, « L'évangéliaire de Chartres », dans Cahiers archéologiques, XXVII (1978). p. 41-60. – L. Deviez. « Un grand sauveteur de documents historiques, Dom Germain Poirier », dans Revue Mabillon, 1930. p. 275. – H. Dufresne, « Une vocation historique, Dom Germain Poirier », dans Bulletin des Bibliothèques de France, XI (nov. 1956), p. 759-760. – Merlet. Catalogue des reliques et joyaux de Notre-Dame de Chartres, p. 50-52 et 106-107. – C. Nordenfalk. « Miniature ottonienne et ateliers capétiens », dans Art de France, IV (1964). p. 47-59. Exp. : Manuscrits à peintures en France, VIIe-XIIe s., Paris, Bibliothèque Nationale, 1954, n° 39.

L'examen de ces quatre Evangiles, découverts par Dom Poirier dans la bibliothèque du Chapitre cathédral de Chartres, et rapportés à la Bibliothèque Nationale à la fin de 1793, soulève de nombreuses questions, aussi bien sur leur date que pour leur origine.

En effet, si l' écriture et certains motifs ornementaux se rattachent sans ambiguïté à l'école calligraphique de Tours après l'époque d'Alcuin, la décoration proprement dite est bien différente de la production des grands centres carolingiens, par la rudesse mais aussi par l'originalité du cycle iconographique les épisodes de la vie de saint Jean-Baptiste placés en tête de l'Evangile de Jean sont exceptionnels pour ne pas dire uniques dans la France du IXe siècle. Ils témoignent plutôt d'une tradition orientale

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inconnue ailleurs, qui se manifeste avant tout dans les drapés des vêtements.

Les caractères tourangeaux peuvent s'expliquer par le rôle important de l'archevêché de Tours à cette époque, dans l'ouest de la France. La tradition textuelle des préfaces et certains partis pris décoratifs, comme les initiales soulignées de points rouges, sont la preuve d'une forte influence insulaire, comparable à celle qui se manifeste dans les ateliers bretons contemporains.

Comme Jean Porcher le suggérait déjà en 1954, ce manuscrit pourrait être issu d'un atelier de l'ouest de la France, peut-être même chartrain, atelier soumis à des influences diverses, mais dont le caractère marginal reste tout à fait remarquable. On peut l'identifier sans doute avec l'un des recueils d'Evangiles inventoriés dans le trésor de Chartres dès 1322.

En 1549, l'ensemble de ces volumes étaient couverts de reliures précieuses, disparues aujourd'hui. M.P. Laffitte

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Jupiter de Chartres

Camée romain, Ier s. après J.-C. – Monture France, XIVe s., remaniée au XIXe s. – Sardonyx, or émaillé, argent doré. – Hauteur : 152 mm. Médailles. Bab. 1. Prov. : Cathédrale de Chartres (1793). Bibl. : F. de Mély, Le Trésor de Chartres. Paris, 1886. – E. Babelon. Catalogue des camées antiques et modernes de la Bibliothèque Nationale. Paris. 1897, p. 1-7. –

D. Gaborit-Chopin, « Le Bâton cantoral de la Sainte-Chapelle », dans Bulletin monumental. 132, 1 (1974). p. 67-81. – H. Swarzenski. « The Niello Cover of the Gospelbook of the Sainte-Chapelle and the limits of Stylistic Criticism and Interpretation of Literary Sources ». dans Gesta. XX (1981), p. 207-212.

Exp. : Les Fastes du Gothique. Paris. Grand Palais, 1981. 168, p. 208. – La Librairie de Charles V. Paris. Bibliothèque Nationale, 1968, n° 97. p. 39.

Gravé en relief dans une sardonyx à trois couches horizontales, Jupiter est figuré debout, à demi drapé, la tête ceinte d'une couronne de laurier. Il tient le sceptre d'une main, le foudre de l'autre, alors que l'aigle est à terre, près de son pied droit. Ce camée, remarquable par son modelé aussi bien que par les nuances de la pierre fine, est serti dans une monture d'or émaillé de rouge et de noir, qui porte une inscription à l'avers et au revers. Les versets des évangiles qui ont été choisis (saint Luc IV-30 ; saint Jean VIII-2 et Prologue), se retrouvent fréquemment sur des objets auxquels les hommes du Moyen Age reconnaissaient des pouvoirs magiques et prophylactiques.

Des fleurs de lis et des dauphins en argent doré ont été adaptés plus tard au pourtour de la monture. Celle-ci se prolonge par un écu émaillé aux armes de

France, surmonté d'un bandeau qui porte l'inscription suivante « Charles Roy de France, fils du roy Jehan donna ce jouyau l'an MCCCLXVIL le quart an de son règne ».

Ce camée ornait la châsse de la chemise de la Vierge depuis 1367, date à laquelle il avait été offert à la cathédrale par Charles V, à l'occasion d'un pèlerinage qu'il fit à Chartres. Dès lors, et grâce aux inventaires, on peut suivre l'histoire de la gemme et de sa monture au fil du temps. Ainsi apprend-on qu'en 1578, Henri III fit fondre nombre de bijoux et de vases sacrés du trésor, et mit le camée de Jupiter en gage. On peut également constater que, par bonheur, le trésor de Chartres ne fut pas appauvri lorsque Louis XIV, à trois reprises (1689, 1700, 1710), ordonna l'aliénation d'une partie des trésors des églises.

Au moment de la Révolution, le trésor de la cathédrale de Chartres subit un premier prélèvement en 1792, un second un an plus tard. Le 17 septembre 1793, deux membres de la Commission

des Monuments, Sergent et Lemonnier, se rendirent à Chartres afin d'y détruire la châsse de saint Théodore et celle de la chemise de la Vierge. Les métaux précieux récupérés furent envoyés à la Monnaie à Paris, et les pierres gravées (parmi lesquelles notre camée) au cabinet des Médailles. Il paraît vraisemblable qu'à ce moment la monture était encore ornée d'une série de perles et de rubis, qui lui furent arrachés. Ces pierres précieuses furent remplacées à une date ultérieure, par les fleurs de lis et les dauphins, qui avaient, eux, été retirés du Bâton cantoral de la Sainte-Chapelle (voir n° 84).

I. Aghion

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Sacramentaire de Drogon

Metz. 844-845. – Parchemin, 130 ff., 265 x 145 mm. – Reliure velours bleu et ivoire.

Manuscrits. Latin 9428.

Prov. : Cathédrale de Metz (1802). Bibl. : Drogosakramentar… herausgegeben von F. Mütherich. Kommentar W. Koehler. Graz, 1974, p. 1-9. – V. Leroquais, Les Sacramentaires et les missels mss. des bibliothèques publiques de France, I. Paris, 1924, p. 16-18. – F. Unterkircher, Zur Ikonographie und Liturgie des Drogo-Sakramentars, Graz. 1977. – L. Weber, Einbanddecken, Elfenbeintafeln, Miniaturen, Schriftproben aus Metzer Handschriften, Metz-Frankfurt, 1912, p. VI-VII et 1-22.

Exp. : Manuscrits à peintures en France, VIIe-XIIe s., Paris, Bibliothèque Nationale. 1954, n° 75.

Ce manuscrit est un sacramentaire, forme primitive du missel, ne regroupant que les oraisons, les préfaces et le canon de la messe. Il a été exécuté pour la cathédrale de Metz sous l'épiscopat de Drogon (826-855). Fils illégitime de Charlemagne, élevé à la dignité épiscopale par son demi-frère l'empereur Louis le Pieux, Drogon est très vraisemblablement le destinataire de ce manuscrit : son nom figure en lettres d'or au f. 166v ; et l'évêque représenté dans les peintures qui ornent les feuillets ou sur les ivoires de la reliure est vêtu du pallium, sorte de manteau insigne d'une dignité que le pape accordait aux évêques qu'il voulait spécialement honorer. Or Drogon avait reçu le pallium des mains de Serge III, en 844.

Le sacramentaire de Drogon est tout à fait remarquable par l'unité parfaite qui règne entre la décoration intérieure et la reliure. Les neuf plaques de chacun des plats représentent pour le premier des scènes de la liturgie épiscopale et pour le second des moments de la messe. Les mêmes thèmes sont repris par les lettres historiées illustrant le texte.

Par la décoration monumentale, l'utilisation fréquente de l'or, l'écriture très posée, le manuscrit dégage une impression de luxe et de clarté. La finesse du trait et la délicatesse de coloris sont aussi à signaler. Il ne s'agit pas ici de la production même très soignée, d'un atelier monastique : les artistes qui ont réalisé ce chef-d'oeuvre travaillaient sans doute directement pour la cour. Les rela-

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tions étroites de Drogon avec l'empereur explique qu'ils aient travaillé pour lui.

Un lot de seize manuscrits provenant de Metz, parmi lesquels figurait le sacramentaire de Drogon, fut apporté à Paris et déposé à la Bibliothèque Nationale le 17 novembre 1802. M.P. Laffitte

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Missale coloniense

Cologne, Heinrich Quentell, 1494. In-folio. Imprimés. Rés. Vélins 212.

Prov. : Cathédrale de Cologne (1794).

Bibl. : Bohatta, Liturgische Drucke, 108 : Incunables M-418 : Pellechet 8005 (7939).

L'avancée des armées révolutionnaires après la bataille de Fleurus (26 juin 1794) les porta en Belgique au cours de l'été 1794, puis jusqu'au Rhin au début de l'automne. Le 6 octobre, Championnet entrait à Cologne. Bientôt, les commissaires envoyés par le Comité de salut public pour « recueillir tous les monuments. qui ont rapport aux arts et aux sciences. » vinrent poursuivre sur la rive gauche du Rhin les saisies commencées en Belgique. En dépit de l'hostilité marquée de la municipalité et des communautés ecclésiastiques de Cologne, le commissaire Leblond y réalisa une riche moisson. « C'est à Cologne que nous avons brillé », écrit-il le 17 nivôse an III au représentant Baraillon. « Vingt-cinq caisses de livres. voilà ce que cette ancienne ville des Ubiens a fourni à la République ». Les réclamations des établissements spoliés furent transmises en 1796 au ministre de l'Intérieur qui les communiqua à Leblond, mais celui-ci se contenta d'indiquer sur des petits billets ironiques et désinvoltes, encore épinglés sur chacune des réclamations, le peu de cas qu'il fallait leur accorder.

A la cathédrale fut ainsi saisi ce beau missel, dont seule la figure du canon est sur vélin. Il se trouvait à Cologne depuis son impression, propriété d'un chanoine de l'église Saint-André. Après avoir été longtemps égaré, il avait été racheté en 1756 à un libraire par un vicaire de Saint-André et appartenait à la cathédrale depuis 1780. F. Dupuigrenet

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Evangiles latins du Haut-Moyen Age

Parmi les manuscrits les plus anciens destinés à un usage liturgique, tels qu'évangéliaires, épistoliers, sacramentaires, figurent en bonne place les recueils complets des quatre Evangiles. Ils étaient utilisés pour les offices et les processions, pour le sacre des rois, ou simplement exposés dans les sanctuaires à l'occasion des fêtes, ce qui explique le luxe de leur présentation intérieure comme extérieure.

Réalisés entre le Ve et le IXe siècle en Europe occidentale, ces Evangiles latins ont pu être classés en catégories assez homogènes. Le premier groupe, antérieur à 650, n'est pas représenté ici. Les Evangiles d'Echternach (n° 96) sont le manuscrit le plus discuté, sinon le plus beau, de la série insulaire. Ses composantes très variées, traversées par des influences diverses, italienne mais aussi plus lointaine, témoignent de l'esprit aventureux des moines irlandais.

Le second manuscrit, conservé dès le IXe siècle dans l'abbaye de Saint-Médard de Soissons (n° 97), procède d'une école

plus tardive mais aussi célèbre, regroupée autour des évangiles d'Ada. La décoration, l'utilisation des formes nouvelles d'écriture, la tradition textuelle y sont déjà codifiées. Manuscrit très luxueux où se rencontrent l'or et la pourpre et des motifs ornementaux plus anciens, les Evangiles de Saint-Médard de Soissons sont le résultat achevé de la lente transformation de l'art antique à travers les siècles de barbarie, qui culmine dans la Renaissance carolingienne.

Le dernier volume provient, comme l'écrit Dom Poirier dans son rapport de juin 1794, d'un petit « village du département du Jura nommé Saint-Lupicin ». On ne sait rien de son histoire et l'absence totale de décoration en rend l'étude très difficile. Il n'en est pas moins remarquable que les deux précédents : il est le seul à avoir conservé sa reliure ancienne, un diptyque d'ivoire tout à fait exceptionnel (n° 98).

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Evangiles d'Echternach

Nord de l'Angleterre ou Irlande, fin du VIIe ou début du VIIIe siècle. – Parchemin, 223 ff., 355 X 270 mm. – Reliure maroquin rouge aux armes et chiffre de Napoléon Ier.

Manuscrits. Latin 9389.

Prov. : Abbaye de Saint-Willibrord d'Echternach (1802).

Bibl. : F. Avril et P. Stirnemann, Manuscrits enluminés d'origine insulaire, Paris, 1987, n° 1. – E.A. Lowe, Codices latini antiquiores, V, France, Oxford, 1950, n° 578. – P. Mac Gurk, Latin Gospelbooksfrom A.D. 400 to A.D. 800, Paris-Bruxelles, 1961, p. 60-62. – D. O'Croinin, « Rath Melsigi, Willibrord, and the earliest Echternach mss. », dans Peritia, III (1984), p. 17-49.

Exp. : Trésors d'Irlande, Paris. Grand Palais, 1982. 92.

Ce très ancien exemplaire des Evangiles a été copié sur un modèle corrigé en 558, ce modèle reproduisant lui-même un manuscrit ayant appartenu à saint Jérôme. On s'est longtemps demandé si les Evangiles d'Echternach avaient été exécutés dans les Iles britanniques, ou par des artistes insulaires émigrés sur le continent.

L'écriture élégante et rapide constitue un bel exemple de calligraphie anglosaxonne. Les titres à l'encre rouge orangé ou noire, rehaussés de pointillés rouges, les initiales et les symboles des évangélistes, aux coloris peu nombreux mais clairs et francs, appartiennent sans ambiguïté à l'art insulaire. Le dessin, à la fois sobre et savant, est un chef-d'oeuvre. Cependant le type des symboles, placés au début de chaque Evangile, est légèrement différent des modèles irlandais ; on peut y voir une influence orientale. De même, la tradition du texte et des préfaces mêle des éléments italiens à la trame irlandaise, selon un schéma particulier à la Northumbrie du VIIe siècle. Plusieurs fondations irlandaises s'étaient en effet implantées dans cette région du nord de l'Angleterre. Le manuscrit présenté ici pourrait provenir, soit de l'un de ces centres, soit d'un atelier installé en Irlande même.

Qu'il ait été apporté sur le continent par saint Willibrord, moine northum96

northum96

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brien et évangélisateur de la Frise, lorsqu'il fonda en 690 l'abbaye d'Echternach, ou qu'il ait passé la Manche en d'autres mains, ce volume est arrivé très tôt dans la région, comme en témoigne la production des artistes successifs qu'il y a influencés.

Au XVIIIe siècle, les moines d'Echternach en faisaient semble-t-il peu de cas, puisqu'ils ne le mirent pas au nombre des trésors qu'ils emportèrent dans leur fuite devant l'armée française en 1794. La loi du 1er septembre 1796 élargit au nouveau département des Forêts, actuel Grand-Duché de Luxembourg, les lois françaises de nationalisation des biens du clergé, qui y furent immédiatement appliquées. Ce qui restait

de la bibliothèque d'Echternach fut alors transporté à Luxembourg, en vue de la création d'une Ecole centrale et de sa bibliothèque. En octobre 1802, le manuscrit fut envoyé à Paris, avec les autres volumes choisis par Maugerard dans le dépôt luxembourgeois. M.P. Laffitte

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Evangiles de Saint-Médard de Soissons

Ecole de la Cour de Charlemagne, vers 800. – Parchemin, 235 ff., 375 X 285 mm. – Reliure veau moucheté.

Manuscrits. Latin 8850.

Prov. : Abbaye de Saint-Médard de Soissons (1790). Bibl. : F. Mütherich, « Die Buchmalerei am Hofe Karls des GroBen », dans Karl der GroBe, III, Karolingische Kunst, Düsseldorf, 1965, p. 10 et ss. – F. Mütherich, J.E. Gaehde, Peinture carolingienne, 1977, p. 24.

Exp. : Charlemagne, Aix-la-Chapelle, 1965, n° 417. – Manuscrits à peintures en France, VIIe-XIIe s., Paris, Bibliothèque Nationale, 1954, n° 26.

Ce magnifique exemplaire des Evangiles est reconnu comme le plus luxueux de tous les volumes exécutés dans les ateliers carolingiens de Rhénanie : écrit entièrement en lettres d'or, sur deux colonnes entourées d'arcades différentes à chaque page, il pourrait avoir appartenu à Charlemagne.

Le jour de Pâques 827, l'empereur Louis le Pieux et sa seconde femme Judith, exceptionnellement cultivée pour son temps, l'offrirent à Angilbert, abbé de Saint-Médard de Soissons, à l'occasion de la translation du corps de saint Sébastien, patron de l'abbaye. Les autres objets faisant partie de cette donation, provenaient aussi du patrimoine de Charlemagne. Ils sont tous perdus.

Comme la plupart des Evangiles carolingiens, ceux-ci étaient recouverts d'une reliure précieuse, décrite dans les récits anciens. Cette reliure a elle aussi disparu. On peut cependant imaginer que les gemmes et les perles en trompe l'oeil qui rehaussent les cadres et les arcades de l'illustration intérieure avaient leur pendant dans la décoration extérieure du volume.

L'influence byzantine, présente dans toute la production des ateliers gravitant autour de la cour impériale, est très forte ici. Répondant au désir des empereurs carolingiens de succéder à ceux de Rome, les artistes de leur entourage expriment tout particulièrement cette filiation dans les grandes peintures qui scandent le manuscrit : l'Adoration de l'Agneau (f. 1v), la Fontaine de vie (f. 6v), et en tête de chaque Evangile, les portraits de Mat-

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thieu (f. 17v), Marc (f. 81v), Luc (f. 123v) et Jean (f. 181v). De petites scènes inspirées des Evangiles, placées dans les marges, accentuent encore l'aspect monumental de ces pages.

Dès le 25 août 1790, ce manuscrit était déposé à la Bibliothèque Nationale avec deux autres volumes de même origine, dont l'Aristote traduit pour Charles V par Nicole Oresme. M.P. Laffitte

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Evangiles de Saint-Lupicin

France, IXe s. – Parchemin, 170 ff., 370 x 305 mm. – Reliure ivoire, dos refait au chiffre de Charles X. Manuscrits. Latin 9384.

Prov. : Prieuré de Saint-Lupicin (1794). Bibl. : H. Bordier, « Liber evangeliorum », dans U. Robert, Catalogue des mss. relatifs à la Franche-Comté, Paris, 1878, p. 284-296. – J.P. Caillet, « L'Origine des derniers ivoires antiques », dans Revue de l'Art, LXXII (1986), p. 7-15. – D. Gaborit-Chopin, Ivoires du Moyen Age, Fribourg, 1978, p. 37-38. – W.F. Volbach, Elfenbeinarbeiten der Spätantike und der früheren Mittelalters, Mainz, 1976, n° 145. Exp. : Manuscrits à peintures en France, VII'-XII' s., Paris, Bibliothèque Nationale, 1954, n° 89.

Les Evangiles copiés au IXe siècle en onciale d'argent sur parchemin pourpré sont d'un format beaucoup plus petit que le diptyque d'ivoire qui leur sert de reliure. Il s'agit dans le cas précis d'un remploi.

Cinq plaques d'ivoire constituent chaque volet de ce diptyque du VIe siècle, production tardive des ateliers antiques. Plutôt que Constantinople, le Moyen-Orient ou Ravenne, le traitement superficiel des plis des vêtements, une certaine maladresse dans le dessin suggèrent une origine gauloise.

Au centre du plat supérieur trône un Christ barbu, entouré des saints Pierre et Paul. Les scènes latérales, inspirées des Evangiles, relatent à gauche la guérison de l'aveugle et du paralytique, à droite celle de l'hémoroïsse et du possédé, et en bas la rencontre avec la Samaritaine et la résurrection de Lazare.

Une Vierge à l'enfant, encadrée de deux anges, orne l'autre plat. Les tableaux des côtés évoquent l'Annonciation et la Visitation à gauche, l'épreuve des eaux amères et la Fuite en Egypte à

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droite et enfin au registre inférieur, l'entrée dans Jérusalem. Thème peu courant et non reconnu par l'Eglise, l'épreuve des eaux amères rappelle les ordalies médiévales : Joseph soupçonneux en apprenant la grossesse de Marie, lui fait boire un liquide maléfique, mais Marie n'en ressent aucun malaise et elle est déclarée innocente. Ce récit est tiré du Protoévangile de Jacques, texte apocryphe, qui n'existe au VIe siècle que dans la tradition grecque.

Exécutées à l'image du diptyque en cinq parties que chaque année le consul en fonction offrait à l'empereur à l'occasion du nouvel an, ces plaques d'ivoire sont le plus ancien exemple connu où l'iconographie impériale fait place à la thématique religieuse. Elles occupent une place déterminante dans l'histoire de ces sculptures, du cadeau consulaire à la reliure de manuscrit. M.P. Laffitte

Bibliothèques d'étude et d'enseignement

Durant la période allant du décret du 2 novembre 1789, qui mettait à la disposition de la Nation l'ensemble des biens ecclésiastiques français, à la suppression de toutes les anciennes universités le 15 septembre 1793, de très nombreuses bibliothèques anciennes ou de fondation récente, à Paris comme en province, devinrent la propriété de l'Etat.

Dans Les Anciennes bibliothèques de Paris. (Paris, 1867-1873, 3 vol.), A. Franklin dresse le panorama des bibliothèques de couvents, d'établissements d'enseignement et autres institutions de Paris, et retrace leur histoire jusqu'aux décrets de suppression. On voit qu'après 1789 ces collections subirent des fortunes diverses, selon leur statut, leur importance ou leur contenu. Mais peu seront conservées en l'état.

Dès le 26 février 1790, l'abbé Mercier de Saint-Léger, dans un rapport remis à Camus, s'était inquiété des vols et du gaspillage possibles et il avait suggéré la création de dépôts où seraient réunies les bibliothèques confisquées. A la fin de juillet 1790, on déménageait les livres des Jacobins de la rue Saint-Honoré, qui devaient céder la place d'abord à l'Assemblée nationale ramenée de Versailles à Paris, puis au célèbre club des Jacobins.

Mais il était impossible de déplacer les plus grandes bibliothèques de la capitale. En août, il fut donc décidé de les laisser dans leurs locaux et de les ouvrir largement au public. La Bibliothèque du Roi, celles de l'abbaye de Sainte-Geneviève, du prieuré de Saint-Martin-des-Champs (aujourd'hui les Arts-et-Métiers) et du collège Mazarin échappèrent ainsi à la dispersion. L'ouverture de ces établissements au public savant mais aussi curieux, lorsqu'elle était antérieure à la Révolution, pesa lourd dans la décision de leur maintien. Ainsi, la bibliothèque de la Faculté de Médecine, ouverte au public le jeudi, fut épargnée. En revanche, le 27 août 1791, les atermoiements et les réticences des docteurs de la Sorbonne provoquèrent la fermeture et la saisie par la municipalité de leur bibliothèque, dont le Comité d'Instruction publique avait expressément demandé l'ouverture au public, le 16 janvier précédent. Saint-Germain-des-Prés, par le nombre et la qualité de ses fonds, figurait de droit parmi les bibliothèques conservées. Elle aurait donc dû connaître un sort particulier, mais un incendie bouleversa son avenir un soir d'été 1794.

Le club des Jacobins, dans la bibliothèque du couvent

Pose des scellés au Parlement de Paris

Les autres bibliothèques parisiennes furent fermées et placées sous scellés, puis rapidement déménagées dans les dépôts provisoires, en raison d'une menace réelle de vol et de destruction. Après le dépôt des Capucins, ouvert tout d'abord comme on l'a vu pour héberger les livres des Jacobins, et qui regroupa ensuite 200 000 volumes appartenant à 47 bibliothèques, fut créé celui de Saint-Louis-la-Culture (actuelle église Saint-Paul-et-Saint-Louis, rue Saint-Antoine). Il abrita jusqu'à 600 000 ouvrages provenant de 96 établissements différents. Aux Enfants de la Patrie (hôpital de la Pitié) furent réunies 33 bibliothèques représentant 60 000 volumes, dont ceux de l'abbaye de Saint-Victor, qu'un dépôt de poudres installé dans ses murs avait chassés en 1792. Deux derniers dépôts, à Saint-Denis et à Versailles, vinrent compléter cette organisation, établie définitivement par un décret du 8 nivôse an II (28 décembre 1793). La Commission des Monuments, créée le 6 décembre 1790, puis, en décembre 1793, la Commission temporaire des Arts et, fin 1795, le Conseil de conservation des objets de sciences et d'arts, furent chargés de la gestion et de la surveillance de ces dépôts, confiés à des hommes compétents. En germinal an II (printemps 1794), l'abbé Grégoire, dans son Rapport sur la bibliographie, parle de ces dépôts, « . une masse de richesses littéraires, du moins équivalente, peut-être supérieure à ce que les autres nations de l'Europe se vanteraient de posséder en ce genre ».

C'est sur cette accumulation exceptionnelle de richesses bibliographiques que les bibliothèques maintenues ou nouvellement créées furent autorisées à opérer des prélèvements.

Pour les manuscrits, un décret du 7 messidor an II (25 juin 1794) favorisa la Bibliothèque Nationale. Son article 12 précise en effet : « Le comité fera retirer dans tous les dépôts de titres, soit domaniaux, soit judiciaires, soit d'administration, comme aussi dans les collections et cabinets de tous ceux dont les biens ont été ou seront confisqués, les chartes et manuscrits qui appartiennent à l'histoire, aux sciences et aux arts, ou qui peuvent servir à l'instruction, pour être remis et déposés, savoir : à Paris, à la Bibliothèque Nationale. ». La Commission souhaitait en effet regrouper en un seul lieu par département tous les manuscrits placés sous sa garde. Même si l'on trouve aujourd'hui à la bibliothèque de l'Arsenal ou à la Mazarine, des collections théoriquement destinées à la Bibliothèque Nationale, une masse considérable de documents, provenant surtout des couvents parisiens, vint augmenter les fonds royaux du cabinet des Manuscrits. Au total 23 bibliothèques représentant près de 13 000 manuscrits furent regroupées rue de la Loi et le 13 thermidor an IV (31 juillet 1796),

f autorisations, moyens en voitures, porteurs, etc., urent donnés pour ce déménagement.

Avant la fin de l'année, les manuscrits du Collège de Navarre, de l'Oratoire, des Barnabites, des Missions étrangères, des Célestins, des Carmes de la place Maubert et de ceux de la rue Saint-Jacques, des Grands-Augustins, des Minimes, des Pères de la Merci et des Blancs-Manteaux furent apportés du dépôt de Saint-Louis-la-Culture. Du dépôt des Capucins vinrent ceux des Capucins et des Jacobins Saint-Honoré (nos 102, 117, 126, 146), des Feuillants, des Récollets et des Petits-Pères (actuelle Notre-Dame-des- Victoires). Les collections de Saint-Victor (nos 100, 112-116, 130, 136), Saint-Magloire, Saint-Martin-des-Champs et de la Sorbonne (nos 101, 111, 122, 141) firent l'objet d'autorisations spéciales. Enfin le

Siège et bombardement de Lyon, août 1793

1er floréal an IV (20 avril 1796), les manuscrits des Cordeliers furent attribués à la Bibliothèque Nationale, suivis peu après par des cartes et des estampes.

Tous ces volumes furent entassés jusque dans la lingerie. Et c'est ainsi que les manuscrits grecs présentés dans l'exposition retrouvent la place qu'ils occupèrent alors : « La galerie Mazarine, devant la première niche, au-dessus des manuscrits grecs de Coislin et de la Belgique. ».

Comme il a déjà été dit, la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés, fleuron de l'érudition parisienne, devait rester indépendante. Mais dans la nuit du 19 au 20 août 1794, un incendie terrible prit dans la raffinerie de poudre et de salpêtre installée trop près des livres. Le feu, puis l'eau des pompes, firent des ravages, endommageant le bâtiment et détruisant une partie des collections imprimées, le cabinet d'antiquités, etc. On déménagea dans un autre bâtiment de l'abbaye puis dans une maison voisine, rue Taranne, les manuscrits miraculeusement épargnés et les imprimés sauvés, après un tri réalisé dans des conditions épouvantables par

Dom Poirier et Van Praet (n° 124). Le reste fut mis à sécher dans le grenier des Cordeliers. Enfin le 23 avril 1795, le Comité d'Instruction publique remit les 9 000 manuscrits à la Bibliothèque Nationale. Dom Poirier avait en effet dû abandonner son projet de les installer à l'Arsenal, où il n'aurait pu en assurer la communication. Après les travaux indispensables à leur accueil, il fallut plus de dix voyages, du 6 décembre 1795 au 14 mars 1796, pour les transférer, répartis en quatre cents paquets.

De nombreux imprimés vinrent également enrichir le fonds général de la Bibliothèque Nationale. Mais il ne s'agit pour eux que de choix, importants certes mais ponctuels, destinés à combler des lacunes ou à élargir le champ d'intérêt des collections existantes. Là aussi la Bibliothèque Nationale bénéficia d'un régime de faveur, dont Van Praet sut admirablement profiter, mais qui fit grincer bien des dents. Les arrêtés des 10 thermidor et 30 fructidor an III (28 juillet et 16 septembre 1795) l'autorisèrent par exemple à se servir le premier, mais aussi à récupérer dans les lots des autres ce qui l'intéressait. Grâce aux dépouilles des dépôts littéraires, le personnel des départements spécialisés, tels les Manuscrits, se procura alors des usuels et des instruments de travail.

On se reportera au chapitre sur les Trésors pour les saisies en province et à celui sur les collections particulières pour les confiscations à l'étranger. Mais il convient de citer ici le cas particulier de Lyon. Rebaptisée Commune-Affranchie par un décret du 12 octobre 1793, Lyon paya cher sa rébellion de l'été précédent et dut livrer à Pierre Cossard, membre de la Commission des Monuments et envoyé de Paris au printemps 1794, une liste impressionnante de manuscrits, livres, médailles, etc., choisis pour leur beauté, leur ancienneté ou leur aspect curieux (nos 104, 121, 138).

L'homogénéité des fonds saisis ici ou là a permis d'en faire une présentation par thèmes. M.P. Laffitte

La tradition des études à Paris

Dès l'époque mérovingienne, près d'une dizaine de communautés religieuses étaient installées à Paris : Sainte-Geneviève, fondée en 511, Saint-Martin-des-Champs, fondée en 567, un peu plus tard Saint-Germain-des-Prés, fondée en 754. Une fois leur rôle premier de missionnaires terminé, les religieux se tournèrent vers le recueillement et l'étude. En 1789, ces établissements possédaient encore, malgré les aléas d'une histoire parisienne très mouvementée, les manuscrits copiés dans leurs scriptoria à des époques reculées, comme ce psautier-hymnaire exécuté au XIe siècle pour Saint-Germain-des-Prés, par un moine de l'abbaye (n° 99).

Avant la naissance de l'Université, Paris comptait aussi quelques écoles renommées. Celle de l'abbaye de Saint-Victor, dont deux théologiens remarquables Hugues de Saint-Victor et Richard de Saint-Victor (n° 100) firent la renommée, avait été fondée en 1113. Héritière de cette tradition, l'Université de Paris, née vers 1200, s'érigea très vite comme le premier centre universitaire européen pour la philosophie et la théologie. Placée au sommet de la hiérarchie, la Faculté de théologie attira les plus grands penseurs du XIIIe siècle, tous théologiens (n° 101), et marqua de son influence le monde scientifique parisien, jusqu'à l'époque moderne. Tous les ordres religieux prenaient part à la vie intellectuelle.

Centrée sur l'étude de la Bible, cette littérature, le plus souvent savante mais aussi populaire (n° 102), connut dès le XVIe siècle un spectaculaire regain d'intérêt. Mais au XVIIe siècle, les moines érudits de Saint-Germain-des-Prés, tels Mabillon, Montfaucon et bien d'autres, renouvelèrent complètement les études. Ils s'efforcèrent de rendre

accessibles les textes anciens (nos 103, 108), en accompagnant leurs éditions savantes de recherches paléographiques, diplomatiques, et en utilisant les manuscrits conservés dans les bibliothèques monastiques. Ces travaux eurent pour conséquence de susciter des donations prestigieuses à l'abbaye, dont les fonds déjà importants furent encore enrichis par les collections Harlay (n° 125), Coislin (nos 105-107, 128-129), Renaudot (n° 127).

Des personnages aussi influencés par l'érudition de l'Ancien Régime que Dom Poirier et Ameilhon ne pouvaient que continuer dans la même voie. Le second n'affirmait-il pas qu'un bon bibliothécaire doit savoir le latin et le grec, et si possible aussi une langue européenne et une langue orientale ?

Au XVIIe siècle, les manuscrits en grec ou en langues orientales étaient très appréciés. En 1672, dans la prisée de la collection du chancelier de France Pierre Séguier (1588-1672), garde des sceaux successivement de Louis XIII et de Louis XIV, les plus fortes estimations étaient celles des manuscrits orientaux, suivis de près par les textes grecs, alors que les manuscrits latins et français, qu'ils soient anciens ou modernes, venaient loin derrière. A cette époque, les érudits parisiens, et en particulier ceux qui s'intéressaient à la tradition des textes anciens, se penchaient sur les manuscrits grecs arrivés en Occident et y trouvaient matière à étude. C'est d'ailleurs grâce à l'excellence du catalogue des manuscrits grecs de Séguier, publié en 1715 par Bernard de Montfaucon, que l'héritier du chancelier, Henri-Charles du Cambout de Coislin. évêque de Metz (1697-1732), eut en 1720 l'idée de remettre à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés la collection de

manuscrits de son grand-père, collection qu'il lui légua définitivement le 1er mai 1731. Les manuscrits grecs qui en proviennent sont d'un grand intérêt scientifique, les manuscrits orientaux relèvent plutôt de la curiosité. De nombreux volumes contiennent des textes bibliques, dont on a présenté ici les plus importants.

Dès le début de la Révolution, on remarque, dans les propositions nouvelles de catalogage bibliographique avancées par Ameilhon, Achard et d'autres, le souci d'établir un classement différent de ce qui s'était pratiqué jusqu'alors pour la religion. Il s'agissait vraisemblablement, surtout de la part d'Ameilhon, d'un essai d'intégration de livres menacés dans les nouveaux systèmes de pensée. Mais cette recherche s'accompagnait aussi du désir très légitime de

donner la place qu'ils méritaient aux textes représentatifs de traditions religieuses diverses, et pour la Bible, de placer la tradition grecque ou hébraïque à côté des manuscrits français ou latins.

Seuls les manuscrits parisiens furent dans leur ensemble versés à la Bibliothèque Nationale. Il est donc normal que dans la recherche de documents provenant de province ou de l'étranger, ce genre d'ouvrages ait eu une place privilégiée.

Bibl. : Y. Nexon, « La Bibliothèque du chancelier Séguier », dans Histoire des bibliothèquesfrançaises, II, Paris, 1988, p. 147-155.

Sources : Manuscrits. Nouv. acq. fr. 2836, passim.

La Bible et la littérature religieuse

La littérature religieuse était très abondante dans les collections des institutions confisquées en 1789, avec la jurisprudence – ce « ramassis de chicaneries d'Ancien Régime » –, et la liturgie qui, mise à l'écart dans les dépôts, ne fut même pas inventoriée. Ces « bouquins et archibouquins qui n'offrent aucune espèce d'intérêt », comme l'affirme en l'an II l'un des commissaires bibliographes du district de Reims, déferlèrent en multiples exemplaires sur les dépôts littéraires.

Les manuscrits, dont la plupart étaient en latin, furent tous épargnés et l'abbé Grégoire, dans son rapport de 1794 sur la bibliographie pouvait souligner, comme le faisait Ameilhon en d'autres termes, que « les bibliothèques des établissements ecclésiastiques des départements ont de quoi fournir aux savants de toute l'Europe une ample moisson ». A Paris, patristique, théologie, scolastique, liturgie, étaient bien représentés dans le fonds de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Victor et de la Sorbonne.

En revanche, le sort des livres imprimés était inquiétant. Afin d'éviter destructions hâtives et gaspillages, dus autant à l'hostilité de certains qu'à la méconnaissance des richesses des fonds imprimés, deux des membres du Conseil de Conservation, Leblond et Barbier, obtinrent la loi du 26 fructidor an V (12 septembre 1797). Adoptant une solution intermédiaire, cette loi autorisait le principe du « triage » des livres remis aux dépôts littéraires. Ses auteurs affirmaient n'en envisager l'application qu'à Paris, seule ville disposant d'un personnel compétent pour cette opération.

Le triage devait porter uniquement sur les livres de théologie, d'ascétique et de liturgie. Les critères de choix, présentés dans

un projet d'instruction aux conservateurs des dépôts littéraires, en sont simples :

Tous les ouvrages antérieurs à 1550, surtout les vélins et les incunables, ainsi que les éditions en langues étrangères, étaient exclus du triage et conservés d'office. Les autres étaient classés en trois catégories. Dans la première étaient regroupés les bonnes éditions et les plus beaux exemplaires de la Bible, des Pères grecs et latins, des écrivains ecclésiastiques, des conciles et des anciennes liturgies. Mis en réserve jusqu'à concurrence de douze spécimens par titre, ils étaient destinés à compléter les collections publiques existantes. Des échantillons moins remarquables des mêmes oeuvres étaient gardés dans une seconde catégorie en compagnie des théologiens scolastiques et moraux. Ils pouvaient être vendus ou échangés, sur la base d'un catalogue sommaire. Enfin une troisième catégorie réunissait les livres de qualité inférieure, qui seraient vendus à l'encan, à l'intérieur des dépôts. Mais ces ventes furent rares, et on préféra par facilité livrer les livres au rebut à l'artillerie pour la confection de cartouches, ou aux papetiers pour le recyclage du papier. Parmi les employés au tri, on peut citer Jean-François Baudelaire, père du poète.

La Bibliothèque du Roi, elle aussi, possédait des collections très riches dans le domaine religieux. Les conservateurs utilisèrent cependant le droit que leur accordait la loi. Ils se servirent parmi les livres préservés d'office comme dans les deux premières catégories citées plus haut. Et on appliqua les mêmes critères à l'étranger et en province. M.P. Laffitte

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Psautier- hymnaire de Saint-Germain-des-Prés

Paris, milieu du XIe s. – Parchemin, 329 ff., 440 X 330 mm. – Reliure basane. Manuscrits. Latin 11550.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés (1795-1796).

Bibl. : M. Coens, « Litanies de Saint-Germain-des-Prés », dans Recueil d'études bollandiennes, Bruxelles, 1963, p. 300-307. – Y. Deslandres, « Les Mss. décorés au XIe s. à Saint-Germain-des-Prés par Ingelard », dans Scriptorium, IX (1955), p. 3-16. – V. Leroquais, Les Psautiers manuscrits latins des bibliothèques publiques de France, II, Mâcon, 1940-41, p. 105-110. – T. Seebass, Musikdarstellung und Psalterillustration, Berne, 1973, p. 184.

Exp. : Manuscrits à peintures en France, s., Paris. Bibliothèque Nationale, 1954, n° 246.

Attribué autrefois à un atelier catalan, ou limousin, ce recueil de textes liturgiques sort en réalité du scriptorium de Saint-Germain-des-Prés. Les litanies qui en

occupent les derniers feuillets sont d'ailleurs à l'usage de l'abbaye parisienne.

Le style des illustrations, qui consistent en des dessins à peine rehaussés de couleur et mis en valeur uniquement par des fonds teintés de vert ou de violet, est très dépouillé. Il est parfaitement représentatif d'une tradition très vivante à Paris au XIe siècle. Le dessin y est employé comme un élément essentiel du décor. Par des comparaisons avec d'autres manuscrits de même origine, on a imputé ces oeuvres à Ingelardus, moine de Saint-Germain-des-Prés, qui y travailla entre 1030 et 1060, époque où l'abbaye était en plein essor. Il se définit lui-même comme « scriptor », mais il était aussi, on peut le constater ici, un dessinateur de grand talent.

En effet, bien que le manuscrit soit inachevé, il faut souligner la sûreté du

trait et l'équilibre harmonieux de la composition, quasi musical, rare à cette époque. Le motif inspiré du texte du psautier est copié sur des modèles byzantins : David, auteur présumé du texte, y est entouré de ses quatre musiciens et chacun tient un instrument de musique différent. Le roi a une lyre, les deux musiciens debout jouent l'un du cornet à trous, l'autre de la flûte de Pan, ceux qui sont assis, de la harpe irlandaise et du rebec, sorte de viole à trois cordes et archet. Le grand B sur fond vert peint en regard est agrémenté de fleurons, d'entrelacs et d'animaux fantastiques. C'est la première lettre du mot Beatus, qui ouvre le psautier.

Ce manuscrit exécuté dans les murs de Saint-Germain-des-Prés, n'en a pas quitté la bibliothèque jusqu'à la Révolution. M.P. Laffitte

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Richard de Saint-Victor

Commentaire sur la vision d'Ezéchiel

Paris, vers 1170. – Parchemin, 253 ff., 340 X 240 mm. – Reliure demi-chagrin rouge. Manuscrits. Latin 14516.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor (1796).

Bibl. : W. Cahn, « Architectural draftsmanship in twelfth-century Paris. », dans Gesta, XV (1976), p. 247-254. – Le Catalogue de l'abbaye de Saint-Victor de Paris de Claude de Grandrue, Paris, 1983, p. 178.

D'origine écossaise, Richard de Saint-Victor arriva très tôt à Paris, attiré peut-être par la qualité des professeurs qui y enseignaient. Il prit l'habit de chanoine à Saint-Victor, abbaye très réputée et fréquentée par les religieux d'outre-Manche. Il y devint sous-prieur en 1159 puis prieur en 1173 et c'est là qu'il écrivit toutes ses oeuvres. Le court traité présenté ici fait partie des écrits exégétiques du chanoine victorin. Il s'agit en effet d'une explication littérale de la vision qu'a le prophète Ezéchiel de l'organisation idéale d'Israël : animaux, roues, édifices y sont décrits avec précision, ainsi que le culte et le partage entre les tribus. Ce passage des Ecritures a beaucoup inspiré les commentateurs et Richard de Saint-Victor, quant à lui, prend le contre-pied de l'interprétation allégorique qu'en avait donnée saint Grégoire. Persuadé que le temple existe véritablement dans l'esprit d'Ezéchiel, il concrétise sa démonstration par des schémas et des plans. Ceux-ci supposent chez l'auteur des connaissances réelles en géométrie et en architecture. Cette méthode sera reprise plus tard par d'autres commentateurs.

Ce manuscrit est la plus ancienne copie conservée de ce commentaire. Ecrit vers 1170 à Saint-Victor, du vivant de l'auteur, il a vraisemblablement été réalisé sous la direction de Richard lui-même. Les élévations qui matérialisent sa théorie donnent une idée assez précise de l'architecture médiévale de la fin du XIIe siècle, et tout particulièrement des édifices militaires, puisque le temple était fortifié.

Lorsque Claude de Grandrue rédigea le catalogue de la bibliothèque de

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Saint-Victor, ce texte fut assemblé avec d'autres oeuvres du chanoine victorin, formant ainsi une collection en un seul volume. Cet assemblage témoigne du renouveau d'intérêt que connut Richard à la fin du XVe siècle. L'ex-libris de Saint-Victor figure à plusieurs endroits du manuscrit, qui resta dans l'abbaye jusqu'à la Révolution. M.P. Laffitte

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Raymond Lulle

OEuvres choisies

Artois, début du XIVe s. – Parchemin, 562 ff., 385 X 295 mm. – Reliure basane verte. Manuscrits. Latin 15450.

Prov. : Bibliothèque de la Sorbonne (1796). Bibl. : J.N. Hillgarth, Ramon Lull and Lullism in Fourteenth-century France, Oxford, 1971.

Exp. : La Vie universitaire parisienne au XIIIe s., Paris, chapelle de la Sorbonne, 1974, 231.

Raymond Lulle est né à Majorque en 1232, peu après la reprise de l'île aux

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Musulmans par Jacques Ier d'Aragon. D'abord sénéchal à la cour d'Aragon, marié et père de famille, Lulle se convertit à la vie religieuse en 1263. Connaissant parfaitement la langue et la philosophie arabes, il se consacre à un grand projet, la conversion des infidèles. Il défend donc l'idée de croisade, réclame la fondation de collèges orientaux et le rapprochement avec l'Eglise grecque.

Il fait plusieurs séjours à Paris. C'est au cours du premier de ces séjours qu'il fait la connaissance de Thomas Le Myesier, alors jeune « socius » à la Sorbonne, qui devient son disciple. Plus tard chanoine d'Arras, médecin de la comtesse Mahaut d'Artois et, par conséquent, proche de la cour, Thomas Le Myesier reste en contact avec son maître et s'efforce

s'efforce propager ses idées. Il réalise pour cela plusieurs compilations des écrits de Lulle, parmi lesquelles celle présentée ici.

Le manuscrit a été copié en Artois pendant le premier quart du XIVe siècle, sous la surveillance étroite de Thomas Le Myesier. Et si la scène des feuillets 457v-458 a été ajoutée par le compilateur, elle exprime cependant très bien les idées de Raymond Lulle : on y reconnaît les trois sages, juif, chrétien et musulman, assis sous les cinq arbres symboliques des vertus et des vices. Ils exposent leurs croyances au gentil et à leurs pieds coule une source où s'abreuve un cheval monté par la Sagesse.

A sa mort, en 1336, Thomas Le Myesier légua ce manuscrit à la bibliothèque de la Sorbonne. Il était en effet

d'usage que les anciens étudiants du collège de Sorbonne, créé par Robert de Sorbon en 1257, lèguent à l'établissement qui avait abrité leurs années d'études à Paris, les manuscrits qu'ils avaient possédés par la suite. M.P. Laffitte

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Barthélemy l'Anglais

Le Livre des propriétés des choses

Paris, début du XVe s. – Parchemin. 364 ff., 400 x 310 mm. – Reliure basane brune.

Manuscrits. Français 9111.

Prov. : Couvent des Capucins de la rue Saint-Honoré (1796).

Bibl. : D. Bvrne. « The Boucicaut master and the iconographie tradition of the "Livre des propriétés des choses" ». dans Gazette des Beaux-Arts, 1979. p. 119-

164. – M. Meiss, French painting in the time of Jean de

Berry, I, Londres, 1967, p. 11-12 et II, Londres, 1968, p. 58-59 et 122-124.

Exp. : Manuscrits à peintures en France, XIIIe-XVIe s.,

Paris, Bibliothèque Nationale, 1955, 177.

En 1372, le roi Charles V demanda à son chapelain Jean Corbechon de traduire du latin le Livre des propriétés des choses de Barthélemy l'Anglais. De celui-ci on sait très peu de choses, sinon qu'il se retira vers 1240 chez les franciscains de Magdebourg. Son encyclopédie regroupe en dix-neuf livres des notions à caractère scientifique, extraites des livres sacrés et profanes. L'auteur désirait en effet donner aux religieux de son ordre, les franciscains, une sorte de répertoire du savoir populaire, de Dieu au corps humain, qui devait les aider à comprendre et à expliquer l'Ecriture Sainte. Ce texte connut en latin comme en français un grand succès et il en existe plusieurs copies très luxueuses.

Celle qui est présentée ici est la plus belle de toutes. Bérault III, comte de Clermont et dauphin d'Auvergne en 1401, mort en 1426, l'avait commandée à des artistes parmi les plus talentueux de leurs temps, les collaborateurs de l'atelier dit de « Boucicaut », à cause d'un livre d'heures exécuté par eux pour le maréchal de Boucicaut. Les armes de Bérault, qui ornaient les initiales peintes, ont été recouvertes au XVIe siècle, seul reste son heaume à lambrequins, cimé d'une tête de dauphin dans un vol. Il aimait les manuscrits très personnalisés et celui-ci contient des portraits du roi Charles VI, de Jean de Berry, du duc de Bourgogne Jean sans Peur et bien sûr de Bérault lui-même. On voit ici un professeur expliquant les parties du monde à un haut personnage non identifié.

Les paysages très étudiés, agrémentés de constructions de style bien français, baignent ici dans une atmosphère brumeuse, légèrement dorée, caractéristique de l'atelier de Boucicaut. La perfection des scènes représentées permet de les attribuer au maître d'atelier en personne. Dans la marge inférieure, un dessin à la mine de plomb esquisse la composition de la miniature. Courante dans les manuscrits sortis de cette offi102

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cine, cette pratique témoigne d'habitudes de travail encore inexpliquées.

Au XVIIe siècle, on retrouve le Livre des propriétés des choses entre les mains d'un capucin, Fulgence de Paris, qui avait prononcé ses voeux en juillet 1664. Il légua à sa mort sa bibliothèque au couvent des Capucins de la rue Saint-Honoré où il avait passé de nombreuses années. La plus grande partie des quarante manuscrits de cette communauté transportés à la Bibliothèque Nationale en 1796 porte sa signature. M.P. Laffitte

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Saint Augustin Questions sur l'Heptateuque

Laon (?), VIIIe s. – Parchemin, 163 ff.,

300 X 205 mm. – Reliure chagrin rouge.

Manuscrits. Latin 12168.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés

(1795-1796).

Bibl. : E.A. Lowe, Codices latini antiquiores, V, France-Paris, Oxford, 1950, n° 830. – J. Porcher, « Les

Manuscrits à peintures », dans L'Europe des invasions, Paris, 1968, p. 178-181. – S. Sulzberger, « Un

exemple d'influence copte sur un manuscrit

précarolingien », dans Scriptorium, IX (1955) ; p. 263-267.

Exp. : Manuscrits à peintures en France, VIIe-XIIe s., Paris, Bibliothèque Nationale, 1954, n° 12.

Cet exemplaire est le plus ancien conservé du commentaire sur les quatre premiers livres de la Bible que saint Augustin composa vers 419. Il a été copié dans le nord de la France, sans doute à Laon, vers le milieu du VIIIe siècle, en minuscule précaroline. Et il occupe, dans la tradition de ce texte, une place très proche de l'original perdu.

Comme pour la plupart des manuscrits continentaux pré carolingiens, l'influence insulaire est ici visible, dans les initiales zoomorphes, les lettrines enclavées et les entrelacs compliqués. Mais le décor cloisonné à l'image des émaux mérovingiens, la franchise des coloris rappellent plutôt les broderies et les tissus coptes ou même syriens, qu'apportaient en Gaule les marins et les marchands. La grande page frontispice (f. Cv) est occupée par une croix stylisée de façon un peu barbare mais spectaculaire encadrée de

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l'alpha et de l'oméga et surmontée d'un oiseau. Cet oiseau ressemble à un aigle et personnifie le Christ. La croix est placée sous un portique supporté par deux chiens. Tous ces éléments à forte signification symbolique rappellent l'iconographie des stèles de l'Egypte chrétienne. Aux motifs originaires des Iles britanniques se mêlent donc ici des apports plus lointains et curieux de l'Orient méditerranéen, peut-être plus faciles à imiter.

Conservé depuis le IXe siècle dans la bibliothèque de l'abbaye de Corbie, ce manuscrit fut apporté en 1638 à Paris, quand les moines de Corbie, effrayés de

l'avance espagnole dans les Flandres, décidèrent de confier leurs plus précieux manuscrits à Saint-Germain-des-Prés. C'est là qu'il fut utilisé pour la grande édition des oeuvres de saint Augustin, préparée à partir de 1670 par les moines érudits de la prestigieuse abbaye parisienne. M.P. Laffitte

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Evangiles XIIe-XIII, s. – Parchemin. 222 ff., 190 X140 mm. Manuscrits. Supplément grec 175.

Prov. : Bibliothèque publique de Lyon (avril 1794).

Bibl. : Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, II, p. 12-13. – P. Canart. « Les écritures

livresques chypriotes. », dans Scrittura e civiltà. 5,

1981, p. 40 etpassim. – A. Weyl Carr, « A group of

provincial manuscripts. ». dans Dumbarton Oaks

Papers, 36 (1982), p. 40.

Ce manuscrit byzantin du XIIIe siècle, dont le style d'écriture et de peinture suggère une origine provinciale, et plus précisément palestino-chypriote, réunit

les quatre Evangiles, adaptés ensuite à l'usage liturgique. Et ce sont les quatre portraits d'évangélistes, en pleine page (Matthieu au f. 10v, Marc au f. 72v, Luc au f. 109v et Jean au f. 171v), qui constituent l'essentiel de sa décoration.

Au f. 72v, Marc, assis de face et tenant à la main un rouleau, se détache sur fond or, encadré par deux éléments d'architecture. En regard de cette page, commence le texte de son Evangile, sous un tapis de motifs floraux polychromes entouré de trois oiseaux.

A la fin du XVIIe siècle, le manuscrit appartenait à la bibliothèque du collège lyonnais de la Trinité, qui était dirigé par les jésuites (voir, au f. 11, l'ex-libris du collège daté de 1688, et, dans le Catalogue général des Manuscrits des Bibliothèques publiques de France, XXX, 1, p. XXVI, la liste des ouvrages dressée en 1730 par le P. de Colonia). Après l'expulsion des jésuites en 1762, cette bibliothèque fut ouverte au public (cf. le cachet du f. 2 : EX BIBLIOTH. PUB. COLLEG. LUGDUN).

Au printemps 1794, avant même que ne se dessine un projet de centralisation des ouvrages précieux dans la capitale, une trentaine de manuscrits, la plu104

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part enluminés, sont expédiés à la Bibliothèque Nationale par l'administration de Lyon, rebaptisée Commune-Affranchie ; l'on en discuta au cours de plusieurs séances de la Commission temporaire des Arts (cf. français 20843, f. 17 ss.) ; nos Evangiles byzantins faisaient partie du nombre. M.O. Germain

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Saint Paul

Epîtres

VIe s. – Parchemin, 12 ff., 285 X 215 mm. – Reliure veau raciné au chiffre de Charles X.

Manuscrits. Coislin 202.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés

(1795-1796).

Bibl. : R. Devreesse, Introduction à l'étude des manuscrits

grecs, Paris, 1954, p. 162-164. – C.R. Gregory,

Textkritik des Neuen Testamentes, Leipzig, 1909, p. 114-116.

114-116. B. de Montfaucon, Bibliotheca Coisliniana,

Paris, 1715, p. 253-261.

Ces fragments en écriture onciale des Epîtres de saint Paul, qui datent du VIe siècle, jouent un rôle important dans la tradition néotestamentaire : peut-être le doivent-ils au fait qu'ils se réclament d'un nom illustre, celui de saint Pamphile.

S'il faut en croire en effet les dernières lignes d'une longue souscription (au f. 14), le texte aurait été collationné dans la bibliothèque de Césarée sur un exemplaire écrit de la main de Pamphile ; or c'est à ce dernier, fervent admirateur d'Origène, et mort en martyr au tout début du IVe siècle, que l'on a coutume d'attribuer les premiers essais d'édition critique du Nouveau Testament.

Mais qui est responsable de ce manuscrit ? Le début de la souscription est presque totalement effacé, et seules les deux premières lettres restent lisibles : E Y. S'agit-il d'un original ou d'une copie ? Et à quelle édition avons-nous précisément affaire dans ce texte de type euthalien, écrit en stiques (c'est-à-dire en lignes de sens), divisé en chapitres, accompagné de notes et de citations bibliques ?

Quelles que soient les réponses, le manuscrit est vénérable, et son destin particulièrement mouvementé : conservé au mont Athos dans la Laure de Saint-105

Saint-105

Athanase (il porte des notes marginales de la main de moines athonites), il y fut dépecé au début du XIIIe siècle, pour servir à la reliure de volumes plus récents ; ses feuillets, utilisés comme pages de garde, se trouvèrent dispersés dans des manuscrits, qui connurent eux-mêmes des histoires variées. Quarante et un de ces feuillets sont aujourd'hui localisés dans sept bibliothèques différentes ; la Bibliothèque Nationale en conserve vingt-deux, sous deux cotes (Coislin 202 et Supplément grec 1074) ; la Laure de Saint-Athanase en a gardé une dizaine, et on en retrouve d'autres à Kiev, Leningrad, Moscou et Turin.

Ce sont les fragments du Coislin 202 qui furent identifiés les premiers par Montfaucon au début du XVIIIe siècle, lorsqu'il travaillait à l'établissement de son catalogue de la Bibliotheca Coisliniana dans l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Mais sur les quatorze feuillets qu'il avait repérés et réunis, douze seulement parvinrent à la Bibliothèque Nationale : un secrétaire d'ambassade russe, Pierre Dubrowsky, s'appropria un certain nombre de manuscrits volés à Saint-Germain en 1791 – dont deux feuillets des Epîtres de Paul, qu'il emporta à Saint-Petersbourg et remit à la Bibliothèque impériale. M.O. Germain

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Evangéliaire

XIe s. – Parchemin, 283 ff., 370 x 260 mm. –

Reliure orientale de maroquin rouge estampé.

Manuscrits. Coislin 31.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés

(1795-96).

Bibl. : R. Devreesse, Le Fonds Coislin, Paris, 1945,

p. 26.

Exp. : Byzance et la France médiévale, Paris, Bibliothèque Nationale, 1958, n° 30.

Quatre miniatures en pleine page ornent ce superbe Evangéliaire, si représentatif du style de Constantinople : ce sont les portraits des quatre évangélistes (Jean au f. 5v, Matthieu au f. 68v, Luc au f. 99v et Marc au f. 135v), qui précèdent les passages – ou péricopes – tirés de leur livre et proclamés pendant l'office selon le calendrier liturgique.

Représenté dans la position traditionnelle du copiste en train d'écrire, Luc (f. 99v) est assis, le calame à la main, son codex sur les genoux, un autre (le modèle) sur un lutrin ; il a devant lui une table avec une bouteille d'encre et deux godets. Mais les détails matériels, d'ailleurs peu nombreux, importent moins que l'intention spirituelle dont est animé ce portrait : silhouette bleutée se détachant sur un

fond or, draperies et objets schématiques, priorité accordée au visage et à ce qu'il suggère d'intériorité.

C'est l'idéal ascétique qui prédomine alors dans la peinture byzantine, et ce dépouillement va de pair avec une prodigieuse richesse ornementale. L'encadrement de la page le montre, dans sa structure architecturale composite (fronton rectangulaire à arcatures, linteau, colonnes à chapiteaux), chargée de motifs floraux aux couleurs éclatantes comme des incrustations d'émail : l'influence de l'Orient musulman, de ses décors, de ses techniques d'orfèvrerie, y est évidente.

Même influence dans le style des pylé (ces ornements en forme de porte, encadrant les titres) ou dans les initiales polychromes serties d'or que l'on retrouve tout au long de ces pages. Un volume à la décoration somptueuse donc, et écrit dans une belle majuscule liturgique (avec, à l'encre rouge, la notation musicale, dite ekphonétique), mais dont on ne connaît l'histoire qu'à partir du moment où il entre dans la collection du chancelier Séguier, plus tard léguée par le duc de Coislin à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. M.O. Germain

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Grégoire de Nazianze Homélies

XIIe s. – Parchemin, 295 ff., 260 X 210 mm. –

Reliure orientale de maroquin rouge estampé.

Manuscrits. Coislin 239.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés

(1795-1796).

Bibl. : H. Bordier, Description des peintures. dans les

manuscrits grecs de la Bibliothèque Nationale, Paris, 188

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p. 205-214. – R. Devreesse, Le Fonds Coislin, Paris,

1945, p. 219-220. – K. Weitzmann, Greek Alythology in Byzantine Art, Princeton, 1951, p. 11,39, 156,

fig. 40, 41, 46, 51, 57, 64, 69, 72, 80, 84, 88.

Exp. : Byzance et la France médiévale, Paris, Bibliothèque Nationale, 1958, n° 44.

Théologien, mystique et poète, Grégoire de Nazianze eut une influence considérable sur l'Eglise grecque : les sermons qu'il prononça à la fin du IVe siècle ont été abondamment copiés ; et certains de ces manuscrits, illustrés avec autant de richesse que des évangéliaires, comptent parmi les plus beaux exemples de l'art de la miniature byzantine.

La finesse et l'importance de la décoration (en assez mauvais état malheureusement) du Coislin 239, le soin apporté à la présentation du texte (minuscule rouge et or pour le début des péricopes) montrent en quel respect était tenue l'oeuvre de Grégoire. Il s'agit ici d'une collection de seize discours, essentiellement consacrés à des fêtes liturgiques, dont les trois premiers sont entourés de scholies marginales le plus souvent anonymes.

L'illustration qui anime tout le volume est d'une grande variété. Variété formelle d'abord : petits tableaux sur fond or placés en tête de chaque discours, scènes simplement encadrées qui s'intercalent dans les colonnes du texte, ou figures marginales isolées. Variété iconographique aussi : suivant les commentaires du théologien, elle se réfère en général aux passages de l'Ecriture qu'il vient de citer ; ainsi aux ff. 18v-19, au cours d'une homélie sur le jour de Pâques (Orat. 45), apparaît dans la marge la silhouette de Simon le Cyrénéen portant la Croix, et deux vignettes dans le texte évoquent, l'une, Joseph d'Arimathie demandant à Pilate le corps du Christ, l'autre, les saintes femmes au tombeau apercevant un ange. Mais d'autres scènes (celles du discours 39, sur l'Epiphanie, où Grégoire condamne les mythes et les mystères païens) rappellent la tradition classique – Jupiter, Tantale, Orphée. – et le souvenir qui s'en est perpétué dans l'univers byzantin.

De la bibliothèque du chancelier Séguier, le manuscrit passa dans le fonds

Coislin de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. M.O. Germain

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Saint Jean Chrysostome OEuvres. Sancti patris nostri Joanni Chrysostomi, . Opera omnia quae extant.

Parisiis, Sumtibus [sic] L. Guérin, C. Robustel, J. et

J. Barbou, G. Desprez et J. Desessartz (J. Rollin et

J. Debure), 1718-1738. – 11 vol., in-folio.

Imprimés. Rés. C. 194.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés

(1795-1796).

Bibl. : H.-J. Martin. « Les Bénédictins, leurs libraires et le pouvoir, notes sur le financement de la recherche au temps de Mabillon et de Montfaucon », dans

Mémorial du XIVe centenaire de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1959, p. 273-287.

Il y avait assurément, dans l'immense moisson de livres parmi les dépôts littéraires, la volonté des responsables de combler les lacunes des collections de la Bibliothèque royale et de la doter, quand cela était possible, des plus beaux exemplaires qui fussent, et des meilleurs. On ne peut s'empêcher devant certains choix d'attribuer à des hommes comme Capperonnier ou Van Praet des motivations moins immédiatement bibliographiques. Comment ne pas voir en effet dans ce Chrysostome un hommage rendu par la Bibliothèque de la nation au plus haut lieu de l'érudition du XVIIIe siècle, et au plus prestigieux des érudits de Saint-Germain-des-Prés, Bernard de Montfaucon. La Bibliothèque possédait déjà, bien entendu, les treize volumes in-folio ; mais il parut nécessaire de prélever cet exemplaire sur grand papier, même incomplet des deux derniers volumes, dont la beauté et la pérennité devaient magnifier la perfection du travail d'érudition ; cette édition, comme celles d'autres Pères de l'Eglise, a été plusieurs fois reprise aux XVIIIe et XIXe siècles, jusque dans la Patrologie de Migne, et n'a toujours pas été complètement remplacée.

Hommage aussi, comme l'a montré Henri-J ean Martin, au génie commercial des Mauristes, Montfaucon en tête, qui avaient su, grâce à de judicieux privilèges, s'assurer une sorte de monopole pour les

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grands textes patristiques qu'ils éditaient ; qui avaient introduit en France, en 1716, pour l'Antiquité expliquée de Bernard de Montfaucon toujours, le système de la souscription ; qui s'étaient associés aux meilleurs alliés commerciaux (ici sept des grands éditeurs parisiens) et avaient su toucher une clientèle de notables qui était encore friande (les listes de souscripteurs l'attestent) de ces éditions monumentales

monumentales textes religieux ; à la veille de la grande crise de l'érudition bénédictine dont allaient témoigner en ce milieu du XVIIIe siècle, la querelle des « mitigations » au sein des ordres religieux, et dans la société, l'explosion de l'esprit de l'Encyclopédie. R.J. Seckel

Manuscrits hébreux : hors de l'Eglise, point d'accroissements

De la chute de la Bastille au coup d'Etat de Bonaparte, le fonds des manuscrits hébreux de la Bibliothèque fait plus que doubler. Le catalogue de 1739 recensait 510 manuscrits et le demi-siècle suivant voit l'entrée, en 1753 et 1764, d'une dizaine de livres supplémentaires (mss. de Louis d'Orléans et de la Maison Professe des jésuites de Paris). En 1799, on dénombre plus de 1 140 volumes : soit autant en une décennie que pendant les deux siècles et demi qui séparent François Ier de Louis XV

C'est évidemment la nationalisation des biens du clergé en France qui est, comme pour tant d'autres fonds, à l'origine des accroissements les plus notables. Par le décret de la Constituante du 2 novembre 1789 les trésors des bibliothèques ecclésiastiques sont mis à la disposition de la nation, et plus de cinq cents manuscrits nouveaux gagneront bientôt les rayonnages de la rue de la Loi (aujourd'hui rue de Richelieu). La quasi-totalité provient des institutions parisiennes de la Sorbonne, de l'Oratoire et de Saint-Germain-des-Prés ; Saint-Victor, les Jacobins Saint-Honoré, Sainte-Geneviève, Saint-Martin-des-Champs, les Minimes et, pour la province, le Collège des jésuites à Lyon, fourniront quelques volumes épars.

De l'étranger, les saisies révolutionnaires apporteront une vingtaine de manuscrits, dont la moitié environ fut restituée en

1815. On « oublia » de rendre trois manuscrits pris aux jésuites de Cologne, deux aux bénédictins de Sainte-Justine de Padoue, deux aux chanoines de l'église du Saint-Sauveur à Bologne, et enfin une bible en deux tomes enlevée à la bibliothèque personnelle du pape Pie VI (voir n° 203).

La Bibliothèque du Roi conservait relativement peu de manuscrits hébreux ; la Révolution met le fonds de la Bibliothèque Nationale au rang d'une grande collection qui, par le fait même de ces enrichissements, ne connut, pendant les cinquante années suivantes, aucun accroissement notoire : quand, en 1810, la Bibliothèque impériale se vit proposer l'extraordinaire collection De'Rossi (1 432 manuscrits), aujourd'hui à Parme, pour la somme peu élevée de 100 000 francs, son administrateur, Dacier, crut bon de la refuser, jugeant bien suffisant l'état atteint par la collection. M. Garel

Sources : Manuscrits. Archives modernes.

Nota bene : Ce texte est le résumé d'un article à paraître dans les Nouveaux Cahiers.

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Les Prophètes [Franche-Comté], vers 1280-1300. – Parchemin,

452 ff., 195 X 140 mm. – Reliure italienne XVIes.,

ornée de lacis de petits fers à froid, traces de

cabochons, fermoirs et clous dorés.

Manuscrits orientaux. Hébreu 85.

Prov. : Monastère de Sainte-Justine à Padoue (1797).

Bibl. : Ch. Astruc, « Benedetto Bacchini et les

manuscrits de Sainte-Justine de Padoue », dans Italia

Medioevale e Umanistica, III (1960), p. 345-346. –

M. Garel, « Un ornement propre aux manuscrits

hébreux médiévaux : la micrographie », dans Bulletin

de la Bibliothèque Nationale, 1978, n° 3, p. 158-166.

C'est l'un des deux manuscrits hébreux choisis par Monge dans les collections du monastère padouan qui échapperont à la restitution de 1815. Il s'agit ici de la deuxième partie de la Bible, Les Prophètes (Josué, Juges, Samuel, les Rois, Jérémie, Ezéchiel, Isaïe et les Douze Prophètes), selon la division du canon hébraïque.

Au tout début du Livre des Rois, illustrant d'une plume humoristique la royauté vieillissante et frileuse de David, le scribe Moïse Zvi a facétieusement représenté un monarque sur son trône, sous forme d'un hybride de chien, de poisson et de lion, le sceptre, terminé par une fleur de lys, à la main. M. Garel

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Pentateuque [Rhénanie], 1286. – Parchemin, 144 ff.,

410 X 340 mm. – Reliure allemande du XVIes. Manuscrits orientaux. Hébreu 1 [2-3].

Prov. : Jésuites de Cologne (1795).

Bibl. : C. Sirat et M. Beit-Arie, Manuscrits hébreux médiévaux en caractères hébraïques., Paris-Jérusalem, 1972, I, n° 12.

C'est le premier tome d'une bible complète qui en comporte trois, mais qui, à

l'origine, formait un seul volume. Il est couvert d'une reliure en peau de porc sur ais de bois, estampée à froid, qui a conservé ses fermoirs d'origine. Sur les deux plats, le rectangle central a été évidé au XVIIe siècle et garni d'une image pieuse.

Le manuscrit est ouvert au chapitre XIX du livre des Nombres, qui est consacré au sacrifice de la vache rousse, animal dont les cendres servaient à la purification rituelle des personnes et des objets souillés par un cadavre : c'est là l'une des très rares illustrations du codex, copié par le copiste Isaac ben Jacob. Elle est due à la plume anonyme du copiste de la massore, souvent différent de celui du texte. L'illustrateur a dessiné dans la marge inférieure une vache dont une partie des contours est formée, en micrographie, du texte massorétique.

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Ainsi qu'en attestent les Procès-verbaux de la Commission temporaire des Arts, c'est en date du 20 ventôse an III (10 mars 1795), que cette bible hébraïque arrive à Paris en provenance du Collège de la Société de Jésus à Cologne.

M. Garel

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Moïse Maimonïde

Mishneh Torah (livre XIV)

[Provence], 1395. – Parchemin, 60 ff.,

280 X 195 mm. – Reliure maroquin rouge aux armes de Richelieu.

Manuscrits orientaux. Hébreu 351.

Prov. : Bibliothèque de la Sorbonne (1796).

Bibl. : H. Gross, Gallia Judaïca, Paris, 1897, p. 147. – C. Sirat et M. Beit-Arie, Manuscrits médiévaux en

caractères hébraïques., Paris-Jérusalem, 1972,1, n° 63.

Quand Maimonïde achève son grand code législatif, le Mishneh Torah ou « Seconde Loi », sur lequel il aura travaillé pendant dix ans, il écrit dans la préface de l'ouvrage quelles furent ses

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motivations : « Moi, Moïse, fils de Maimon l'Espagnol., je me suis évertué. à rendre avec simplicité et concision. l'intégralité de la Loi orale, en sorte qu'elle soit formulée en propositions claires et convaincantes., accessibles à tous ». Le quatorzième et dernier livre de cette somme traite de matières judiciaires.

L'exemplaire exposé ici, écrit en 1395 par le scribe Astruc Samiel Kansi, auteur et copiste actif en Provence autour de 1390-1410 (il signe en 1406, en Avignon, une copie complète de la même oeuvre, aujourd'hui conservée à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan), est une copie de luxe où les têtes de chapitre en grands caractères carrés sont inscrites dans des panneaux de filigranes, alternativement rouges et violets. Il fait partie du lot des quelque 260 manuscrits hébreux de la Sorbonne, tous reliés aux armes du cardinal de Richelieu, qui furent transférés à la Bibliothèque Nationale en 1796.

M. Garel

La littérature « républicaine »

Dieudonné Thiebault, rédacteur du Journal de l'Instruction publique, présenta au Comité d'Instruction publique, le 18 floréal an II (7 mai 1794) un rapport intitulé pompeusement Mémoire sur les bibliothèques nationales et la littérature républicaine. Il y rappelait sa prise de position de 1792 : il fallait absolument conserver tous les livres des maisons religieuses et les regrouper dans des bibliothèques nationales, où « le républicain françois pourra s'instruire sans se constituer en trop grands frais ! ».

Influencé par les décisions concernant l'utilisation des livres des dépôts littéraires et le triage qui devait y être réalisé pour certaines catégories d'ouvrages, dont nous avons parlé, Thiebault se posait la question : « Comment peut-on concilier ces deux objets, l'instruction publique, et la suppression des livres propres à égarer les esprits ? ». Il y répondait en établissant la liste des ouvrages à conserver, parce qu'ils étaient à la fois nécessaires, utiles et agréables, pour « que les citoyens puissent :

1. Se perfectionner dans la pratique de tous les arts méchaniques et libéraux.

2. Cultiver ou du moins parvenir à entendre les langues anciennes et étrangères.

3. S'instruire à fond de ce qui tient à la géographie et à l'histoire, anciennes et modernes.

4. Profiter de toutes les découvertes que l'on a faites et que l'on pourra faire dans la physique générale, particulière et expérimentale.

5. Approfondir la science des mathématiques, soit pures soit mixtes et appliquées.

6. Suivre les philosophes dans les abîmes de l'abstraction et surtout dans les développements de la saine logique.

7. Sonder la science grammaticale, les principes du goût, et la théorie du style.

8. S'enrichir de tous les trésors de la littérature, soit en prose soit en vers.

9. S'approprier toutes les maximes de la morale, en saisir toutes les règles, et surtout connoitre et méditer tous les motifs qui doivent nous y attacher.

10. Enfin recueillir tout ce qui tient à la morale du genre humain, à la politique des nations, au devoir naturel et civil des peuples, à la nature des sociétés, à l'esprit des gouvernements, à leur police, à leur jurisprudence, aux lois qu'ils ont promulguées, et avant tout aux principes imprescriptibles que nous indiquent la raison et la nature ».

Après avoir tracé ce raccourci des centres d'intérêt du citoyen, l'auteur reprenait des arguments dignes de Louis-Sébastien Mercier, et affirmait que la masse de « bons livres » à conserver ne serait pas si grande.

Les manuscrits, livres imprimés et autres documents entrant dans cette catégorie n'étaient sans doute pas aussi nombreux dans les bibliothèques ecclésiastiques que Thiebault le supposait dans ses propos, mais une certaine quantité y était cependant entrée, grâce essentiellement aux donations tardives, faites aux établissements les plus renommés au XVIIIe siècle, ainsi pour Paris la collection de cartes de Tralage à Saint-Victor, les fonds de manuscrits légués à Saint-Germain-des-Prés par Renaudot, Coislin, Harlay, la bibliothèque de Richelieu finalement confiée à la

Sorbonne, et en province celle du président Bouhier, passée à Clairvaux…

Les ordres plus récents, et en particulier les jésuites, possédaient des bibliothèques plus modernes. Les livres de cet ordre étaient surtout destinés à l'enseignement, et contrairement aux autres collections ecclésiastiques, celles de la Société de Jésus contenaient, outre des manuels de bonne qualité, un grand nombre d'ouvrages scientifiques récents. En France, par suite des expulsions successives, et de la suppression décidée par le Parlement de Paris en 1762, ces bibliothèques n'existaient pratiquement plus, sauf celle de Lyon, devenue avant même la Révolution le fonds de base de la bibliothèque de la ville (nos 104, 121, 138). A l'étranger, elles furent relativement épargnées, en raison de la sympathie qu'inspiraient aux révolutionnaires les avanies que leur avait fait subir la monarchie française (nos 110, 119, 120). M.P. Laffitte

Bibl. : P. Mech. « Les Bibliothèques de la Compagnie de Jésus ». dans Histoire des

bibliothèques françaises, II. Paris. 1988. p. 57-63 et C. Jolly. « Les Collections jésuites », ibid.

Sources : Manuscrits. Nouv. acq. fr. 2836, f. 46-49.

Géographie et histoire

Ces deux disciplines avaient l'une et l'autre la faveur de tous, avec une place toute particulière cependant pour la géographie. Placée presque en tête dans la nomenclature de Thiebault, la géographie occupait dans L'Instruction sur la manière d'inventorier et de conserver dans toute l'étendue de la République, tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l'enseignement, proposée par la Commission temporaire des Arts en l'an II, une section spéciale, avec la marine. L'intérêt qu'ont les peuples à connaître la géographie, pour des raisons politiques et commerciales, y était souligné, et on attirait l'attention des représentants de l'Etat sur les globes

terrestres et célestes, sur les atlas et les grandes collections de cartes, sur les cartes étrangères, manuscrites, etc.

Très demandés par différentes administrations qu'ils concernaient, en particulier par les ministères, ces documents furent activement recherchés partout où ils pouvaient exister. Beaucoup, surtout pour les plus récents, plus convoités encore, se trouvaient dans des collections privées. Mais les bibliothèques ecclésiastiques parisiennes comme étrangères furent aussi une source fort riche de documents précieux (pour plus de précisions, voir p. 98).

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Portefeuille « rouge »

contenant des cartes du cabinet de géographie de l'abbaye de Saint-Victor

Plats de carton recouverts de parchemin tacheté au

brou de noix ; dos de basane à filets d'or ; inscriptions probablement postérieures. Au verso du premier plat, ex-libris gravé de J.N. de Tralage, 420 X 560 mm.

Cartes et Plans.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor (1798).

Bibl. : F. de Dainville, Cartes anciennes de l'Eglise de

France, Paris, 1956, p. 125-126. – C. du Bus, « Edme-François Jomard et les origines du cabinet des cartes (1777-1862) » dans Bulletin de la section de géographie du CTHS, XLVI (1931), p. 1-111.

Sources : Estampes. Ye 1 rés., f. 423.

Les scellés furent apposés sur le cabinet d'estampes et de géographie de Saint-Victor en février 1791. La collection fut apportée du dépôt de Saint-Louis-la-Culture au cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale en vendémiaire an VII (septembre 1798), puis transmise aux Cartes et Plans le 26 avril 1830.

L'inventaire sommaire de la collection d'estampes et de géographie de cette abbaye, dressé lors de son versement à la Bibliothèque Nationale fait état de 32 429 pièces de nature diverse (portraits, histoire civile et ecclésiastique, topographie) conservées en feuilles ou en volumes. Les cartes en feuilles y sont au nombre de 5 336, réparties en 61 portefeuilles tels que celui-ci, qui vinrent doubler le volume et l'intérêt du fonds de cartes de l'ancienne bibliothèque royale.

Cet ensemble remonte presque totalement au XVIIe siècle, le monastère ayant reçu à cette époque deux dons successifs. Au fonds d'Henri du Bouchet de Bournonville, arrivé en 1652, s'était ajouté, en 1698, la plus belle collection géographique du temps, riche de plusieurs milliers de cartes et léguée par le limousin Jean-N icolas de Tralage, conseiller au Parlement et neveu du lieutenant de police La Reynie. Passionné de géographie et cartographe à ses heures sous le pseudonyme de Tillemon, Tralage avait rassemblé jusqu'à sa mort, avec un soin extrême, les meilleures cartes françaises et étrangères. Son legs à l'abbaye de Saint-Victor fit de celle-ci, avec l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés qui avait

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reçu à la même époque les cartes – moins rares – de l'abbé géographe Michel-Antoine Baudrand (mort en 1701), le principal dépôt public de cartes à Paris.

Un contemporain nous apprend à ce propos que l'éminent géographe du XVIIIe siècle, J.B. Bourguignon d'Anville, « a trouvé de grandes lumières dans le recueil des cartes que M. l'Abbé Baudrand a légué aux Pères bénédictins de Saint-Germain-des-Prés et dans celui que M. de Tralage a donné à l'abbaye de Saint-Victor. Les uns et les autres se sont fait un plaisir de lui communiquer généreusement tout ce qu'ils avoient de précieux en ce genre et il a eu l'habileté d'en profiter »(Lenglet du Fresnoy, Méthode pour étudier la géographie, 1736, p. 142).

M. Pastoureau

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Ottavio Pisani

Globus terrestris projectus

Anvers, Pieter Verbiest, 1637. – Carte gravée en

taille-douce, 9 feuilles assemblées, 1 100 X 1 100 mm. Cartes et Plans. Rés. Ge. AA.1342.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor (1798).

Bibl. : G. Marcel, « Ottavio Pisani mathématicien et cartographe napolitain » dans Bulletin de géographie

historique et descriptive, 1889, p. 308-318. –

R.W. Shirley, The Mapping of the World. Early printed

worldmaps 1472-1700, Londres, 1983, p. 367-368.

Cette carte rarissime – il s'agit du seul exemplaire connu – nous étonne autant par sa construction géométrique que par son décor baroque. Son auteur, Ottavio Pisani (ca 1570-ca 1640) avait quitté Naples pour Anvers où il devint un astronome et un mathématicien de renom, collaborant par lettres avec Galilée. Il composa une première mappemonde en 1612 qui donnait l'illusion de contempler, de l'intérieur, un globe transparent. Le document exposé ici s'en inspire, mais en simplifiant sa construction ; la projection polaire australe demeure cependant un système graphique très élaboré. Les courbes de la sphère y sont mises en valeur par le tourbillon des planètes, des éléments et des saisons. En haut à droite, est représentée la prouesse de l'auteur, armé et cuirassé : il réussit à transposer le globe terrestre sur une surface plane.

Le document présenté ici faisait partie de la collection de Tralage, Portefeuille 112, n° 399 (voir n° 112).

M. Pastoureau

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Bartolomeu Velho

Mappemonde en vingt-quatre fuseaux

Vers 1560. – Peinture sur parchemin, 365 X 435 mm. Cartes et Plans. Rés. Ge. D.7824.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor (1798).

Bibl. : A. Cortesao, Portugaliae monumenta cartographica, Lisbonne, 1960, II, p. 89-105. – L. de Matos, Les

Portugais en France au XVI' siècle, Coimbra, 1952 (Acta Universitatis Conimbrigensis, n° 20).

Mi-carte, mi-décor, cette oeuvre est la plus ancienne des cartes présentées ici et le seul document qui s'apparente aux

« portulans », terme générique qui recouvre les anciennes cartes marines sur parchemin. Il est vrai que les hommes de la Révolution – préoccupés par les événements d'actualité – n'accordaient encore que peu de prix aux cartes anciennes, à l'exception des premières éditions de la Géographie de Ptolémée qu'ils vénéraient en tant qu'incunables. Les vieilles cartes ne furent considérées comme des objets de valeur qu'au XIXe siècle, et le terme de « cartographie » fut alors créé pour désigner leur étude.

Cette carte est en réalité un globe en fuseaux, attribué à Bartolomeu Velho, le seul Portugais de la Renaissance à avoir été à la fois cosmographe et cartographe. La science nautique portugaise se trouvant alors à son apogée, ses praticiens se voyaient sollicités par les puissances étrangères. Velho fut ainsi recruté par Charles IX, par l'intermédiaire de marchands italiens. Peu après son arrivée en France, en septembre 1567, il trouva la mort à Nantes, dans des circonstances mystérieuses. Seuls quatre documents de

sa main ont été conservés. Le plus important d'entre eux, une Cosmographie composée en 1568 et conservée aussi à la Bibliothèque Nationale, nous éclaire sur la carte présentée aujourd'hui. Velho y expose en effet une quinzaine de systèmes de projection possibles pour « mettre à plat » le globe terrestre. Le document présenté ici – établi en projection polaire – illustre donc l'une de ces théories graphiques.

D'un point de vue plus strictement géographique, on y trouve un résumé des conceptions de Velho, car le peu d'espace disponible ne lui permet pas un grand détail. Sa figuration des régions polaires mérite cependant l'attention car elle est nouvelle chez lui : au contraire de ses cartes précédentes, il sépare nettement l'Asie de l'Amérique, faisant ainsi un pas supplémentaire vers la connaissance de ces confins qui restèrent encore mystérieux pendant plus d'un siècle.

La pièce était conservée dans le Portefeuille 113, n° 415 de la collection de Tralage (voir n° 112). M. Pastoureau

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Guillaume Postel

La vraye et entière description

du royaume de France

Paris, 1570. – Carte gravée sur bois, 450 X 680 mm. Cartes et Plans. Rés. Ge. D.7668.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor (1798).

Bibl. : M. Destombes, « Guillaume Postel

cartographe » dans Guillaume Postel 1581-1981, Colloque international d'Avranches, Paris, 1985, p. 361-371.

La carte de France de G. Postel (1510-1581) n'est connue à ce jour que par cet unique exemplaire, élément d'une importante série de représentations du territoire national patiemment collectées par J.N. de Tralage. Il est vrai qu'elle ne fit pas progresser fondamentalement l'image du pays et qu'elle ne reçut pas, de ce fait, une vénération particulière. Son auteur, linguiste, érudit, philosophe et cosmographe,

cosmographe, voulait ignorer aucune branche du savoir. La cartographie se trouvant au carrefour de plusieurs branches de la connaissance, il s'employa à établir, seul ou en collaboration, plusieurs cartes du ciel, de l'Asie, du monde et de la France.

Dans cette dernière, il améliore les tracés de ses devanciers, Oronce Finé et Jean Jolivet ; pour la Normandie, la Bre-

tagne et la Vendée, il complète la nomenclature, corrige les rivières et ajoute les ponts. Il élargit surtout considérablement la vision du pays en débordant largement ses frontières. Cette carte fut ensuite diffusée par Maurice Bouguereau qui en inséra une copie dans son Théâtre françois, premier atlas français (Tours, 1594).

Comme les numéros précédents, cette carte se trouvait dans la collection de Tralage, Portefeuille 210, n° 2712 (voir n° 112). M. Pastoureau

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Pierre de Cortone

[Le Banquet des dieux], gravure de F. Greuter pour G.B. Ferrari, « De

Florum cultura ».

Rome, S. Paulinus, 1623. – Eau-forte, Sbd « Petro. Beretin delin. », 215 X 150 mm.

Estampes. Sa 1 mat.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor (1798).

Bibl. : G. Briganti, Pietro da Cortona, Rome, 1962 (qui ne connaît pas cette pièce). – Hollstein, German

engravings, etchings., Amsterdam, 1983, XII, p. 86.

Outre son importante collection de cartes géographiques, Jean-Nicolas de Tralage avait légué à l'abbaye de Saint-Victor une série d'estampes relatives à la mythologie qui fit l'admiration de Piganiol de la Force : « M. du Tralage. a légué le plus beau recueil de cartes et de mémoires géographiques qu'il y ait peut-être au monde. Le goût que ce savant homme avait toujours eu pour cette sorte d'érudition, l'étude qu'il en avait faite et les grands secours que ses grandes recherches et ses dépenses extraordinaires lui avoient fournis, rendoient ce recueil digne de la bibliothèque de Louis-le-Grand »(extrait de G. Duplessis, « Le Département des Estampes de la Bibliothèque Nationale pendant la période révolutionnaire », dans Le Bibliophile français (juin 1872), p. 12).

Cette donation fut vigoureusement contestée par son oncle Nicolas de La Reynie qui ne recula pas devant des accusations d'insanité pour tenter de récupérer son héritage en faisant valoir que beaucoup de ces gravures étaient

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licencieuses. Les religieux tinrent bon et l'emportèrent.

Celle présentée ici est tirée d'un dessin de Pierre de Cortone conservé aujourd'hui au Rijksmuseum et gravé par J.F. Greuter pour le De Florum cultura. du père G.B. Ferrari S.J. (Rome, Stephanus Paulinus, 1623). La pièce est d'autant plus intéressante qu'elle est gravée dans le même sens que le dessin, contrairement à l'état qui figure dans le livre du père Ferrari et qu'elle ne porte pas le nom du graveur. Cette gravure insérée p. 96 de l'édition de 1623 disparut de l'édition suivante (1638) et fut remplacée par une gravure d'après Lanfranc. Considérée comme une simple allégorie mythologique (ce qui est une erreur d'interprétation car le personnage principal couronné d'une tour est manifestement « Ops »), c'est à ce titre qu'elle dut intéresser Tralage. Elle porte en haut à droite le cachet de cette collection : « Tral. ».

F. Fossier

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Frederick de Wit

Atlas

Amsterdam (ca 1680). – 51 cartes gravées au burin

et aquarellées, réunies en 1 vol. relié en veau blond ;

sur le premier plat, fer doré « Aux Capucins de Saint-Honoré

Saint-Honoré 535 X 335 mm.

Cartes et Plans. Ge. DD.1175.

Prov. : Couvent des Capucins de la rue Saint-Honoré

(1798).

Bibl. : C. Koeman, Atlantes Neerlandici. Bibliography of

terrestrial, maritime and celestial atlases and pilot books

published in the Netherlands up to 1880, Amsterdam, 1969,

III, p. 191-216.

Cet atlas arriva probablement lors du transfert de brumaire an VII qui enrichit la Bibliothèque Nationale d'un important lot de manuscrits et d'imprimés provenant des Capucins de Saint-Honoré dont le couvent avait en outre été converti en dépôt littéraire.

Au moment des confiscations, les couvents parisiens se révélèrent bien dotés en globes, en ouvrages de géographie et en atlas à caractère encyclopédique, souvent un peu vieillis, tels que celui-ci. Ces objets étaient devenus indispensables à toute culture classique et continuaient de servir de référence. Leurs belles cartes gravées offraient cependant une vision du monde en grande partie obsolète.

L'atlas de F. de Wit présenté ici date de la période glorieuse de la cartographie néerlandaise, totalement révolue un siècle plus tard. Par le décor de ses planches, il évoque parfaitement l'opulence de la petite république et se partage en deux parties égales. Une première section est consacrée au monde, où régnait alors la suprématie maritime hollandaise, tandis que la seconde traite des Provinces-Unies proprement dites qui restèrent longtemps le pays du monde où la topographie fut poussée dans son plus grand détail, puisque le talent – considérable – de ses cartographes s'y montrait inversement proportionnel à la superficie – minuscule – de son territoire. M. Pastoureau

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Ptolémée

Cosmographia

Ulm. Johannes Reger pour Justus de Albano. 1486.

In-folio.

Imprimés. Rés. G. 36.

Prov. : Bénédictins de S. Benedetto in Polirone (1797). Bibl. : R. Bellodi. Il monastero di San Benedetto in Polirone nella storia e nell'arte. Mantoue. 1905. – BMC II 540.

– Incunables. p. 685. – Pellechet 9585-9860 (996).

L'abbaye bénédictine de San Benedetto in Polirone, près de Mantoue, possédait une bibliothèque fameuse pour ses manuscrits, que Bernard de Montfaucon mentionne en bonne place dans sa Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova (Paris, 1739, I. 531-532) ainsi que l'avait fait avant lui Jean Mabillon dans son Museum Italicum (Paris, 1687, p. 207-208). Elle conservait également un important fonds d'incunables. Au XVIIIe siècle la collection avait été fort bien entretenue par les moines qui avaient lancé un vaste programme de reliure et construit pour la bibliothèque un très beau local, inauguré en 1790. qu'on peut encore admirer aujourd'hui. Lorsqu'en février 1797 Bonaparte enleva Mantoue après un siège resté fameux, il traita avec mansuétude la ville de Virgile. Les bibliothèques des communautés ecclésiastiques supprimées, dont le couvent de San Benedetto. furent attribuées à la bibliothèque publique créée en 1780 par l'impératrice Marie-Thérèse et qui avait déjà reçu les collections des communautés supprimées sous Joseph II en 1782-1783. Les commissaires français ne retinrent à San Benedetto que six manuscrits et dix incunables. dont celui que nous présentons, malgré la présence de chefs-d'oeuvre de l'enluminure médiévale italienne. Ces pièces ne furent pas rendues en 1816, contrairement aux sept manuscrits et aux huit incunables provenant de la bibliothèque publique. Aujourd'hui pourtant les incunables en provenance de Polirone conservés à la Bibliothèque Nationale sont au nombre de 38, les 28 volumes supplémentaires ayant sans doute été acquis à la suite de la dispersion d'une partie de la collection avant son versement à la bibliothèque de Mantoue.

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Le choix de la Cosmographie de Ptolémée par les commissaires n'est pas pour étonner. Il semble en effet que les éditions incunables en aient été systématiquement recherchées. On note ainsi que la Bibliothèque Nationale possède aujourd'hui des exemplaires saisis à la bibliothèque Malatestiana de Cesena (Bologne, 1477, Rés. G. 38 bis), à la bibliothèque Casanatense (Rome, 1478, Rés. G. 38) ou chez les Jésuites de Cologne (Rome, 1490, Rés. G. 446). F. Dupuigrenet

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Sigmund von Herberstein Moscovia

Vienne, M. Zimmermann, 1557. In-folio.

Imprimés. Rés. M. 210.

Prov. : Jésuites de Cologne (1794).

Bibl. : R. Delort, La Moscovie du XVIe siècle vue par un ambassadeur occidental, Herberstein, Paris. 1965.

La Moscovie du baron Sigismond de Herberstein introduisit l'Europe de la Renaissance à la connaissance de la Russie. En ce sens, on a pu dire qu'Herberstein avait été le « Christophe Colomb de la Russie

Russie Ecrite après les ambassades de Herberstein en Russie de 1517 et 1526, pour le compte de l'Empereur et du roi de Bohême, cette présentation systématique d'un pays encore ignoré par la plupart des

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Occidentaux fut publiée pour la première fois en latin en 1549, à Vienne, et connut un vif succès dans des rééditions bâloises à partir de 1551. En 1556, Herberstein lui-même prépara cette traduction en haut-allemand qu'il publia à Vienne l'année suivante. Il s'agit en fait d'une nouvelle version du livre, plus courte, moins touffue et moins érudite, destinée à un public moins instruit que l'original latin. Malgré la saveur de sa langue et le pittoresque plus marqué du récit, cette version ne connut pas la fortune de la tradition en bas-allemand d'I. Pantaléon. Elle est aujourd'hui fort rare.

Provenant de la collection des Jésuites de Cologne, l'exemplaire que nous présentons fut saisi par l'abbé Leblond, « passionné pour les bibliothèques des Jésuites », lors de son passage à Cologne pendant l'hiver 1794. L'édition manquait à la Bibliothèque Nationale, qui possédait en revanche plusieurs exemplaires des éditions latines.

Les gravures qui accompagnaient l'ouvrage firent beaucoup pour son succès. Ici l'armement des cavaliers moscovites. F. Dupuigrenet

120

Giulio Romano

Fragment de l'Olympe. Sala dei Giganti du palais du Té à

Mantoue, gravé en sens inverse par Pietro Santi Bartoli vers 1700.

Eau-forte et burin. Sbg « Julius Rous inventor. Petrus san. Bartolus sculpsit », 205 x 280 mm.

Estampes. Sa 1 mat.

Prov. : J ésuites de Cologne.

Bibl. : F. Hartt. Giulio Romano, New Haven, Yale

University, 1958, I, p. 157.

Sources : Estampes. Ye 1 rés.. I. dossier 340.

Cette intaille sur cornaline représentant

Erato et faisant partie du cabinet Strozzi

à Rome est attribuée par von Stosch à

Allion. Elle se rapproche de l'intaille sur

onyx conservée au musée de Haarlem

(coll. Henri Adricn van der Marck). Le

5 fructidor an III (22 août 1795),

143 volumes renfermant 21 700 gravures

confisquées par l'armée du Rhin aux

Jésuites de Cologne furent affectés au

cabinet des Estampes après avoir été entreposés au dépôt des Capucins. Cet ensemble constitue de loin avec la collection de Tralage, la saisie la plus importante opérée par la Révolution dans les couvents en matière d'estampes.

Il n'y en eut que 3 000 provenant d'Italie et 40 000 provenant de divers couvents parisiens (Capucins, Saint-Victor, Feuillants, Jacobins, Récollets, Sainte-Marie-de-Chaillot entreposées aux Capucins ; Jésuites, Barnabites, Blancs-Manteaux, Célestins au dépôt Saint-Louis-la-Couture)

En 1814, un grand nombre de ces pièces fut restitué. Celles que le cabinet des Estampes conserva, furent timbrées par Duchesne vers 1840 du cachet « Col. ». Il existe une liste détaillée de la confiscation dans les archives du cabinet des Estampes, mais les pièces furent ensuite dispersées dans les séries matière ou artistes. Cette liste permet néanmoins de constater l'abondance des gravures italiennes d'après l'école bolonaise et l'école romaine dans le fonds des Jésuites. Avant la dispersion, la gravure présentée ici se trouvait dans le portefeuille 28 de ce fonds. Elle porte le cachet « Col. » en haut à droite. F. Fossier

121

Tite-Live

Historiae Romanae decades

(1er vol.)

Venise, Wendelinus de Spira, 1470. – In-folio sur vélin.

Imprimés. Rés. Vélins 704.

Prov. : Bibliothèque publique de Lyon (avril 1794). Bibl. : Van Praet, V, p. 52, n° 63. – Hain-Copinger n° 10130. – Catalogue des incunables de la Bibliothèque Nationale, fasc. 1, 1981, n° L-177.

Il est rare que dans une exposition figurent des volumes dans un tel état. Il ne s'agit pourtant pas d'un « livre-objet » ni de quelque relique écrite sur papyrus dont on conserve précieusement le moindre fragment. Ce n'est pas non plus un exemple déplorable d'ouvrage détruit par les consultations répétées de lecteurs peu soigneux. En fait, cet amas informe de feuillets est ce qui est resté d'un des deux

120

volumes d'une édition incunable de Tite-Live conservée autrefois dans la bibliothèque de la ville de Lyon. Touché de plein fouet par un boulet de canon en 1793 durant le siège de cette cité qui s'était

rebellée contre la République, ce livre fut expédié en avril 1794 à la Bibliothèque Nationale en compagnie de plusieurs dizaines d'autres incunables et manuscrits (intacts ceux-là !), vraisemblable121

vraisemblable121

ment comme tribut payé par la « Commune affranchie » pour sa révolte contre la Nation. La manière dont ce gros in-folio – pourtant constitué de solides feuillets de vélin protégés par d'épais plats de reliure – a été comme tranché dans son épaisseur donne une idée de la puissance d'impact du projectile.

Il est piquant de noter que le sort funeste de ce volume est indirectement dû à un excès de scrupule : offert en 1695 aux Jésuites de Lyon par le père La Chaize, confesseur de Louis XIV, il fut obtenu à titre viager par le duc de La Vallière en 1763, quand les biens des jésuites, expulsés de France, furent confisqués. Mais après la mort du duc, la duchesse de Châtillon, son héritière, tint à le rendre en 1784 à la municipalité de Lyon, estimant que ce précieux incunable devait revenir à la ville d'où son père l'avait extrait. C'est là qu'il devait être si gravement endommagé neuf ans plus tard.

A son arrivée à la Bibliothèque Nationale en 1794, il fut soigneusement rangé, à titre de curiosité, dans un emboîtage en maroquin rouge au même décor que la nouvelle reliure dont fut habillé le volume II épargné par le boulet. D. Coq

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Guillaume de Tyr

Histoire d'Outremer

Paris, 1337. – Parchemin, 300 ff., 420 x 330 mm. – Reliure maroquin rouge aux armes de Richelieu.

Manuscrits. Français 22495.

Prov. : Bibliothèque de la Sorbonne (1796).

Bibl. : J. Folda, « Manuscripts of the History of

Outremer by William of Tyr », dans Scriptorium,

XXVII (1973), p. 90. – G. de Tyr, Historia rerum in

partibus transmarinisgestarum, Paris, 1879-1880 (Recueil des Historiens des Croisades).

Exp. : Les Fastes du Gothique, Paris. Grand Palais, 1981, nos 230 et 350. – Manuscrits à peintures en France, XIIIe-XIVe s., Paris, Bibliothèque Nationale, 1955, n" 41.

Né à Jérusalem vers 1130, dans une famille sans doute italienne mais installée en Orient, Guillaume de Tyr fit ses études en Europe. Mais toute sa carrière ecclésiastique se déroula dans les Etats chrétiens d'Orient. Archevêque de Tyr en 1174, il y mourut en 1186. Ecrite dans un latin remarquable, et dans un style clair

122

et vivant, sa chronique est le seul texte de Guillaume de Tyr qui nous soit parvenu. Terminée en 1183, c'est l'une des plus importantes sources de l'histoire des Croisades. Elle est présentée ici dans sa traduction française, exécutée vers la fin du XIIe siècle par un clerc français, qui connaissait le grec.

Daté de 1337, ce manuscrit est orné de 92 peintures, qui constituent un témoignage iconographique inépuisable sur les premières croisades et sur l'héraldique fantaisiste que les Occidentaux forgeaient pour les princes sarrazins. On voit ici s'affronter les soldats de Baudoin, roi de Jérusalem, et les guerriers de Saladin. Plusieurs artistes ont participé à la décoration de cette chronique, parmi lesquels Geoffroy de Saint-Léger, qui était aussi libraire-juré de l'université de Paris depuis 1316. Son atelier connut une très grande vogue dans les années 1320-1335

et inonda le marché parisien d'une production trop abondante pour ne pas être parfois un peu négligée.

Certaines miniatures portent sous la peinture des indications de couleur, inscrites par le chef d'atelier à l'intention de l'enlumineur.

Ce volume appartenait au XVe siècle à un écuyer pannetier du duc de Bourgogne. Il passa plus tard entre les mains des sires de Croy, ducs d'Arschoot, Philippe, mort en 1595 et son fils Charles, mort sans descendance en 1612. On le retrouve enfin dans la bibliothèque du cardinal de Richelieu, qui le fit relier à ses armes. Par son testament du 23 mai 1642, Richelieu légua ses livres à son petit-neveu Armand de Vignerot, à condition qu'ils restent accessibles au public savant, dans l'hôtel de Richelieu. Mais l'exécution de ses dernières volontés posa de tels problèmes que le Parlement de Paris

trancha le 14 février 1660 en ordonnant que la bibliothèque du cardinal soit transportée à la Sorbonne. M.P. Laffitte

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La Mer des hystoires Paris, Pierre Le Rouge pour Vincent Commin, 1488-1489, 2 vol. in-folio.

Imprimés. Rés. G. 216-217.

Prov. : Capucins de Malines (1796).

Bibl. : BMC VIII 109. – Incunables, R-221. –

H. Monceaux, Les Le Rouge de Châblis, Paris, 1896,1, 226-232. – Pellechet 7839 (7777).

La première édition de la Mer des hystoires est un des plus célèbres incunables illustrès

illustrès Le texte est une traduction du Rudimenta novitiorum, composition latine imprimée pour la première fois à Lubeck en 1475 et contenant un abrégé de l'histoire universelle qui s'arrête à l'année 1479. Peut-être l'auteur de la traduction était-il le libraire Vincent Commin. L'impression en est due à l'ancien enlumineur bourguignon Pierre Le Rouge, établi à Paris depuis 1478, qui réalisa plusieurs livres ornés de gravures sur bois pour son compte ou celui de différents libraires dont Commin et surtout Antoine Vérard. Les bois gravés de la Mer ont été attribués souvent à Pierre Le Rouge lui-même qui les utilisa à nouveau dans

plusieurs ouvrages imprimés pour Vérard.

Bien que la Bibliothèque du Roi ait possédé un splendide exemplaire de présentation à Charles VIII imprimé sur vélin et décoré de belles enluminures (Vélins 676-677), Van Praet retint pour la Bibliothèque Nationale cet exemplaire sur papier, partiellement colorié, qui se trouvait au dépôt littéraire des Cordeliers parmi les livres saisis en Belgique. Le commissaire Leblond s'en était emparé au cours d'une visite éclair de deux jours dans « quelques bibliothèques de moines » de Malines au cours de l'hiver 1794 (lettre écrite de Coblence le

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17 nivôse an III, au représentant Baraillon). Nous présentons ici la magnifique gravure à pleine page représentant la bataille de Tolbiac et le baptême de Clovis. F. Dupuigrenet

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Raoul Lefèvre

Le Recueil des histoires troyennes Paris, Antoine Vérard, [circa 1494]. – [175] ff.,

in-folio.

Imprimés. Rés. Vélins 628.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Bibl. : Van Praet, IV. – Th. Frognall Dibdin, Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque en France,

traduit de l'anglais, avec des notes, par

G.A. Crapelet, Paris, 1825, III. – A. Bayot, La

Légende de Troie à la cour de Bourgogne, Bruges, 1908. – Procès-verbaux de la Commission temporaire des Arts,

publiés par L. Tuetey, Paris, 1912-1917, 2 vol.

On sait que l'incendie qui ravagea la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés dans la nuit du 19 au 20 août 1794 épargna miraculeusement la presque totalité des manuscrits. Les imprimés, qui avoisinaient alors les 50 000, ne purent être évacués qu'en petit nombre, le feu s'étant d'abord propagé dans cette partie de la bibliothèque. Le nombre des volumes qu'on put sauver (en partie ou en totalité) n'a pas été déterminé avec précision ; selon certains auteurs, qui s'appuient sans doute sur des listes limitées à quelques monuments de la typographie ou de la bibliophilie, ce nombre serait extrêmement faible ; selon Jean-Baptiste Labiche toutefois, qui cite les Archives des Dépôts littéraires, on comptait en l'an V, au dépôt littéraire des Cordeliers, 28 000 volumes provenant de Saint-Germain-des-Prés. Le fait est qu'une juste appréciation du nombre de livres provenant de Saint-Germain-des-Prés et entrés à la Bibliothèque Nationale est impossible : certains volumes, on le verra plus bas, n'ont jamais transité par les dépôts littéraires et n'apparaissent donc pas sur les listes de livres qui en sortaient ; d'autres figurant aujourd'hui dans les collections y sont entrés jusque tard dans le XI Xe siècle, provenant d'autres bibliothèques, comme la Mazarine. Pour quelques ouvrages que leur luxe et

124

leur rareté distinguaient, on connaît mieux leurs conditions d'entrée à la Bibliothèque Nationale grâce à des témoignages contemporains. C'est le cas de ce Recueil des histoires de Troyes qui a retenu l'attention du révérend Dibdin lors de son Voyage bibliographique : « Exemplaire de la plus belle condition tant pour la dimension que pour la couleur […] les gravures en bois sont coloriées. Le dernier feuillet du premier livre est manuscrit ; il n'a que seize lignes au recto. Ce bel exemplaire est relié en maroquin rouge ». Ce que Dibdin ne dit pas du sauvetage de ce volume, qui semble avoir peu souffert il est vrai, il le dit à propos d'un Gyron le

Courtois (Bibliothèque Nationale, Vélins 622), endommagé « par suite de l'incendie de la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés, d'où il fut jeté dans la rue, et trouvé le lendemain par M. Van Praet. Quantité de livres de la même bibliothèque avaient été jetés dans les caves ». Ses dires sont confirmés par les rapports de Dom Germain Poirier lus devant la Commission temporaire des Arts dans les jours qui suivirent l'incendie, et dans lesquels il rend un hommage appuyé à « Van Prat ». C'est ainsi qu'à la séance du 10 fructidor an II (27 août 1794), Poirier, qui était resté jusqu'au bout archiviste de Saint-Germain et devait par la suite continuer à

veiller sur ses décombres, « remet une note des livres précieux retrouvés parmi le petit nombre de ceux qui ont échappé à l'incendie de l'abbaye Germain-des-Prés ». On retrouve dans cette liste notre « Recueil des histoires troyennes, par Raoul Lefebvre, Paris, 1493, in-folio imprimé sur vélin et enrichi de miniatures » en compagnie de sept autres titres entrés eux aussi à la Bibliothèque Nationale, notamment un Roman de la Rose (Vérard, vers 1496, sur vélin) et la Chasse et le Départ d'amour d'Octovien de Saint-Gelais (Vérard, vers 1496, sur vélin). « Ces livres ont été remis au relieur Bradel pour être lavés et reliés ».

On notera au passage que ce Recueil, qui s'inscrit dans une suite de grandes compilations, à partir de sources médiévales, de la matière antique, qu'affectionnait la cour de Bourgogne au XVe siècle (Histoire du siège et de la prise de Troie, Livre de la destruction de Troie la grant ou du même Raoul Lefèvre, l'Histoire de Jason et de Médée, liée à la création de l'ordre de la Toison d'or) avait aussi suscité l'intérêt de la Bibliothèque Nationale en 1796 puisqu'on retrouve dans l'inventaire des manuscrits de la Belgique (Mss Nouv. acq. fr. 5420, rédigé par Poirier), sous les nos 306-307, la description des manuscrits qui passent pour être les plus anciens du Recueil des histoires de Troie dédié à Philippe le Bon, duc de Bourgogne de Raoul Lefèvre. Ces manuscrits durent être restitués en 1815, et sont actuellement conservés à Bruxelles.

Cet exemplaire de l'édition de Vérard se distingue par les remaniements qu'il a subis pour qu'on puisse y insérer les trois grandes miniatures qui en font un exemplaire exceptionnel donné par l'imprimeur au roi Charles VIII, représenté sur la première d'entre elles, avec le donateur à ses pieds.

Le volume a plus de prix encore quand on en retrouve l'itinéraire assez extraordinaire, de la bibliothèque du roi Charles VIII à la Bibliothèque Nationale, tel que l'a reconstitué Van Praet, références à l'appui : passé, on ne sait comment, de la bibliothèque de Charles VIII à celle de Séguier, le Recueil passe ensuite dans la bibliothèque de sa fille,

puis dans celle de son petit-fils Coislin, évêque de Metz, qui le lègue à la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés. « C'est aussi [l'exemplaire] dont a été possesseur le duc de La Vallière, et qu'il avoit obtenu de ces religieux, pour en jouir sa vie durant. Quelque temps après, il le vendit à Gaignat, et le racheta ensuite à la vente de ce dernier amateur ». C'est dans le catalogue de la première vente posthume La Vallière (décembre 1783) qu'on trouve le Recueil une dernière fois, suivi de la mention imprimée suivante : « Réclamé par l'Abbaye de S. Germain, & rendu ». On a dit plus haut dans quelles circonstances tragiques il devait la quitter, quelques années plus tard.

R.J. Seckel

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Statuts de l'ordre de Saint-Michel

Tours, 1469-1471. – Parchemin, 29 ff.,

295 X 150 mm. – Reliure parchemin.

Manuscrits. Français 19819.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés (1796).

Bibl. : P. Durrieu, « Les Manuscrits des statuts de

l'ordre de Saint-Michel », dans Bulletin de la Société

française de reproductions de manuscrits à peintures, 1 (1911), p. 17-47. – A.M. Lecoq, « La Symbolique de l'Etat les images de la monarchie », dans P. Nora, Lieux de

mémoire, II, La Nation, II, Paris, 1986, p. 165.

Exp. : Manuscrits à peintures en France, XIIIe-XVIe s.,

Paris, Bibliothèque Nationale, 1955, n° 252. – Jean

Fouquet, Paris, Musée du Louvre, 1981, n° 22.

Déjà Charles VI et surtout Charles VII entouraient d'une dévotion particulière le saint patron du mont, dont la résistance aux assauts anglo-bourguignons eut une résonance dans tout le royaume à la fin de la guerre de Cent ans. En fondant l'ordre de Saint-Michel, Louis XI officialisait donc un culte symbole de la fidélité à la royauté française. Il se donnait aussi un moyen de rallier une partie de la noblesse, plutôt indocile. L'ordonnance de création, du 1er août 1469, s'inspirait de l'ordre anglais de la Jarretière, et de l'ordre bourguignon de la Toison d'or. Elle prescrivait la réalisation de deux copies des statuts, destinées à la tenue des assemblées plénières : l'une était pour le roi, grand maître de l'ordre, l'autre pour le trésorier. Le livret exposé ici est l'une de ces copies.

La même ordonnance de 1469 prévoyait que serait placée au début de chaque livret une « histoire », représentant le roi fondateur et les quinze premiers chevaliers de l'ordre. Jean Fouquet fut chargé de l'une d'elles.

Fouquet, qui exécuta d'autres commandes pour l'ordre de Saint-Michel, devint peintre du roi en 1475. Il aimait réaliser des travaux liés à son temps, commémorant des événements officiels, dans lesquels il savait exprimer la grandeur royale. Il a choisi ici de mettre en scène une séance imaginaire du premier chapitre de l'ordre auquel auraient assisté les quinze premiers chevaliers nommés, symbolisant ainsi une cour idéale réunie autour du roi. La composition est un chef-d'oeuvre : disposés comme les statues d'un porche de cathédrale, dont l'axe est le roi, les personnages se tournent avec respect vers lui. Leur physionomie est très personnalisée. L'harmonie et l'originalité du tableau sont encore renforcées par l'utilisation de toutes les nuances du blanc, à peine rehaussé de quelques taches de couleurs vives.

Conservé au XVIIIe siècle dans la collection de Harlay, le manuscrit fut mis à la disposition de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés en 1755. M.P. Laffitte

125

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Manuel II Paléologue Oraison funèbre de son frère

Théodore, despote de Morée

XVe s. – Parchemin, 49 ff., 245 X 165 mm. –

Reliure grecque de maroquin rouge estampé à froid. Manuscrits. Supplément grec 309.

Prov. : Jacobins de la rue Saint-Honoré (1796).

Bibl. : H. Bordier, Description des peintures. dans les

manuscrits grecs de la Bibliothèque Nationale, Paris. 1883,

p. 281-282. – J. Spatharakis, The Portrait in Byzantine illuminated manuscripts, Leiden, 1976, p. 233-234.

Exp. : Byzance et la France médiévale, Paris, Bibliothèque Nationale, 1958, n° 52. – L'Art byzantin, Athènes,

1964. n° 369.

La majesté du portrait impérial placé en tête de volume ne doit pas faire illusion : la civilisation byzantine touche à sa fin, sous le règne d'un de ses derniers souverains, Manuel II Paléologue (1391-1425).

Auteur de l'Oraison funèbre de son frère Théodore, despote du Péloponnèse (mort en 1407), c'est un monarque éclairé, amateur d'art, de belles-lettres et de théologie, mais dont l'empire, constamment menacé par les Turcs Osmanlis, se réduit à sa capitale Constantinople, à la Thessalonique et au Péloponnèse. Il a connu dans sa jeunesse l'exil à la cour du sultan Bajazet, et, devenu empereur, cherchera, mais en vain, à s'assurer le soutien des nations occidentales.

L'hommage, sans doute excessif, qu'il rend à un frère paré de toutes les vertus, est riche d'informations historiques sur la situation de l'Empire grec, et, en particulier, sur celle du Péloponnèse où l'hellénisme trouvait alors refuge : c'est à Mistra, brillant centre culturel, que se développe la pensée utopique du

néoplatonicien Gémisthe Pléthon, qui rédigea une introduction au discours de son empereur (p. I-III).

Debout sur fond or, dans un encadrement rouge et bleu, Manuel II est vêtu d'un habit de pourpre, et porte les insignes du pouvoir : diadème, sceptre et « akakia »(petit sac rouge contenant de la terre). Nom et titres impériaux figurent à l'encre rouge sur le portrait, qui est entouré de trois épigrammes (dédicaces en prose et en vers de Manuel II à son frère)

C'est notre manuscrit qui permit à François Combefis de préparer l'édition princeps de ce texte qu'il publia en 1648 il appartenait alors à la bibliothèque de Jean du Tillet, baron de la Bussière, greffier au Parlement, chez qui le savant dominicain le consulta. En 1653, il entra par donation dans celle des Jacobins de la rue Saint-Honoré (comme l'indique, à la p. I, une mention manuscrite), avant de rejoindre, au siècle suivant, la Bibliothèque Nationale par le jeu des confiscations révolutionnaires.

Notons que, quelques années plus tard quand les temps seront redevenus propices au travail, H.P. Ameilhon s'intéressera particulièrement au texte de Manuel II Paléologue dans le tome XXVI (1807) de la monumentale « Histoire du Bas-Empire », à laquelle il participera. M.O. Germain

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L'orientalisme

Déjà François 1er au XVIe siècle, puis Colbert au siècle suivant utilisaient à l'étranger, et surtout en Orient, les services de voyageurs ou de correspondants, chargés de rapporter manuscrits, livres imprimés, médailles, etc. Et on verra plus loin que Bonaparte, lors de la campagne d'Egypte, emmena avec lui des savants dont la mission était similaire. Mais la Bibliothèque du Roi n'était pas la seule à conserver des fonds orientaux, très prisés à l'époque. Ainsi, les 330 manuscrits orientaux légués par Coislin à Saint-Germain-des-Prés (voir p. 168). Il s'agit à la fois de livres arabes, persans et turcs, envoyés de Constantinople à Loménie de Brienne par Denis de la Have-Ventelet. Séguier recueillit ces volumes, auxquels il ajouta sa propre collection de manuscrits en arabe, copte, syriaque ou éthiopien, émanant des différentes communautés chrétiennes d'Orient, qu'il s'était fait envoyer, d'Egypte notamment, vers 1650.

La collection Renaudot, elle aussi constituée au XVIIe siècle, fut également léguée à Saint-Germain-des-Prés et constitue un exemple qui mérite d'être signalé.

L'abbé Eusèbe Renaudot (1648-1720), théologien, liturgiste et orientaliste, avait dirigé à partir de 1679 la fameuse Gazette, fondée par son aïeul. Ses occupations de journaliste ne le détournèrent cependant jamais de sa passion pour l'Orient et sa littérature. En témoignent les très nombreuses notices de manuscrits orientaux qu'il rédigea pour la Bibliothèque du Roi et la Colbertine. Il s'était par ailleurs constitué, note G. Brice, dans La Description de Paris, Paris, 1713, p. 121-122, une « bibliothèque nombreuse et arrangée avec beaucoup d'art » dans son appartement de la rue Richelieu. Habitué de Saint-Germain-des-Prés, où il se fit du reste inhumer, Renaudot légua sa bibliothèque aux Mauristes. Cette bibliothèque, qui fut transférée dans l'abbaye quelques années après la mort de son propriétaire, était alors

riche de 9 000 volumes, dont plusieurs milliers d'imprimés, quelques manuscrits grecs et une collection de 316 volumes orientaux, surtout manuscrits, arabes, persans et turcs. S'il semble bien que l'incendie de 1794 détruisit malheureusement un très grand nombre des imprimés ayant appartenus à Renaudot, sa collection de manuscrits fut épargnée et nous est parvenue. Ces manuscrits provenaient, pour une part importante, de la collection du célèbre auteur de la Bibliothèque orientale, B. d'Herbelot, mort en 1695, dont les livres, d'abord rachetés par le Grand-Duc d'Etrurie, revinrent ensuite à Renaudot, qui devint ainsi possesseur d'une collection unique de textes musulmans (n° 127), scientifiques, historiques et littéraires. Parmi ceux-ci se trouvent les premiers textes en persan rapportés en Europe, vers 1590-1600, par les frères Vecchietti et des manuscrits se rapportant à la typographie médicéenne rassemblés par G.B. Raimondi. Renaudot avait aussi acquis des manuscrits de Claude Berault, professeur au Collège royal, mort en 1705. Mais bien d'autres volumes manuscrits de grand intérêt pour l'histoire musulmane, ainsi que de bonnes copies des textes littéraires arabes, persans et turcs, étaient aussi contenus dans cette bibliothèque.

Des collections orientales se trouvaient dans d'autres établissements parisiens, Saint-Victor, la Sorbonne, les Missions étrangères, les Jacobins de la rue Saint-Honoré, l'Oratoire, etc. L'Instruction sur la manière d'inventorier et de conserver, dans toute l'étendue de la République, tous les objets., signale en effet p. 57 que « les manuscrits arabes sont encore plus précieux que les livres. Il faudra les lier fortement ensemble, après les avoir bien battus, et les conserver avec le plus grand soin. On trouvera ces ouvrages, en général, dans les bibliothèques des ci-devant religieux missionnaires. Les Oratoriens en possèdent aussi plusieurs. ».

F. Richard

127

Coran Turquie. VIe s. – Papier. 324 ff., 260 x 165 mm. – Reliure ottomane XVIe s., dos refait au chiffre de

Napoléon Ier

Manuscrits orientaux. Arabe 482.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés (1796).

Bibl. : F. Déroche, Catalogue des manuscrits arabes. Les

Manuscrits du Coran, du Maghreb à l'Insulinde. Paris,

Bibliothèque Nationale. 1985. n° 474.

Exp. : Trésors d'Orient, Paris. Bibliothèque Nationale. 1972, n° 182.

Ce Coran fut copié au XVIe siècle en Turquie. Il s'ouvre sur une double page enluminée, où la première sourate et le début de la seconde sont copiés en nashï. le style calligraphique le plus utilisé pour le Coran du fait de sa lisibilité. Les versets, dans des nuages en réserve sur fond doré, sont séparés par de larges points dorés rehaussés de points rouges et bleus. Le titre des sourates et le nombre des versets sont inscrits en caractères tulut blancs

dans des mandorles polylobées, situées dans des bandeaux de part et d'autre du rectangle réservé au texte.

Au XVIe siècle, apparaît un nouveau style d'enluminure dans la partie orientale du monde musulman. L'arabesque prédomine. Répartie ici dans les bandeaux horizontaux et verticaux qui bordent le rectangle du texte, et dans la succession de cartouches de l'encadrement, elle se déploie avec ses motifs

127

floraux dans trois coupoles polylobées, aux bords extérieurs de chacune des deux pages, sur fond bleu ou or. Des filets fleuronnés bleus à longues pointes, alternant avec d'autres, rouges, au tracé discontinu, rayonnent autour de cet ensemble. Le bleu et l'or restent les couleurs de base, mais d'autres couleurs sont de plus en plus utilisées, et notamment le rouge. Il intervient ici dans l'encadrement, les

bandeaux de titre, et sur le pourtour de l'ensemble. Le décor floral fait appel à une palette plus pâle, hormis pour les feuilles, d'un orangé que l'on retrouve au bord extérieur de l'encadrement.

La reliure ottomane, du XVIe siècle, est inspirée de modèles iraniens. La mandorle centrale, à motifs de nuages stylisés, les écoinçons et les pendentifs ont été estampés à froid sur des pièces rapportées

dont le champ a été ensuite doré. L'encadrement est formé d'une bande décorée de nuages et d'arabesques, interrompue par des médaillons collés. Le manuscrit est entré à Saint-Germain-des-Prés avec la collection d'Eusèbe Renaudot.

M.G. Guesdon

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Kalîla wa Dimna, version arabe de cAbd Allâh ibn al-Muqaffac

Egypte ou Syrie, XIV' s. – Papier, 119 ff.,

300 X 230 mm.

Manuscrits orientaux. Arabe 3467.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés (1796).

Bibl. : C. Brockelmann, « Kalîla wa Dimna », dans Encyclopédie de l'Islam, 2e éd., Paris, Leyde. –

R. Ettinghausen, La Peinture arabe, trad. de l'anglais

par Y. Rivière, Paris, 1962, p. 153-155. – S. Walzer, « The Mamluk illuminated manuscripts of Kalîla wa Dimna », dans Aus der Welt der islamischen Kunst.

Festschrift für Ernst Kühnel, Berlin, 1959, p. 195-206. – Traductions françaises de A. Miquel : Ibn al-Muqaffac,

al-Muqaffac, Livre de Kalîla et Dimna, Paris, 1957. –

R. Khawwam : Abd Allah ibn al-Mouqaffa', Le

Pouvoir et les intellectuels ou les Aventures de Kalîla et

Dimna, Paris, 1985.

Kalîla wa Dimna est un recueil de fables d'animaux destinées à enseigner la sagesse aux princes. Il tient son nom de celui de deux de ses héros, les chacals Kalîla et Dimna. Ces fables provenant de diverses sources indiennes furent traduites du sanscrit en pehlevi à la demande du roi de Perse Anûsirwân (531-579). Vers 750, cAbd Allâh ibn al-Muqaffac, secrétaire des premiers califes abbassides, fit à partir du texte pehlevi une transposition arabe, augmentée de chapitres originaux. Le texte arabe fut par la suite traduit en de nombreuses langues. Le Directorium humanae vitae de Jean de Capoue dérive d'une version hébraïque. Une édition française de 1664 et une version grecque inspirèrent La Fontaine. Le chancelier Séguier qui avait ce manuscrit, était également en possession d'une traduction française de la version persane, que lui avait dédiée David Sahid d'Ispahan, imprimée à Paris en 1644 sous le titre Livre des lumières ou la conduite des roys par le sage Pilpay indien.

Très tôt, cet ouvrage donna lieu à des illustrations. Il fut l'une des sources d'inspiration favorites des miniaturistes arabes, en particulier ceux de la période mamelouke, qui réussissaient particulièrement les peintures d'animaux. Ce manuscrit, qui présente une marque datée de 8..? H/14..? à Alep, comprend 50 peintures, proches de celles d'un manuscrit conservé à Oxford et daté de 1354.

Kalîla wa Dimna se présente comme l'oeuvre du sage Bidpaï, composée à la demande du roi de l'Inde Dabsalîm, sous la forme de quatorze chapitres comprenant chacun une question et une réponse. Il s'agit en cette page d'illustrer les bienfaits de l'amitié et de l'entraide. Bidpaï raconte l'histoire de la Colombe au collier, dont fut témoin le Corbeau. Les colombes, prises dans un filet posé par un chasseur, ont réussi, en se prêtant aide mutuelle au lieu de se débattre de manière désordonnée, à enlever le filet dans les cieux. Elles se sont posées auprès du trou d'un rat, ami de leur souveraine, la Colombe au collier. En rongeant les mailles, le rat parviendra à délivrer les colombes du filet. M.G. Guesdon

129

Vie du sultan mamelouk al-Malik al-Mansûr [Qalâ'ûn], probablement de cAbd Allâh Ibn cAbd al-Zâhir.

Egypte, fin du XIIIe s. – Papier, 376 ff.,

270 x 210 mm.

Manuscrits orientaux. Arabe 1704.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés

(1795-1796).

Bibl. : Chroniques arabes, trad. par M. Reinaud, Paris, 1929 (Bibliothèque des Croisades). –

C. Brockelmann, Geschichte der Arabischen Literatur,

2e éd., Leyde, 1943-1948,1, p. 388 suppl., I, p. 551.

– Encyclopédie de l'Islam, II, Paris, 1927, p. 376. –

R. Grousset, Histoire des Croisades, Paris, 1936. –

G. Raynaud, Les Gestes des Chiprois…, Genève, 1887.

– Ed. Mourad Kamil, Le Caire, 1961.

Cette chronique relate des événements de 681 H/1282-1283, mort d'Abagha roi des Tartares de Perse, jusqu'à la mort du sultan Qalâ'ûn en 689 H/1290.

129

129

La Syrie franque est alors démantelée par les luttes intestines. Guillaume de Beaujeu, grand-maître du Temple (1273-1291), ambitionne de donner la couronne de Jérusalem à Charles d'Anjou, et ne porte aucune aide à la restauration monarchique d'Hugue d'Antioche-Lusignan, proclamé roi de Chypre en 1267 puis roi de Jérusalem en 1268. Le royaume de Jérusalem, avec Saint-Jean-d'Acre pour capitale, se borne à trois fiefs : Sidon, Beyrouth et Tyr.

Ce manuscrit reste une source importante et unique car plusieurs traités de paix entre le sultan et les francs, transcrits ici, n'ont pas été retrouvés dans les sources latines. Le traité avec la ville d'Acre en 1283 accorde l'usage d'une église aux chrétiens se rendant aux lieux saints ; le traité avec le roi d'Aragon et des Deux-Siciles et avec la République de Gênes en 689 H/1290 scelle une alliance ; une clause y met en évidence certaines données économiques comme l'exportation de produits divers, dont le fer et le papier « Bayâd », vers les territoires islamiques. Aux feuillets 220v-221 est copié le traité de 684 H/1285 entre Qalâ'ûn et la princesse de Tyr, Marguerite d'Antioche-Lusignan, morte en 1308. Fille d'Henri d'Antioche, mort en 1276, et soeur

d'Hugue III d'Antioche-Lusignan, mort en 1284, Marguerite fut mariée par lui à Jean de Montfort pour consolider l'union entre les deux villes franques d'Acre et de Tyr. Elle eut la régence de la ville après la mort de son mari.

Il est ici question des régions relevant de l'autorité du sultan d'Egypte et des villages du territoire de Tyr. Les revenus des terres soumises au partage seront distribués d'une manière égale, dans les monnaies ayant cours. Il est dit aussi que l'administration sera exercée en commun pour veiller à la bonne exécution du traité.

La copie très soignée émane bien d'un secrétaire de chancellerie « Kâtim al-sirr », historiographe du sultan. Les rosettes ponctuant le texte sont tracées au moyen d'une estampille, puis dorées, comme dans les Corans contemporains. Le papier présente les caractéristiques du papier de pur chiffon, servant aux actes officiels, car il interdisait les falsifications possibles sur les parchemins, utilisés toutefois en Occident à la même époque. Le manuscrit est entré à Saint-Germain-des-Prés avec la collection Coislin. Y. Sauvan

130

Aboû 1-Qâsem Ferdowsî

Shâhnâmeh (« Le Livre des rois »). Iran (Shirâz). 844 H/1441. – Papier. 558 ff.,

250 x 190 mm.

Manuscrits orientaux. Supplément persan 493.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor (1796).

Bibl. : E. Blochet. Catalogue des manuscrits persans de la

Bibliothèque Nationale, III, Paris, 1928. 1662. –

J. Mohl, trad., Le Livre des rois, Paris. 7 vol., 1838-1878.

1838-1878. I. Stchoukine, Les Peintures des manuscrits

tîmûrides, Paris, 1954, p. 46 et pl. XXXIII et

XXXVI.

C'est le premier manuscrit de la grande épopée persane de Ferdowsî (vers 932/ 934-1020), consacrée à l'histoire de l'Iran jusqu'à l'Islam, dont la présence en France soit attestée. A la date du 22 décembre 1708 en effet, dans son Journal, le célèbre orientaliste Antoine Galland pouvait noter : « Ce mesme matin […] on m'apporta un livre persien ms., gros in-4°, que l'on proposoit à vendre à la Bibliothèque de St-Victor, pour sçavoir quel livre c'estoit. C'estoit le Schahnameh, poème persien de soixante mille distiques de Ferdousin [sic], le plus célèbre des poètes persans, qui est mort l'an de l'Hégire 412 […]. Ce manuscrit n'estoit pas dans la Bibliothèque du Roi ». Galland n'indique malheureuse130

malheureuse130

ment ni son prix ni qui le vendit à Saint-Victor. Quelques gloses et marques en turc indiquent cependant qu'il venait de l'Empire ottoman.

Le manuscrit comporte cinquante-deux peintures, malheureusement souvent abîmées et retouchées. Il s'agit d'un très bel exemplaire dont la copie, réalisée en écriture Nastacliq, dans des encadrements d'un filet bleu et d'une bande dorée, est signée du calligraphe Yacqoub ibn cAbd ul-Karîm. Les peintures sont d'un style caractéristique qui permet de les rattacher à la production des ateliers de Shirâz, mais le nom du destinataire de l'exemplaire n'est pas connu. La peinture du f. 351 représente Alexandre le Grand (Eskandar) à cheval en train d'inspecter le travail des forgerons qu'il a chargés d'édifier un mur d'airain très dur destiné à séparer le pays de Gog et Magog (Djoudj-o Mâdjoudj) des territoires voisins, auparavant dévastés, et de leur rendre paix et prospérité. F. Richard

131

Zakariyâ b. Muhammad Qazvînî cAdjâyeb al-makhlouqât va gharâyeb al-mawdjoudât Iran, début du XVIe s. – Papier, 98 ff.,

255 x 175 mm. – Reliure persane, XVIIe s.

Manuscrits orientaux. Supplément persan 334.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés (1796). Bibl. : E. Blochet, Catalogue des mss. persans de la

Bibliothèque Nationale. II. Paris. 1912, 812.

Il s'agit ici du célèbre traité de cosmographie et de géographie sur les « Merveilles de la Création », rédigé en arabe par Zakariyâ b. Muhammad Qazvînî, qui vécut de 1203-04 à 1283. Aux feuillets 70v-71 de cette traduction persane anonyme, on peut voir, de droite à gauche, différentes plantes dont les noms sont écrits en rouge dans le texte : le blé, l'orpin, la mauve et la petite orge. Dérivant de modèles anciens stylisés, ces représentations ne sont plus guère réalistes. Le manuscrit, acéphale et incomplet de la fin, comporte la fin d'un chapitre sur les montagnes, orné de cinq peintures, un autre sur les arbres, avec près de quarante-cinq petites peintures, et

131

celui sur les plantes, qui en compte environ quatre-vingt-dix. Malheureusement celles-ci sont souvent découpées ou endommagées. Copié en écriture Naskhi, dans des encadrements formés d'un filet bleu et d'une bande dorée, le volume a été restauré et relié en Perse au XVIIe siècle, comme l'attestent des cachets visibles aux ff. 98-98v.

La date d'arrivée du manuscrit en France n'est pas connue. Il porte néanmoins une brève notice : « Traitté des plantes et des minéraux », d'une écriture qui rappelle celle du voyageur et antiquaire Paul Lucas (1664-1737) et, sur la première garde, une autre, un peu plus longue, due à Pierre Armain, interprète et orientaliste mort en 1757. A la différence de la totalité des autres manuscrits persans de Saint-Germain-des-Prés, qui viennent, pour quatre-vingt-onze d'entre eux, du legs de l'abbé Renaudot ou, pour les onze autres, du duc de Coislin, ce volume coté « 156bis » à Saint-Germain est un don de François Debure, « libraire-imprimeur (typographus) de cette maison », membre de la très célèbre famille des libraires parisiens Debure ou de Bure.

131

Un François de Bure avait été reçu libraire à Paris en 1730. Il peut s'agir de lui, ou du fameux bibliographe Guillaume-François de Bure. F. Richard

132

Bâqî, poète ottoman Divan (recueil de poésies)

Turquie. 1595. – Papier. 106 ff.. 205 x 125 mm. – Reliure turque cuir brun estampé et doré.

Manuscrits orientaux. Supplément turc 456.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés

(1795-96).

Bibl. : H. Omont, Missions archéologiques en Orient,

Paris, II. p. 1193-1194.

Exp. : Vers l'Orient. Paris, Bibliothèque Nationale,

1983, n° 44.

Bâqî (1526-1600), surnommé en son temps le « Sultan des poètes », est le plus grand représentant de la poésie lyrico-mystique ottomane. Il existe de nombreuses copies de ses oeuvres, mais cet exemplaire de son Divan, outre le fait qu'il fut copié du vivant de l'auteur, présente un double intérêt.

Soulignons la beauté de l'ouvrage d'abord, tant pour la poésie et la langue

132

que pour l'exécution de l'objet-livre lui-même : papier de couleurs, où alternent le blanc, le beige, le rose, le jaune avec des marbrures à dominante rose ou bleue, préparation de la feuille, mise en page, encadrements, calligraphie, recherche d'un effet d'ensemble, cohérence et harmonie dans la variété. De ce manuscrit, témoin de la qualité artistique des oeuvres produites à l'époque du sultan Mourad III (1575-1595), émane une beauté discrète, à laquelle s'accordent les deux vers précédant le colophon, où le premier possesseur a dissimulé son nom, Hasan ou Huseyn :

« Sous le signe de la beauté [Hasan], à nouveau se produit dans le ciel la conjonction des deux astres heureux [Jupiter et Vénus] ; tous deux sont brillants, l'un est beau [Huseyn] et courageux, l'autre est belle et pleine de grâces ».

Enfin on peut reconstituer le cheminement de cet exemplaire, grâce aux marques qu'il porte, depuis l'atelier du copiste jusqu'à son entrée à la Bibliothèque Nationale. Copié en 1003 de l'hégire (1595), soit cinq ans avant la mort de l'auteur, il appartint à plusieurs personnes dont les cachets figurent sur les premières pages : Ahmet (cachet daté de 1005 de l'hégire/1597), Mahmud. Envoyé de Constantinople par l'ambassadeur de France, Denis de La Haye-Ventelet, vers 1665, il porte au recto du premier feuillet de garde la marque suivante : « Poésie turque. Livre estimé par les Turcs », et la mention de la main de Hardy : « Livre de poésie en langue turque, d'amour, cotté H », au f. 106v. Il entra dans la bibliothèque du chancelier Séguier, passa dans celle de Coislin en 1672, puis dans celle de Saint-German-des-Prés en 1721. C'est le n° 9 de l'inventaire conservé dans le manuscrit français 13018, f. 30-31v : « Manuscrits arabes, turcs et persans trouvez dans une caisse de bois du celle, ils avoient esté donnez par M. le comte [Loménie] de Brienne, auquel ils avoient esté donnez par M. de La Haye-Ventelet, ambassadeur à la Porte. 9. Livre de poésie en turc, traitant d'amour, cotté H. prisé 1011 ». A. Berthier

Sciences

La relative pauvreté des maisons religieuses dans le domaine des sciences déçut probablement les révolutionnaires, qui respectaient beaucoup ces disciplines et les pratiquaient avec passion et succès.

On trouva bien sûr des livres scientifiques dans les collections nationalisées, mais bien peu étaient des textes contemporains.

133

Aristote

[OEuvres en grec, tome III]

Venise, Alde Manuce, 1497. In-folio.

Imprimés. Rés. Vélins 1471.

Prov. : Chanoines de Saint-Sauveur de Bologne

(1797).

Bibl. : Gesamtkatalog, II, n° 2334. – Renouard, Annales des Aldes, VII, 16. – M. Sicherl, Handschriftliche

Vorlagen der Editio princeps des Aristoteles, 1976, 8. –

Van Praet, III, 6.

Exp. : Le Livre, Paris, Bibliothèque Nationale, 1972,

n° 535.

Cette première édition des oeuvres d'Aristote en grec est une des plus fameuses productions de l'atelier d'Alde Manuce. Financée par l'ancien élève d'Alde, le prince de Carpi Alberto Pio, elle fut l'occasion d'un important travail d'établissement du texte par une équipe d'hellénistes autour de Niccolò Leoniceno. Alde fit également réaliser pour elle une nouvelle fonte de caractères, dits « caractères de l'Aristote », qui fixa pour longtemps le modèle de la typographie grecque. Il s'agissait ainsi d'une réalisation exceptionnelle par l'ampleur de l'investissement consenti, la qualité technique de l'impression, et la nouveauté d'un texte contemporain des débuts de l'enseignement d'Aristote en grec dans les universités italiennes, au premier chef celle de Padoue.

L'exemplaire dont nous présentons ici un volume provient de la bibliothèque des chanoines de Saint-Sauveur, à Bologne. Cette bibliothèque, fondée au début du XIVe siècle, était surtout fameuse pour sa collection de manuscrits, dûment décrite par Mabillon dans son Iter Italicum, et dont le catalogue avait été publié en 1695. Les commissaires chargés

de l'application du traité de Tolentino dans les Etats pontificaux choisirent donc aisément 506 manuscrits, sur 921, mais aussi un nombre inconnu d'imprimés. La moisson dut être abondante puisqu'aujourd'hui encore sont conservés à la Bibliothèque Nationale une vingtaine d'incunables en provenance de Saint-Sauveur.

En saisissant cet alde, les commissaires français suivaient à la lettre les instructions du Comité d'Instruction publique qui leur enjoignait de rassembler toutes les productions aldines. On doit relever qu'il s'agissait là d'un goût

133

relativement nouveau parmi les savants et les amateurs français de la fin du XVIIIe siècle, ainsi qu'en témoigne la préface donnée en 1803 par Antoine-Augustin Renouard à ses fameuses Annales des Aldes où il mentionne : « . Les éditions aldines, autrefois négligées en France autant que depuis quelques années elles y sont recherchées »(II, p. XVI). La Bibliothèque du Roi possédait déjà deux exemplaires complets de cette édition, dont un sur vélin relié aux armes d'Henri II.

L'exemplaire de Saint-Sauveur, incomplet du premier volume, était également sur vélin, ce qui constituait un second motif de saisie, mais son intérêt tient surtout aujourd'hui à son décor enluminé. On trouve dans les encadrements, les bandeaux et les lettrines réalisés pour lui, une sorte de résumé du vocabulaire décoratif des enlumineurs de Vénétie, tel qu'il était pratiqué depuis le milieu du XVe siècle. On remarquera en particulier les capitales « prismatiques », à l'antique, entrelacées de cordons sur fond doré, et les archaïques bianchi girari (rinceaux blancs). L'impression générale est d'une accumulation de motifs ne correspondant plus à une nécessité stylistique mais au désir de donner aux volumes un aspect fastueux. Sans doute exécutées à Venise, ces enluminures devraient être étudiées de plus près, notamment en les rapprochant des autres aldes enluminés pour l'imprimeur par un atelier qu'on a souvent proposé d'identifier comme étant celui de Benedetto Bordon.

F. Dupuigrenet

134

Pline l'Ancien

Histoire naturelle

Vénétie ou Frioul, 1456. – Parchemin, 428 ff., 420 X 210 mm. – Reliure veau raciné au chiffre de la B.N. (vers 1799).

Manuscrits. Latin 9325.

Prov. : Biblioteca Guarneriana à Saint-Daniel du

Frioul (1798).

Bibl. : L. Cassarsa, « Gli inventari antichi della biblioteca guarneriana di San Daniele del Friuli », dans Universita degli Studi di Trieste, Miscellanea, V,

(1984), p. 133-202.

Exp. : Dix siècles d'enluminure italienne, Paris,

Bibliothèque Nationale, 1984, n° 110. – Mostra di codici humanistici di biblioteche Friulane, Florence,

Biblioteca Medicea-Laurenziana, 1978.

Ce manuscrit appartient à un groupe d'une douzaine de copies de textes classiques, pères de l'Eglise ou auteurs antiques, calligraphiées par le scribe Battista Rainaldi da Cingoli pour Guarnerio d'Artegna. Ces volumes très soignés, exécutés sur parchemin, présentent une décoration à « bianchi girari », inventée à Florence pour ce genre de manuscrits ; ils contrastent avec les exemplaires sur papier qu'utilisaient le plus souvent les humanistes italiens.

Il s'agit ici de l'Histoire naturelle de Pline, vaste compilation de plus de deux mille ouvrages, dédiée à l'empereur Titus. Son intérêt réside dans le panorama complet qu'elle offre, entre autres sciences de la nature, de l'art antique. Né à Côme vers 23 ou 24, Pline l'Ancien, officier de cavalerie, avait parcouru avec l'armée romaine tout l'empire, de la Germanie à la Syrie. Il connut une fin tragique : le 24 août 79, il se fit conduire de Naples où il habitait à Stabies, par curiosité autant que pour porter secours aux victimes de l'éruption du Vésuve, et y mourut asphyxié soit par les vapeurs de soufre soit par une crise d'apoplexie.

Déjà très apprécié au Moyen Age, Pline connut un regain d'intérêt auprès des humanistes italiens, et il figurait en bonne place dans leurs bibliothèques, comme dans celle de Guarnerio d'Artegna. Cet érudit, né à Artegna près d'Udine, était docteur en droit, protonotaire apostolique et chanoine d'Aquilée et d'Udine. Curé de la paroisse Saint-Michel-Archange de Saint-Daniel du

134

Frioul, il testa en 1466 en faveur de la

fabrique de cette église, créant ainsi la

Biblioteca Guarneriana. C'est là qu'en

1797 les commissaires de la République

vinrent prendre les volumes aujourd'hui

conservés à la Bibliothèque Nationale.

M.P. Laffitte

135

Nicandre

Theriaca

Xe s. – Parchemin, 48 ff., 160 x 125 mm.

Manuscrits. Supplément grec 247.

Prov. : Abbave de Saint-Germain-des-Prés (1795). Bibl. : H. Bordier. Description des peintures. dans les

manuscrits grecs de la Bibliothèque Nationale, Paris. 1883. p. 175-178. – Z. Kadar. Survivals of Greek zoological

Illuminations in Byzantine Manuscripts, Budapest, 1978, p. 37-51, pl. I-XIX. – K. Weitzmann, Studies in

Classical and Byzantine Manuscript Illumination, Chicago, 1971, p. 35-38, 141-143, 186.

Exp. : Byzance et la France médiévale, Paris, Bibliothèque Nationale, 1958, n° 3. – Splendeur de Byzance,

Bruxelles, 1982, p. 56.

Traité médical consacré aux morsures de serpents et aux différents remèdes qui en guérissent, les Theriaca ont été composés au IIe siècle avant notre ère par l'alexandrin Nicandre de Colophon. Mais la culture byzantine a préservé les connaissances scientifiques de l'Antiquité, en continuant à les utiliser, comme le montre cette copie manuscrite du Xe siècle, au format d'un livre de poche, facile à consulter et abondamment illustré.

Illustration rapide, imitée de l'antique, dont la visée est d'abord scientifique : elle propose au fil des descriptions de multiples images de serpents venimeux, de scorpions ou de lézards, et de plantes aux vertus curatives. Pourtant certaines scènes plus complexes, où interviennent des figures humaines, sans correspondance exacte avec le texte, sortent des limites habituelles de l'herbier. Ce sont là sans doute des additions dues aux peintres byzantins : elles dérivent toujours de modèles classiques, mais appartiennent à d'autres traditions iconographiques, comme celle des recueils mythologiques ou des poèmes bucoliques.

Ainsi les images ont-elles tendance à circuler d'un texte à l'autre (K. Weitzmann le démontre à propos d'une scène, f. 47, visiblement inspirée d'une Gigantomachie), et les derniers feuillets du livre en témoignent : une double page (ff. 47v-48) évoque des paysans se promenant dans un jardin paisible d'où tout danger est écarté (au f. 47v, un ultime serpent se perd dans les nuages). Le dessin et les couleurs rappellent l'art alexandrin et les fresques hellénistiques : le prétexte scientifique disparaît au profit d'un moment de pure peinture, dans un cadre d'idylle champêtre.

Acquis par l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés en novembre 1748, et catalogué sous le n° 885 (voir ff. 1 et 2), le manuscrit entre à la Bibliothèque Nationale le 6 décembre 1795 il figure sur le

135

bordereau établi ce jour-là (15 frimaire de l'an IV) pour les manuscrits grecs du fonds de Saint-Germain (cf. nouv. acq. fr. 5794, ff. 12-49). M.O. Germain

136

Euclide

Eléments de géométrie

Ann. 1537. – Papier, 119 ff., 164 X 108 mm.

Manuscrits. Supplément grec 186.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor (1796).

Bibl. : E. Legrand, Bibliographie hellénique, I, Paris,

1885, p. CLXXVI. – H. Omont, Les Manuscrits grecs de Fontainebleau sous François Ier et Henri II, Paris, 1889, p. V.

Exp. : Le Livre, Paris, Bibliothèque Nationale, 1972, n° 539.

Depuis l'époque de leur composition, au IIIe siècle avant J.-C., les oeuvres d'Euclide n'ont cessé d'être enseignées, commentées et copiées. Ce manuscrit du XVIe siècle en contient trois (Elementa, Catoptrica, Opticorum recensio Theonis), dont les fameux Eléments de géométrie : c'est là que le mathématicien alexandrin a posé les principes de la science géométrique, avec une rigueur et une finesse toute hellénique.

Ecriture élégante et décoration soignée (bandeaux à rinceaux et initiales, au

carmin parfois rehaussé d'or) : l'ouvrage est dû à un copiste de grand renom, Ange Vergèce ; la souscription du f. 116 indique qu'il fut réalisé à Rome, en 1537, dans la maison de Georges de Selve, évêque de Lavaur, et ambassadeur de François Ier. Ange Vergèce, qui était d'origine crétoise, avait fait sa connaissance à Venise ; il l'accompagna à Rome, puis en France en 1538 de Paris, il gagna Fontainebleau, où il se mit au service de la Bibliothèque royale, cataloguant, avec Constantin Palaeocappa, la collection de manuscrits grecs qui s'accroissait constamment, tout en continuant à exercer son métier de copiste.

Son manuscrit appartint à Antoine Neau, seigneur de Nully (cf. f. Iv, la mention de don en date de 1660), qui le remit à l'Abbaye de Saint-Victor : le volume figure dans un ancien catalogue de la Bibliothèque royale recensant les livres de cette abbaye (nouv. acq. fr. 5490, f. 166). M.O. Germain

136

Philosophes

Morale, philosophie, politique, sociologie sont à l'honneur dans le classement de Thiebault, où une rubrique est d'ailleurs réservée à

« toutes les maximes de la morale ». Peut-être pensait-il à Fénelon en écrivant ces lignes (n° 141).

137

Xénophon OEuvres. Xenophontis. quae extant opera. Annotationes Henrici

Stephani, multum locupletatae. – Editio secunda, ad quam esse factam maximam diligentiae accessionem. [Genevae], Henricus Stephanus, MDLXXXI [1581]. – [12J-584-76 p., in-folio.

Imprimés. J. 658.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, puis

bibliothèque du Tribunat.

Bibl. : A.A. Renouard, Annales de l'imprimerie des

Estienne, Paris, 1843 (réimpr., 1971).

Sources : Manuscrits. Nouv. acq. fr. 3178, « Extrait du Catalogue de la bibliothèque du Tribunat, contenant l'état des ouvrages qui manquent dans la

Bibliothèque impériale »(1808).

Ce Xénophon présente, dans cette revue des enrichissements de la période révolutionnaire, un cas un peu particulier. Provenant incontestablement de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, dont il porte l'ex-libris manuscrit (« ex libris Congre-gationis Sancti Mauri Ordinis Sancti Benedicti. emt. an. 1687. Monast. S. Germani a Pratis ») et l'estampille, il a dû transiter comme d'autres imprimés sauvés de l'incendie du 19 août 1794 (faut-il y voir l'origine des traces d'humidité ?) par le dépôt des Cordeliers. Attribué à la bibliothèque du Tribunat, à sa création sans doute, donc au moment de la Constitution de l'an VIII, au tout début de 1800, il est venu rejoindre les collections de la Bibliothèque impériale en 1808, après la suppression du Tribunat par Napoléon le 19 août 1807.

Le nombre de livres imprimés provenant de Saint-Germain-des-Prés et retenus par la Bibliothèque Nationale est

137

fort restreint à en croire les registres des Dépôts littéraires. Or plusieurs livres de cette provenance figurent aujourd'hui dans les collections de la Bibliothèque Nationale, mais y sont entrés plus tardivement. Cette entrée du Xénophon, en 1808, en plein règne de Van Praet, relève toutefois pleinement de la logique des enrichissements révolutionnaires.

Les collections que la Bibliothèque impériale a pu récupérer à la bibliothèque du Tribunat sont connues par le manuscrit nouv. acq. fr. 3178 ; on y trouve bien

des ouvrages français des années 1780 et 1790 qui avaient échappé au Dépôt légal. Et on sait que, à côté des incunables et des vélins, les livres français des dernières décennies du XVIIIe siècle apparaissent avec régularité dans les prélèvements effectués par la Bibliothèque Nationale dans les dépôts littéraires. Ce Xénophon, à l'apparence somme toute bien modeste, est lui aussi révélateur. Cet exemplaire de travail, annoté et fatigué, passait après le bref intermède du Tribunat, du plus grand centre de l'érudition du XVIIIe siècle, dans cette bibliothèque à qui la Révolution offrait l'occasion de devenir, pour les deux siècles à venir au moins, l'héritière des grandes bibliothèques d'abbayes du Moyen Age et de l'Ancien Régime. On tient ici un bel exemple d'un choix où le bon texte a été plus déterminant que le beau livre ; comme l'écrit Renouard, « moins belle que l'édition de 1561, celle-ci [de 1581], d'un texte plus épuré et avec de plus nombreuses notes, lui est de beaucoup supérieure ».

R.J. Seckel

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Octovien de Saint-Gelais

Le Séjour d'Honneur

France. 1508-1510. – Parchemin. 173 ff.

330 x 240 mm. – Reliure chagrin rouge.

Manuscrits. Français 12783.

Prov. : Bibliothèque de la ville de Lyon (1794).

Bibl. : H. Guy, « Octovien de Saint-Gelays. le Séjour

d'Honneur », dans Revue d'Histoire littéraire de la France, XV (1908), p. 193-231. – O. Lemaire, « Note sur la

datation du Séjour d'Honneur d'Octovien de Saint-Gelais ». dans Romania, CII (1981), p. 239-249. –

H.J. Molinier. Essai biographique et littéraire sur Octovien

de Saint-Gelays., Rodez, 1910.

Rédigé entre 1489 et 1494, ce poème de près de 9 000 vers est d'abord une supplique de son auteur au jeune roi Charles VIII, pour obtenir un siège épiscopal. Mais c'est aussi, à la manière de Jean de Meung ou de Dante, un parcours initiatique à l'usage des jeunes seigneurs et une chronique de la cour de France, telle que la vit Octovien de Saint-Gelais. Il était né près de Cognac en 1468, dans une famille qui à cause de ses alliances avec les Lusignan, prétendait aussi descendre de la fée Mélusine, et qui compta plusieurs courtisans habiles et ambitieux. Avec Jean Marot et Pierre Gringore, il fit partie des rhétoriqueurs, et écrivit plusieurs pièces de circonstance, qui lui valurent une grande renommée, bien passée depuis.

Charles VIII, dédicataire du texte, en est le personnage central, Honneur. Ses armes, France et Jérusalem, figurent dans l'une des peintures du manuscrit, accompagnées de la devise de l'ordre du Croissant, auquel le roi était très attaché. D'autres blasons, comme ceux des cardinaux de Foix et de Bourbon, cités par Octovien, sont ajoutés dans les marges.

Mais l'écu le plus fréquent est celui du commanditaire du manuscrit présenté ici : celui-ci, Edmond de Prie, seigneur de Buzançais, devint en 1508 comte de Dammartin : il avait en effet épousé Avoye de Chabannes, comtesse de Dammartin, petite-fille de Jeanne de France, qui était elle-même enfant naturelle de Louis XI. Dans les marges de la scène de dédicace, les armes des Dammartin, un fascé à la bordure de gueules, sont partout présentes, écartelées des armes de toutes les familles alliées à Edmond de Prie. Les mêmes blasons et le même style de peintures encadrées de motifs Renaissance, intéressant mais un peu stéréotypé et négligé, se retrouvent dans d'autres manuscrits exécutés pour Edmond de Prie, mort en 1510. Certaines marges fleuries s'inspirent de Jean Bourdichon.

Ce manuscrit avait été légué au Collège des jésuites de Lyon par Camille de Neufville de Villeroy, archevêque de Lyon et grand bibliophile, mort en 1693. Après l'expulsion des jésuites en 1762, la bibliothèque du Collège de La Trinité fut

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remise, murs compris, à la ville de Lyon. Notre volume y fut saisi en 1794, pour être transporté à Paris. M.P. Laffitte

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Blaise Pascal

Les Pensées

Manuscrits. Français 9202-9203.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés (1795-1796).

(1795-1796).

Bibl. : Original des Pensées de Pascal. Fac-sim, du

ms. 9202. texte impr. en regard et notes de

L. Brunschwicg, Paris, 1905. – Le Manuscrit des

Pensées de Pascal, ff. aut. reclassés dans l'ordre de la

copie, éd. L. Lafuma. Préf. de J. Guitton. Paris. 1962 (photogravure). – B. Pascal, Pensées, éd. sur le ms.

aut. par L. Brunchwicg. Paris, 1925 (collection des

Grands Ecrivains de la France. XII. XIII et XIV).

– B. Pascal, Pensées, éd. paléographique des mss.

originaux (fr. 9202) par Z. Tourneur. Paris, 1942. – B. Pascal, Pensées sur la religion et quelques autres sujets,

éd. L. Lafuma. Paris. 1951. – B. Pascal. Pensées, éd. Z. Tourneur et D. Anzieu. Paris, 1960 (bibliothèque de Cluny). – B. Pascal, Pensées, éd. M. Le Guern.

Paris. 1977 (important index), – B. Pascal. Pensées, éd. F. Kaplan, Paris. 1982. – P. Ernst, Approches

pascaliennes. L'unité et le mouvement, le sens et lafonction de chacune des 27 liasses titrées. Préf. de J. Mesnard.

Gembloux, [1970]. – A.R. Pugh. The Composition of Pascal's Apologia, Toronto, 1984. – H. Gouhier,

B. Pascal, conversion et apologétique, Paris, 1986. –

L.M. Heller et J.M. Ric. Pascal, thématique des Pensées, Paris. 1988.

Exp. : M.T d'Alverny. Blaise Pascal, Paris,

Bibliothèque Nationale, 1962. n° 290 (le

« Mémorial »), n° 521 (fr. 9202) et n° 522 (fr. 9203).

On sait que la seconde conversion de Blaise Pascal eut lieu dans la « nuit » du

23 novembre 1654 (cf. le « Mémorial » exposé ci-après).

Après la guérison miraculeuse de sa nièce Marguerite Périer (miracle de la Sainte-Epine, 24 mars 1656) et répondant à des préoccupations antérieures, Pascal avait décidé de composer une « Apologie de la religion chrétienne » afin de « réfuter les principaux et les plus forts raisonnements des athées »(Gilberte Périer-Pascal dans la Vie de Monsieur Pascal). Il y travailla pendant les dernières années de sa vie, en dépit de sa maladie, et donna sur ce sujet, en utilisant une partie des notes qu'il avait constituées en liasses,

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une conférence à Port-Royal en 1658. Le plan de cette conférence a été exposé, avec plus ou moins d'exactitude, dans le Discours sur les Pensées de Pascal, rédigé en 1667 et publié en 1672 par Filleau de la Chaise et repris dans la préface de l'édition de Port-Royal (1670). A sa mort, le 19 août 1662, les héritiers de Pascal trouvèrent une masse de papiers d'un maniement et d'une transcription difficiles. Le « Comité de Port-Royal » se mit presque aussitôt à l'oeuvre avec des préoccupations très proches de celles des éditeurs scientifiques de notre époque. Depuis trois cents ans, ses nombreux successeurs ont continué à travailler sur les Pensées, c'est-à-dire, pour l'essentiel, sur le recueil original (fr. 9202) et la première copie (fr. 9203). Ces deux volumes sont venus rejoindre, au début de 1796, la seconde copie, dite de Gilberte Périer (français 12449), qui avait été donnée à la Bibliothèque du Roi, le 14 avril 1779, par Guerrier de Bezance, neveu de Pierre Guerrier, oratorien, cousin de Marguerite Périer.

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Le Recueil original des Pensées Papier, feuillets A-E et 498 pp., 430 X 280 mm. – Reliure parchemin vert.

Manuscrits. Français 9202.

Il présente l'intérêt incomparable de nous fournir le texte autographe de la plus grande partie des fragments. Mais le classement originel a été modifié entre 1662 et 1731, dans la mesure où l'on peut parler de classement pour des papiers retrouvés tous ensemble enfilés en diverses liasses, « sans aucun ordre et sans aucune suite » si l'on en croit la préface d'Etienne Périer pour l'édition de Port-Royal. Ces papiers, apportés de Paris au château de Bienassis près de Clermont par Gilberte Périer en 1664, passèrent après sa mort (1687) sous la garde de l'abbé Louis Périer, son second fils. Celui-ci, pour en assurer la conservation, les fit rogner et coller sur de grandes feuilles aux filigranes de trois moulins d'Auvergne, soit en tout 41 cahiers de 3 à 10 feuilles raisin pliées in-folio et totalisant 496 pages. Ces cahiers furent déposés, brochés, par Louis Périer à l'abbaye

l'abbaye Saint-Germain-des-Prés le 25 septembre 1711. En 1731, le manuscrit fut relié en parchemin vert, tel qu'il se trouve aujourd'hui. Cette opération modifia encore l'ordre des cahiers et ce n'est qu'alors que la pagination fut faite.

Le Recueil original nous restitue le spectacle du philosophe prenant ses notes sur de grandes feuilles de papier, plaçant une petite croix devant chacun des fragments et les séparant d'un trait de plume. Ces traits lui permettaient ensuite de découper les fragments pour les rassembler et les enfiler en liasse. Quelque deux cents trous d'enfilure témoignent encore de l'existence de ces « colliers de pensées »(Jean Guitton). Une partie de ces brouillons, surchargés de ratures et de corrections successives, est étrangère à l'Apologie, qu'il s'agisse de méditations sur divers sujets, de notes prises en vue d'autres ouvrages ou de notes de lectures. Rien ne permet d'affirmer que c'est là un état définitif mais les manuscrits littéraires et plus encore les brouillons sont exceptionnels au XVIIe siècle : on se débarrassait souvent du manuscrit une fois l'impression achevée. Avec le manuscrit original des Pensées, ainsi que l'a justement écrit Michel le Guern, « nous n'avons pas l'oeuvre mais nous avons l'atelier ». La première édition réalisée sur ce recueil fut celle de Prosper Faugère en 1844.

On a présenté ici le célèbre fragment sur « les deux infinis ».

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La Première copie des Pensées

Papier, 472 pp., 350 X 230 mm. – Reliure demi-parchemin vert.

Manuscrits. Français 9203.

La préface de l'édition de Port-Royal, rédigée par Etienne Périer, nous apprend qu'après avoir pris possession des fragments, « la première chose que l'on fit fut de les faire copier tels qu'ils étaient et dans la même confusion qu'on les avait trouvés ». C'est ce document qui a été utilisé (avec le français 12449 cité plus haut) par le Comité de Port-Royal. Elle comprend trois parties :

– 27 chapitres titrés correspondant chacun à une liasse (p. 1-190),

– une deuxième partie appelée « papiers non classés » dans l'édition Lafuma mais dont les fragments sont répartis en « séries », chacune transcrite sur un cahier distinct (p. 191-430),

– une troisième partie qui contient trois séries de textes groupés sous le titre « Miracles », notes prises, selon Lafuma, de 1656 à 1657, au moment où Pascal songe à intervenir dans la polémique sur le miracle de la Sainte-Epine (p. 431-472).

Le recueil s'ouvre par une table des matières de 28 titres, qui doit reproduire une table établie par Pascal lui-même (un titre est rayé et un autre ne correspond à aucune liasse).

Sous la table, une note autographe de Jean Guerrier précise : « S'il arrivait que je viens à mourir il faut faire tenir à St Germain des prez ce présent cahier pour faciliter la lecture de l'original qui y a été déposé. Fait en l'abbaye de St Jean d'Angely ce 1er avril 1723 ».

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Cette copie qui rend compte de l'état initial des manuscrits pascaliens a été utilisée par Zacharie Tourneur (édition de Cluny) et par Louis Lafuma.

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Le « Mémorial », écrit par Pascal dans la nuit du 23 novembre 1654.

Papier, 350 X 210 mm.

Manuscrits. Français 9202, f. D.

Après la mort de Pascal, on retrouva dans la doublure de son pourpoint un papier écrit de sa main, plié à l'intérieur d'un parchemin où il avait recopié le même texte. Le parchemin a été perdu, le papier a été relié au début du Recueil original des Pensées (f. D), avec une copie du parchemin (f. E) portant deux lignes absentes du papier, mais qui auraient figuré sur le parchemin (cf. H. Gouhier, Blaise Pascal, Commentaires, Paris, 1984, p. 367-387). M. Sacquin

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François Salignac

de La Mothe-Fénelon

Explication des Maximes des saints sur la vie intérieure

Paris, chez Pierre Aubouin, Pierre Emery et Charles

Clousier, 1697.

Exemplaire interfolié de Fénelon.

Papier, 272 pp., 175 X 110 mm. – Reliure veau

raciné.

Manuscrits. Français 13241.

Prov. : Bibliothèque de la Sorbonne (1796).

Bibl. : Fénelon, OEuvres, éd. par J. Le Brun, Paris,

1983,1 (Pléiade). – J. Orcibal, « Le Procès des

Maximes des Saints devant le Saint-Office », dans

Archivio italiano per la storia della pietà, Rome, V (1968),

p. 409-536. – A. Cherel, Fénelon au XVIIIe s. en France

(1715-1820)., Paris, 1917 [Reprint Genève, 1970].

Publiée en 1697, l'Explication des Maximes des saints est le plus important des écrits justificatifs de Fénelon pendant la crise quiétiste et sa controverse avec Bossuet. Cet affrontement se termina en 1699, par la condamnation de Fénelon arrachée à Innocent XII par Louis XIV et Bossuet.

Il faut rappeler quelques faits. Fénelon a rencontré Mme Guyon en octobre 1688 chez la duchesse de Béthune-Charost

Béthune-Charost c'est alors que débute leur correspondance. Fénelon demeure réservé : il jouit de la confiance de Mme de Maintenon, il joue le rôle de directeur spirituel à Saint-Cyr, et reste proche des dévôts, en particulier des ducs de Chevreuse et de Beauvilliers et de leurs épouses, les filles de Colbert. Mais il est peu à peu amené à s'en éloigner au fur et à mesure que sa spiritualité le rapproche de celle de Mme Guyon. Dans l'été 1694 ont lieu les entretiens d'Issy provoqués par Mme Guyon qui voulait, par un examen de sa doctrine, voir se dissiper les rumeurs. Y participent Bossuet, L.A. de Noailles, évêque de Châlons puis de Paris et Tronson, supérieur de Saint-Sulpice. Fénelon, que ses écrits pour Saint-Cyr ont rendu suspect, commence à préparer une justification et rédige plusieurs traités et mémoires destinés à appuyer sa spiritualité sur les Pères de l'Eglise et divers auteurs spirituels. Le 4 février 1695, il est nommé à Cambrai, éloignement voulu et

provoqué par Mme de Maintenon. Dès les premiers jours de mars 1695, les 34 articles sont signés : acceptés par toutes les parties, ils visent à établir la véritable doctrine de la spiritualité. Chaque partie interpréta en fait ce texte dans le sens qui lui convenait. Fénelon rédigea d'abord une « Explication des articles d'Issy » avant de publier fin janvier 1697 l'« Explication des Maximes des saints ».

Dès la sortie de son livre, Fénelon avait ajouté une liste d'errata aux exemplaires restants. Par ailleurs, il porta très tôt sur un exemplaire interfolié de l'édition originale des additions et corrections destinées, d'une part, à atténuer sa pensée, par l'adjonction d'adverbes par exemple, pour éviter les interprétations erronées et, d'autre part, à appuyer sa démarche sur des autorités reconnues comme saint Clément d'Alexandrie, saint François de Sales et, de plus en plus au fur et à mesure des corrections successives, saint Bernard. La succession de ces

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modifications du texte est difficile à établir, l'écriture de Fénelon n'ayant guère évolué en quelques mois. On la distingue mieux lorsque sur une même page sont surajoutées les unes aux autres plusieurs corrections, comme c'est le cas pour les deux pages exposées ici : sur la page de gauche, on voit « le salut en lui-même » remplacé par « les désirs désintéressés du salut » et sur la page de droite des références à saint Thomas et au cardinal Bellarmin viennent s'ajouter à celles à saint François de Sales, déjà présent dans l'édition originale. Cet exemplaire annoté avait à l'évidence pour but une réédition. Mais Bossuet ayant déplacé le débat, avec sa Relation sur le quiétisme (1698), du terrain de la doctrine à celui des moeurs, Fénelon préféra répliquer par une réponse à La

Relation sur le quiétisme (juillet 1698) plutôt que par une édition corrigée qui eut ressemblé à un désaveu de l'édition originale.

Cet exemplaire, unique autant que précieux, fut déposé à la Sorbonne en 1785 par la marquise de Créqui et arriva à la Bibliothèque Nationale en 1796. Nul doute que Fénelon y trouva un accueil favorable. La condamnation pontificale de 1699, et l'opposition à « l'inflexible Bossuet »(S. Mercier), la vulgarisation des idées féneloniennes par le chevalier de Ramsay, la popularité du Télémaque, perçu comme utopique et prérousseauiste, avaient accrédité la légende d'un Fénelon homme des lumières et tolérant, penseur politique et chrétien préromantique qui fit oublier son zèle à convertir

protestants et libertins, sa revendication de l'infaillibilité de l'Eglise et son rôle dans la préparation de la bulle Unigenitus. Pour Sébastien Mercier par exemple, il reste le rival de Bossuet, « son vainqueur doux et modeste, cet aimable, ce sensible Fénelon ; auteur de Télémaque et de plusieurs autres ouvrages que nous [les hommes de l'an 2440] avons soigneusement conservés parce qu'on y trouve l'accord heureux de la raison et du sentiment »(L'An 2440, Reprint Genève, 1979, p. 327-328). Signalons que le Télémaque, avec les autres manuscrits de Fénelon, fut restitué à la famille Salignac de la Mothe Fénelon avant que Dom Poirier en eut achevé le classement. M. Sacquin

Mémorialistes

Un Rapport sur les manuscrits appartenans à la Nation, daté du 20 brumaire an III (10 novembre 1794) et signé de Langlès, garde des manuscrits orientaux, du libraire Barrois, de Dom Poirier et d'Ameilhon, souligne l'intérêt des manuscrits jusqu'alors inconnus, parce que conservés avant la Révolution dans des « bibliothèques fermées aux curieux ». A propos des manuscrits en français, le rédacteur, Ameilhon, affirme que l'élaboration de notices détaillées permettra de les faire mieux connaître. Et il

attire tout particulièrement l'attention sur les manuscrits inédits pour lesquels il aborde les possibilités de publication. Enfin, il insiste sur les « Mémoires secrets », les « anecdotes du temps, dont l'impression aurait du succès ».

Sources : Manuscrits. Nouv. acq. fr. 2836, f. 62.

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Jean-Paul de Gondi, cardinal de Retz Mémoires

Papier, 247,455 et 532 ff., 220 x 165 mm. – Reliure parchemin pour les fr. 10325 et 10327. satin beige très défraîchi avec gardes de soie vert pâle pour le

fr. 10326.

Manuscrits. Français 10325-10327.

Prov. : Abbaye de Moyenmoutier.

Bibl. oeuvres complètes, éd. par A. Feillet,

J. Gourdault et R. de Chantelauze, Paris. 1870-1880 (collection des Grands Ecrivains de la France). –

OEuvres, éd. par M.T. Hipp et M. Pernot, Paris, 1984 (Bibliothèque de la Pléiade). – A. Bertière. Le

Cardinal de Retz mémorialiste, Paris. 1977. –

D.A. Watts. Cardinal de Retz, the ambiguities of a 17th

cent, mind, Oxford, 1980.

Exp. : Le Siècle de Louis XIV, Paris. Bibliothèque

Nationale, 1927, 25. – Le Palais-Royal, Paris,

musée Carnavalet, 1988, n° 15.

Le cardinal de Retz (1616-1679) commença en 1675 la rédaction de ses Mémoires, en son château de Commercy tout d'abord, où il s'était retiré ostensiblement,

ostensiblement, une cour qui l'oubliait, puis à l'abbaye bénédictine, toute proche, de Saint-Mihiel où il faisait de fréquentes retraites et dont le supérieur, Dom Hennezon, était son directeur de conscience. La mystérieuse dame, à qui il entreprit de « donner l'histoire de ma vie, qui a été agitée de tant d'aventures différentes », était très probablement sa fidèle amie la marquise de Sévigné. Les Mémoires du célèbre frondeur, pourtant

impatiemment attendues, ne furent publiées qu'en 1717 par le libraire nancéen J.B. Crisson, d'après des copies du manuscrit original, et connurent aussitôt un grand succès et de nombreuses rééditions.

Les moines de Saint-Mihiel avaient conservé le manuscrit original et exécuté, sans doute du vivant de Retz, une copie des pages 756 à 1943. Cette copie (actuellement le ms. français 10328) a la même histoire que l'original. En 1703, Dom Humbert Belhomme (1653-1727), l'un des copistes du cardinal, devint abbé de Moyenmoutier et emporta avec lui le manuscrit des Mémoires. A la Révolution, la bibliothèque de l'abbaye fut confisquée. En 1796, le manuscrit des Mémoires fut remis par l'administration du département des Vosges au ministre de l'Intérieur François de Neufchâteau. Celui-ci prévint alors le conservatoire de la Bibliothèque Nationale que le manuscrit qu'il avait remis à Barras avait été confié par celui-ci à P.F. Réal et Botot en vue d'une nouvelle édition (lettre du 3 pluviôse an V [22 janvier 1797], Manuscrits, Archives modernes). Ceux-ci devaient « aussitôt leur travail fini les remettre à la Bibliothèque Nationale », mais Réal, exilé sous la Restauration, emporta le manuscrit en Amérique. Les Mémoires ne rentrèrent à la Bibliothèque Nationale qu'en 1834, à la mort de Réal. Champollion-Figeac en donna la première édition d'après le manuscrit autographe en 1837.

L'authenticité du manuscrit ne fait aucun doute. Il est entièrement de la main de Retz à l'exception de quelques passages rédigés par des copistes dans les deuxième et troisième volumes. Ces passages, environ quatre-vingt-dix pages, sont annotés et corrigés par l'auteur. Les renvois, faits par Retz lui-même, permettent d'affirmer que le manuscrit actuellement relié en trois volumes en comptait primitivement quatre. Par ailleurs, il présente certaines lacunes. La pagination originale s'arrête à 2818. Mais le premier volume, dont des feuillets ont été arrachés, commence à la page 259 (p. 129 du t. 1 des G.E.F. et p. 140 de la Pléiade, 1984). Dans le premier volume (fr. 10325) manquent les pages 327-330 et 435-444 et

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le troisième volume est très lacunaire (manquent les pages 2687-2766, 2775-2782, 2795-2806 et 2811-2814). En outre, l'écriture de Retz est difficile et devient presque illisible à la fin du troisième volume. Le cardinal est visiblement vieilli et fatigué : additions marginales, corrections et biffures se multiplient. Certaines ratures portent des traces de réactif dont l'origine est difficile à établir. Faut-il les attribuer à la pudibonderie des bénédictins de Saint-Mihiel, comme on l'a longtemps fait sans preuves, ou à Réal, tentant de déchiffrer les passages hachurés ?

Quoi qu'il en soit, nous sommes bien devant un manuscrit de travail, un premier jet rédigé très rapidement avec une sorte d'allégresse jubilatoire. Le bouillant prélat, en dépit de son âge et de sa « conversion », aime à revivre sa jeunesse dissipée, les épisodes galants ou héroïcomiques de la Fronde, les aventures survenues, comme il l'écrit, « en ce temps-là ». L'écriture est aussi foisonnante et alerte que le style. Retz éprouve un visible plaisir à se raconter saisi par l'Histoire et agissant sur elle.

On a présenté ici la page où Retz dresse un portrait cruel du prince de Conti : « Ce chef de parti estoit un zero qui ne multiplioit que parce qu'il estoit

Prince du sang »(Pléiade, p. 289). On y voit une rature et une addition marginale « [J'oubliais presque M. le Prce de Conti] ce qui est un bon signe pour un chef de parti. » M. Sacquin

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Pierre de L'Estoile Mémoires-journaux

Bibl. : Mémoires-joumaux de Pierre de l'Estoile. éd. par G. Brunet, A. Champollion, E. Halphen., Paris, 1875-1896, 12 vol. (librairie des bibliophiles).

Reprint, Paris, Taillandier, 1982.

Pierre de l'Estoile acquit la célébrité par ses Mémoires qui couvrent la période 1574 à 1611, c'est-à-dire, pour l'essentiel, la Ligue et le règne de Henri IV. La première édition, donnée dès 1621 par les frères Dupuy, fut suivie d'une quinzaine d'autres jusqu'à la Révolution. Certes coupable d'avoir transmis à la postérité l'image sans nuances d'un Henri III partagé entre ses mignons et ses carlins, il se fait pardonner par son style pittoresque, par le foisonnement et la bigarrure de ses récits-anecdotes de la vie parisienne, en ces temps troublés qui préfigurent, plus encore que la Fronde, les journées révolutionnaires. Nul doute qu'un Sylvain Maréchal y ait puisé quelque inspiration. Nul ne peut être comparé, pas même J.A. de Thou, à ce bavard impénitent, ce badaud baguenaudant, ce collectionneur de pamphlets, de gravures, d'affiches, de sermons (les bulletins politiques de l'époque), en un mot ce maniaque de l'actualité. Peu de notations personnelles dans ses mémoires : avec lui, à l'inverse de ce qui se passe chez le cardinal de Retz, nous sommes du côté des spectateurs et non des acteurs de l'histoire. Mais ce parisien potinier allie à un réalisme cru une dignité certaine. Grand audiencier à la chancellerie de France, il est allié aux plus grandes familles parlementaires : les Séguier, les De Thou, les Chartier, les Molé. Il est donc particulièrement bien informé et on peut lui faire crédit d'une relative objectivité puisqu'il n'était ni ligueur, ni réformé bien qu'ayant pour maîtres deux protestants : Mathieu Béroalde et Robcrt Arbuthnot.

Ses manuscrits, soignés et appliqués, portant peu de ratures, faites avec légèreté et clarté, sont ceux d'un homme pondéré, compilant dans son cabinet de travail la masse de documents et d'informations qu'il a patiemment engrangées. Ils sont au nombre de quatorze dont onze sont conservés à la Bibliothèque Nationale. Quatre d'entre eux, que nous présentons ici, y sont entrés pendant la période révolutionnaire.

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Registre-journal d'un curieux.

durant le règne de Henri III, 1574-1589.

Manuscrit autographe. – Papier, 455 ff.. 390 X 245 mm. – Reliure parchemin.

Manuscrits. Français 6678.

Prov. : Abbaye de Saint-Acheul (1798).

Par une lettre du 5 floréal an VI (24 avril 1798), le ministre de l'Intérieur transmettait aux conservateurs de la Bibliothèque Nationale ce manuscrit qui provenait de l'abbaye de Saint-Acheul près d'Amiens. Il les avertissait que l'on avait fait d'inu143

d'inu143

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tiles recherches pour retrouver trois autres volumes « soustraits sans doute par les moines ». Ces manuscrits avaient été apportés à Saint-Acheul par un de ses abbés, Pierre Poussemothe de l'Estoile, arrière-petit-fils du mémorialiste. Les volumes disparus furent retrouvés et rachetés par la Bibliothèque Nationale en 1824 (français 10299 et 10304).

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Mémoires-journaux depuis la

réduction de Paris jusques à la fin de l'an 1597, 1589-1597.

Manuscrit autographe.Papier. 175 ff., 190 X 160 mm. – Reliure parchemin.

Manuscrits. Français 25004.

Prov. : Abbaye de Clairvaux (1804).

La veuve de Langlois, maître d'hôtel du roi, descendant de Pierre de l'Estoile, donna en 1708 ce manuscrit ainsi que le français 25560 présenté ci-dessous, au président Bouhier. Il fut utilisé par l'abbé d'Olivet pour l'édition de 1732. Après la mort de Bouhier en 1746, sa bibliothèque échut à son gendre, le marquis de Bourbonne, puis au fils de celui-ci. A la mort

du second marquis de Bourbonne, elle fut vendue à l'abbé de Clairvaux en 1781, pour la somme de 135 000 livres. Déclarée propriété nationale à la Révolution, elle fut transportée à Bar-sur-Aube puis à Troyes en 1794 avec la bibliothèque de Clairvaux. Au début de 1804. Chardon de la Rochette chargé en 1801 d'inspecter les dépôts littéraires des départements, arriva à Troyes. Les deux manuscrits de l'Estoile entrèrent le 7 juillet à la Bibliothèque Nationale.

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Recueils divers bigarrés du grave et du facétieux, du bon et du

mauvais, selon le temps, recueil de pièces satiriques.

Manuscrit autographe. – Papier, 237 ff., 215 X 175 mm. – Reliure parchemin.

Manuscrits. Français 25560.

Prov. : Abbaye de Clairvaux (1804).

Comme l'indique le titre, il ne s'agit pas d'un volume des mémoires mais d'un recueil de ces anecdotes, poèmes et chansons loufoques et paillardes que Pierre de l'Estoile aimait à collectionner. Certains poèmes sont d'une grande verdeur, ce qui n'avait rien d'exceptionnel à l'époque. L'ensemble est extrêmement divertissant.

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Continuation de mes mémoires commançant le premier de l'an

1598 jusques à la fin de février de l'an 1602

Manuscrit autographe. – Papier, 274 ff., 190 X 140 mm. – Reliure verni brun.

Manuscrits. Français 13720.

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Prov. : Couvent des Jacobins de la rue Saint-Honoré (1796).

Ce manuscrit, dont on ne sait comment les Jacobins l'ont acquis, fut utilisé par Halphen en 1862. Nous avons présenté ici le récit de la fameuse conférence contradictoire qui opposa le 4 mai 1600 à Fontainebleau Duplessis-Mornay au cardinal Du Perron. Symbole d'une époque d'apaisement, de relative tolérance et d'émulation intellectuelle, cette « disputatio » opposait un catholique passé à la Réforme (Duplessis-Mornay) à un calviniste devenu catholique à vingt ans (Du Perron). Le cardinal Du Perron réfuta avec succès De l'Institution de l'Eucharistie de Duplessis Mornay. M. Sacquin

Collections princières et Cabinets d'amateurs

Les bibliothèques ecclésiastiques avaient été en quelque sorte les victimes désignées des premières décisions révolutionnaires. Elles avaient jusqu'en 1789 été réservées aux clercs et à un petit nombre de savants, qui détenaient le monopole de la connaissance, et leur « nationalisation » répondait avant tout à un souci d'ouverture et de mise à la disposition d'un public le plus large possible, de toutes leurs richesses cachées. L'instruction et l'étude si importantes aux yeux des révolutionnaires, devaient en être grandement facilitées.

Le problème était très différent pour les collections particulières, à l'exception de la Bibliothèque du Roi, qui ne fut d'ailleurs jamais traitée par les constitutionnels comme un bien de la couronne, mais plutôt comme un « établissement public ». La France de la fin du XVIIIe siècle fourmillait de collections privées de toutes sortes, depuis les trésors appartenant en propre au roi ou à sa famille, jusqu'au cabinet que pouvait réunir tout esprit éclairé. En 1789, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen avait proclamé haut et fort le respect de la propriété privée et de la liberté individuelle, et la vocation des nouvelles institutions était de protéger ces droits. L'Assemblée constituante n'eut pas à prendre de décisions contraires à ces principes, pour ce qui est des collections privées du moins, et la période d'essai de monarchie constitutionnelle qui court d'octobre 1789 à juin 1791 fut sans histoire en ce domaine.

Les événements en décidèrent autrement dans les années qui suivirent. La fuite manquée de Louis XVI, son arrestation le 20 juin 1791 à Varennes, et enfin la découverte de la fameuse armoire de fer aux Tuileries, finirent de flétrir l'image du roi dans l'esprit populaire. Après son emprisonnement et sa condamnation à mort, il parut naturel, par crainte de voir se produire dilapidations et gaspillage, de placer les collections personnelles du roi sous la surveillance de la Nation. Il en fut de même par la suite pour les biens des autres condamnés.

L'émigration provoqua elle aussi des réactions répressives. Dès 1789, une partie de la famille royale et de la noblesse de cour avait pris peur, et dans la nuit du 16 au 17 juillet, le comte d'Artois, frère du roi, les membres des plus grandes familles, telles Condé, Rohan, Castries, des officiers, des évêques, des parlementaires, avaient quitté le royaume. Louis XVI, lui-même, avait dès cette époque

songé à se réfugier à Metz. Ce mouvement d'émigration s'amplifiait à chaque mesure anti-aristocratique, comme l'abolition des titres de noblesse le 19 juin 1790, et à chaque émeute parisienne. Le départ des filles de Louis XV, Mesdames (Adélaïde et Victoire), fut particulièrement mouvementé. La noblesse réfugiée à l'étranger fut très vite assimilée dans les mentalités au danger venant de l'extérieur, et des velléités de contre-révolution, violente dans certaines provinces, ne firent qu'ajouter à la méfiance qu'inspiraient ces exilés.

Cependant, la première assemblée ne souhaitait aucunement rompre avec les émigrés, elle conserva même longtemps l'espoir de les convaincre de rentrer en France. Elle éprouvait des réticences à limiter la liberté de circulation des individus, qui figure dans la Déclaration des droits de l'homme, et ne prit donc aucune mesure à leur encontre. En fait, c'est la chute du roi qui déclencha le processus de répression, et pour ce qui nous intéresse, les saisies de collections privées.

Les décisions les plus sévères furent décrétées après le 10 août 1792, alors que les soldats de la coalition, soutenus par les émigrés de l'armée des princes, menaçaient très sérieusement la République.

Après la victoire décisive de Fleurus (26 juin 1794), qui livrait la Belgique aux armées françaises, des commissaires, choisis parmi les savants et les artistes dévoués à la Révolution, furent chargés de rechercher les trésors conservés dans les pays vaincus, et de les rapporter à Paris, en apparence selon l'habitude ancienne qu'avaient les triomphateurs de collecter des trophées. Cette politique était en réalité fondée sur l'idéologie nouvelle. On y reviendra plus loin.

Les saisies opérées sur les biens des particuliers, en France comme à l'étranger, ne furent pas aussi définitives que celles opérées sur les biens du clergé. Les restitutions furent fréquentes, et concernèrent un nombre très élevé de documents.

D'aussi grande qualité que celles qu'on avait trouvées dans les institutions religieuses, ces collections, qui contenaient aussi les manuscrits les plus luxueux, exécutés pour l'édification, l'instruction ou le plaisir des princes, étaient d'une nature totalement différente. A quelques exceptions près, elles renfermaient surtout des documents contemporains, reflets des intérêts des classes les plus aisées à la veille de la Révolution. M.P. Laffitte

Les résidences royales

A la fin du XVIIIe siècle, tous les membres de la famille royale, à l'image de certains très grands seigneurs, comme le duc de Penthièvre ou le prince de Condé, avaient dans chacune de leurs demeures, Fontainebleau, Compiègne, Choisy, ville d'Avray, Marly, et Paris, des collections importantes de livres, moins connues cependant que leurs galeries d'objets d'art et de tableaux.

Au château de Versailles, Louis XVI possédait en 1789 plusieurs cabinets de livres, et son frère, le comte de Provence, futur Louis XVIII, y avait constitué une fort belle bibliothèque de près de 11 000 volumes, auxquels il fallait ajouter les 2 700 livres réunis dans sa maison de Brunoy. Alors que dans la plupart des bibliothèques princières, le français et la littérature de vulgarisation ou d'agrément dominaient assez largement, la collection versaillaise du comte de Provence présentait un caractère sérieux et même érudit un peu inattendu. Des livres médicaux, par exemple, y figuraient en quantité non négligeable. Ils provenaient de la collection du premier médecin de Louis XVI, Joseph Lieutaud, et avaient été achetés par le comte de Provence après la mort de ce Lieutaud, en 1780. La bibliothèque de la soeur de Louis XVI, Madame Elisabeth, constituée d'un peu plus de 500 livres, contenait surtout des oeuvres de morale et d'éducation chrétiennes, à l'usage des filles bien nées.

Marie-Antoinette, qui avait dans ses appartements de Versailles une bibliothèque de près de 3 000 volumes, transférée aux Tuileries en 1789, disposait aussi au Petit-Trianon d'un ensemble conforme à ses goûts d'environ 2 000 livres, composé presque exclusivement de littérature romanesque et d'oeuvres théâtrales. Et si Madame Victoire,

Victoire, de Louis XV, n'avait à Versailles qu'une bibliothèque très banale, sa soeur Adélaïde entretenait au château de Bellevue à Meudon une importante et intéressante collection de livres et de revues, riche en ouvrages anglais et italiens.

Le contenu des bibliothèques versaillaises de la famille royale a été très précisément inventorié par le citoyen Buffy dans les registres (aujourd'hui conservés à la Bibliothèque de l'Arsenal, mss 5389-5398), admirablement tenus, du dépôt littéraire installé dans le château de Versailles. Dans ce dépôt, avaient en effet été regroupés dès 1793 les collections royales, les biens des émigrés résidant à Versailles et dans la région, et les papiers des administrations installées à Versailles. Une absence est à remarquer, celle des livres du comte d'Artois, futur Charles X. Un seul volume lui appartenant, l'édition française, datée de 1785, du troisième voyage de Cook, était resté à Versailles. Tout le reste avait été transféré, pour partie au temple en 1777, pour partie à l'arsenal en 1789.

Malgré l'émigration, dès 1791, de certains de leurs possesseurs comme le comte de Provence et Mmes Adélaïde et Victoire, ces bibliothèques continuèrent à être enrichies quelque temps. On y trouve en effet les tomes édités en 1793 de l'Encyclopédie méthodique de Panckoucke.

Livrées au bon vouloir des bibliothécaires ou résultant des curiosités de leurs possesseurs, ces collections contenaient surtout des imprimés et des périodiques récents, comme le Mercure de France. Trente mille d'entre eux devaient constituer la base de la Bibliothèque publique de Versailles, créée le 7 pluviôse an III (26 janvier 1795), comme annexe à l'Ecole centrale de Seine-et-Oise. Les

collections princières contenaient cependant des manuscrits modernes, et quelques rares manuscrits médiévaux : un chez le comte de Provence et un chez sa femme Louise de Savoie, deux chez Adélaïde.

Le 6 ventôse an III (24 février 1795), quelques jours après la création de l'Ecole centrale de Seine-et-Oise, des commissaires envoyés de Paris, deux gardes à la Bibliothèque Nationale, Van Praet et Langlès, et Belin (Jacques-Nicolas Belin de Bellu, 1753-1815, helléniste), furent autorisés à prendre dans le dépôt du château les pièces les plus précieuses, qui n'avaient pas leur place dans une bibliothèque destinée à l'instruction. Cinquante-sept volumes, manuscrits ou imprimés sur vélin (nos 153-154), furent emportés à la Bibliothèque Nationale, au grand regret des commissaires artistes de Versailles qui, furieux d'être dépossédés, avaient demandé la suspension des opérations. Peine perdue. Le 11 messidor an III (24 juin 1795), un second lot fut expédié, qui contenait cinq ouvrages de très grand prix, parmi lesquels le livre d'heures d'Anne de Bretagne (n° 147) et l'évangéliaire-épistolier à l'usage de la chapelle royale Saint-Louis de Versailles (n°87). Ils arrivèrent à la Bibliothèque Nationale le 13 juillet. Des dessins et des estampes avaient été apportés en germinal (n° 151). Enfin une dernière série, regroupant également huit volumes remarquables, dont une reliure attribuée à Boulle (n° 148), fut reçue en messidor an VII (juillet 1797). Il faut préciser qu'entre-temps, dans une

lettre du 12 brumaire an IV (3 novembre 1795) qui accompagnait l'inventaire des manuscrits du dépôt du château de Versailles, le conventionnel Charles Delacroix de Confaut (1741-1805) avait attiré l'attention des conservateurs de la Bibliothèque Nationale sur eux : « Il en est plusieurs qui d'après leurs titres paraissent pouvoir contribuer au progrès des sciences et concourir à l'utilité générale. ».

Quand Capperonnier, le 15 thermidor an V (2 août 1797), voulut faire une opération similaire au dépôt de Fontainebleau, les représentants de cette commune s'y opposèrent vigoureusement, et eurent gain de cause.

Mis à part un recueil de psaumes de « Louis Stanislas Xavier Capet », futur Louis XVIII (latin 10539), un livre de prières (latin 10574) et un recueil de gravures (n° 156) ayant appartenu à « Victoire Capet », les manuscrits, imprimés et recueils de gravures saisis par la Bibliothèque Nationale furent tous choisis soit dans le grand cabinet que Louis XVI avait hérité de ses pères (nos 147-152), soit parmi les livres personnels qu'il conservait dans ses petits appartements (nos 152-154).

Bibl. : Labiche, Notice sur les dépôts littéraires, p. 12. – P. Verlet, Le château de Versailles, Paris, 1985.

Sources : Manuscrits. Archives modernes, CIV bis, CDXCIV. – Archives nationales, série F 17.

Le Cabinet du Roi à Versailles

Les rois de France ont toujours aimé les livres, symbole de richesse et de culture, et certains d'entre eux ont possédé des « librairies ». Charles V avait installé la sienne dans la fameuse Tour du Louvre. Et quand, à la fin du XVIe siècle, la Bibliothèque royale, jusqu'alors à Fontainebleau, fut transférée à Paris, les souverains continuèrent de conserver par devers eux leurs livres personnels. Comme ses prédécesseurs bibliophiles, Louis XIV avait constitué à Versailles une collection à son image, à la fois privée et d'apparat, qu'il s'attacha à rendre toujours plus luxueuse.

Ce cabinet dépendait entièrement des goûts et des caprices du roi et il fut à plusieurs reprises remanié et changé de lieu, au rythme des transformations apportées au château. Quelques manuscrits anciens y étaient conservés, tels l'exemplaire le plus fameux du Livre de la chasse de Gaston Phébus (français 616), qui quitta Versailles avant 1726, et le livre d'heures d'Anne de Bretagne (n° 147), dont on dit avec vraisemblance qu'il n'avait jamais quitté la famille royale depuis le début du XVIe siècle. Les autres volumes, manuscrits et imprimés, cartes et estampes, étaient contemporains de Louis XIV.

Son successeur n'avait pas le même goût pour le faste et la grandeur, et la majeure partie de la collection fut versée, dès 1724 pour les imprimés, en 1729 pour un lot de deux cent soixante-dix manuscrits, dans les fonds de la grande soeur parisienne, et remplacés par des éditions plus récentes. Quant aux célèbres Vélins du roi, transférés de Versailles à la Bibliothèque du Roi à Paris en 1717, ils furent remis au Museum d'Histoire naturelle lors de la création de celui-ci en 1792.

Le dernier catalogue du cabinet du Roi à Versailles, rédigé en 1775 (nouv. acq. fr. 2622), en inventorie le contenu, constitué soit du reliquat datant de Louis XIV, soit des additions faites par Louis XV et Louis XVI. Il suit un ordre méthodique et le classement en séries désignées par les lettres de l'alphabet, est assez semblable à celui que Nicolas Clément, à la fin du XVIIe siècle, avait utilisé pour la Bibliothèque du Roi. A la fin de ce catalogue, deux sections indépendantes étaient consacrées, l'une aux manuscrits les plus précieux, l'autre aux recueils d'estampes.

Louis XVI disposait aussi d'une petite bibliothèque privée, constituée partie de livres extraits du grand cabinet, partie d'acquisitions récentes. Un inventaire dressé en 1778 a été conservé (nouv. acq. fr. 13000).

Presque tout le contenu de la section des manuscrits et quelques estampes du cabinet, ainsi que certains imprimés de la

bibliothèque personnelle du roi furent choisis pour être apportés à Paris.

Ouvrages de circonstance à caractère politique ou purement courtisan, exemplaires de présentation au roi, éditions luxueuses et livres d'église enluminés, tous les volumes provenant de Versailles avaient un jour porté des reliures de grand prix. L'inventaire de 1775 décrit avec précision celles qui y sont répertoriées. Les imprimés portent encore leur reliure signée Derome, et l'exceptionnel travail de l'ébéniste Boulle sur l'Histoire de Louis le Grand a été conservé, sans doute parce que l'écaille ne peut servir à battre monnaie. Quant aux Campagnes de Louis XIV, victimes sans doute des fontes ordonnées par Louis XVI en 1790-1791, elles avaient perdu avant leur transfert à Paris leurs reliures de chagrin noir rehaussées de plaques ouvragées, dont les fermoirs étaient semblables à ceux que portent encore les Heures d'Anne de Bretagne. M.P. Laffitte

Bibl. : A. Jammes, « Louis XIV, sa bibliothèque et le cabinet du Roi », dans The Library, Fith series, XX/1 (mars 1965), p. 1-2. – Le Roux de Lincy, « Le cabinet du Roi, le catalogue de 1775 », dans Bulletin du bibliophile, XIV (1839), p. 813-823. – A. et J. Marie, Versailles au temps de Louis XIV, Paris, 1968-1976, passim. – Idem, Versailles au temps de Louis XV, 1715-1745, Paris, 1984, p. 120-130, 133-139.

Sources : Manuscrits. Archives modernes, CDXCIV.

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Heures d'Anne de Bretagne

Tours, 1500-1508. – Parchemin, 248 ff., 300 x

195 mm. – Reliure chagrin noir à fermoirs d'argent, XVIIe siècle.

Manuscrits. Latin 9474.

Prov. Cabinet du roi à Versailles (1795).

Bibl. : L. Delisle, Les Grandes Heures d'Anne de Bretagne et l'atelier de Jean Bourdichon, Paris, 1913. –

V. Leroquais, Les Livres d'heures manuscrits de la

Bibliothèque Nationale, I, Paris, 1927, p. 298-305. –

R. Limousin, jean Bourdichon, Lyon, 1954.

Exp. : Les Collections de Louis XIV, Paris, Orangerie des Tuileries, 1977, 116. – Manuscrits à peintures en

France, XIIIe-XVIe siècles, Paris, Bibliothèque

Nationale, 1955, n° 349.

Ce livre d'heures, exécuté pour l'une des plus célèbres reines de France, est l'oeuvre de Jean Bourdichon, comme l'atteste le mandat de paiement de ce travail, daté de 1508 et signé par Anne de Bretagne elle-même. Peintre et valet de chambre du roi dès 1481, cet artiste élève de Fouquet, installé à Tours, aimait la nature et les promenades dans la campagne tourangelle.

Mais cela n'est pas suffisant pour expliquer l'originalité de ce manuscrit : 337 espèces différentes de plantes en ornent les marges, à la manière flamande, mais sans aucune répétition. Leur variété, de la laitue au pavot, la fidélité de leur représentation et jusqu'à la présence pittoresque de limaces, de papillons., témoignent de connaissances exceptionnelles en botanique et en entomologie. Elles ont fait l'admiration d'Antoine de Jussieu, fondateur d'une famille de savants passée à la postérité. En 1722, à la séance de rentrée de l'Académie des sciences, il lut un mémoire qui faisait le point sur cet extraordinaire recueil et s'interrogeait sur la personnalité, alors inconnue, de son auteur.

Les 63 grandes peintures témoignent quant à elles d'un savoir-faire et d'une technique parfaits. Et si une impression de douceur presque immatérielle caractérise la plupart des personnages, et en particulier les visages de femmes, ici

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Marie rendant visite à Elisabeth, les scènes champêtres du calendrier et les arrière-plans des « histoires », inspirés par les paysages de Touraine, sont d'une grâce et d'un naturel inégalés.

Le manuscrit n'a jamais quitté la famille royale. En 1684, il fut relié en chagrin noir par l'intermédiaire du sieur Dalencé, à la demande de Louis XIV. Il fut alors muni de deux fermoirs d'argent dont les motifs copient avec bonheur le

chiffre d'Anne de Bretagne qui figure à l'intérieur du volume. Il fut placé à Versailles dans le cabinet de curiosités du roi, dont on connaît l'intérêt pour les sciences naturelles. En juillet 1795, il quitta Versailles pour la Bibliothèque Nationale.

M.P. Laffitte

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Jean Donneau de Vizé Histoire de Louis le Grand

Paris, 1688. – Parchemin, 88 ff., 550 x 390 mm. – Reliure écaille incrustée de laiton et d'étain.

Manuscrits. Français 6995.

Prov. : Cabinet du roi à Versailles (1797).

Bibl. : N. Perrier-Caverivière, L'Image de Louis XIV

dans la littérature française, Paris, 1981, p. 216-218. –

P. Melese, Un homme de lettres au temps du grand roi,

Donneau de Vizé, Paris, 1936. – J.P. Samoyault, André-Charles Boulle et safamille, Genève, 1979.

Exp. : Les Collections de Louis XIV, Paris, Orangerie des Tuileries, 1977, 238.

Sources : Manuscrits. Archives modernes, CDXCIV.

Critique littéraire caustique, fondateur du Mercure galant, Jean Donneau de Vizé était aussi un homme de théâtre. Il n'hésitait pas à se comparer à Molière, avec qui il entretenait des relations orageuses. Né en 1638 comme Louis XIV, il lui dédia en 1688 une courtisane Histoire de Louis le Grand, afin d'obtenir la place d'historiographe du roi. Ce n'était pas la première fois qu'il s'adonnait à cet exercice littéraire si apprécié du roi. Trente-cinq textes accompagnés d'autant de peintures à la gouache s'y inspirent des propriétés de trente-cinq plantes choisies parmi des espèces méridionales, pour exalter les qualités du monarque. Cet ouvrage, où se

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mêlent stupidité et flagornerie, ne fut heureusement jamais imprimé.

Calligraphié par François de La Pointe, topographe et graveur en cartes géographiques, qui travailla aussi au Jardin des Plantes du roi, le manuscrit a été illustré par un miniaturiste dont on retrouve la main dans la célèbre collection des « Vélins du roi ».

Le luxe ostentatoire de cette composition de circonstance est encore accentué par l'aspect monumental de la reliure : recouverts d'écaille de tortue, les plats et le dos sont ornés de motifs incrustés de laiton et d'étain, dont certains dessinent les armes et le chiffre du roi. Les contreplats, de même nature, sont plus simples : le décor semble inspiré d'un modèle Renaissance utilisé pour certaines reliures dorées du XVIe siècle. Des fermoirs d'argent doré complètent cet ensemble, lequel était conservé dans le cabinet de Louis XIV, dont les meubles avaient d'ailleurs été exécutés avec les mêmes matériaux.

Apporté en 1797 de Versailles à la Bibliothèque Nationale, le manuscrit est décrit sur le bordereau de réception comme portant une « reliure en écaille et en cuivre et étain découpés, ouvrage de Boule (sic), fermoirs de vermeil ». La richesse du décor et la qualité technique de ce travail permettent en effet de l'attribuer au célèbre ébéniste Charles-André Boulle, qui exerça à Paris jusqu'à sa mort en 1732. Ce procédé de décoration, originaire d'Italie, avait été introduit en France par Boulle et ses fils.

M.P. Laffitte

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Campagnes de Louis XIV Paris, après 1678. – Parchemin, 4 volumes, 89, 157. 114 et 76 ff., 380 x 295 mm. – Reliures maroquin vert XVIII' siècle.

Manuscrits. Français 7891-7894.

Prov. : Cabinet du roi à Versailles (1795).

Bibl. : C. Couderc, Album de portraits d'après les

collections du Département des Manuscrits, Paris, 1908.

p. 166-167. – R. de Portalis, Nicolas Jarry et la

calligraphie au XVIIe siècle, Paris, 1896, p. 109-110.

Exp. : Le Siècle de Louis XIV, Paris, Bibliothèque

Nationale, 1927. n° 53. – Les Collections de Louis XIV, Paris, Orangerie des Tuileries, 1977, n° 242.

Les recueils dits des « Campagnes de Louis XIV » avaient été exécutés pour la récréation du roi, dans la grande tradition des manuscrits enluminés offerts à un souverain. Ils sont répertoriés dans le catalogue des livres du cabinet du Roi (nouv. acq. fr. 2622, f. 385-386) et signalés comme reliés « en chagrin noir et enrichi de chaque côté sur le plat, de cinq bas-reliefs allégoriques gravés sur autant

de plaques d'or ». Le français 7891 par exemple, est « enrichi sur le plat de la Devise du Roy, de son médaillon couronné par la Victoire et par la Renommée de trophées, de festons, etc., le tout en or ». Ces somptueuses reliures d'orfèvrerie ont probablement été détruites durant la première fonte de 1790.

Ces quatre volumes contiennent, sur des feuillets de vélin encadrés de filets

Catalogue du Cabinet du Roi à Versailles, 1775

d'or, une série de plans, cent onze en tout, permettant de suivre le déroulement des opérations et le mouvement des troupes françaises, ainsi que le texte des ordres de marche calligraphié, en bâtarde et initiales peintes en or, par Charles Gilbert (1642-1728), le meilleur élève du fameux Nicolas Jarry, calligraphe de la Guirlande de Julie. Ces recueils sont ornés de peintures à pleine page, de petites miniatures d'encadrement illustrant les plans ainsi que de compositions et titres symboliques, de portraits du roi et de représentations de grandes batailles, oeuvres de Jean Cotelle, F. Bedau, Jean Petitot et Sylvain Bonnet.

A une époque où le beau moment du manuscrit est passé, ces quatre recueils sont un monument élevé à la gloire du Roi Très Chrétien, qui apparaît depuis 1673 comme Louis le Grand sur les médailles, en attendant que ce titre lui soit décerné en 1680 par la ville de Paris. En 1675, écrit Voltaire dans Le Siècle de Louis XIV (OEuvres, Paris, 1878, I, p. 283), Louis XIV est « […] au comble de sa grandeur. Victorieux depuis qu'il régnait […] roi

d'une nation alors heureuse, et alors "le modèle des autres nations" ». Sans doute voyait-on, en 1795, dans ces manuscrits prestigieux, une exaltation de la Nation triomphante davantage que de l'ancienne monarchie.

Nous avons présenté ici la page de titre du français 7891, qui est ornée d'une composition représentant le triomphe de la France et du coq gaulois, et le frontispice allégorique du français 7892, où l'on voit la Royauté victorieuse, tenant à la main un chapeau sur lequel le titre est écrit et traînée sur un char conduit par le courage et la valeur. M. Sacquin

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Raynal

Le Grand Seigneur Sultan Soliman III, extr. des Figures naturelles de Turquie.

1688. – Dessin à la gouache, dorure et argenture.

185 X 120 mm. – Reliure maroquin rouge aux armes du dauphin (fils de Louis XV).

Estampes. Od 7.

Prov. : Cabinet du roi à Versailles.

Ce recueil de miniatures turques attribuées à Raynal, mais sans doute réalisées

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par un artiste local, entra dans la Bibliothèque du Roi, comme présent d'ambassade vraisemblablement.

En 1720 une ambassade d'Achmet III remit à Louis XV un volume presque identique (coté Od 6), attribué cette fois à « un artiste turc » ; certaines miniatures y portent des inscriptions en turc, mais les caractères des légendes sur la page en vis-à-vis sont de la même main que dans le volume arrivé à Versailles, trente ans plus tôt. Faut-il en déduire qu'il s'agit dans les deux cas d'une même oeuvre d'atelier destinée à des cadeaux diplomatiques, dont la comptabilité exacte et la destination n'étaient pas toujours vérifiées ?

Le volume premier arrivé fut relié vers 1760 aux armes du fils de Louis XV, le dauphin Louis (1729-1765), le second reçut un maroquin citron, mais les contreplats conservèrent leur papier gaufré à arabesques d'origine. L'exemplaire du dauphin, présenté ici, fut confisqué dans le séquestre du cabinet de Louis XVI à Versailles, où il figurait sous le n° 1632. Cependant au n° 3051 de l'inventaire du cabinet des Estampes, sous lequel il fut inscrit, on a mentionné « apporté des Tuileries et remis par les Imprimés le 5 février 1793 ». F. Fossier

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Jacques-Louis Chevillard Victoire de Fontenoy le XI may

MDCCXLV remportée par l'armée du Roy commandée par M. le

Maréchal de Saxe sur celle des

alliés, Sa Majesté étant à la tête de ses troupes, extr. des Triomphes du roy Louis XVe du nom représentez par les

drapeaux qui ont été pris sur les ennemis de Sa Majesté dans les batailles. depuis

MD CCXXXIV jusququ'à MD CCXL V.

Plume et encre, aquarelle. Sbd « Chevillard fecit ».

346 x 215 mm. – Reliure maroquin citron aux armes de Louis XV (restaurée au XIXe siècle)

Estampes. Id 47. pl. VIII.

Prov. : Cabinet du roi à Versailles (1797).

Bibl. : Inventaire du fonds français. Graveurs du

XVIIIe siècle, IV. p. 346.

Sources : Manuscrits. Nouv. acq. fr. 2622. f. 387.

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Jacques-Louis Chevillard (1680-1751), généalogiste et historiographe du roi, également taille-doucier, fut chargé de dessiner en vue de la gravure, la série des drapeaux pris sur l'ennemi pendant les campagnes de Louis XV, et accrochés à Notre-Dame. D'autres recueils furent composés au même moment, avec moins de soin. La Bibliothèque Nationale possède l'un d'entre eux, provenant de Morel de Vindé (Id 46).

Le volume fit partie de la bibliothèque privée de Louis XV à Versailles, puis de celle de son petit-fils, et il figure dans le catalogue du cabinet du roi de 1775, dans la section réservée aux manuscrits. Louis XVI, qui n'avait pas connu l'épreuve du feu, ressentait une grande admiration pour la gloire militaire de son grand-père et tenait tout particulièrement à ce volume témoignant de ces victoires.

Dans un autre domaine que celui des Antiquités de Caylus (n° 152), la confiscation de cet ouvrage est significative du contenu des collections privées du roi à Versailles. Il fit partie, sous le numéro

numéro 69, d'un lot apporté à Paris en germinal an V.F. Fossier

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Pietro Santi Bartoli

Pittura nella volta del sepolcro

alla lettera Q notato nella pianta

nella villa di Monre Corsini fuori la porta di S. Pancratio, planche XXI du Recueil des peintures antiques trouvées à Rome imitées fidèlement pour les

conservateurs et pour le trait d'après les

dessins coloriés par Pietro Santi Bartoli et autres dessinateurs.

Seconde édition. Paris. Didot, 1783, 4 vol. –

Gouache sur vélin, 305 X 295 mm. – Reliure

maroquin bleu aux armes royales, de Derome jeune. Estampes. Gd 10 rés.

Prov. : Petits appartements de Louis XVI à Versailles (1797).

Bibl. : S. Rocheblave. Essai sur le comte de Caylus, Paris, 1889. – L. Hautecoeur, Rome et la renaissance de

l'Antiquité, Paris, 1912 sur P.S Bartoli. A. Petrucci,

dans Dizionario biografico degli Italiani, VI. p. 586-588.

– C. Mazzi « L'incisore perugino P Santi Bartoli », dans Bollettino della deputazione di storia patria per

l'Umbria, LXX (1973).

Dans sa thèse sur le comte de Caylus, auteur avec l'abbé Barthélémy des commentaires contenus dans le Recueil, S. Rocheblave écrit p. 212 « il (Caylus) découvrit à Paris les dessins originaux de Pietro Santi Bartoli d'après l'antique et en donnait une édition que ni prince ni pape n'aurait alors surpassé en magnificence. L'ouvrage tiré à trente exemplaires seulement, mit sous les yeux des acheteurs privilégiés de véritables fac-similés de la peinture antique, avec ses couleurs exactes qu'un artiste habile avait appliquées au pinceau sur le dessin. Quand on compare un de ces exemplaires presque introuvables au recueil dont Caylus a fait don au roi, on ne sait qu'admirer le plus, du culte généreux dont témoigne un pareil hommage ou de la perfection artistique de l'imitation ». Ces dessins de Pietro Santi Bartoli, retrouvés à Paris et légués au roi par Caylus en 1764, dans

une reliure de Derome Jeune, sont conservés au cabinet des Estampes sous la cote Gd 9 rés.

Vingt ans plus tard, Molini et Lamy, à la demande de Louis XVI, firent une nouvelle édition du Recueil imprimée à leurs frais chez Didot et sur vélin. Un exemplaire fut offert au souverain qui le plaça dans sa bibliothèque privée, à Versailles. Il fit partie du cabinet d'Estampes apporté à Paris en germinal an V, sous le numéro B 77.

La planche présentée ici montre un des plafonds de la tombe de P. Aemilius Trofimus découverte Vigna Corsini à la porte Saint-Pancrace sous le pontificat d'Alexandre VII.

Pietro Santi Bartoli (Pérouse 1635-Rome 1700) formé à l'Ecole de Poussin fut entre Lafréry et Piranèse un des meilleurs dessinateurs et graveurs spécialisés dans la reproduction des découvertes archéologiques et des collections d'antiquités. Après avoir gravé les scènes sculptées sur la colonne Trajane, il s'illustra dans la publication des collections numismatiques appartenant à la reine Christine, au Saint-Père, au marquis Capponi. Après un séjour à la cour de Louis XIV, puis en Hollande, – il revint à Rome et continua de graver le résultat des fouilles récentes menées dans les tombes romaines, à partir de dessins dont une partie resta en l'état. C'est Mariette qui convainquit Caylus de graver cet ensemble qu'il avait découvert à Paris et dont Caylus fit d'ailleurs don à la Bibliothèque du Roi. F. Fossier

153

François de Salignac de La Mothe-Fénelon

Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse, imprimé par ordre du roi pour l'éducation de Monseigneur le Dauphin.

Paris, Didot l'aîné, 1784, 2 t. en 4 vol. in-8°. –

Exemplaire sur vélin. – Reliure de Nicolas-Denis Derome le jeune (étiquette), maroquin bleu à décor de bordure de style néo-classique, aux armes de

Louis XVI (proches de O.H.R., pl. 2496. n° 5),

gardes de tabis rose, étui.

Imprimés. Rés. Vélins 2618-2621.

153

Prov. : Petits appartements de Louis XVI à Versailles (1795).

Bibl. : J.L. Soulavie, Mémoires historiques et politiques du règne de Louis XVI, 2, Paris, 1801, p. 45-47. – J. van

Praet, Catalogue des livres imprimés sur vélin de la

Bibliothèque du Roi, 4, Paris, 1822. nos 432 et 491. –

J. Veyrin-Forrer, « Les premiers caractères de

François-Ambroise Didot (1781-1785) », dans La

Lettre et le texte, Paris, 1987, p. 129-134.

Le 1er avril 1783, l'éditeur et imprimeur François-Ambroise Didot obtint du roi, à sa requête, un brevet lui ordonnant « d'imprimer pour l'éducation de M. le Dauphin différentes éditions des auteurs françois et latins ».

Le Télémaque, dont le roi agréa la dédicace, parut en 1783 en format in-4° et in-18, et en 1784 en format in-8° ; il

constitua le premier texte de la collection qui comprit les OEuvres de Racine (1784), la Bible (1785), le Discours sur l'histoire universelle de Bossuet (1786) et les Fables de La Fontaine (1789).

La série in-8° fut tirée, à six exemplaires sans doute, sur vélin. Relié par Derome le Jeune, l'exemplaire de Louis XVI était rangé dans la bibliothèque des petits appartements où le roi conservait les ouvrages publiés sous son règne : « On y distinguait une collection complette des éditions de Didot, en vélin, dont chaque volume était renfermé dans un étui de maroquin. [Le roi] se glorifiait de voir l'art de l'imprimerie porté à son plus haut point de perfection, sous son règne, par les frères Didot », selon le récit

131

de Jean-Louis Soulavie qui visita le château de Versailles en 1793.

Lors de leur prélèvement du 6 ventôse an III, les commissaires s'intéressèrent tout particulièrement aux exemplaires sur vélin : ils choisirent aussi Joseph de Bitaubé (n° 154) et les Tragoediae de Sophocle, éditées par F.P. Brunck (Strasbourg, 1786).

G. Guilleminot-Chrétien

154

Paul-Jérémie Bitaubé Joseph

4e édition. Paris, Didot l'aîné, 1786. – 2 vol. in-8°. – Exemplaire sur vélin. – Reliure de Nicolas-Denis

Derome le jeune (étiquette), maroquin bleu à décor de bordure de style néo-classique, aux armes de

Louis XVI (proches de O.H.R., pl. 2496, 5),

gardes de tabis rose, étui.

Imprimés. Rés. Vélins 2399-2400.

Prov. : Petits appartements de Louis XVI à Versailles (1795).

Bibl. : J. van Praet, Catalogue des livres imprimés sur vélin de la Bibliothèque du Roi, 4, Paris, 1822, n° 389.

Paul-Jérémie Bitaubé, d'une famille protestante émigrée en Prusse, séjourna souvent en France et fréquenta Voltaire. Il effectua des traductions d'Homère et de Goethe et voulut prouver par la composi154

composi154

tion de Joseph, inspiré de l'Ecriture Sainte, que la prose convenait à ce genre de sujet « qui peint des scènes champêtres et des moeurs patriarchales ». Ce poème épique en neuf chants, dont la première édition parut en 1767, connut un grand succès.

Exemplaire de présent au roi, sur vélin, avec un portrait de l'auteur à la gouache et neuf miniatures.

Un autre exemplaire sur vélin figurait dans la bibliothèque de Marie-Antoinette, qui possédait aussi sur vélin les Aventures de Télémaque de Fénelon (n° 153) ; mais ces deux ouvrages disparurent avant l'entrée de la bibliothèque de la reine à la Bibliothèque Nationale : inscrits dans le catalogue de 1792, ils ne sont pas portés sur l'acte de séquestre (voir infra).

G. Guilleminot-Chrétien

Mesdames

Louis XV avait eu de Marie Leszczynska six filles, dont seule l'aînée, Louise-Elisabeth, s'était mariée. En 1789, deux d'entre elles vivaient encore, Adélaïde (1732-1800) et Victoire-Louise (1733-1799). Madame Adélaïde avait été la préférée de son père, qui l'avait surnommée « Madame Torchon ». Intelligente et cultivée, elle parlait couramment l'anglais et l'italien, s'intéressait aux mathématiques, et comme son royal neveu, elle faisait de la mécanique, et .s'amusait à construire des horloges. Très musicienne, amie

des arts, Victoire, dont la personnalité était plus falote, vécut dans l'ombre de cette très brillante soeur aînée.

Les bibliothèques de ces deux princesses contenaient peu de livres rares, et elles n'intéressèrent pas les commissaires envoyés par la Bibliothèque Nationale. Les documents ayant appartenu à Mesdames qui sont présentés ici ne sont pas à proprement parler des livres.

155

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)

Sonates

Sonates pour le clavecin Qui peuvent se jouer avec

l'Accompagnement de Violon dédiées à Madame

Victoire de France Par J.G. Wolfgang Mozart de

Salzbourg Agé de sept ans. OEuvre première. Gravées par Mme Vendôme Ci-devant rue St Jacques à

present rue St Honoré Vis-à-vis le Palais Royal. A

Paris, aux adresses ordinaires, [1764], In-folio. –

Oblong. Parties. 190 X 250 mm, 14 et 5 pp. – Reliure en maroquin rouge à la dentelle aux armes de Mme

Victoire. Gardes de tabis bleu.

Musique. Rés. 866.

Prov. : Bibliothèque de Madame Victoire.

Bibl. : G. Haberkamp, Die Erstdrucke der Werke von

Wolfgang Amadeus Mozart, Tutzing, 1986, 1, p. 67-69,

2, p. 1-3.

Exp. : F. Lesure, Mozart en France, Paris, Bibliothèque Nationale, 1956, n° 39.

Contient les deux sonates en do majeur (KV 6) et ré majeur (KV 7) dédiées à Louise-Marie-Thérèse de Bourbon (1733-1799), quatrième fille de Louis XV. Le 1er février 1764, Léopold Mozart annonçait : « Maintenant il y a quatre sonates de M. Wolfgang chez le graveur. Représentez-vous le bruit que ces sonates feront dans le monde, quand on verra sur le titre qu'elles sont l'oeuvre d'un enfant de sept ans. ».

Il s'agit de la première édition d'une oeuvre de Mozart qui devait ultérieurement faire publier ses oeuvres régulièrement à Paris. Cet exemplaire de dédicace ne porte pas de prix.

155

Les reliures de la bibliothèque de Madame Victoire sont en général en maroquin olive. Les parties de violon et de clavecin sont reliées ensemble.

C. Massip

156

Bernard Picart Musa. Allionis opus Sardae

incisum ex dactyliatheca

Strozzi ana Romae, planche VII du recueil des Pierres antiques gravées par B. Picart, expliquées par Philippe

von Stosch.

Amsterdam, B. Picart, 1724. – Eau-forte. 265 X

185 mm. – Reliure veau raciné à filets dorés, aux

armes de France.

Estampes. Fd 7.

Prov. : Bibliothèque de Madame Victoire à Versailles (1797).

Bibl. : L. Auvray, « Les Manuscrits du baron von

Stosch relatifs à la France », dans Bibl. de l'Ecole des

Chartes, XLIX (1888), p. 707, – L. Lewis,

Connoisseurs and secret agents in Eighteen century, Londres, 1961. – L. Lewis, « Philipp von Stosch », dans

Apollo, mai 1967, p. 320-328.

Protégé du cardinal Albani, ami de Winckelmann, Philippe von Stosch constitua de façon plus ou moins honnête une importante collection de médailles et de manuscrits, qui servait d'ailleurs de couverture à une activité d'agent double. Elle fut achetée le 7 février 1759 par Clément XIII pour la somme de 11 300 écus romains. Les manuscrits dont l'inventaire se trouve dans le ms. Vat. lat. 7806 A, passèrent dans le fonds Ottoboni par la suite ; les médailles furent insérées dans le fonds général de la Bibliothèque Vaticane. En 1724, le baron von Stosch publia le résultat de ses premières recherches en confiant la gravure de ses planches à Bernard Picart qui les publia sans privilège à Amsterdam. L'exemplaire présenté ici a appartenu à Madame Victoire. Il est pour le moins singulier de voir figurer dans la bibliothèque d'une des filles de Louis XV un ouvrage dû à la plume d'un agent de l'Autriche, édité qui plus est en Hollande. Celle-ci possédait par ailleurs tant à Bellevue qu'à Versailles plusieurs recueils de gravures étrangères et bon nombre d'ouvrages de géographie, de voyages, de cartes, ainsi que l'Histoire de l'art de Winckelmann. L'ensemble de sa bibliothèque fut rassemblé au dépôt de

156

Versailles ; chaque volume reçut un numéro précédé de A quand il provenait du château de Versailles, de B quand il provenait de Bellevue. Versé au cabinet des Estampes sous le numéro 3290, le recueil présenté ici était désigné ainsi : « Victoire Capet n° A 1952 ». F. Fossier

157

P.N. Le Roy Maquette du château et des jardins de Bellevue

1777. – Plan relief circulaire posé sur une table-vitrine

table-vitrine cinq pieds en bois doré et sculpté, montrant sur sa traverse un gros bouquet de lilas, de roses et de pavots, diamètre 830 mm, hauteur totale 970 mm.

Cartes et Plans. Ge. A. 274.

Prov. : Achat (1827).

Bibl. : P. Biver, Histoire du château de Bellevue, Paris,

1933. Je remercie particulièrement M. Baulez,

conservateur au château de Versailles, pour ses

aimables informations.

Louis XV avait acheté la terre de Bellevue pour Mme de Pompadour, qui y avait fait élever un château en 1748. Racheté par le roi en 1757, celui-ci fut agrandi en 1773 par J.A. Gabriel. Après la mort de

Louis XV, le domaine revint à ses filles, Adélaïde, Victoire et Sophie (morte en 1782). En 1791, « Mesdames » quittèrent précipitamment le château sur lequel marchaient les émeutiers parisiens et se réfugièrent en Italie. Le château fut alors fermé, puis livré aux déprédations et vendu comme bien national. Son mobilier fut dispersé. A partir de 1828, on procéda au lotissement du parc dont la destruction fut achevée par l'établissement du chemin de fer de Montparnasse.

Les princesses affectionnaient les modèles en relief. Elles en commandèrent trois autres, postérieurs à celui-ci, qui rendaient compte des projets d'aménagement du jardin anglais. Le plan exposé ici doit être considéré avec circonspection. Selon P. Biver, il aurait subi des accidents et le corps du château serait une réfection moderne et fautive.

Saisie en l'an II, la maquette séjourna au garde-meuble de la couronne à Versailles de 1807 à 1815, puis fut achetée par la Bibliothèque Nationale en 1827. Malgré sa date d'acquisition tardive, cette pièce curieuse et peu connue méritait de figurer ici, en compagnie d'autres objets ayant appartenu aux filles de Louis XV. M. Pastoureau

La bibliothèque de Marie-Antoinette aux Tuileries

Dans les derniers jours de 1792, un article d'Aubin-Louis Millin, dans le Magazin encyclopédique, annonça le transfert à la Bibliothèque Nationale des « différentes collections de livres qui existoient dans le château des Thuileries » et en décrivit longuement le contenu. Ce transfert méritait en effet d'être signalé à l'attention du public cultivé. Entrèrent alors à la Bibliothèque Nationale les livres de la reine, de Madame Elisabeth et des personnes de leur entourage logées au palais, M. de Chastellux (nos 173-174), Mlle d'Ossun et Mme de Tourzel. A la différence des prélèvements dans les dépôts littéraires, ce versement s'effectua en bloc, sans tri préalable : il s'agissait de vider le palais des Tuileries dont on déposait jusqu'aux glaces et aux serrures.

La plus importante et la plus précieuse de ces collections était celle de Marie-Antoinette, 1 735 articles d'après l'acte de séquestre, ce qui représentait près de 4 000 volumes, conservés à l'origine à Versailles. Dès son arrivée en France en 1770, la dauphine avait disposé d'une bibliothèque particulière. Ses collections ne cessèrent de croître et leur disposition évolua au gré des transformations des appartements royaux. En octobre 1789, la reine fit transporter ses livres aux Tuileries. La bibliothèque du château de Versailles fut totalement déménagée, ainsi qu'en témoignent des visites faites dans les appartements de la reine le 31 janvier 1791 et le 24 fructidor an II (10 septembre 1794) par les commissaires qui ne trouvèrent que quelques paquets de livres brochés, reliquat d'éditions auxquelles la reine avait souscrit. Les livres de la bibliothèque du Petit Trianon, qui constituaient une autre bibliothèque et que distinguaient les initiales C.T. (château de Trianon) au dos, passèrent, quant à eux, au dépôt central du district d'où ils furent répartis dans les bibliothèques publiques de Seine-et-Oise, et en premier lieu celle de Versailles.

Soigneusement mis en caisse à Versailles, les livres de Marie-Antoinette furent installés avec quelque difficulté aux Tuileries, où les appartements étaient moins vastes. Aussi de nouveaux catalogues furent-ils établis en 1789 et en 1792 avec les localisations des armoires « dans la principale pièce de la bibliothèque », « dans les passages » ou « dans le boudoir ». Par manque de place, certains volumes furent rangés sur deux rangs. D'après la comparaison entre le dernier catalogue rédigé à Versailles en 1781 et tenu à jour jusqu'en 1789, et les deux catalogues des Tuileries, il ne semble pas y avoir eu de disparition de volumes durant cette période. La bibliothèque s'augmenta même de quelques livres aux Tuileries, les derniers ouvrages entrés étant sans doute l'Etat général des postes en France. pour l'année 1792 et les Idylles de Théocrite (n° 162).

Les livres tinrent une place croissante dans la vie de la famille royale aux Tuileries. A en croire Mme Campan, sa

première femme de chambre qui lui servait ordinairement de lectrice, la reine s'y intéressa peu les premiers temps : « Son esprit était trop préoccupé des événements et des dangers dont elle était environnée pour pouvoir se livrer à la lecture ; l'aiguille était la seule chose qui lui procurât quelque distraction », mais, au cours du séjour de la Cour à Saint-Cloud, durant l'été 1790, Mme Campan lui fit la lecture. D'après Mme de Tourzel, la gouvernante des enfants royaux, pendant le quasi-emprisonnement de la famille royale, après la fuite à Varennes, la reine passait ses journées « à lire, à écrire et à travailler ». Tous les témoignages soulignent que Louis XVI s'adonnait sans cesse à la lecture : selon l'article de Millin, il n'avait aux Tuileries que quelques récits de voyage, mais usait alors des livres de la reine. Le dauphin, qui apprit à lire pour les étrennes de la reine en 1790, avait chez lui des livres de la bibliothèque de sa mère (Don Quichotte, n° 159) ; on sait qu'il lisait aussi Berquin et beaucoup de récits historiques.

Il serait téméraire de prétendre tirer du contenu de la bibliothèque de Marie-Antoinette des indications précises sur ses goûts. Composée presque exclusivement d'ouvrages contemporains, en français et en italien, cette collection reflète surtout les grands courants de la production du temps et les choix du bibliothécaire ou des libraires fournisseurs. Les ouvrages d'actualité, tels la Constitution des Etats-Unis d'Amérique ou le Compte rendu au Roi de Necker de 1781, furent certainement des présents, de même que les reliures à décor. De caractère plus personnel serait la place importante accordée à la littérature française, anglaise et italienne, aux pièces de théâtre et aux opéras, déjà remarquée par Aubin-Louis Millin. Enfin la présence d'un grand nombre de romans est peut-être l'aspect le plus marquant de cette collection. Rares avant 1775-1780, sans doute parce qu'ils étaient alors placés dans la bibliothèque du Trianon – qui n'est pratiquement plus nourrie à partir de 1780-1781 – les romans sont de plus en plus nombreux dans les dernières années passées à Versailles : c'est la production de 1787, avec 23 titres, et celle de 1788, avec 35 titres, qui est la mieux représentée. Au total 295 articles sont inscrits sous la rubrique romans de l'acte de séquestre.

A côté de quelques grandes collections, la Bibliothèque universelle des romans, parue de 1775 à 1787 (112 volumes), les deux Bibliothèque de campagne (60 volumes), la Collection de romans anglais (45 volumes), on trouve surtout les nouveautés ; Restif de la Bretonne, avec Les Contemporaines, la Découverte australe, la Femme infidèle, les Françaises, les Nuits de Paris, les Parisiennes, les Dangers de la ville, les Veillées du marais, le Paysan perverti, etc., est l'auteur le plus présent. Mais on remarque aussi Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos ou Vathek de Beckford. La plus grande partie des titres cependant sont des « petits » romans, souvent imités ou

traduits de l'anglais, qui ne passeront pas au rang d'oeuvres littéraires, même s'ils ne méritent pas l'opprobe dont les accablèrent les critiques du XIXe siècle.

Ces romans semblent, pour la plupart, avoir déjà été isolés du reste de la bibliothèque avant la rédaction du catalogue de 1781 à leur titre correspond la localisation « pièce B ». Aux Tuileries, ils furent rangés dans le boudoir, dont l'existence est clairement attestée. Le nouveau catalogue de 1789 porte sur sa page de titre la mention « Les articles marqués en rouge sont dans le boudoir de sa Majesté », et celui de 1792 signale que « la lettre et le chiffre rouges annoncent que l'armoire indiquée est dans le boudoir où se trouve de plus un petit catalogue particulier ». Quelques centaines de volumes (258 titres) sont ainsi répartis en trois armoires à Versailles, puis en deux aux Tuileries. A côté des romans y figurent quelques comédies, tel le Mariage de Figaro (n° 161) et quelques autres oeuvres que rien ne rattache à la littérature de divertissement, comme le Discours en vers adressé aux officiers et aux soldats des différentes armées américaines de David Humphreys, traduit par le marquis de Chastellux. A de rares exceptions près, tous ces volumes présentent une grande unité extérieure due à leur demi-reliure : leurs plats, aux armes de la reine, sont couverts de papier bleu ou rose (n° 160), alors que le reste de la bibliothèque est relié en maroquin rouge ou en veau marbré. Lors de l'installation aux Tuileries, quelques déplacements se feront, par désir de réunir les romans ou peut-être seulement pour des raisons de place : l'Amant bourru de Boutet de Monvel (1777), relié en maroquin rouge, initialement rangé dans la pièce B est mis dans la bibliothèque principale, tandis que la

Bibliothèque universelle des romans, reliée en veau marbré, passe dans le boudoir ; mais les autres romans reliés en pleine peau, restent à Versailles comme à Paris, dans la bibliothèque même (ainsi Les Liaisons dangereuses, reliées en maroquin rouge).

G. Guilleminot-Chrétien

Bibl. : J. Campan, Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, Paris, I. 1822, p. 277, 302, II. p. 91, 121, 215. – Expo. Marie-Antoinette, archiduchesse, dauphine et reine, château de Versailles. 1955, nos 783-824. – M. Jallut. « Château de Versailles : cabinets intérieurs et petits appartements de Marie-Antoinette », dans Gazette des beaux-arts, 63 (mai 1964). p. 289-354. – M. Jallut. « Les Bibliothèques de Marie-Antoinette », dans Mélanges d'histoire du livre et des bibliothèques offerts à M. Frantz Calot, Paris, 1966. p. 325-332. – Magazin encyclopédique, I. 1792, n° 22, p. 169-170 (reproduit dans E. Quentin-Bauchart. Bibliothèque, op. cit. infra). – E. Olivier. G. Hermal. R. de Roton, Manuel de l'amateur de reliures armoriées françaises, 26, Paris. 1934, pl. 2508.

– E. Quentin-Bauchart, Les Femmes bibliophiles de France, Paris, 1886. II. p. 227-294.

– L. de Tourzel. Mémoires pendant les années 1789-1795, Paris, 1884. I, p. 278. 360.

Sources : Manuscrits. Français 13001 : Catalogue de la bibliothèque de Marie-Antoinette. par matières. 1779 (édité par E. Quentin-Bauchart. Bibliothèque de la reine Marie-Antoinette au château des Tuileries [sic], Paris. 1884). – Nouv. acq. fr. 3209 : Catalogue de la bibliothèque de Marie-Antoinette 1781 [tenu à jour jusqu'en 1789],

– Nouv. acq. fr. 3210 : Catalogue de la bibliothèque de Marie-Antoinette aux Tuileries. 1789. – Nouv. acq. fr. 2512-2513 : Catalogue de la bibliothèque de Marie-Antoinette aux Tuileries, 1792. – Nouv. acq. fr. 1699 : Catalogue des livres du boudoir de Marie-Antoinette (édité par L. Lacour. Livres du boudoir de la reine Marie-Antoinette, Paris, [1862]). – Archives nationales, T 1077 A Acte de séquestre de la bibliothèque de Marie-Antoinette aux Tuileries. – Arsenal. Ms. 5391 Catalogues des livres provenant du district de Versailles (Petit Trianon, p. 227-296 édité par P. Lacroix. Bibliothèque de la reine Marie-Antoinette au Petit Trianon, Paris, 1863).

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Torquato Tasso

La Gerusalemme liberata con le

figure di Gian. Bat. Prazzetta

Venise, Albrizzi, 1745. – In-folio. – Frontispice,

portrait, planches, vignettes et culs-de-lampe coloriés. Reliure. vers 1750, maroquin rouge à décor de

dentelle, bordure mosaïquée de maroquin vert et

rouge, pièce centrale de maroquin citron, armes

mosaïquées de Marie-Antoinette (O.H.R., pl. 2508.

4) sur un médaillon de maroquin brun substituées

après 1779 à celles de la marquise de Pompadour

(O.H.R., pl. 2399) pièces d'armes de la maison

d'Autriche portées au dos après 1779 doublure

mosaïquée à décor de dentelle d'or vert et de bordures dorées ; gardes de moire bleue.

Imprimés. Rés. Yd, 47.

Prov. : Bibliothèque de Marie-Antoinette aux

Tuileries (1792).

Bibl. : H. Bouchot. Les Reliures d'art de la Bibliothèque

Nationale, Paris, 1888, pl. LXXVII. – L.M. Michon, Les Reliures mosaïquées du XVIIIe siècle, Paris, 1956. p. 31 et p. 100. n° 35 (230).

« Edition magnifique, dont les Curieux font grand cas, et qui devient rare ; elle est décorée de figures, vignettes et culs-de-lampe, gravés en taille-douce, dont l'exécution est fort belle ; cet exemplaire est d'autant plus précieux que chacune de ces estampes a été colorée avec tant de soins, qu'elle peut passer pour un superbe tableau en miniature : quant à la reliure, il est impossible de rien voir de plus beau en ce genre ».

Cette longue note, qui figure dans le catalogue de la vente Delaleu en 1775, dit assez en quelle estime les contemporains tenaient cette édition et surtout cet exemplaire. Ce luxueux volume appartint d'abord à Mme de Pompadour ; il passa dans la vente de sa bibliothèque en 1765 (n° 1314), où il fut adjugé 480 1., un des montants les plus élevés atteints dans

158

cette vente. Il apparut ensuite dans les ventes de la bibliothèque du notaire Delaleu (n° 757) et dans celle du financier Pâris de Meyzieu en 1779 (n° 1485). Il entra alors dans la bibliothèque de Marie-Antoinette : il est inscrit dans la Distribution de la Bibliothèque de la reine qui accompagne le catalogue de 1781 sous la mention « Gierusaleme liberata, Estampes enluminées de la Bibliothèque de Mad. la Mise de Pompadour » ; les armes de la reine furent substituées à celles de Mme de Pompadour et des fers (alérion, lion, croix de Lorraine) frappés au dos. Plus qu'à un intérêt de la reine pour les grandes éditions ou pour les reliures à décor, c'est sans doute à la présence du portrait, gravé et enluminé, de sa mère l'impératrice Marie-Thérèse, à qui l'édition est dédiée, qu'est due l'entrée de ce volume dans les collections de la souveraine.

La reliure a été attribuée à Antoine-Michel Padeloup par L.M. Michon.

G. Guilleminot-Chrétien

159

Michel de Cervantes

Les Principales avantures de

l'admirable Don Quichotte,

représentées en figures par Coypel, Picart le romain, et autres habiles

maîtres, avec les explications des

XXXI planches de cette magnifique collection.

La Haye, Pierre de Hondt, 1746. – In-4°. – Reliure maroquin rouge, aux armes de Marie-Antoinette

(proches de O.H.R., pl. MMDVIII, 6).

Imprimés. Rés. Y2. 267.

Prov. : Bibliothèque de Marie-Antoinette aux

Tuileries (1792).

Bibl. : G.N. Ray, The Art of the French illustrated book, 1700 to 1914, The Pierpont Morgan Library, Cornell University Press, 1, 1982, p. 13-15.

L'histoire de Don Quichotte, très populaire dès le XVIIe siècle, inspira à plusieurs reprises peintres et graveurs. La suite que réalisa le peintre Charles-Antoine Coypel de 1715 à 1720 et qu'il fit graver et éditer en 1723 et 1724, fut aussitôt fort recherchée. D'après l'avertissement de l'édition de 1746, elle devait

159

son succès à sa qualité documentaire « par rapport aux moeurs, coutumes, habillemens, et autres usages d'Espagne, d'où Coypel a pris un soin tout particulier de s'en faire envoïer des desseins, pris exprès sur les lieux-mêmes, et que de l'aveu même des Espagnols il y a parfaitement bien représentez ».

Le graveur Bernard Picart commença à réduire ces planches dans un format in-quarto ; après sa mort, l'entreprise fut poursuivie par d'autres artistes et aboutit à cette édition de 1746.

L'exemple présenté ici, sur grand papier, comprend les premières épreuves des figures avant numérotation ; le texte est encadré. Aux Tuileries, ce volume ne fut pas placé sur les rayons de la bibliothèque, mais servit à distraire le Dauphin, ainsi que le révèle une note portée au crayon sur le catalogue de 1792 « Il y a chez M. le Dauphin un Don Quichotte in-folio avec des gravures, qui appartient à la Reine ». Marie-Antoinette possédait par ailleurs un Don Quichotte en six volumes in-douze.

G. Guilleminot-Chrétien

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[Mademoiselle Motte] Célide, ou Histoire de la marquise de Bliville

La Haye. Paris, veuve Duchesne. Moutard, Lalain, Merigot jeune, L'Esprit. 1775. – 2 parties, in-12. – Demi-reliure, papier rose, aux armes de Marie-Antoinette

Marie-Antoinette de O.H.R.. pl. 2508. 6).

Imprimés. Rés. Y 2. 1618-19.

Prov. : Bibliothèque de Marie-Antoinette aux

Tuileries (1792).

Bibl. : J. Veyrin-Forrer, « L'Enfer vu d'ici », dans La Lettre et le texte, p. 415-416.

Un des plus anciens volumes de la bibliothèque du boudoir, ce livre était rangé dans l'armoire A de la pièce B à Versailles, avant de passer dans le boudoir, armoire B, aux Tuileries. Sa demi-reliure correspond au premier type que l'on trouve sur les livres du boudoir, le plus élaboré, avec un dos à nerfs, à décor dans les compartiments, et avec des pièces aux coins. Les demi-reliures exécutées pour le boudoir vont ensuite en se simplifiant : les nerfs disparaissent, puis le décor au dos et les pièces d'angles. Toutes portent les mêmes armes.

Le texte, qui rapporte les amours contrariées d'une héroïne à la sensibilité exacerbée, est caractéristique de nom160

nom160

breux romans du temps où l'on retrouve aussi ce balancement du titre à partir d'un prénom féminin : Adrienne., Alexandrine., Evelina.

Cette littérature du boudoir suscita de vifs débats chez les critiques et les bibliographes du siècle dernier, à la suite de la publication par L. Lacour du catalogue particulier du boudoir : l'ouvrage, paru chez J. Gay, un éditeur spécialisé dans la réédition de textes érotiques anciens, fit l'objet d'un procès en 1863, bien qu'aucun des titres de ce catalogue ne relevât de l'Enfer.

G. Guilleminot-Chrétien

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Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

La Folle journée ou Le Mariage de Figaro, comédie en cinq actes, en prose

Paris, au Palais-Royal, Ruault, 1785 (Impr. Ph.-D. Pierres. Achevé d'imprimer pour la première fois le 28 février 1785). – In-8°. – Demi-reliure, papier bleu, aux armes de Marie-Antoinette (proches de

O.H.R., pl. MMDVIII, 6).

Imprimés. Rés. Yf. 4107.

Prov. : Bibliothèque de Marie-Antoinette aux

Tuileries (1792).

Exp. : Beaumarchais, Paris, Bibliothèque Nationale. 1966, n° 386.

Bibl. : F. Gaiffe, Le Mariage de Figaro, Amiens, 1928.

Composé dès 1776, après le succès rencontré par Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro, reçu à la Comédie-Française en 1781, fut rejeté par plusieurs censeurs, malgré les modifications successives apportées par l'auteur. De nombreuses lectures privées eurent cependant lieu à Versailles et à Paris et connurent un grand retentissement, aussi Louis XVI voulut-il juger lui-même du contenu du texte : il se fit lire la pièce, en la seule présence de la reine, par Mme Campan, la critiqua vivement et assura la reine qu'on ne la jouerait jamais. Sous la pression de l'opinion publique et de la cour tout particulièrement, un dernier censeur donna son accord et le roi revint sur sa décision. La pièce fut enfin jouée publiquement le 27 avril 1784, mais l'agitation qu'elle suscitait ne diminua pas pour

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autant ; une nouvelle polémique s'engagea entre Beaumarchais et son censeur Suard à l'occasion de la préface que Beaumarchais préparait pour la publication de la pièce. Suard obtint l'arrestation de Beaumarchais le 9 mars 1785, par lettre de cachet du roi. Libéré au bout de quelques jours, Beaumarchais rentra en grâce et la reine organisa à Trianon une représentation du Barbier de Séville où elle tint le rôle de Rosine.

Cet exemplaire du Mariage de Figaro fait partie des quelques pièces de théâtre rangées dans la pièce B de Versailles, puis dans le boudoir des Tuileries. Il porte la demi-reliure, aux plats couverts de papier bleu, caractéristique des livres du boudoir.

Si les catalogues de Versailles et des Tuileries ne mentionnent pas Le Barbier de Séville, on. y trouve par contre Tarare, un opéra de Beaumarchais, publié en 1787, relié en maroquin rouge et rangé dans la bibliothèque principale, et Les Observations sur le mémoire justificatif de la cour de Londres du même, de 1779.

G. Guilleminot-Chrétien

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Théocrite

Idylles et autres poésies traduites en françois, avec le texte grec, des

notes critiques, la version latine et un discours préliminaire, par M. Gail.

Paris, Didot l'aîné, Debure, Barrois, Cussac, 1792. – In-8°. – Reliure maroquin rouge à grain long, à déco de bordure de style néo-classique, aux armes

mosaïquées de Marie-Antoinette (O.H.R., pl. 2508. n° 14), gardes de tabis bleu.

Imprimés. Rés. Yb. 847.

Prov. : Séquestre de la bibliothèque de Marie-Antoinette

Marie-Antoinette Tuileries (1792).

Exp. : Les Plus belles reliures de la Réunion des Bibliothèque Nationales, Paris, Bibliothèque Nationale, 1929,

352. – Marie-Antoinette, archiduchesse, dauphine et

reine, château de Versailles, 1955, n° 787.

Jean-Baptiste Gail (1755-1829) consacra sa vie à l'enseignement du grec. Il publia des textes à l'usage des étudiants, des grammaires et des manuels, et édita, traduisit et commenta ses auteurs de prédilection, les poètes Théocrite et Anacréon, et les historiens Xénophon et Thucydide. En 1791, il remplaça Jean-François de Vauvilliers à la chaire de

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littérature grecque du Collège de France qu'il conserva à travers tous les changements de régime.

Le luxe de la reliure permet de penser que J.B. Gail présenta lui-même cet exemplaire à la reine. La date exacte de son entrée dans la bibliothèque de Marie-Antoinette n'est pas connue, mais on eut le temps de le ranger, armoire K, tablette 6, et de le porter sur le catalogue de 1792, à la suite des autres titres sous la lettre I/J.G. Guilleminot-Chrétien

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Carte de Cassini, levée par ordre du Roy sous les auspices de l'Académie des sciences, par César François

Cassini de Thury, à l'échelle d'une

ligne pour 100 toises.

Paris. 1756-1784 (la collection entière comprend

182 feuilles dont les dernières furent publiées par

Jacques-Dominique, comte de Cassini). Chaque

feuille. 645 x 950 mm.

Imprimés, Rés. L 14. 11,

Prov. : Bibliothèque de Marie-Antoinette aux

Tuileries (1792).

Bibl. : H. Berthaut. La Carte de France, 1750-1898.

Paris, 1898. – J. Konvitz. Cartography in France, 1660-1848,

1660-1848, Londres, 1987. – M. Pelletier. La Carte de France, canevas ou portrait ? (à paraître).

Exp. : A la découverte de la terre, Paris. Bibliothèque Nationale. 1979, nos 147-148.

Au moment où éclate la Révolution, La Carte générale de France, dite « de l'Académie »(des Sciences) ou « de Cassini » (César-François Cassini de Thury) est en voie d'achèvement. Ordonnée par Louis XV qui l'avait soutenue financièrement de 1748 à 1756, elle a été menée à bien grâce à la ténacité de C.-F. Cassini de Thury qui, malgré une diffusion insuffisante, parvint à maintenir l'entreprise à flots.

Conçue pour asseoir les limites d'une administration complexe, cette carte fut ensuite souhaitée par les Ponts et Chaussées, et Perronet, d'abord conseiller technique, devint l'un des directeurs de la Société de la Carte de France.

En 1790, Capitaine achève une réduction au quart pour y porter les anciennes divisions administratives devenues caduques, et il lui faut rapidement ajouter les départements en surimposition. En septembre 1793, la Convention décide de transférer les planches et les feuilles de la Carte générale de France de l'Observatoire au Dépôt de la Guerre : les militaires obtiennent la revanche longtemps attendue. Ce sont eux qui vont effectuer l'indispensable mise à jour du réseau routier qui, durant le XVIIIe siècle, a beaucoup évolué.

Image du royaume, la carte de France était d'abord destinée au roi. Des exemplaires furent aussi adressés, à titre gracieux, aux membres de la famille royale. C'est ainsi qu'en 1787 la Société refusa d'en envoyer encore un au château de Rambouillet elle estimait que l'exemplaire de la Bibliothèque de Paris et ceux de l'illustre famille devaient suffire.

Les feuilles de l'exemplaire de Marie-Antoinette, entoilées et coloriées, étaient placées dans soixante-deux étuis en maroquin rouge à ses armes, eux-mêmes rangés dans une armoire parmi les autres livres : aux Tuileries, ils occupaient trois tablettes de l'armoire AA placée dans un passage.

L'article de L. Millin dans le Magazin encyclopédique atteste de l'importance attachée à cette carte par les hommes du temps : elle y est citée parmi les pièces notables de la bibliothèque de la reine. (« On y remarque une belle collection sur toile des cartes de la France, rangées par provinces »). M. Pelletier

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Thomas Burke

Cupid binding Aglaia to a Laurel (d'après Angelica Kauffmann).

1784. – Mezzotinte et pointillé en couleurs.

255 X 315 mm. Ancienne reliure maroquin vert aux armes de Marie-Antoinette (armes remontées au

contreplat).

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Estampes. Ad 48 (transféré à Aa 139 fol. rés.).

Prov. : Bibliothèque de Marie-Antoinette aux

Tuileries (1792).

Exp. : OEuvres d'art du XVIIIe s. à la Bibliothèque

Nationale, Paris, Bibliothèque Nationale, 1906, n° 765 (catalogue par H. Bouchot).

Sources : Estampes. Rés. Ye 86, f. 3.

Dans le Journal du cabinet des Estampes apparaît sous le n° 3049 la mention : « Le 5 février an 2 (1793), le susd. [Bounieu] a reçu du Cen Dezaunais deux volumes provenant du Cabinet de Marie-Antoinette, trouvés au Thuilleries contenant l'un 45 pièces et l'autre une série d'estampes anglaises ».

Le même jour Bounieu reçut de la même provenance un recueil de Gautier Dagoty. Comme le note Joly dans son propre journal : « la collection connue sous le nom de cabinet de Marie-Antoinette ayant été dilapidée au château des Thuilleries avant d'être apportée à la Bibliothèque, il n'en est revenu que deux volumes in-folio composés d'estampes coloriées ou enluminées ; on y a joint quelques pièces du même genre pour en remplir les lacunes ».

Le caractère de mièvrerie et la relative médiocrité des pièces conservées dans ces deux volumes ne donnent guère une idée favorable des goûts de la souveraine : frivolité, anglomanie et sensiblerie dominent dans le choix qu'ils renferment et on

peut aisément imaginer la composition du reste du cabinet de la reine.

Contrairement aux bibliothèques de Mesdames, de Monsieur et du roi qui transitèrent par le dépôt de Versailles de l'an III à l'an V, les recueils de gravures de Marie-Antoinette furent, comme ses livres, envoyés immédiatement des Tuileries et intégrés à la Bibliothèque Nationale. F. Fossier

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André-Modeste Grétry (1741-1813) La Rosière de Salency par Grétry, 1774.

Ms., 1774.

Partition (174 f.) ; 180 X 220 mm.

Reliure en maroquin rouge aux armes de Marie-Antoinette, dauphine. Contre-plats recouverts de tabis bleu.

Musique. Rés. 1336.

Prov. : Marie-Antoinette.

Bibl. : D. Charlton, Grétry and the growth of opéra-comique, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 121-128.

Pastorale en trois actes sur un livret d'Alexandre-Frédéric-Jacques Masson de Pezay, représentée pour la première fois à Fontainebleau le 23 octobre 1773. Première représentation à la Comédie-Italienne le 28 février 1774.

Le thème de cette pastorale s'inspire d'un récit anonyme édité par Billardon de Sauvigny en 1766 évoquant une « fête de la rose » à Salency en Picardie, populaire depuis le XVe siècle. Repris par Sauvigny en 1770 et 1774, ce thème fut également traité par Favart sous forme de pasticcio en 1769 avec des emprunts musicaux à Rameau, Philidor et Monsigny.

La première version de l'oeuvre en quatre actes fut remaniée avant les représentations parisiennes. Le présent manuscrit reflète une version intermédiaire qui se termine par des « couplets pour Madame la Dauphine ». La mise en scène de villageois idéalisés, le personnage odieux du Bailli qui persécute la jeunesse innocente sont bien caractéristiques de ces courants de critique sociale qui affleurent dans l'opéra-comique des années 1770.

Au cours de la brillante saison de spectacles qui suivit à l'automne 1770 le mariage du duc de Berry avec Marie-Antoinette d'Autriche, Grétry fit représenter L'Amitié à l'épreuve, oeuvre dédiée à la jeune dauphine. Celle-ci appréciait particulièrement l'opéra-comique français. Elle choisira Grétry comme directeur de sa musique lors de son accession au trône en 1774. C. Massip

Emigrés et condamnés

Les premières mesures contre l'émigration commencèrent timidement : le 1er août 1791, l'Assemblée constituante vota l'interdiction de sortie du territoire et le triplement des impôts pour les émigrés qui refuseraient de rentrer. Le décret fut annulé par l'amnistie générale votée peu après. Mais l'émigration continua d'augmenter, et il fallut hausser le ton. Le 31 octobre 1791, Monsieur, frère du roi, fut sommé de rentrer en France immédiatement, sous peine de perdre tous ses droits au trône. Enfin le 9 novembre, le ton se durcit encore : un délai de deux mois, jusqu'au 1er janvier 1792, était accordé à toutes les personnes passées à l'étranger pour qu'elles rentrent en France, faute de quoi elles seraient suspectées et poursuivies pour « conjuration » et seraient passibles de la peine de mort et de la confiscation de leurs biens. La loi de confiscation fut promulguée les 9-12 février 1792, et fut suivie, le 14 août, par la déclaration comme biens nationaux des biens des Français partis à l'étranger. Cette loi engendra la confusion : on s'interrogea sur la nature des absences, légitimes ou coupables, sur le droit des familles restées sur place et une discussion serrée commença entre les responsables sur l'opportunité et la légalité de ces confiscations, ce qui ne rendit les choses ni faciles ni claires. D'autre part, la méconnaissance des collections privées visées par la loi, et la lenteur des institutions à prendre des mesures pour leur sauvegarde, firent peser une menace sur leur contenu. Les ventes à l'encan commencèrent en septembre 1792, et l'interdiction de vendre les objets scientifiques et artistiques, les bibliothèques, etc., ne vint que le 25 novembre. Elle fut bientôt suivie de la décision d'appliquer aux cabinets privés les règles limitant la fonte des objets en métaux précieux provenant des églises.

Contrairement à ce qui s'était passé pour les collections ecclésiastiques, aucun plan d'ensemble ne fut établi pour la confiscation des bibliothèques de particuliers. Les commissaires chargés des séquestres s'occupèrent d'abord

de celles des grands seigneurs, des membres de la famille royale qui avaient été les premiers fugitifs, donnant ainsi l'exemple de la désertion : le comte d'Artois, le prince de Condé (n° 186), les Penthièvre, Castries, etc. Elles furent l'objet de visites domiciliaires approfondies, puis de mises sous scellés. Les représentants de l'Etat y cherchèrent les manuscrits anciens et modernes, les éditions rares, les objets précieux, qu'ils avaient déjà rencontrés dans les bibliothèques des couvents et des églises. Mais ils s'intéressèrent en outre à d'autres genres de documents. Ceux qui parmi les émigrés, avaient été de grands commis de l'Etat, des ambassadeurs, etc., avaient gardé, après leur passage aux affaires, les récits de voyage, les correspondances privées et officielles, diplomatiques, les plans de fortification, les cartes de géographie qu'ils avaient réunis au cours de leur mission. Versée dans les archives et les bibliothèques familiales de ces personnages, cette documentation devait regagner au plus vite les collections nationales et les services qui pourraient en avoir besoin.

En raison de l'importance des fonds qui furent ainsi collectés, il fallut ouvrir de nouveaux dépôts provisoires, en plus de ceux qui avaient été réservés aux bibliothèques ecclésiastiques. La maison Thyroux-Mauregard, rue de Lille, accueillit 224 000 livres provenant de 205 familles, 66 000 volumes récupérés dans 119 bibliothèques privées furent rassemblés dans l'hôtel de La Luzerne, rue de Thorigny, et enfin l'hôtel de Montmorency-Laval, rue Saint-Marc, reçut 100 000 volumes représentant 148 collections. Aux Cordeliers, où se trouvaient une vingtaine de bibliothèques ecclésiastiques, furent réunies 200 000 volumes provenant de 260 maisons différentes, et les Capucins reçurent, en plus des livres des Jacobins et d'autres couvents, une quinzaine de bibliothèques d'émigrés. Les objets de physique, les machines, etc., furent emportés rue de l'Université dans la maison du comte d'Angiviller, ex-directeur des Bâtiments du roi et grand collectionneur

(n° 184). La musique fut transférée rue Bergère. Quant aux objets artistiques, ils furent placés dans l'hôtel de Nesle, rue de Beaune. Les bijoux et pièces de très grand prix transitèrent par l'hôtel de la Monnaie, où on les enfermait dans un coffre à trois clefs, de peur des vols.

Comme pour les bibliothèques ecclésiastiques, les représentants des établissements anciens ou nouvellement créés furent appelés à choisir dans ces nouveaux dépôts ce qui les intéressait. Pour les manuscrits, la Bibliothèque Nationale n'eut pas la part aussi belle que lors de la répartition des bibliothèques des couvents. Le Muséum d'histoire naturelle, le Muséum national, mais aussi les administrations et les ministères, très intéressés par les papiers de leurs prédécesseurs sous l'Ancien Régime, lui firent une concurrence parfois acharnée. Une douzaine de collections fut retenue pour la Bibliothèque Nationale, parmi lesquelles celles des familles de Rosanbo, La Mothe-Fénelon, Castries, Colbert, Gilbert de Voisins, Kerboeuf, Maubec, Turgot, Condé, Bertin. Mis à part les manuscrits médiévaux de Condé et les documents orientaux de Bertin, il s'agissait surtout de papiers modernes. Pour les imprimés, beaucoup d'autres fonds privés furent visités par les conservateurs de la Bibliothèque Nationale, et nous verrons que les collections de La Fayette (n° 167) et Philippe-Egalité (nos 170-172) entre autres fournirent des livres bien différents de ceux qui avaient été saisis dans les bibliothèques ecclésiastiques. Les dépôts provisoires qui n'étaient pas réservés aux livres furent aussi mis à contribution, pour les gravures, les objets d'art et les pierres gravées. On retrouve dans les listes de la Bibliothèque Nationale les noms des grandes familles françaises très tôt émigrées, de parlementaires et d'ecclésiastiques, mais aussi de savants ou de simples curieux.

Comme on l'a déjà souligné, le séquestre des collections particulières posait un problème aux hommes de la Révolution. Dès le début, on avait émis des objections, au nom des familles et des héritiers des émigrés et des condamnés, et certains « ayant-droit » avaient pu récupérer leurs livres, non sans peine, dans les piles des dépôts littéraires. Ainsi le 12 thermidor an III (30 juillet 1795), la veuve de Lavoisier, chimiste de renom et pour son malheur fermier général, guillotiné le 5 mai 1794, bénéficia d'une mesure de clémence exceptionnelle et put rentrer en possession des instruments de travail, des papiers et des livres de son mari, en application de la loi du 13 ventôse an III (3 mars 1795), qui limitait le nombre des bibliothèques « nationalisables ». Boissy d'Anglas, Delacroix de

Contaut et bien d'autres, dont Marmontel prendra la suite, s'affrontèrent « . sur le fait de rendre ou non aux familles des condamnés les biens confisqués par les jugements ». Parallèlement, dès l'an IV, on commença à rayer des noms de la liste des émigrés, et à réhabiliter ceux qui se décidaient à rentrer. Dans le même esprit, une série de décrets pris par la Convention les 21-23 prairial an III (9-11 juin 1795) avait réglé les modalités de restitution aux familles des condamnés des livres et des objets subsistant dans les dépôts, et décidé de supprimer d'office de la liste des émigrés le nom de tous ceux qui étaient partis après le 31 mai 1793.

Enfin dans un discours présenté au Conseil des Anciens le 25 fructidor an V (11 septembre 1797), J.A. Creuzé-Latouche répondait aux inquiétudes de Marmontel et précisait : « Au dépôt de la rue Saint-Marc sur environ 200 000 volumes provenant d'émigrés et de condamnés, il a été rendu 10 000 volumes à des personnes rayées de la liste d'émigration, et 30 000 à des parens de condamnés ». Et il ajoutait qu'il en avait été de même dans les dépôts des Capucins, de la rue de Thorigny, de la rue de Lille, des Cordeliers et de Versailles, bref partout où avaient été entreposées des collections privées (n° 166).

Dès brumaire an IV (4 novembre 1796), Talleyrand avait, grâce à ses appuis politiques et sur proposition de Marie-Joseph Chénier, pu reprendre ses livres, stockés aux Cordeliers. Peu après la famille de Rosanbo, dont le chartrier avait été particulièrement convoité à cause des manuscrits de Vauban qu'il était sensé contenir, récupéra ses biens et l'on rendit aux Salignac de La Mothe-Fénelon les manuscrits de l'évêque de Cambrai (voir n° 141). Mais Louis-Philippe d'Orléans, fils aîné de Philippe-Egalité et futur Louis-Philippe, dut quant à lui attendre la Restauration, et ce n'est que le 28 décembre 1814, qu'il retrouva le cabinet de Médailles de son père, déposé jusque-là au cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale. Pour le prince de Condé, l'une des cibles favorites des révolutionnaires, les choses furent plus compliquées : on lui rendit ses manuscrits médiévaux le 9 décembre 1814, mais ils lui furent repris en avril 1815 au retour de Napoléon Ier, pour lui être définitivement restitués le 19 août 1815 !

Bibl. : M. Bouloiseau, Etude de l'émigration et de la vente des biens des émigrés (1792-1830), Paris, Bibliothèque Nationale, 1963. – P. Riberette, « Le Conseil de Conservation et la formation des bibliothèques françaises », dans Actes du 90e congrès des Sociétés savantes, II, Paris, 1966, p. 213-286.

Sources : Archives nationales, série F 17.

Lectures savantes

Plusieurs études récentes se sont attachées à retrouver, à travers l'examen des bibliothèques privées, la nature des lectures et les intérêts de la société française du XVIIIe siècle. Réunis dans des collections ecclésiastiques, nobiliaires, parlementaires, les livres se trouvaient investis, comme dans les trésors médiévaux, d'un rôle symbolique de représentants du pouvoir et de la richesse de leurs propriétaires. Ils étaient aussi le signe tangible du privilège culturel de l'aristocratie, qui s'ajoutait aux autres, politique et économique. Les révolutionnaires s'attachèrent à le détruire également, en nationalisant et en ouvrant à tous les bibliothèques des institutions.

De nombreuses statistiques ont été établies sur le contenu des bibliothèques privées. Si les sciences et les arts y étaient assez bien représentés, la philosophie, la géographie et l'histoire, les textes religieux ou la littérature de divertissement, romanesque ou libertine, y tenaient plus ou moins de place, selon la personnalité et les fonctions de leurs possesseurs. Au XVIIIe siècle, les livres à gravures avaient fait une entrée remarquée et leur nombre ne cessa d'augmenter. L'anglophilie y touchait parfois au ridicule.

Au cours du siècle, l'anglais en effet avait pris le pas sur l'italien et l'espagnol, plus prisés au XVIIe siècle.

A travers les choix opérés par la Bibliothèque Nationale en fonction des lacunes de ses propres collections, se reconnaissent ces tendances. Les conservateurs ont cherché à se procurer, dans les collections de l'aristocratie parisienne, de nombreux ouvrages récents, souvent luxueux, que quelques années auparavant la Bibliothèque du Roi n'avait pas eu l'idée ou les moyens d'acheter.

M.P. Laffitte

Bibl. : Citons à titre d'exemple M. Figeac, « La culture nobiliaire au travers des bibliothèques : l'exemple bordelais à la fin du XVIIIe siècle », dans Revue française d'histoire du livre, LII (1986), p. 389-413. – C. Thomassery, « Livres et culture cléricale au XVIIIe siècle : quarante bibliothèques d'ecclésiastiques parisiens », ibid., (1973), p. 281-300 et surtout D. Roche, « Noblesse et culture dans la France du XVIIIe siècle. Les lectures de la noblesse », dans Buch und Sammler, Heidelberg. 1979. p. 9-27.

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The Guardian Londres, 12 mars-ler octobre 1713 (I-II, nos 1-175).

Rééditions in-8° : 1726 (4e), 1767.

Imprimés. R. 20187 ; R. 20193.

Prov. : Divers émigrés.

Bibl. : J. Bouchary, Les Manieurs d'argent à Paris à lafin du XVIII' siècle, Paris, 1943, III, p. 129 et suivantes. – O. Donau, « Les Girardot à l'époque de la

Révolution », in Bull. soc. hist. prot. français, XXXIX

(1890), p. 449. – Jougla de Morenas, Grand armorial de France, IV, 1975, p. 160. – E. Olivier, G. Hermal et R. de Roton, Manuel de l'amateur de reliures armoriées

françaises, Paris, 1926, VII, pl. 687 et VIII, pl. 861 et 862. – J. Riestap, Armorial général, II, p. 780. –

K. William, The English newspaper, 1977, p. 19-20.

Sources : Arsenal. Mss 6487-6513, Archives des Dépôts littéraires (A.D.L.).

Le talent d'écrivains comme R. Steele et J. Addison, rédacteurs du Guardian, a assuré auprès de leurs contemporains anglais un gros succès à tous les titres qu'ils ont lancé, du Tatler (1709-10) au Spectator (1711, 1714) sans oublier The Englishman (1713-14) devenu un temps The Observator (1715). Qu'il s'agisse des articles littéraires d'Addison fort prisés ou

de la plume polémique de Steele au service du parti Whig, cette gloire perdure, trouvant des échos tout au long du XVIIIe siècle où les rééditions se sont multipliées en même temps que les traductions en allemand (Der Englandische Guardian oder Aufseher) et en français (Le Mentor moderne) pour ne citer que celles du Guardian.

Il n'est donc pas étonnant de retrouver ce titre au sein de plusieurs bibliothèques sous séquestre d'aristocrates français émigrés, enclins plus que d'autres à l'anglomanie. Ce n'est pas le seul exemple : The Spectator figure aussi en bonne place dans les inventaires des dépôts littéraires. La Bibliothèque Nationale qui ne possédait pas d'exemplaire de l'édition originale in-folio a pu pendant la Révolution adjoindre à ses collections un très bel ensemble des diverses rééditions de petit format du Guardian : six des sept éditions qu'elle détient en tout sont entrées par cette voie à ce moment, comme l'atteste l'estampillage pour une fois systématique

ainsi que les mentions de provenance des dépôts littéraires.

La quatrième édition (Londres, Tonson, 1726) offre la reliure la plus intéressante. Elle est aux armes de Joseph Bonnier, baron de La Mosson, trésorier de la Bourse des Etats du Languedoc et bibliophile, décédé en 1744. Elle a appartenu ensuite à César-Henri, comte de La Luzerne, helléniste réputé, ancien ministre de la Marine, neveu de Malesherbes et émigré à Londres en 1791. A l'intérieur du volume est porté un ex-libris à ses armes et la mention de provenance inscrite en bas à droite par le bibliothécaire. Toujours au dépôt des Cordeliers. parmi les ouvrages lui ayant appartenu, figure une autre édition de ce titre parue en 1752 à Dublin, que possède toujours la Bibliothèque Nationale (A.D.L., tome XIII). Cette deuxième édition pourrait également avoir appartenu à son frère César-Guillaume, évêque de Langres, qui émigra également et qui fut duc et pair en 1818. L'ex-libris est ici trop succinct pour

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permettre de trancher. On retrouve dans les archives des dépôts littéraires (A.D.L., tome XI, f. 299, tome XII, f. 92) deux demandes de restitution, l'une de janvier 1802 émanant des enfants du premier décédé en 1799, l'autre de juillet 1803 venant du prélat lui-même. Les recherches entreprises se révélèrent infructueuses : les bibliothèques publiques avaient été bien pourvues.

L'édition de 1767 (Londres, Tonson) a transité aussi par le dépôt des Cordeliers (A.D.L., tome XIV). L'ex-libris est aux armes d'une famille protestante, originaire du Nivernais, qui s'est enrichie à Paris dans le commerce de l'argent, se liant notamment aux Necker : les Girardot de Vermenoux. Deux membres de cette famille ont été arrêtés sous la Révolution. Antoine-Louis Girardot, banquier associé avec Cottin et Jauge, mène la plupart de ses affaires avec l'Angleterre. Leurs nombreux déplacements les font suspecter : l'un des associés est inscrit

inscrit la liste des émigrés ; le second est guillotiné en 1794. A.-L. Girardot en réchappe se disculpant à grand-peine de l'accusation d'émigration et reprend ensuite ses activités. Jean Girardot de Marigny est un ancien administrateur de la Caisse d'Escompte, retiré des affaires en 1789. Il a été un sérieux concurrent de Beaumarchais au cours de plusieurs opérations financières avec les Américains. Sa soeur, Jeanne Marguerite Girardot de Vermenoux, est l'épouse du banquier Jacques Montz. Emprisonné une première fois, il est relâché puis arrêté de nouveau avec Montz, Germany-Necker et les Thellusson, tous banquiers. C'est en liberté qu'il décède peu après en 1795. La liste de ses biens mis sous scellés (Archives nationales. F17.4726) ne révèle pas la présence d'une bibliothèque mais d'argenterie, de bijoux et surtout de numéraire et d'actions, dont il se fera rembourser en partie. Il y a donc de bonne présomptions pour attribuer cette

édition du Guardian à Antoine-Louis Girardot. La composition de la bibliothèque saisie va d'ailleurs en ce sens : forte de 1 100 volumes, elle comprend surtout des ouvrages anglais (Tom Jones, The Tatler, Milton, etc.). Une restitution eut lieu aussi en 1801 (A.D.L., tome XI, f. 430, 442) une édition de Buffon ainsi que des romans français furent récupérés.

On signalera pour mémoire deux autres éditions du Guardian qui complétèrent la collection de la Bibliothèque Nationale. Celle de 1734 (sixième, parue chez Tonson à Londres) a appartenu à Charles-Joseph Alexandre d'Alsace, prince d'Hénin, et à sa femme, née Henriette de Montconseil, dame d'honneur de Marie-Antoinette. Emigré avec le comte d'Artois, le prince d'Hénin revient à Paris où il s'oppose à ses anciens amis. Il finit par être condamné et exécuté en 1794. Sa veuve, liée intimement à Lally-Tollendal pendant l'émigration, réclama à son retour à Paris en 1802 (A.D.L., tome XI, f. 189-211) la riche bibliothèque de son époux, empreinte de l'esprit des Lumières (plus de 174 articles, mais un nombre beaucoup plus grand de titres dans l'inventaire dressé par Barbier). Sa demande semble ne pas avoir abouti. Enfin, dernière curiosité, l'édition londonienne de 1756 ayant appartenu à l'« émigré » Buckler et déposée aux Cordeliers parmi 970 autres volumes de littérature (A.D.L., tome XI, f. 128 et tome XIV). Quel parcours tortueux a suivi ce volume dont un ex-libris indique une provenance antérieure, celle de la « Ledger's circulating library » de Douvres ? On ne peut rien affirmer, de même que la personnalité de son possesseur demeure inconnue.

V. Tesnière

167

Granville Sharp An Address to the people of

England, being the protest of a private person against every

suspension of law that is liable to injure or endanger personal

security.

167

London, [s.n.], MDCCLXXVIII [1778]. – 76 p.,

in-8°.

Imprimés. 8° Nc. 2472.

Prov. : Lafayette.

Bibl. : O. Bernier, La Fayette, héros des Deux Mondes,

traduit de l'américain par J. Carlier et F. Regnot,

Paris, 1988. – A. Marcetteau-Paul et D. Varry,

« Les Bibliothèques de quelques acteurs de la

Révolution, de Louis XVI à Robespierre » dans Revue de la Bibliothèque de la Sorbonne, 1989 (à paraître).

La Fayette, élu en 1789 aux Etats généraux, devait passer en l'espace de trois ans, resté fidèle au roi et à ses principes républicains qu'il avait aidé à faire triompher en Amérique, de la popularité la plus éclatante au dangereux statut d'émigré, détesté autant par les jacobins que par les émigrés qu'il rejoignait, malgré lui. C'est le 19 août 1792, un mois avant Valmy qu'il quitte la tête de l'armée du Nord, à Sedan, pour être arrêté dans le comté de Liège, par les troupes autrichiennes. Immédiatement après sa « désertion », les biens parisiens de Lafayette étaient saisis. On possède les inventaires de ses bibliothèques parisiennes, du moins de ce qui en a été saisi

167

(Archives nationales. F17.1194, n° 23 et F17.1199, n° 5) ; mais il devait en posséder une autre au château de Chavaniac, près de Brioude en Haute-Loire, d'où il était originaire.

De ces bibliothèques qui totalisent 334 livres (inventaires des 13 floréal an II et 9 frimaire an V), la Bibliothèque Nationale n'a curieusement retenu que quatre titres, dont deux ont pu sans équivoque être retrouvés dans les collections ; deux volumes très étroitement liés à la personnalité de leur possesseur.

Ce méchant petit livre pourrait passer pour un de ces innombrables opuscules politiques anonymes comme le XVIIIe siècle en a vu naître tant, des deux côtés de la Manche, si une reliure aux armes de La Fayette (de gueules à la bande d'or, à la bordure de vair) – elles sont semble-t-il assez rares – ne retenait l'attention.

Granville Sharp (1734-1813), d'abord avocat, puis employé dans les bureaux de la guerre (Ordnance Office) démissionne au moment de la Révolution

américaine, en 1775, pour protester contre la politique du gouvernement anglais. Sa sympathie active pour la Révolution américaine lui valut d'ailleurs le titre de docteur honoris causa de plusieurs universités américaines. Il eut dès lors l'activité d'un philanthrope fortuné. Il est notamment le fondateur en 1787 de la « Society for the abolition of slavery » ; l'abolition aura été la grande affaire de sa vie ; La Fayette de son côté s'était montré pionnier en cette matière en créant un établissement agricole en Guyane.

Cette « Address to the people of England » est une protestation vigoureuse, et très précisément argumentée contre les tentatives de certains juristes du temps pour limiter l'application de l'habeas corpus. Quand on sait que le principe de l'habeas corpus a été au centre des discussions pour la rédaction de la constitution américaine, on ne s'étonnera pas que Lafayette ait eu ce texte militant dans sa bibliothèque. R.J. Seckel

168

Joel Barlow

The Vision of Columbus, a poem in nine books.

Hartford, printed by Hudson and Goodwin, for the author, MDCCLXXXVII [1787]. – 258 p. –

[12] p. (liste des souscripteurs), in-8°.

Imprimés. 8° Yk. 946.

Prov. : Lafayette.

Bibl. : C.B. Todd, Life and Letters of Joel Barlow, New York, 1886. – L.R. Gottschalk, Lafayette between the American and the French Revolution, 1783-1789, Chicago, 1950.

Joel Barlow (1754-1812), bien oublié en France aujourd'hui, a pourtant été mêlé à la Révolution, au point d'être fait citoyen français en 1792 ; on connaît de lui quelques écrits en français de cette époque, et il a accompagné l'abbé Grégoire dans son voyage en Savoie en fin 1792 ; il devait revenir en France en 1811, chargé par le gouvernement américain d'une mission auprès de Napoléon. Mais dès avant 1789, Barlow avait été en relation avec La Fayette et était venu en France. En 1785-1786, La Fayette intervient pour Barlow auprès de Louis XVI afin d'obtenir de ce

168

168

dernier la permission qu'il lui dédie sa Vision of Columbus. Louis XVI souscrit alors à vingt-cinq exemplaires (dont aucun ne semble être arrivé à ce moment à la Bibliothèque royale) et La Fayette à dix (dont sans doute l'exemplaire exposé).

Durant l'été 1788, Barlow est à Paris pour essayer de vendre des terrains, au nom de la Scioto Land Company Real Estate aux candidats français à l'émigration ; son journal fait état de rencontres avec La Fayette et de projets pour établir en France une free constitution.

The Vision of Columbus est un vaste poème en neuf chants, dont les vers hésitent entre le miltonesque et le mirlitonesque, sorte d'Enéide de la nation américaine, où parmi les héros de la construction des Etats-Unis on voit apparaître sur les champs de bataille la silhouette de La Fayette (chant VI, p. 193 notamment).

Il y a une logique indéniable, mais aussi quelque ironie à être allé chercher chez l'émigré Lafayette un ouvrage dédié, grâce à l'entremise de ce dernier, « to his most Christian Majesty, Louis the Sixteenth, King of France and Navarre ».

R.J. Seckel

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Histoire de la Société royale de

médecine. avec les mémoires de médecine et de physique médicale.

Paris. 1780-1783. – 3 volumes in-4". – Reliure

XVIIIe s. aux armes de divers émigrés.

Imprimés. 4" T 46 I.

Prov. : Emigrés.

Bibl. : M. Bariéty et Ch. Coury, Histoire de la médecine, 1963, p. 584-585. – H. Jougla de Morenas, Grand

armorial de France, III, p. 114 et IV, p. 218. –

R. Taton, dir., Histoire générale des sciences, 1969. I,

p. 668-669.

Sources : Arsenal. Mss 6487-6513. Archives des Dépôts littéraires (A.D.L.).

L'histoire de la Société royale de médecine, que l'on trouve aussi sous le titre Histoire et mémoires…, a paru dès la création de ladite société en 1776 sous l'impulsion de J.-M. – F. de Lassone, en marge de la Faculté de médecine de Paris. F. Vicq d'Azir, qui en est le principal animateur,

a su réunir dans ce périodique composé de comptes rendus d'ouvrages et de mémoires originaux, les contributions des autorités scientifiques du moment. La publication cesse avec le tome X de 1789, bien plus tôt que le célèbre Journal de médecine, chirurgie, pharmacie qui paraît chaque mois depuis 1754 jusqu'en 1794, arrivant régulièrement par la voie du Dépôt légal pendant la Révolution, et dont Corvisart reprendra la direction en 1801.

Il est intéressant de remarquer que les saisies des bibliothèques d'émigrés complètent les lacunes de la Bibliothèque du Roi. En effet, une attention particulière est portée à ces Mémoires dans la sélection opérée dans les dépôts littéraires, ainsi qu'à d'autres revues scientifiques (Journal des savants, Mémoires de l'Académie de chirurgie et surtout Journal de Physique). Rue de Lille sont retenues les années 1779-1783 (Castries et Amécourt) et deux volumes « non datés »(Vergennes) ; aux Cordeliers, cinq volumes couvrant 1776 à 1783 (Sainte-Marthe).

Les trois volumes exposés confirment l'intérêt du public cultivé pour la littérature médicale au XVIIIe siècle. Le tome regroupant les années 1780-1781, paru en 1785 chez Théophile Barrois le Jeune, est aux armes de Vergennes. Il a été saisi 10, rue des Petits-Augustins chez le fils du ministre de Louis XVI, Constantin Gravier, comte de Vergennes, ministre plénipotentiaire à Coblentz en 1787, qui épouse la cause des princes de la Révolution, négociant auprès de l'électeur de Trèves un asile pour les autres émigrés, et qui leur prête une partie de sa fortune. Il ne rentre en France qu'en 1802. L'inventaire de sa bibliothèque établi le 6 ventôse an III (24 février 1795) indique 219 articles, en fait un nombre bien plus grand de titres. Il reflète les goûts d'un fils de diplomate qui a suivi la même voie : les ouvrages d'histoire européenne et extra-européenne y sont en majorité. On note la présence de l' Encyclopédie brochée, de l'Esprit des lois, des Confessions, d'ouvrages de Voltaire, de Diderot et de Beaumarchais (Le Mariage de Figaro, éd. in-8° brochée) et d'écrits de Necker et de La Fayette. Côté périodi-

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ques, en dehors de quelques almanachs, de La Gazette de France et du Journal de Paris, c'est le goût pour les revues scientifiques qui domine : Journal de physique, Mémoires de l'Académie de chirurgie, Histoire de l'Académie des sciences. Si Vergennes manifeste de la prédilection pour les ouvrages de minéralogie et de physique (Lacépède), c'est la médecine qui retient son attention avec des livres pratiques sur les épidémies, la variole, la rage et les maladies des yeux (Archives nationales. F17.1196 n° 30). La Bibliothèque Nationale retiendra 184 articles, soit la quasi-totalité de la collection sans s'attarder toutefois sur la production littéraire et philosophique des Lumières (A.D.L., tome XIV).

Les deux tomes réunissant les années 1782-83 portent les armes de la

famille de Castries (d'azur à la croix d'or). Charles-Eugène-Gabriel de La Croix, marquis de Castries, maréchal de France, vainqueur de Clostercamp et ancien ministre de la Marine, émigre en 1791 et commande la division des princes en Champagne, recevant en 1797 avec le comte de Saint-Priest la direction du cabinet de Louis XVIII. Son fils, Armand-Nicolas-Augustin, combattant de la guerre d'Indépendance américaine et député de la noblesse aux Etats généraux, le suit aussi dans l'exil. La bibliothèque du maréchal de Castries, composée de 259 articles, est celle d'un militaire avant tout : Turenne et Vau ban sont à l'honneur. Elle témoigne d'un intérêt plus grand pour les sciences exactes (astronomie marine en particulier) que pour la médecine. Y voisinent les publications de

l'Académie des sciences et de l'Académie de chirurgie. La pénétration des Lumières est plus faible : Bayle, Condillac, Montalembert, Fontenelle et Buffon. A sa maîtrise de la langue anglaise (Bacon, Hume) répond chez Vergennes la pratique de l'italien et l'apprentissage de l'allemand. La curiosité de ce dernier pour la Bourgogne dont il est issu correspond à celle du maréchal pour le Languedoc, berceau de sa famille (Archives nationales. F 17. 1196 n° 26). Van Praet récupéra 33 articles pour la Bibliothèque Nationale, soit une proportion plus faible que pour Vergennes. Il sélectionna les ouvrages scientifiques principalement mais aussi la correspondance de Montalembert et fit main basse sur la production anglaise. Les bibliothèques des deux émigrés avaient des titres communs et des trocs ont eu lieu à ce moment. Le fait est signalé pour un volume d'oeuvres de Boscovich appartenant à Vergennes « cédé à l'Ecole centrale des Travaux publics, par le citoyen Van Praet qui, à la place de cet exemplaire en a pris un pareil dans la bibliothèque de l'émigré Castries » (A.D.L., tome XIV). Il est vraisemblable qu'un échange du même genre a été fait pour l'Histoire de la Société royale de médecine, puisque la Bibliothèque n'a pas conservé l'année 1780 venant de la famille de Castries, ni la deuxième partie de 1783 venant de celle de Vergennes. V. Tesnière

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Pierre-Philippe Alyon Cours de botanique pour servir à l'éducation des enfans de S.A.

Sérénissime Monseigneur le duc d'Orléans, où l'on a rassemblé les plantes indigènes et exotiques.

Paris, l'Auteur et Mr Aubry, graveur, [1786-1787]. – 36 p. – 102 ff. de pl. et 8 f. de titre. in-folio.

Imprimés. Rés. Atlas. S. 37.

Prov. : Philippe-Egalité (Louis Philippe Joseph, duc

d'Orléans) ?

Bibl. : Catalogue of botanical books in the Collection of

Rachel McMasters Miller Hunt, vol. II, part II,

compiled by A. Stevenson, Pittsburgh, 1961, p. 463-466. – Mille et un livres botaniques : répertoire

bibliographique de la collection Arpad Plesch, Bruxelles.

1973. p. 126. – J. Guillerme, « Oxygène et

thérapeutique ». dans Dix-huitième siècle (« Au tournant des Lumières, 1780-1820 »), n° 14 (1982). p. 27-42. – G. de Broglie. Madame de Genlis, Paris, 1985.

Ce Cours se distingue tout d'abord par la grande beauté de ses planches, les premières plutôt didactiques, les suivantes plus décoratives, qui en font un livre qui honore les grandes bibliothèques botaniques. L'exemplaire exposé, sans être absolument complet des 104 planches que comptent les meilleurs exemplaires, se signale par sa rareté, puisqu'il comporte la planche de la Petite pervenche (vinca minor) qui manque souvent, et par ses qualités de facture et de fraîcheur.

On verra surtout dans ce livre une réunion d'éléments qui évoquent tout un pan de la société de la fin du XVIIIe siècle.

Pierre-Philippe Alyon (1738-1816) est resté connu d'abord des historiens de la médecine (ou des erreurs médicales) pour la découverte d'un remède contre les maladies vénériennes, à base d'oxygène, qu'il est dit avoir expérimenté sur lui-même, après quoi il renonça à vouloir

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détruire cette maladie la considérant « comme un frein puissant et salutaire contre le libertinage ». C'est au titre de « lecteur de S.A.S. Monseigneur le Duc d'Orléans » qu'on le trouve ici ; il a publié un Cours élémentaire de chimie théorique et pratique pour servir à l'éducation des Enfans de S.A.S. Monseigneur le Duc d'Orléans en 1787, et ce Cours de botanique, sans doute inachevé, dont on connaît les livraisons parues en 1786-1787.

Madame de Genlis, « gouverneur » des enfants du futur Philippe-Egalité depuis 1782 l'avait fait engager comme répétiteur pour la chimie et la botanique, et parle de lui fort élogieusement dans ses Mémoires. Pour rendre hommage à Mme de Genlis, à qui le goût de la botanique était peut-être venu de sa fréquentation de Jean-J acques Rousseau, Alyon a publié en ouverture, un « discours. extrait d'un ouvrage manuscrit, que Mme la marquise de Sillery a composé pour l'instruction particulière de ses augustes élèves » qui ne semble pas avoir retenu l'attention des bibliographes.

Le recueil comporte d'autres clins d'oeil au noble entourage d'Alyon ; plusieurs plantes se sont vues rebaptisées pour la circonstance : la « Chartres » (Species nova Lin. sing. polyg.) la « Montpensier »(Ixia cappensis flora. L3-dria. 1-gynia), la « Sillery »(Nova species, Lin. polyd. 5-dri) enfin, dont on connaît une autre représentation, de la main de Mme de Genlis elle-même, pour un de ses herbiers. R.J. Seckel

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M. le Chevalier de Saint-Blaise

(ou Pierre Blaise)

Traité d'agriculture, où l'on enseigne le moyen de conserver toute l'année la pomme de terre en nature, la maniere de perfectionner l'engrais économique et salubre des bestiaux.

Paris. Briand. 1788. – 140 p.. in-8°.

Imprimés, Rés. S. 1204.

Prov. : Philippe-Egalité (Louis Philippe Joseph, duc d'Orléans).

171

Sans qu'il soit question de vouloir faire le portrait d'un homme à partir de sa bibliothèque, encore moins de le justifier par ce truchement, on peut oser l'affirmation, au vu des quelques travaux d'ensemble sur Philippe-Egalité, qu'un examen attentif des inventaires conservés à la Bibliothèque Nationale, aux Archives nationales et dans les registres des Dépôts littéraires, de sa (ou plutôt de ses) bibliothèque (s) viendrait, sinon modifier radicalement son image, du moins en affiner, ou en accentuer, certains traits. Il faudrait y inclure, puisqu'elles se rattachent à sa personnalité, non seulement sa propre bibliothèque, mais aussi celles recensées sous le nom de son épouse (Penthièvre) et sous le nom de ses enfants. Ces inventaires manuscrits, qui donneraient les références de plusieurs milliers d'ouvrages, même s'ils laissent souvent à désirer dans la précision bibliographique, ont sur les grands catalogues imprimés de bibliothèques privées de l'époque, plus peaufinés, l'avantage de ne pas vouloir donner de leur propriétaire une image a priori flatteuse.

Au-delà des inévitables conformités aux modes du temps, normales dans une grande bibliothèque princière encyclopédique, on y trouvera un intérêt particulier pour les économistes du XVIIIe siècle dont témoigne par exemple une deuxième édition (1778) de l'Inquiry into the nature and causes of the wealth of nations d'Adam Smith, retenue pour les collections de la Bibliothèque Nationale (Imprimés. R. 6329-6330). Plutôt que de nous arrêter à ces grands classiques, nous avons préféré retenir des auteurs aujourd'hui moins célèbres, mais qui participent des réflexions économiques et techniques qui ont immédiatement précédé la Révolution. C'est le cas de Plinguet, évoqué plus bas, et de ce Traité d'agriculture. Traditionnellement attribué à Pierre Blaise, auteur estimé de traités de mathématiques et de gnomonique publiés vers 1740, ce traité semble bien être dû à une autre plume. J.S. Ersch, le premier, dans sa France littéraire (t. I, 1797, p. 137) émet un doute : « Ces derniers écrits [Observations sur les maladies de l'oeil, 1785 et Traité d'agriculture, 1788] sont peut-être d'un autre de ce nom ». On imagine assez mal en effet un auteur « né à Remiremont, vers 1707 » publier à quatre-vingts ans un Traité dans la dédicace duquel il lance à la duchesse de Bourbon, en guise de péroraison : « Oui, Madame, votre vertu protège un jeune infortuné, dont le début, sous vos auspices, est un succès ». Quoi qu'il en soit, le texte lui-même offre aux biographes futurs du chevalier de Saint-Blaise quelques indices sur son activité et sa vie publique dans les quinze années qui ont précédé la parution du Traité.

Plutôt que d'un Traité, on pourrait parler à son propos d'une « rêverie agronomique » dont l'écriture, qui passe insensiblement du conditionnel au futur puis au présent, semble assez caractéristique de ce genre littéraire pré-saint-simonien. Sous la forme d'une adresse au Roi, l'auteur y présente un projet d'établissement d'une colonie agricole dans les « landes de Bordeaux » dont l'administration fournirait bien-être et prospérité aux hommes, à la terre et aux finances royales. Ce système d'agriculture complet est soutenu par un vif plaidoyer en faveur

du maïs et de la pomme de terre qui n'étonnera pas dans un ouvrage dont l'« approbation » datée du 28 janvier 1788 est signée Parmentier.

L'exemplaire exposé est significatif des incertitudes que peut receler l'exploitation des registres des Dépôts littéraires. L'ouvrage porte une dédicace imprimée à la duchesse de Bourbon, titre porté en 1788 par Louise Marie Thérèse Bathilde d'Orléans, soeur de Philippe-Egalité et épouse de Louis Henri Joseph de Bourbon Condé, duc de Bourbon. Le volume est relié aux armes de Philippe-Egalité, et se trouve dûment répertorié parmi les ouvrages de sa bibliothèque retenus par la Bibliothèque Nationale au dépôt de la rue [Saint] Marc en floréal an III. Mais il est marqué, au bas du verso du premier plat de la reliure, comme provenant de la saisie « Penthièvre ». La chose peut s'expliquer par la confusion qui a sans doute régné au cours des multiples déménagements de livres. Sans doute y a-t-il aussi le fait que, bien que les époux fussent séparés de biens depuis le printemps 1792, les citoyens Lemonnier et Boizot se rendirent pour la Commission des Monuments, en frimaire an II (décembre 1793) à la maison Egalité pour y mettre en réserve des oeuvres d'art dans « l'appartement occupé ci-devant par la citoyenne Orléans », où peut-être les bibliothèques respectives n'étaient pas rigoureusement séparées. R.J. Seckel

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Jean-Baptiste Plinguet Traité sur les réformations et les

aménagemens des forêts, avec une application à celles d'Orléans et de Montargis.

Orléans. imprimerie de Jacob l'aîné,

MDCCLXXXIX [1789]. – [2] f. – 264 p.. tableaux et pl. h.t., in-8°.

Imprimés. Rés. S. 1175.

Prov. : Philippe-Egalité (Louis Philippe Joseph, duc

d'Orléans).

Bibl. : B.F. Hyslop, L'Apanage de Philippe-Egalité, duc

d'Orléans, 1785-1795, Paris, 1965. – J.-N. Pellieux.

Essais historiques sur la ville de Beaugency et ses environs,

2 vol., Beaugency, an VII-an IX (1798-1801)

(réimpr. Marseille, 1980).

172

Philippe-Egalité a très évidemment des titres à figurer de manière fort voyante dans la chronique de l'histoire de France à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle : il a voté la mort du roi, son cousin, en janvier 1793, pour finir lui-même sur l'échafaud en novembre de la même année, après un procès fabriqué ; il est le père de Louis-Philippe ; ses faits et gestes ont abondamment alimenté la chronique de l'Ancien Régime finissant. Tout cela a sans doute fait un peu oublier que de la mort de son père en 1785, au 1er janvier 1791, Philippe-Egalité a été possesseur de l'apanage d'Orléans, qui représentait près du vingtième de la superficie du royaume, et a fait de lui, a-t-on dit, un homme plus riche que le roi lui-même. Cette position faisait aussi de lui un acteur capital de l'économie, puisque, pour ne parler que des forêts, elles fournissaient à Paris l'essentiel de son bois d'oeuvre et de son bois de chauffage.

Il est intéressant donc de retrouver dans la bibliothèque de Philippe-Egalité, richement relié à ses armes, un ouvrage à la fois théorique et pratique « sur les réformations et les aménagemens des

172

forêts », ouvrage peu connu, semble-t-il, peu cité, mais qui représente sans doute la description la plus détaillée qui soit de la région d'Orléans et Montargis à la fin de l'Ancien Régime. De son auteur on sait peu de choses aussi. Le catalogue de la Bibliothèque Nationale confond en une seule notice ses oeuvres et celles, plus nombreuses, de son fils, Louis Jean Baptiste Césaire Plinguet qui a publié notamment un Manuel de l'ingénieur forestier en 1831, et eut au début de la Monarchie de Juillet des démêlés avec Louis-Philippe, héritier de l'apanage d'Orléans, dont il estimait être le créancier. Quant à Jean-Baptiste Plinguet père, né en 1730 à Orléans, ancien élève de l'Ecole royale des Ponts et chaussées, il était ingénieur de S.A.S. Monseigneur le duc d'Orléans depuis 1788, et on le retrouve vers 1792-1793 maire de Beaugency, où il était établi depuis près de trente ans. D'après

les écrits de son fils, il doit être mort dans les premières années de l'Empire.

L'exemplaire exposé ne comporte pas les deux feuillets de dédicace, sans qu'on puisse déterminer à quelle date ils ont disparu ; il ne comporte pas non plus la préface de 15 pages qui figure dans le seul exemplaire coté S. 32976. La dédicace, qu'on trouve dans l'exemplaire coté S. 19071, commence ainsi : « A son altesse sérénissime Monseigneur le Duc d'Orléans, premier Prince du sang. Monseigneur, l'état actuel des forêts du Royaume, la disette de bois qui a commencé à se faire sentir, fait espérer que l'Assemblée nationale portera sur cette partie intéressante de l'Administration ses vues bienfaisantes et patriotiques ». Ce qui laisse penser que l'ouvrage a dû paraître aux toutes premières heures de la Révolution. R.J. Seckel

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Carte des terres, seigneuries et

justices de Senan et Volgré

(Yonne) appartenant au marquis

de la Tournelle

1755. – Plan terrier manuscrit aquarellé, 1 370 x

3 150 mm.

Cartes et Plans. Ge. A.509.

Prov. : Bibliothèque du comte de Chastellux (1792). Bibl. : H.P.C. de Chastellux. Histoire généalogique de la maison de Chastellux, Auxerre. 1869. – A. Parat.

« Notice sur M. le comte Henri de Chastellux » dans Bull, de la Soc. des sciences historiques et naturelles de

l'Yonne, 1917. p. 1-3.

Sources : Archives nationales. F17.1032 (3),

1036A(270,279), T1077-1. art. 6 (43).

Le comte Henri-Georges-César de Chastellux (1746-1814) avait suivi Mesdames Adélaïde et Victoire – dont sa femme et lui étaient respectivement chevalier et dame d'honneur – dans l'exil en 1791. Sa bibliothèque contenait une forte proportion de documents cartographiques et certains d'entre eux se rapportaient au patrimoine foncier de cette famille de l'Avallonais, tel le plan terrier présenté ici. Il figure les propriétés de Jean-Baptiste-Louis de la Tournelle, oncle par alliance du marquis dont il avait épousé la tante, Marie-Anne-Judith de Chastellux (1732-1798).

L'intérêt de ce type de plan ne resta pas ignoré des responsables politiques et administratifs de la période révolutionnaire. Le 27 septembre 1793, Desmarest proposa même de les intégrer dans un plus vaste projet. « Parmi les cartes qu'on trouve chez les émigrés », écrit-il, « il se rencontre souvent des plans de leurs différentes possessions où tous les objets sont figurés, la plupart à grande échelle et coloriés même avec beaucoup d'intelligence. Et ce qui ajoute un nouveau mérite, c'est que ces plans paroissent levés et rédigés d'après une charpente géométrique fort exacte. Quoique quelques uns de ces plans ayent été faits et que les objets qui s'y trouvent l'ayent été d'après des vues de féodalité (mais) comme (celle-ci) est tellement supprimée qu'aucun plan ne peut la faire revivre, je n'y vois plus que de simples cartes qui pourroient servir au cadastre des communes où se trouvent ces possessions ; et

cela d'autant plus utilement qu'on y voit les plus beaux détails en terres labourées et incultes, en prairies, en bois, en ruisseaux, en rivières, en chemins, en plaines, en collines, etc., avec les formes qui doivent figurer dans les cadastres.

« J'ai pensé, d'après ces considérations, qu'il conviendroit de conserver et de rassembler ces plans et ces dessins en un endroit particulier, surtout lorsqu'ils réuniroient les advantages dont je viens de parler (.) ».

Cependant, le ministre de l'Intérieur ne se montra pas favorable au projet. « Je craindrais », écrit-il, « que cette collection, qui peut devenir très nombreuse, ne soit regardée comme un dépôt de titres et, sous ce rapport, n'eut le double inconvénient de flatter l'espoir de ces gens difficiles à convaincre qui croient encore aux revenants, et d'inspirer des craintes aux républicains défiants. Je doute d'ailleurs que des plans pareils, nécessairement partiels, et quelquefois inexacts, quelques nombreux qu'ils fussent, servissent fort utilement au travail d'un cadastre ».

C'est donc le refus du ministre qui permit au plan terrier présenté ici de continuer de séjourner à la Bibliothèque, où il avait été transféré du château des Tuileries, le 31 décembre 1792.

M. Pastoureau

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E. Gauthey Carte en relief du canal

du Charolais présentée au comte de Chastellux

1784. – Carte manuscrite coloriée en carton gaufré, 220 x 595 mm dans une boîte de bois à couvercle

265 x 550 mm.

Cartes et Plans. Rés. Ge. A.158.

Prov. : Bibliothèque du comte de Chastellux (1792). Exp. : L'Espacefrançais, Paris, Archives nationales,

sept. 1987-janvier 1988, 164c.

Sources : Arch. nat. T1077-1, art. 6 (5). Voir aussi la notice précédente.

Cette carte inhabituelle figure au numéro 48 de l'inventaire dressé lors du séquestre de la bibliothèque d'Henri de Chastellux aux Tuileries en des termes très précis : « Carte manuscrite en relief du pays que parcourt le canal du Charollois […] ; le tout dans une boîte de noyer fermante ». Elle fut transportée du château des Tuileries à la Bibliothèque Nationale le 31 décembre 1792.

Ainsi que le précise la dédicace, Henri de Chastellux (1746-1814) était l'un des « élus » de la noblesse aux Etats de Bourgogne. Cette carte lui fut offerte au commencement du percement du canal par Emiliand Gauthey (1732-1806), l'un des ingénieurs des Ponts et chaussées qui en dirigeaient les travaux. Ces travaux

travaux une dizaine d'années et le canal ne put ouvrir qu'en 1793. Appelé aussi « canal du Centre », il reliait la Loire à la Saône et donc l'océan Atlantique à la Méditerranée. M. Pastoureau

175

Breviarium parisiense. Caroli-Gasparis-Guillelmi de Vintimille. auctoritate, ac venerabilis ejusdem Ecclesiae capituli consensu editum, Pars Hyemalis [Aestiva, Verna,

Autumnalis]

Parisiis, Sumptibus suis ediderunt Bibliopolae usum Parisiensium, 1778. – 4 vol., in-8°.

Imprimés. Rés. B. 4638.

Prov. : Antoine Eléonore Léon Leclerc de Juigné, ci-devant

ci-devant de Paris.

Bibl. : L.-A.– V. Lambert, Vie de Messire Antoine Eléonore Léon Leclerc de Juigné…, Nouv. éd., Paris, 1823. –

H. Bohatta, Bibliographie der Breviere, 1501-1850,

Leipzig, 1937.

Antoine Eléonore Léon Leclerc de Juigné, qu'il ne faut pas confondre avec son frère aîné, le marquis de Juigné, présent aussi dans les dépôts littéraires, avait déjà derrière lui une brillante carrière quand il fut appelé par le roi lui-même en 1781 à succéder à Christophe de Beaumont à l'Archevêché de Paris. Il est élu aux Etats généraux en 1789, mais sa loyauté envers

174

le roi l'incite dès après le 4 août 1789 à émigrer, à Chambéry d'abord, puis à Constance, à Augsbourg enfin. Il ne rentre en France qu'en 1802, a près la proJuigné,

proJuigné, de Paris

175

mulgation du Concordat, et vit à Paris, retiré, jusqu'à sa mort en 1811.

Cet homme dont les revenus étaient considérables réunit une immense bibliothèque, qu'il agrégea à celle de son prédécesseur, pour le soin de laquelle il s'attacha les services de Pierre Jacques Hippolyte Charlier, qui en tant que son secrétaire participa à la publication du Pastoral parisien de 1786 et de la nouvelle édition du Bréviaire en 1791. La magnificence de cette bibliothèque, où dominent la théologie, la littérature et l'histoire, et dans laquelle la Bibliothèque Nationale a abondamment puisé, contraste avec le déclin que connaissait à la fin du XVIIIe siècle, pour les livres imprimés du moins, la bibliothèque du Chapitre de Notre-Dame.

Nulle bibliothèque ne semblait mieux désignée que celle de Juigné pour qu'on y allât chercher ce Breviarium parisiense de 1778, la dernière réédition – avant l'arrivée de Juigné à la tête du diocèse de Paris – de ce bréviaire dont la première édition date de 1736, sous l'autorité de Charles Gaspard Guillaume de Vintimille Du Luc, prédécesseur de 1729 à 1746 de Juigné, qui avait en commun avec lui son peu de goût pour les jansénistes.

Les quatre volumes de cet exemplaire ont été couverts d'une somptueuse reliure en maroquin rouge, aux armes de Juigné, agrémentée d'un décor à larges dentelles caractéristique de la bibliophilie de grand luxe des premières années du règne de Louis XVI ; une reliure assez proche sans doute par le décor de celle en maroquin vert pour la même édition de ce bréviaire ayant appartenu à Madame Victoire, fille de Louis XV. R.J. Seckel

176

Etienne Guillaume Lafosse

Observations et découvertes faites sur des chevaux, avec une

nouvelle pratique sur la ferrure

Paris, chez Hochereau le jeune, MDCCLIV [1754]. – [1] f. – 128 p. – p. 105-125 – [4] p. – [1] p. bl.. in-8°

176

(suivi de)

Traité sur le véritable siége de la morve des chevaux, et les moyens d'y remédier

Paris, chez David Père et Gonichon, MDCCXLIX

[1749], – [1] f. – [6] p. (dédicace et préface) –

24 p., in-8°

Imprimés, 8" Tg 22 19. A.

Prov. : Antoine Eléonore Léon Leclerc de Juigné, ci-devant

ci-devant de Paris.

Bibl. : G.R Mennessier de La Lance. Essai de

bibliographie hippique, Paris, 1915-1917.

Sources : Arsenal. Mss 6487-6513, Archives des Dépôts littéraires.

Présenter un Traité sur le véritable siège de la morve des chevaux provenant de la bibliothèque du ci-devant archevêque de Paris n'est pas une mauvaise plaisanterie. Plus simplement la démonstration, un peu souriante sans doute, du prodigieux travail de prospection auquel ont dû se livrer les conservateurs de la Bibliothèque Nationale pour débusquer les raretés là où on les attendrait le moins. L'exemple de la petite brochure de Lafosse pourra paraître à cet égard presque trop beau.

176

On retrouve dans les registres des Dépôts littéraires, au t. XIV, f. 166, parmi d'autres ouvrages provenant de « Juigné cy devant Archevêque de Paris Emigré », sous le n° 120 « La fosse sur la Morve, 1754, 8° ». Le Traité sur le véritable siège de la morve des chevaux ne figurait pas, en effet, à la Bibliothèque Nationale au moment de la Révolution ; le volume coté 8° Tg 23 65 n'est entré dans les collections que plus tard.

L'exemplaire retenu par Van Praet (c'est lui du moins qui signe l'accusé de réception remis au citoyen Barrois du dépôt des Cordeliers) se trouve être relié à la suite d'un autre ouvrage de Lafosse, Observations et découvertes faites sur des chevaux., 1754 que la Bibliothèque royale possédait déjà (exemplaire coté 8° Tg22.19, relié aux armes royales et portant l'estampille d'avant 1792). Ce qui expliquerait que le bibliothécaire n'ait pas mentionné

dans ses listes le titre Observations et découvertes. d'autant que les bibliothèques étaient tenues pour éviter les abus de ne pas choisir, sauf en le justifiant, de doubles dans les dépôts littéraires. On ne peut de toute façon qu'admirer le flair, l'exceptionnelle connaissance des collections et peut-être aussi la chance qui ont mené Van Praet, dans un dépôt où les livres devaient se compter par dizaines de milliers, jusqu'à cette mince brochure in-8° de 24 pages reliée à la fin d'un ouvrage d'apparence tout à fait anodine.

Comme une bonne action n'est jamais perdue, il se trouve, par surcroît, que le premier texte du volume, Observations et découvertes faites sur des chevaux., malgré une première apparence (même page de titre, même pagination à première vue) est très différent de celui qui figurait déjà dans les collections de la Bibliothèque Nationale : une des

planches a été rehaussée de couleurs, du plus heureux effet ; et derrière cet exemplaire à la pagination un peu monstrueuse, daté de 1754, se cache une édition de 1756 de la Nouvelle pratique de ferrer les chevaux dont Mennessier de La Lance a souligné l'importance pour l'histoire d'un moyen de locomotion qui avait encore de belles années devant lui. Car Etienne Guillaume Lafosse, maréchal des Petites Ecuries du Roi, reste un grand nom de l'hippiatrique et de la maréchalerie française, même s'il est moins célèbre que son fils, Philippe Etienne qu'il a formé, et qui a poursuivi son oeuvre, dans le Cours d'hippiatrique de 1772 notamment.

R.J. Seckel

177

Jean-Nicolas Jouin de Sauseuil

An Analysis of the French orthography.

London, Edward and Charles Dilly. MDCCLXXII [1772]. – [3]-IV f. – f. XIII-XXIV-[4]-389- [5] p., in-8".

Imprimés. Rés. X. 2094.

The Brachygraphy of the French verbs.

London, Edward and Charles Dilly, MDCCLXXII [1772, i.e. 1773]. – [2] f. – IV-VI p. – [1] f. –

118 p. – [1] f. – CLXXIII – [5] p., in-8°

Imprimés. Rés. X. 2093.

Prov. : Antoine Eléonore Léon Leclerc de Juigné, ci-devant archevêque de Paris.

Bibl. : Lefebvre-Cauchy, « Sauseuil », dans Biographie universelle (Michaud) ancienne et moderne, t. XXXVIII.

Paris, 1863. p. 71-72.

Jean-Nicolas Jouin de Sauseuil ne saurait prétendre au titre de fou littéraire, mais il faut bien le considérer comme un bizarre ou un original, à l'examen de ce qu'il révèle de lui dans ses ouvrages ; car on sait fort peu de choses de son existence : il est né en 1731, mais on ignore la date de sa mort ; et comme chez beaucoup de personnalités en marge, qui n'ont pas bénéficié de la reconnaissance de leur entourage, en dépit d'une assez abondante production, c'est au travers de cette production même qu'on peut déceler certains traits de son caractère, notamment une volonté acharnée de convaincre de

projets déballés avec une ferveur un peu brouillonne, mais non dépourvue de pertinence avant-courrière. On connaît de lui par exemple un Précis du projet de création de la charge de Grand-archiviste de France, qui propose avec un bel optimisme, vers 1760, une sorte de catalogue collectif de tous les titres de familles, où qu'ils se trouvent, en France.

Mais si Sauseuil mérite une place dans un choix fait parmi les bibliothèques d'émigrés, c'est en tant qu'acteur et représentant de l'anglomanie qui transparaît, en cette fin de siècle, dans nombre de bibliothèques privées où on ne compte pas les Clarissa Harlowe ou les Tom Jones, mais aussi les ouvrages plus sérieux (ce qui ne doit cependant pas faire négliger une certaine germanophilie, moins massive, mais présente tout de même). Sauseuil a fait de longs séjours en Angleterre ; il a traduit plusieurs ouvrages ; il est aussi le créateur en 1785, et pendant sa première année au moins le principal rédacteur du Censeur universel anglais, journal destiné à faire connaître la production livresque, et aussi, à travers toutes sortes de nouvelles, la vie et le goût anglais.

Les deux ouvrages signalés témoignent toutefois que les relations entre l'Angleterre et la France n'ont pas été à sens unique, et Sauseuil qui a aussi traduit du français vers l'anglais s'efforce à travers son Analysis et sa Brachygraphy de propager la langue française outre-Manche. Le chevalier de Sauseuil, qui se présente comme docteur de l'Université de Paris, offre ici le fruit d'un enseignement de six ans (de 1764 à 1770). à l'Université d'Oxford, au chancelier de laquelle est dédiée la Brachygraphy. Il s'agit en même temps de prouver la perfection, donc l'universalité de la langue française (qui est à cet égard comparée au « samskret ») et d'en élaborer, à des fins pédagogiques, une tentative de formalisation à certains égards pré-structuraliste, mais qui se traduit par une profusion de tableaux et de listes codées qui dut mettre à mal les bonnes volontés francophiles de beaucoup de ses élèves.

La bizarrerie se fait jour dans la multiplication des pièces liminaires et annexes : dédicace, préface, « non pré177

pré177

face », errata, omissa d'errata, index, errata de l'index, conseils au relieur., d'une précision toute maniaque ; et dans la minutie des indications de dates visant à souligner l'antériorité, ou à tout le moins l'originalité d'un système un peu déconcertant. On appréciera aussi le frontispice représentant un gentleman un peu épais (l'auteur, dessiné par lui-même) accueilli par la Vérité, devant un empilement de règles orthographiques gravées sur du marbre de l'Attique qui évoquerait

plutôt un tas de briquettes, avec à l'arrière-plan un château en ruine bâti de diphtongues, triphtongues.

La reliure en veau blond aux armes, à dos sans nerfs orné de petits fers répétés est caractéristique de la reliure française de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

R.J. Seckel

Arts et divertissements

Le XVIIIe siècle et en particulier l'aristocratie de cette période ont une réputation de légèreté et de frivolité qui contraste avec le sérieux et le moralisme de l'époque révolutionnaire. Il est vrai sans doute que certaines collections et bibliothèques répondaient à cette idée qu'on se faisait d'elles. Il y a peu de trace de cet aspect de l'Ancien Régime finissant parmi les oeuvres de toutes sortes arrivées à la Bibliothèque Nationale, et elles présentent toutes un

autre intérêt plus puissant, artistique pour les gravures ou la musique, historique et anecdotique pour les bijoux, les coffrets et les vases, ou littéraire, pour la curieuse bibliothèque de l'« émigré Sainte-Marie ». Mise à part la collection de Condé, qui a été rendue, on trouva très peu de manuscrits médiévaux dans les bibliothèques des émigrés.

178

Le Rasibus, ou le procès fait à la

Barbe des Capucins, par un Moine Défroqué.

A Cologne, chez Pasquin resuscité. 1680. – [10]-110 p.. in-12.

Imprimés. Rés. Y 2. 3307.

179

Les Privilèges du cocuage, ouvrage nécessaire tant aux cornards actuels qu'aux cocus en Herbe.

A Vicon. chez Jean Cornichon, à l'enseigne du Coucou, 1722. – VI-159 p., in-12.

Imprimés. Rés. Y 2. 3296.

180

Philippe Florent de Puisieux La Femme n'est pas inférieure à l'homme, traduit de l'anglois.

A Londres. 1750. – 140 p.. in-12. Imprimés. Rés. R. 2167.

Prov. : Hippolyte-Jean-Jacques-René Sainte-Marie.

Bibl. : Annuaire de la noblesse de France, 1860. – J. Gay,

Bibliographie des ouvrages relatifs à l'amour, aux femmes, au

mariage., 4 vol.. Paris, puis Lille, 1894-1900. –

Procès-verbaux de la Commission temporaire des arts, publiés par L. Tuetey, 2 vol., Paris, 1912-1917.

Sources : Arsenal. Mss 6487-6513. Archives des Dépôts Littéraires (A.D.L.).

Les quelques ouvrages choisis ici proviennent d'une bibliothèque qui frappe d'abord par son contenu avant de retenir l'attention par la personnalité de son propriétaire. « Sainte-Marie, Emigré »,

178

que Louis Tuetey a identifié comme étant Hippolyte-Jean-J acq ues-René Sainte-Marie n'a pas, en effet, suscité l'intérêt des historiens ; il est issu d'une famille de bonne noblesse d'épée, comme il en émigra beaucoup au moment de la Révolu179

Révolu179

tion. Voici ce qu'en dit Tuetey d'après des documents trouvés aux Archives nationales : « Né le 3 janvier 1775, envoyé à Heidelberg en juin 1789 [il avait donc quatorze ans quand il a abandonné sa bibliothèque !] pour y faire ses études.

Inscrit sur la liste des émigrés, il fut autorisé en l'an IX à séjourner à Paris. Il habitait rue du Vieux-Colombier ; très riche, il fréquentait les spectacles et maisons de jeu, et il était en relation avec les généraux Berthier et Bessières ». Borel d'Hauterive apporte quelques précisions : il « servit avec distinction dans l'armée de Condé et eut à vingt-quatre ans le grade de major de cavalerie ». Il est nommé sous-préfet de Pont-Audemer en 1817, démissionne en 1830 et se retire dans son château d'Agneaux, dans la Manche, où il a mené des recherches historiques sur les familles anglo-françaises, dont une partie au moins a été publiée, sous le titre : Recherche sur le Domesday ou liber censualis, t. I (Caen, 1842). Il est mort le 5 mars 1843.

La chronologie laisse penser qu'il s'agit d'une bibliothèque vraisemblablement constituée par son père, Jean-Jacques-René, marquis de Sainte-Marie, né le 8 mars 1730, chevalier de Saint-Louis, capitaine d'infanterie au régiment d'Orléans.

Les livres trouvés au domicile de Sainte-Marie, rue Garancière, sont transportés en décembre 1794 au dépôt des Cordeliers où les bibliothécaires de la Bibliothèque Nationale ont pu établir une liste de 133 titres (dont 115 ont finalement été retenus, mais on est loin de les retrouver tous aujourd'hui dans les collections) : les titres retenus sont presque tous, selon le titre de la bibliographie de J. Gay, « relatifs à l'amour, aux femmes, au mariage […], facétieux, pantagruéliques, scatologiques, etc. ». Un tel regroupement de curiosa est tout à fait exceptionnel au XVIIIe siècle et on conçoit qu'il ait été pour les hommes chargés de compléter les collections de la Bibliothèque Nationale une véritable aubaine : ouvrages anonymes, éditions clandestines, adresses fictives, titres sulfureux, toutes les conditions étaient réunies pour que ces livres aient été jusqu'alors éloignés des sentiers officiels. Il convient de préciser que, d'après une statistique du 25 pluviôse an V (13 février 1797), il restait encore sans qu'on puisse en donner le détail, 400 livres de l'émigré Sainte-Marie au dépôt des Cordeliers (A.D.L., tome I).

180

Ni bibliothèque princière, ni bibliothèque de savant, ni réunion de riches objets bibliophiliques, ni enfin bibliothèque honnête d'un noble ou d'un gentilhomme, on a affaire ici à une collection qui annonce peut-être, en termes d'histoire du goût, un certain XIXe siècle : une bibliothèque facétieuse et curieuse dans l'inventaire de laquelle un Gabriel Peignot, un Nodier ou un Bibliophile Jacob seraient sûrement allés pêcher quelques perles ; certes pas une bibliothèque à la façon de celle de La Vallière, où l'équilibre général est émaillé de quelques pièces exceptionnelles et de multiples opuscules rares, oubliés ou méprisés, mais plutôt un défilé un peu rigolard d'in-12 où souvent l'anodin se drape de vocables scandaleux, mais d'où émergent quelques réelles raretés et quelques authentiques chefs-d'oeuvre. La qualité et la sobriété d'un certain nombre de reliures, exécutées selon un modèle qui rappelle celles de La

Vallière, signalent en tout cas la bibliothèque d'un amateur avisé et d'un homme de goût.

Les Privilèges du cocuage, classique souvent réédité depuis 1644, figure ici dans une édition de 1722, dont l'adresse à elle seule est tout un programme : « A Vicon, chez Jean Cornichon, à l'enseigne du coucou ». D'une inspiration beaucoup plus crue, on retrouve, couvert d'une reliure assez semblable un exemplaire exceptionnel de l'Origine et source des cons sauvages, et la manière de les apprivoiser (Enfer 770-773). A côté de ces curiosa sans complexe, la bibliothèque de Sainte-Marie est riche de pamphlets très datés, et de ces badineries philosophiques dont La Femme n'est pas inférieure à l'homme (Londres, 1750) offre un bon exemple, dû à la plume de Philippe Florent de Puisieux, avocat au Parlement de Paris, plus occupé de littérature que de jurisprudence, nous dit un de ses biographes, grand importateur en France du goût anglais.

Le Rasibus, ou le procès fait à la Barbe des Capucins, est un de ces textes antireligieux qui, à deux générations de distance, et aux hasards de l'alphabet, peut être rapproché du fameux article « capuchon » de l'Encyclopédie, attaque contre les Cordeliers, dont le ci-devant couvent devait justement abriter cette singulière bibliothèque. R.J. Seckel

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Charles Ancillon

Traité des eunuques, dans lequel on explique toutes les différentes sortes

d'eunuques. par M***. D***.

[S.I.], [s.n.], MDCCVII [1707]. – [20J-187 p., in-12. Imprimés. *E.5334.

Prov. : Hippolyte-Jean-Jacques-René Sainte-Marie.

Bibl. : C. Ancillon, Traité des eunuques, présenté par

D. Fernandez, Paris, 1978. – E. et E. Haag, La France protestante, I, Paris, 1846.

Un titre comme le Traité des eunuques a sans doute de quoi attirer l'attention, dans ce choix parmi les livres de Sainte-Marie, qui semble plutôt fait pour réveiller la bonne humeur. Mais le seul nom de l'auteur, qui se cache derrière l'anagrammatique C. d'Ollincan, signataire de la

181

préface, suffit à signaler qu'on n'a pas affaire là à un véritable « curiosa ». Charles Ancillon, né dans une famille protestante de Metz en 1659, y a exercé la profession d'avocat, jusqu'à la révocation de l'Edit de Nantes. Voilà semble-t-il les circonstances qui ont déterminé sa carrière d'écrivain. Devenu le chef de file des émigrés français à Berlin, il s'est fait leur historien, en même temps que le défenseur de l'Edit de Nantes. Il devait devenir plus tard historiographe du roi Frédéric Ier de Prusse. Ses qualités d'historien et de juriste se retrouvent d'ailleurs dans le Traité des eunuques. même si ce dernier titre fait un peu figure d'exception dans son oeuvre. Les bibliothécaires ne s'y sont pas trompé qui ont classé les deux exemplaires de l'ouvrage conservés à la Bibliothèque Nationale dans les sections du Droit canonique et du Droit de la nature

et des gens. La raison pour laquelle Ancillon dit avoir écrit ce livre, dans son Epître à Pierre Bayle, est d'abord juridique : les castrats, italiens pour la plupart, qui bénéficiaient alors d'une grande réputation musicale et d'une reconnaissance sociale telles qu'ils pouvaient se trouver en situation de se marier, en ont-ils la possibilité, au regard des différents systèmes du droit ? Le sujet, traité par Ancillon avec un évident plaisir pour l'anecdote, met en évidence, de manière négative, une autre originalité de ce livre dont il faut rappeler au passage qu'il est le seul, pendant plus de deux cent cinquante ans, qui ait permis au public français de prendre connaissance de cette question : ayant pris prétexte d'un aspect directement lié à la pratique musicale, Ancillon ne dit presque rien de ce phénomène qui n'a jamais connu – il est vrai – une grande vogue en France.

On remarquera enfin que le livre était déjà présent dans les collections de la Bibliothèque royale, dans une édition différente de celle que nous présentons ici, datée elle aussi de 1707, et tout aussi anonyme. R.J. Seckel

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Louis Sébastien Mercier

L'An deux mille quatre cent

quarante, rêve s'il en fût jamais A Londres, [s.n.], MDCCLWV [1775], – VIII-404

VIII-404 in-12.

Imprimés. 8° Li3. 38. A.

Prov. : Hippolyte-Jean-Jacques-René Sainte-Marie.

Bibl. : L.S. Mercier. L'An deux mille quatre cent quarante

[texte de 1770], publié par R. Trousson. Bordeaux,

1971. – A. Martin. V.G. Mylne, R. Frautschy.

Bibliographie du genre romanesque français, 1751-1800,

Londres. Paris. 1977.

L'édition de Londres en 1775 est une des nombreuses rééditions de L'An 2440 : les bibliographes, certes prudents, de la Bibliographie du genre romanesque français, 1751-1800, n'en recensent pas moins de trente depuis la première en 1770-1771, jusqu'à 1799, date de la première édition signée du nom de son auteur. Cette surabondance de contrefaçons – désavouées par l'auteur – témoigne du prodigieux

prodigieux de cet ouvrage qui, poursuivi dès sa parution, a néanmoins laissé d'assez nombreuses traces chez les contemporains.

C'est que Mercier a su traduire dans cette fiction les différents aspects de la crise de la société des trois décennies d'avant 1789. Sans en être vraiment l'inventeur, Mercier a donné avec L'An 2440 la première oeuvre vraiment accomplie de ce genre nouveau, l'uchronie, une utopie où l'« aucun lieu » est remplacé par une projection vers le temps futur, qui lui a permis a posteriori de passer pour un prophète de la Révolution ; le procédé permettait surtout de faire puissamment passer dans la fiction une idée qui traverse tout le XVIIIe siècle philosophique, celle du progrès dans l'histoire.

Si le conventionnel Mercier pouvait se vanter d'avoir prédit que la Bastille serait « renversée de fond en comble »(on ne sait si alors il attribuait encore la chose

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jamais embellie : elle nous paroît plus parfaite dans l'original, & femble dégénérer dans touses les copies d'or & d'argent que l'on a faites depuis : plus belle, fans doute, lorsqu'elle a été taillée en bois par une main presque fau. vage, que lorsqu'on l'a environnée d'ornemens étrangers. Dès que les hommes fe livrant à leur paresseuse foiblesse s'abandonnent à l'opinion des autres, leurs talents deviennent imitateurs & ferviles ; ils perdent l'invention & l'originalité. Que de projets vastes & de spéculations sublimes ont été éteints par le fouffle de l'opinion ! Le tems n'a voituré jusqu'à nous que les chofes légères & brillantes qui ont eu l'approbation de la multitude, tandis qu'il a englouti les penfées mâles & fortes qui étoient trop simples ou trop élevées pour plaire au vulgaire.

Comme nos jours font bornés, & qu'ils ne doivent pas être confumés dans une philofophie puérile, nous avons porté un coup déeifif aux miférables controverfes de l'école. –

Qu'avez-vous fait ; achevez, s'il vous plaît ? –

D'un confentement unanime, nous avons rafsemblé dans une vafte plaine tous les livres que

nous avons jugé ou frivoles ou inutiles ou dangereux

dangereux nous en avons formé une pyramide qui ressembloit en hauteur & en grofleur à une tour énorme : c'étoit affurément une nouvelle tour de Babel. Les journaux couronnoient ce

182

à un « prince qui ne se croyait pas le dieu des hommes »), son oeuvre peut difficilement passer pour celle d'un révolutionnaire, mais certainement d'un réformiste, d'un progressiste qui, fidèle au régime de la monarchie héréditaire, imagine dans ce cadre une société réformée dont le fonctionnement et les moeurs évoquent à bien des égards les socialismes utopistes du XIXe siècle.

L'An 2440 constitue aussi un merveilleux complément onirique au Tableau de Paris ; cette fiction si fortement attachée au réel permet à Mercier d'ouvrir grandes les portes de ce « XVIIIe siècle romantique » dont il est sans doute un des meilleurs représentants.

Mercier avait fondé en 1789 les Annales patriotiques et littéraires, avec Jean-Louis Carra, employé à la Bibliothèque royale, devenu en 1792, avec Chamfort, le premier « bibliothécaire national ». On peut imaginer qu'en dépit des solutions

bizarre édifice, & il étoit flanqué de toutes parts de mandemens d'évêques, de remontrances de parlemens, de réquisitoires & d'oraisons funebres. Il étoit compofé de cinq ou fix cens miile commentateurs, de huit cens mille volumes de jurisprudence, de cinquante mille dictionnaires, de cent mille poëmes, de feize cens mille voyages & d'un milliard de romans. Nous avons mis le feu à cette masse épouvantable, comme un facrifice expiatoire offert à la vérité, au bon fens, au vrai goût. Les flammes ont dévoré par torrens les fottises des hommes, tant anciens ; que modernes. L'embrafement fut long. Quelques auteurs fe font vus brûler tout vivans, mais leurs cris ne nous ont point arrêtés, cependant nous avons trouvé au milieu des cendres quelques feuilles des oeuvres de P***, de De la H***, de l'abbé A***, qui, vu leur extrême froideur, n'avoient jamais pu être confumées.

– Ainfi nous avons renouvellé par un zèle éclairé ce qu'avoit exécuté jadis le zèle aveugle des barbares. Cependant, comme nous ne fommes ni injuftes ni femblables aux Sarrazins qui chauffoient leurs bains avec des chef-d'oeuvres, pous avons fait un choix : de bons efprits ont tiré la substance de mille volumes in-folio, qu'ils ont fait passer toute entiere dans un petit in-douze ; à peu près comme ces habiles chymiftes, qui expriment la vertu des plantes, la con182

con182

183

radicales que Mercier proposait pour faire traverser les siècles à la Bibliothèque royale, il y rencontra d'autres sympathies pendant les années de la Révolution.

R.J. Seckel

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Deux vases de Wedgwood formant une paire

Angleterre, 1775-1790. – Grès fin, hauteur : 218 mm. Médailles. Ancienne collection Germingham,

nos 4 et 5.

Prov. : Emigré Germingham (1793).

Bibl. : Caylus (A.C.P., comte de), Recueil d'Antiquités, Paris, 1756, II, pl. XLIII et p. 124-127. – Dictionary of National Biography, Londres, 1892, vol. XXIX,

p. 346. – A. Dawson, Masterpieces of Wedgwood in the

British Museum, Londres, B.M., 1984.

Exp. : Vrai ou faux ? Copier, imiter, falsifier, Paris,

Bibliothèque Nationale, 1988, nos 19 et 19 bis.

La forme de ces deux petits vases en calice rappelle, en miniature, celle des cratères attiques ou apuliens des Ve et IVe siècles avant Jésus-Christ. La scène figurée sur le premier représente une ménade jouant d'un tambourin qu'elle tient tout près de son oreille gauche ; elle est suivie d'un silène – mi-homme, mi-bouc – jouant

183

81

de la syrinx. Sur le second cratère, une femme dévêtue relevant ses cheveux, est debout devant une fontaine sur laquelle est posée une cruche.

L'effet de trompe l'oeil est réalisé par application d'une peinture à l'encaustique, rose et blanc nacré, sur la surface noire et satinée du grès fin. Par ces décors « à l'antique », inspirés ici de gravures du Recueil d'Antiquités de Caylus (voir n° 152), Josiah Wedgwood cherchait à fabriquer des copies bon marché de vases grecs et italiotes qu'une certaine aristocratie commençait à collectionner avec enthousiasme.

Le cabinet des Médailles conserve les listes manuscrites des objets qui, en 1795, ont été confisqués aux émigrés pour y être déposés. On y trouve mention d'une saisie de cinq vases à « l'émigré Germingham », suivie d'une description sans équivoque.

Il est fort probable que leur propriétaire ait été le poète et dramaturge anglais Edward Jerningham (1727-1812). Il fut, en effet, élevé en France où il fréquenta le collège anglais de Douai, avant de poursuivre ses études à Paris. Bien qu'ayant eu plus tard sa résidence principale en Angleterre, il garda des liens étroits avec la France. En 1799, il publia les biographies d'Henriette, duchesse d'Orléans et de Louis de Bourbon, prince de Condé. A la fois helléniste et latiniste distingué, Jerningham ne pouvait pas ignorer ces imitations de vases antiques dont Wedgwood disait qu'elles devraient témoigner, une fois les originaux disparus, du génie des époques passées. I. Aghion

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Jean-Honoré Fragonard [Combat de Jacob avec l'ange] par Niccolo Tornioli, église de Saint-Paul à Bologne.

Gravé par Saint-Non en 1772. – Manière de lavis,

190 x 135 mm.

Estampes. Dc 13 (1).

Prov. : Collection du comte d'Angiviller.

Bibl. : Sur le voyage de l'abbé de Saint-Non,

P. Rosenberg et B. Brejon de Lavergnée, Saint-Non-Fragonard. Panopticon italiano, un diario di viaggio ritrovato 1759-1761, Rome, 1986. – Sur le comte d'Angiviller,

Furcy-Raynaud, Correspondance de d'Angiviller et Pierre 1773-1785, Paris, 1905-1906. – F. Boulé, « La

résidence d'été du comte et de la comtesse

d'Angiviller », dans Revue de l'histoire de Versailles, 1926.

– J. Silvestre de Sacy, Le comte d'Angiviller, dernier

directeur général des bâtiments du Roi, Paris, Plon, 1953.

Sources : Estampes. Archives, 1795, dossier 346, f. 25.

C'est au retour de leur voyage d'Italie que Fragonard et l'abbé de Saint-Non s'arrêtèrent, fin octobre 1760, à Bologne, Reggio, Modène, Parme. Fragonard y exécuta plus de cent copies de maîtres anciens. Celle-ci est d'autant plus intéressante qu'elle représente une fresque de Niccolo Tornioli, peintre siennois des années 1620, disparue lors de la nouvelle décoration que reçut Saint-Paul de Bologne en 1819. On retrouve la nervosité du trait de Fragonard mise en valeur par l'habileté technique de Saint-Non.

Le comte d'Angiviller (1730-1809), directeur des bâtiments de 1774 à 1790 et mécène extrêmement éclairé, avait rassemblé une collection de tableaux de gravures et de pièces minéralogiques dans sa propriété des Etangs-Gobert. Accusé de dilapidation du trésor royal, il fut arrêté en 1791, ses biens confisqués et il n'échappa que de justesse à l'échafaud en s'enfuyant vers la Russie. Refusant de revenir en France sous l'Empire, il s'éteignit en 1809 à Altona.

Dans la liste des gravures saisies chez les émigrés et déposées au dépôt de Nesle en 1795, on relève 259 pièces ayant appartenues à Angiviller. Ce sont presque exclusivement des gravures de Saint-Non d'après Fragonard, Hubert Robert, ou Ango reproduisant des peintures célèbres de l'école italienne ou encore des objets et des costumes « découverts dans des tombes de Sibérie ». Ces deux ensembles reflètent parfaitement le goût d'Angiviller pour la peinture de son temps et la tradition classique (il fut le fondateur du premier Muséum au Louvre) d'une part, pour les curiosités et les coutumes de la Russie d'autre part, avant même son exil. La gravure présentée ici portait le n° 91 dans l'inventaire Angiviller au dépôt de Nesle. F. Fossier

185

Bible historiale

Paris, début du XVe siècle. – Parchemin, 579 ff.,

390 X 300 mm. – Reliure basane fauve.

Manuscrits. Français 6259.

Prov. : Emigré Maubec (1794).

Bibl. : A. Bernard, Notice historique sur la bibliothèque de La Valette, Lyon, 1854, p. 23. – H. Martin, Les

Miniaturistes français, Paris, 1906, p. 178-179 et fig. 34.

En 1291, Guyart des Moulins, chanoine d'Aire-sur-la-Lys, publie sous le titre de Bible historiale, une traduction très libre de l'Historia scolastica, écrite un siècle plus tôt par le théologien français Pierre le Mangeur. Il s'agit en réalité d'un manuel d'histoire religieuse. L'originalité de Guyart des Moulins est d'avoir intégré à son ouvrage de vulgarisation des extraits originaux des textes bibliques et d'avoir ainsi remis à l'honneur l'Ecriture Sainte.

Le manuscrit présenté ici contient une version de l'oeuvre de Guyart des Moulins, complétée au début du XVe siècle ; cette version a connu le plus grand succès : à la fin du XVe siècle, toutes les bibliothèques princières en possédaient au moins un exemplaire, et elle fut éditée de multiples fois dès l'apparition de l'imprimerie.

Par le texte comme par l'aspect matériel, ce volume fait partie d'une famille de grandes bibles historiales dont certaines ont appartenu au duc de Berry. L'artiste qui en a exécuté les quarante-deux peintures a travaillé à plusieurs

185

reprises pour ce prince. Il a collaboré en particulier à deux autres bibles historiales. Dans l'une de ces deux bibles, destinée à Jean de Berry, on retrouve les mêmes thèmes iconographiques que dans celle-ci. Spécialisé dans ce genre de décoration, ce peintre est désigné sous le nom de Maître de Virgile, en raison d'un manuscrit de cet auteur où l'on reconnaît sa main. Sans occuper une place de premier plan, et malgré des caractères archaïsants, comme ses fonds plats, ce maître a été jugé digne du grand bibliophile qu'était le duc de Berry, peut-être à cause de la régularité de son style.

En 1692-1693, ce volume était déjà dans la bibliothèque de Laurent II Pianelli, seigneur de La Valette (1644-1728), dont la famille, d'origine napolitaine, avait émigré au cours du XVIe siècle à Gênes puis à Lyon. Il y fut relié en basane fauve, comme d'autres volumes de même origine. En 1789, l'arrière-petit-fils de Laurent, Louis Gabriel Pianelli de La

Valette, seigneur de Maubec en Dauphiné l'apporta à Paris avec une partie de ses livres, après son élection à l'Assemblée constituante. Le manuscrit fut confisqué en 1794 dans l'hôtel Maubec, rue des Francs-Bourgeois, après l'émigration de son propriétaire. M.P. Laffitte

186

Médailliers de Condé

Atelier d'André-Charles Boulle, France, fin du

XVIIe siècle. – Bois, écaille, cuivre, bronze doré. Longueur : 240 mm hauteur : 160 mm

profondeur : 200 mm.

Médailles. Anc. coll. Condé n° 1 et 2.

Prov. : Château de Chantilly.

Bibl. : H. Havard, Les Boulle, Paris, 1898. – JP.

JP. André-Charles Boulle et sa famille,

Genève, 1979.

Les deux coffrets de bois sont marquetés d'arabesques de cuivre, appliquées sur un fond d'écaille. Un mascaron de bronze, ciselé et doré, orne l'entrée de serrure et

chacun des côtés. Une poignée, également en bronze doré. est fixée au-dessus. L'intérieur est garni de sept tiroirs, tapissés de velours bleu. Dans l'un des petits meubles, ils sont compartimentés par un cadre de bronze doré qui permet d'y placer douze monnaies ; chaque intersection est décorée d'une fleur de lis. L'avant-dernier tiroir est encore plus richement ouvragé : un grand cadre, surmonté d'une couronne fleurdelisée et flanqué de putti tenant un sceptre, occupe les deux tiers de la surface. Les tiroirs du second coffre sont plus modestement divisés par une tresse de fil d'argent. L'un des médailliers porte la mention : « N. Emig. Condé ».

On identifie facilement ces écrins sur la liste ou « Etat des objets enlevés au Dépôt de la Maison de Nesle pour le Muséum des Antiques de la Bibliothèque Nationale. Le 17 fructidor an V (3 septembre 1797) de la République française ». On lit à la rubrique Condé :

186

« Quatre petits médailliers destinés autrefois à renfermer la suite des rois de France, présentement vides ; deux en placage de Boulle, et deux en maroquin rouge ». La première lettre de l'étiquette désigne donc le dépôt de Nesle, suivi du nom du propriétaire émigré.

On sait que, peu après le 14 juillet 1789, les princes de Condé avaient donné le signal de l'émigration. Dès 1793, le Comité d'Instruction publique de la Convention, réclame un inventaire des collections du château de Chantilly. En 1798, un petit nombre d'objets fut transféré au cabinet des Médailles. I. Aghion

187

Camée de Madame du Barry France, XVIIIe siècle. – Sardonyx et or émaillé. Hauteur : 37 mm largeur : 48 mm.

Médailles. Bab. n° 493.

Prov. : Maison de Mme du Barry à Louveciennes. Bibl. : E. Babelon, Catalogue des camées antiques et

modernes de la Bibliothèque Nationale, Paris. 1897,

p. CLIX et 257.

« Provenant de la ci-devant Comtesse Dubary une plaque de collier composée d'une très belle agathe [sic] représentant une Vénus accompagnée de trois Amours dans une monture d'or avec filet émaillé en bleu ». Ainsi est décrit le modeste camée arrivé au cabinet des Médailles dans un lot d'objets déposé le 21 décembre 1796 par l'administration de la Monnaie. Il ne s'agit ici que d'un reliquat des biens de Mme du Barry. En effet, ses bijoux de valeur étaient passés en Angleterre en 1791 après un vol réel ou simulé, la chose reste mystérieuse. D'autre part, ses objets précieux restés à Louveciennes avaient été directement saisis et mis à l'abri dans des dépôts de Versailles et de Paris. L'attention est d'ailleurs attirée à

187

plusieurs reprises, au cours des séances de la Commission temporaire des Arts, sur les objets de grande qualité qu'elle possédait. On peut citer, à titre d'exemple, une table ronde, dont le plateau en porcelaine de Sèvres jugé unique et parfait, suscitait l'admiration. I. Aghion

Le sort particulier des textes musicaux et la bibliothèque du Conservatoire

Le Conservatoire est une création tardive puisque la loi « portant établissement d'un Conservatoire de musique à Paris pour l'enseignement de cet art » date du 16 thermidor an III (3 août 1795).

Il fut précédé de plusieurs tentatives pour organiser des institutions musicales adaptées aux besoins de la Révolution et de ses grandes fêtes populaires. A l'origine de ces initiatives apparaît constamment le nom de Bernard Sarrette, capitaine de la garde nationale qui, dès 1789, dirige la musique de la garde, transformée en Ecole de musique municipale en 1792 et en Institut national de musique en 1793. Le citoyen Sarrette nommé avec Bruni membre de la Commission temporaire des Arts (18 pluviôse an II – 6 février 1794) « pour inventorier les instruments de musique anciens » sera également nommé commissaire pour l'organisation du Conservatoire avec l'appui entier de ses confrères compositeurs et instrumentistes.

Il bénéficie de l'expérience acquise par l'Ecole royale de chant et de déclamation créée en 1784 sur le modèle des

conservatoires d'Italie et destinée à former des chanteurs pour la musique du roi et l'Académie royale de musique. Réorganisée en 1792, devenue Institut national de chant et de déclamation, elle se maintiendra jusqu'en 1795 sous la direction de Gossec jusqu'à ce que le corps professoral soit versé dans le nouveau conservatoire.

Ces diverses institutions employaient des copistes mais il faut attendre la loi du 16 thermidor pour qu'une bibliothèque soit définie et prévue comme partie constitutive du nouvel établissement : « Une bibliothèque nationale de musique est formée dans le Conservatoire ; elle est composée d'une collection complète des partitions et ouvrages traitant de cet art, des instruments antiques ou étrangers, et de ceux à nos usages qui peuvent, par leur perfection, servir de modèles »(article X).

« Cette bibliothèque est publique et ouverte à des époques fixées par l'Institut national des sciences et arts, qui nomme le bibliothécaire »(article XI).

Le décret d'application de la loi précise : « Les objets devant former la bibliothèque du conservatoire, seront choisis dans le

dépôt formé par la commission temporaire des arts, par une commission d'artistes musiciens, dont le comité d'instruction publique nommera les membres ».

Le premier bibliothécaire, Frédéric Eler, installé dans l'hôtel des Menus fut nommé quelques jours plus tard, le 17 août 1795. En 1796, il quitte son poste pour celui de professeur de solfège. Il fut remplacé par Honoré-François-Marie Langlé, professeur de chant qui cumule les fonctions de bibliothécaire. Son successeur l'abbé Roze qui prend le poste en 1807 a décrit l'état d'abandon et l'importance du fonds musical accumulé depuis douze ans.

La commission chargée de choisir les ouvrages devant former la bibliothèque se composait de sept personnes dont Méhul, Lesueur, Kreutzer et Xavier Lefèvre.

Les vicissitudes de la bibliothèque au cours de ses douze premières années d'existence et l'amateurisme de ses premiers bibliothécaires laissent deviner pourquoi l'histoire des confiscations révolutionnaires dont le Conservatoire a bénéficié est si difficile à reconstituer. Quelques inventaires de collections privées confisquées dont certaines figurent encore partiellement dans les collections du Conservatoire, l'étude des provenances (reliures armoriées, ex-libris) qui reste à faire, des ensembles venus amputés des collections royales comme la collection Philidor permettent d'entrevoir l'importance du choix effectué par les commissaires responsables au détriment de la Bibliothèque Nationale. C. Massip

188

188

André-Modeste Grétry (1741-1813) OEuvre VIIe. Zémire et Azor

Comédie-ballet en vers et en quatre actes représentée devant Sa Majesté à Fontainebleau le 9 novembre

1771 et à la Comédie-Italienne le 16 décembre 1771. Dédiée à Madame la comtesse Du Barry par

M. Grétry, pensionnaire du Roi et de l'Académie des Philharmoniques de Boulogne (sic). Gravée par

Dezauche.

A Paris, chès Houbaut, rue Mauconseil prés la

Comedie-Italienne, 1772.

216 p. In-folio. – Exemplaire de dédicace. – Reliure en maroquin rouge aux armes de Mme du Barry.

Musique. Rés. F. 421.

Prov. : Mme du Barry.

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Bibl. : D. Charlton, Grétry and the growth of Opéra-Comique, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 98-108.

Comédie-ballet en quatre actes sur un livret de Jean-François Marmontel, représentée pour la première fois à Fontainebleau le 9 novembre 1771. Cette oeuvre qui met en scène le conte de Mme Leprince de Beaumont, « la Belle et la Bête », fait partie des oeuvres exécutées à l'occasion des fêtes qui suivirent le mariage du comte de Provence le 14 mai 1771. Elle reçut un accueil triomphal et valut à Grétry une pension royale. Certains

Certains ultérieurs de cette édition ne contiennent plus la dédicace à Mme du Barry, dernière maîtresse de Louis XV, tombée en disgrâce après la mort du roi. Leur page de titre est également regravée.

C. Massip

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Nicolo Jommelli (1714-1774) « Argentina 1741. Del Signor

Nicolo Jommelli. Andante assai », Aria « Gia che tradir degg'io ».

Copie manuscrite de Jean-Jacques Rousseau. – 5 ff., 220 x 290 mm.

Musique : D. 6267 (21).

Prov. : Maison de Grimm. Musique manuscrite.

Second carton de musique.

Bibl. : C. Massip, « Les collections d'opéras italiens à la Bibliothèque Nationale » dans L'Opera tra Venezia e Parigi, Firenze, 1988, p. 105-117. – J.B. Weckerlin, Bibliothèque du Conservatoire national de musique et de

déclamation. Catalogue bibliographique, Paris, 1885, p. VXVI.

Une petite partie de l'histoire des confiscations révolutionnaires concernant les collections musicales, peut être reconstituées grâce aux inventaires dressés par Antonio Bartolomeo Bruni, violoniste à la

Comédie-Italienne et au théâtre de Monsieur.

La Commission temporaire des Arts qui se préoccupa de sauver instruments et musique provenant du mobilier des émigrés avait confié à Bruni le soin de dresser inventaire des objets déposés à la maison Douet, rue Bergère.

Une trentaine de ces inventaires subsistent encore. De cet ensemble se détachent cinq collections d'une importance considérable, celle de Simon Charles Boutin, trésorier général de la Marine, exécuté le 4 thermidor an II (22 juillet 1794), amateur de musique française et

italienne, celle de La Borde, compositeur et auteur de l'Essai sur la musique, probablement rendue à sa famille, celles des familles Lauragais, et Clermont d'Amboise, enfin celle du baron Grimm. Cet arbitre de la vie musicale parisienne possédait une riche collection de partitions et d'extraits d'opéras de compositeurs italiens célèbres à l'époque, Anfossi, Traetta, Paisiello, Sarti. Il semble que Jean-Jacques Rousseau ait mis son métier de copiste au service de Grimm car on retrouve fréquemment sa main dans cette collection. C. Massip

Henri-Léonard Bertin et ses collections chinoises

Bénéficiant de l'appui de Mme de Pompadour, Bertin, né à Périgueux en 1720, fut nommé Contrôleur général des Finances en 1759, en pleine guerre de Sept Ans, alors que la situation financière de la France était catastrophique. En décembre 1763, la paix conclue, il démissionna et fut aussitôt nommé Secrétaire d'Etat, d'après L'Almanach royal pour 1764. Maintenu dans ses fonctions par Louis XVI, il occupa ce poste jusqu'en 1780. « Le Petit ministre » avait ainsi la haute main sur la Compagnie des Indes, les manufactures de coton, de porcelaine, l'agriculture, les mines, les haras, la navigation fluviale et ses canaux, les messageries, les loteries, etc. Il administrait en outre plusieurs généralités ainsi que les Isles de France et de Bourbon et tous les établissements de la Compagnie des Indes.

Dès 1764, il céda la gestion de la Compagnie des Indes, peu florissante, au secrétaire d'Etat à la Marine, et progressivement ses attributions diminuèrent d'année en année. Lorsqu'il démissionna, en 1780, il n'eut pas de successeur et le cinquième secrétariat d'Etat disparut.

Homme intelligent et cultivé, à l'esprit curieux et pragmatique, il aimait les enquêtes précises. Responsable des mines, il fit publier une carte minéralogique de la France et constitua un musée d'échantillons de minerais. Il eut aussi le souci de moderniser l'agriculture et l'industrie dont il avait la charge. Lié avec Quesnay, médecin de Mme de Pompadour et chef de file de l'école physiocratique, il était favorable à l'introduction de

nouvelles cultures. Il fit même planter des mûriers et élever des vers à soie dans sa propriété périgourdine de Bourdeilles.

On lui doit aussi la création du cabinet des Chartes, constitué par Moreau et placé sous la surveillance de Bignon, bibliothécaire du roi. Son idée était de centraliser en un dépôt unique copies ou originaux de toutes les chartes dispersées en France ou à l'étranger.

Son intérêt pour la Chine, qui participe de la sinophilie à la mode en ce milieu du XVIIIe siècle, fut conforté par sa rencontre avec Pierre Poivre, le voyageur, alors que Bertin n'était que jeune intendant à Lyon. Sa rencontre avec les deux jeunes Chinois alors en France, Ko et Yang, venus solliciter un passage gratuit sur un bateau de la Compagnie des Indes dont il venait de recevoir la charge, fut à l'origine de la correspondance littéraire et scientifique qu'il entretint de 1764 à 1788 avec la Mission française de Pékin.

Persuadé de l'avance de la Chine dans les domaines agricole et technologique, il souhaitait que la France en bénéficie. Responsable de la Manufacture royale de Sèvres, il fit faire des enquêtes sur la fabrication de la porcelaine et sur le kaolin. Il confia l'échantillon de kaolin, qu'il avait reçu de Pékin, à l'archevêque de Bordeaux, en vue de la prospection. C'est ainsi que fut trouvé le gisement de Saint-Yrieix en Limousin et que débuta la fabrication à Sèvres d'une porcelaine « dure ».

Il demanda à Ko et à Yang de différer leur départ d'un an,

fit compléter leur éducation scientifique et les renvoya à Pékin porteurs de questions, posées entre autres par Turgot. Ils devaient en chercher les réponses en Chine et les renvoyer à Bertin.

Leur retour en Chine, leur réadaptation au pays ne furent pas aisés, et les pères jésuites de Pékin prirent le relais.

Malgré ses nombreuses occupations officielles, Bertin prenait personnellement connaissance des m émoires rédigés en Chine et les annotait et jugeait de leur intérêt à être publiés dans la grande collection des « Mémoires concernant les Chinois » dont il avait confié la direction à l'abbé Batteux, puis à Feudrix Oudart de Bréquigny.

Avec leurs traductions de textes chinois et leurs mémoires scientifiques, les pères de la Mission française de Pékin envoyaient des albums de peintures documentaires, des graines de plantes (pour en expérimenter la culture), des échantillons de minéraux, des objets divers : un métier à tisser, une charrue, une brouette, des instruments de musique, des pinceaux, de l'encre, de la colle, etc. Soucieux d'entretenir la bienveillance de Bertin à leur égard, et d'en obtenir de l'argent, ils lui adressaient également des « objets de curiosité », de belles éditions chinoises ou mandchoues pour la plupart sorties de l'imprimerie impériale, ou même des peintures.

A partir de 1780, Bertin vécut dans la résidence qu'il avait fait construire à Chatou, allant chaque année prendre les eaux à Spa. C'est là qu'il mourut en 1792, après avoir émigré à Aix-la-Chapelle.

Il avait vendu Chatou à la marquise de Feuquières, mais ses collections furent mises sous séquestre et transférées au dépôt de Nesle, où leur vente fut autorisée. Auparavant, Joly semble avoir eu l'autorisation d'y prendre les pièces de son choix pour le cabinet des Estampes, dès l'an II. Tonnelier, garde du cabinet de l'Ecole des Mines (créée en 1783 à l'instigation de Bertin) préleva quelques articles, dont trois étaient d'origine chinoise. Molard, conservateur du Dépôt des mécaniques, emporta 35 articles ; une pierre brune, cinq champignons (fossilisés ?) et un paquet de graines de chanvre furent remis au Muséum d'Histoire naturelle le 28 brumaire an VI (18 novembre 1797). Louis-Mathieu Langlès,

Langlès, des Manuscrits orientaux, avait pris pour la Bibliothèque Nationale tous les livres mandchous et chinois, qui restaient, ainsi que les manuscrits offerts par les Jésuites et les albums de peintures documentaires délaissés par Joly. En tout 107 articles furent remis à Langlès le 15 ventôse an IV (5 mars 1796), dont 36 furent transférés au cabinet des Estampes le 25 germinal an IV (14 avril 1796), les autres furent répartis dans divers fonds du département des Manuscrits : 52 articles (dont 23 sans titre) dans le fonds chinois et mandchou, le reste essentiellement dans le fonds français.

Le père Joseph-Marie Amiot, qui résida à Pékin de 1751 à 1793 et fut le principal correspondant de Bertin et son principal pourvoyeur en livres, prenait soin de noter les titres français sur les couvertures des ouvrages, mais d'autres ne le faisaient pas. Le citoyen Naigeon fut bien embarrassé pour établir la liste de ces ouvrages identifiés seulement par leur numéro d'ordre, le nombre de volumes ou d'étuis et leur langue. Le numéro d'ordre était soigneusement reporté sur l'étui correspondant, mais la quasi-totalité des étuis ont disparu lors de la grande campagne de reliure à l'européenne des livres chinois, menée sous la Restauration et sous la Monarchie de Juillet. L'ouvrage que nous exposons ici est un des rares à l'avoir conservé : il portait le n° 81 de la liste de transfert à la Bibliothèque Nationale. M. Cohen

Bibl. : Sur Bertin, voir J. Silvestre de Sacy, Henri Bertin dans le sillage de la Chine (1720-1792), Paris, 1970.

Sources : Manuscrits. Nouv. acq. fr. 4698 (correspondance de Mme de Pompadour avec Bertin). – Sur la répartition des collections de Bertin, voir Archives nationales, F 17. 1192 D et Manuscrits. Archives modernes, CDXCIII et DXX.

Mémoires concernant l'histoire, les sciences, les arts, les moeurs et les usages, etc. des Chinois. par les missionnaires de Pékin, Paris, 1716-1814, 16 vol. in-4° (Cordier, B.S. Col. 54). Restés entre les mains de Bréquigny, les manuscrits destinés à la publication des Mémoires., furent donnés à la Bibliothèque le 15 vendémiaire an V (6 octobre 1796) par La Porte du Theil, garde du cabinet des Manuscrits, à qui Bréquigny avait donné tous ses papiers. Ils constituent un fonds propre au département des Manuscrits. La correspondance de Bertin avec les jésuites de Pékin, est actuellement conservée à la Bibliothèque de l'Institut (DM 167) elle est reliée en 12 volumes in-fol. Les 112 lettres que Bertin a personnellement adressées à Pékin de 1764 à 1788 en occupent le tiers.

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Huangchao liqi tushi Pékin, Imprimerie impériale, 1766. – Impression

xylographique sur papier. – 16 fasc.

(303 X 195 mm), reliés de soie jaune dans 4 étuis

recouverts de brocard jaune à motifs bleus et rouges. Manuscrits orientaux. Chinois 2289 – 2304.

Prov. : Henri-Léonard Bertin (5 mars 1796).

Ouvertures : Chinois 2289 fin de la préface de

l'empereur Qianlong (1736-1795), datée de 1759 et suivie de deux de ses sceaux imprimés en rouge.

Chinois 2290, ch. II, fol. 9 r° vase sacrificiel en

bronze du temple des ancêtres.

Chinois 2291, ch. III, fol. 28 r° : sphère armillaire.

Chinois 2293, ch. V, fol. 156 r° premier manteau de pluie de l'empereur.

Chinois 2294, ch. VI, fol. 29 r° première robe à

motifs de dragons de l'impératrice douairière.

Préparé par une commission officielle sous la direction de Yunlu (ou Yinlu), deuxième prince Zhuang, seizième fils de l'empereur Kangxi (1662-1722), cet inventaire illustré des objets participant au cérémonial de la cour de l'empereur Qianlong (1736-1795) est un exemple des grandes compilations illustrées à l'honneur

l'honneur les premiers empereurs mandchous.

Le mobilier rituel des sanctuaires impériaux (Temple du Ciel, Temple de la Terre, Temple des Ancêtres, .), les instruments scientifiques (globes célestes, globes terrestres, .), les vêtements et les bijoux de l'empereur, de l'impératrice, des princes et des princesses par ordre hiérarchique, les instruments de musique, les pièces d'apparat des cortèges, les armes sont répertoriés et décrits. La plu-

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part sont reproduits à pleine page d'après les dessins réalisés par six peintres de l'atelier impérial, dont Men Yingzhao est le plus fameux.

Imprimé au Wuyingdian, l'imprimerie impériale située à l'intérieur même de l'enceinte de la Cité interdite, c'est un produit de la virtuosité technique des graveurs et des imprimeurs la légèreté et

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la finesse du papier, la délicatesse du trait qui cherche à reproduire les moindres détails des broderies en font une oeuvre d'une qualité extrême, mais sans le moindre souffle artistique. M. Cohen

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Chi Hoang de la dynastie des Tsin

Vers 1735. – Aquarelle sur soie contrecollée.

Inscription en chinois dans la marge à dr..

390 x 346 mm. – Reliure veau havane aux armes de Bertin.

Estampes. Oe 5. fol. 5 : inv. 3060.

Prov. : Henri-Léonard Bertin (3 février 1794).

Bibl. : G. Heuzé, Eloge d'Henri Jean Baptiste Bertin,

Paris. 1888 – H. Cordier, Catalogue des albums

chinois…, Paris, 1909. – Les renseignements sur le

style de la peinture ont été aimablement

communiqués par D. Elisseeff.

Sources : Manuscrits. Archives modernes. CDXCIII. f. 17-17v.

Scène d'autodafé commandé par l'empereur Chi Hoang (Qin Shihuang [221-210 av. J.-C.]) contre les intellectuels de son royaume. Au premier plan, des livres sont brûlés ; sur la droite, une énorme fosse a été creusée, où sont précipités philosophes et hommes de lettres. Cette peinture sur soie, primitivement sur rouleau, découpée et remontée sans doute en Occident, est typique des travaux exécutés dans les ateliers impériaux de Pékin sous le règne de Kien-Long (1735-1795). De style

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archaïsant (costumes à l'ancienne, officiers sans la natte mandchoue, architectures et perspectives théoriquement Ming), elle introduit néanmoins des anachronismes et des éléments décoratifs (végétation, nuages) qui ne permettent pas de la faire remonter avant le milieu du XVIIIe siècle. Elle s'inscrit qui plus est dans un courant de peinture moralisatrice et historique où le moindre détail du cérémonial est soigneusement noté, mais sans souffle poétique, caractéristique de cette époque. C'est sans doute son aspect documentaire qui explique la présence de cet ensemble de peintures dans la bibliothèque d'Henri Bertin (1720-1792).

Bertin, contrôleur général des finances en 1759, ministre des Affaires étrangères en 1774, se retira de la cour après 1780 pour vivre dans une luxueuse retraite à Chatou au milieu des objets qu'il avait collectionnés. Sentant venir les bouleversements révolutionnaires, il vendit Chatou à la marquise de Feuquières pour s'installer à Aix-la-Chapelle ; la mort le surprit à Spa en 1792. Ses collections confisquées et entreposées au dépôt de Nesle furent immédiatement mises en vente le 26 pluviôse an II (14 février 1794). Il semble toutefois que Joly ait reçu l'autorisation (donnée également à son collègue du Muséum) d'y prélever ce que bon lui semblerait : un premier dépôt de 10 volumes, suivi d'un second de 23 volumes, arriva à la Bibliothèque inventoriés 3059 à 3068 et 3078 à 3101. Une liste plus détaillée fut dressée le 25 germinal an IV (14 avril 1796), mais le cabinet des Estampes acquit encore quelques pièces provenant de Bertin jusqu'en l'an XIII (album de fleurs et d'insectes vendu par le libraire Merlin).

Le volume présenté ici illustre bien le souci de Joly de compléter et d'étendre les collections traditionnelles aux sujets documentaires et pas uniquement français, grâce aux confiscations d'émigrés. La double vocation du cabinet des Estampes recueillant l'oeuvre des artistes et fournissant une documentation par sujets était ainsi respectée. F. Fossier

Le tribut de l'étranger

Moins spectaculaires que les enrichissements du Louvre – régulièrement présentés aux amateurs et aux curieux dans le salon carré du muséum des Arts – et beaucoup moins étudiés, ceux que connut la Bibliothèque Nationale grâce aux saisies pratiquées dans les pays conquis durant la période révolutionnaire n'en furent pas moins considérables. Les frères Goncourt, dans leur Histoire de la société française pendant le Directoire, ont laissé une description haute en couleurs des « charretées de manuscrits, de médailles, de musique, d'imprimés. », qui, à la suite de l'Apollon du Belvédère et des chevaux de Saint-Marc, furent promenés le long des boulevards de la capitale le 10 thermidor an VI lors de la « Fête de la Liberté et entrée triomphale des objets des sciences et des arts recueillis en Italie ». Bien d'autres « charretées », en provenance d'Italie mais aussi de Belgique, d'Allemagne ou des Pays-Bas, devaient être déchargées dans la cour de la bibliothèque à partir de l'an III et jusque fort avant sous l'Empire.

« Le dépôt le plus riche des connaissances humaines »

Par opposition à la période impériale, pendant laquelle le rassemblement à Paris des trésors des bibliothèques d'Europe releva, comme pour les archives, de l'administration d'un ensemble politique unifié – que l'on songe à l'action d'un Henri Beyle à Wolfenbüttel en 1807-1808 –, celle de l'expansion révolutionnaire possède une remarquable unité.

Unité idéologique, d'abord. Entre les hommes de l'an II et ceux de l'an VI, au-delà des oppositions politi-

ques, nulle contradiction lorsqu'il s'agit de justifier le dépouillement des bibliothèques étrangères. Séj our des hommes libres, la France révolutionnaire se trouve investie d'une mission : recueillir partout où ils se trouvent les témoignages les plus marquants de l'histoire de l'esprit humain, conçue comme une histoire de l'aspiration à la liberté. Paris, promue capitale de la Liberté, se doit donc de devenir selon le mot de Bonaparte « le dépôt le plus riche des connaissances humaines »(lettre écrite d'Italie à Merlin de Douai, 11 ventôse an V – 1er février 1797). En 1803 encore, dressant pour l'Institut le bilan des saisies de livres effectuées dans les pays du Nord, A.-G. Camus écrit que « la République a usé de son droit en choisissant parmi les dépouilles des vaincus celles dont elle voulait s'enrichir », ajoutant qu'« on doit savoir gré à ceux qui gouvernaient d'avoir mis un assez grand prix aux richesses littéraires pour regarder ces acquisitions comme un des plus beaux fruits de la victoire »(Voyage fait dans les départements nouvellement réunis, Paris, an XI (1803), I, p. 167-168). En outre, si le déplacement des chefs-d'oeuvre de la peinture et de la sculpture suscita quelques protestations dans l'opinion, dont celle restée fameuse de Quatre-mère de Quincy, il ne semble pas que celui des livres et des manuscrits ait été contesté dans son principe, tout au moins en France.

Même continuité dans la pratique des confiscations. Dès le lendemain de la bataille de Fleurus (26 juin 1794), le comité d'Instruction publique de la Convention prévoyait d'« envoyer secrètement à la suite de nos armées des citoyens instruits »(projet de décret du 8 messidor an II – 26 juin 1794) et procéda bientôt à la nomination de « commissions des sciences et des arts » auprès des différentes armées. Instrument essentiel des saisies, ces commissions furent maintenues pendant le Directoire. La plus célèbre, et la dernière, accompagna Bonaparte lors de l'expédition d'Egypte. La Bibliothèque Nationale ne fut jamais représentée dans ces organismes au sein desquels un commissaire était plus spécialement chargé des livres et des manuscrits. A l'exception de l'ex-abbé Leblond, ancien bibliothécaire de Saint-Victor, aucun des commissaires n'appartenait d'ailleurs au monde des bibliothèques. La Bibliothèque Nationale n'avait aucune autorité sur les commissaires et ne compta jamais de représentant dans les pays conquis. Son rôle dans les saisies dont elle bénéficia fut donc toujours indirect et varia considérablement au cours de la période.

Premières saisies dans les pays du Nord (1794-1795) «

La conquête des Pays-Bas autrichiens, des Provinces-Unies et de la rive gauche du Rhin au cours de l'automne et de l'hiver 1794 fut l'occasion de très importantes saisies de livres avant les traités de 1795 qui permirent le retour de ces territoires sous une administration civile. La correspondance de Leblond, attaché aux armées de Sambre-et-Meuse et du Nord, nous fait suivre le rythme haletant de sa quête dans les bibliothèques princières et monastiques de Bruxelles, Malines, Liège, Aix-la-Chapelle, Cologne, Bonn, Coblence, tour à tour visitées entre octobre 1794 et janvier 1795, puis, après les succès inattendus de l'armée française en Hollande, celle du Stathouder à La Haye, en février et mars 1795, enfin celles d'Anvers et de Louvain au cours du même mois.

Les instructions du Comité d'Instruction publique n'assignaient à Leblond qu'une mission précise : s'emparer à Bruxelles des manuscrits à peintures de la bibliothèque de Bourgogne dont une partie avait déjà été transportée à Paris en 1748, après la prise de Bruxelles par le maréchal de Saxe, et rendue en 1770 aux termes du traité d'Aix-la-Chapelle. Avant même l'arrivée des commissaires à Bruxelles, le représentant Laurent avait envoyé à Paris quatre caisses de manuscrits. Leblond procéda à un second envoi de sept caisses. Outre plusieurs centaines de manuscrits prestigieux, témoins du raffinement de la cour de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire (n° 192), la bibliothèque de Bourgogne fournit également des imprimés, essentiellement des vélins

(nos 193-194). Pour le reste, Leblond devait saisir les manuscrits antérieurs au Xe siècle, les manuscrits à peintures et ceux que recommandaient leurs reliures ou leurs provenances illustres. En matière d'imprimés, on lui demandait de rassembler les premiers monuments de la typographie et les ouvrages modernes nécessaires aux lettres et aux sciences, ce qui lui laissait une large marge d'appréciation. Quelques bibliothèques lui étaient particulièrement recommandées, à Bruxelles et à Louvain notamment, mais il procéda de manière très empirique. Dans une lettre au représentant Baraillon du 18 nivôse an III (7 janvier 1795), il expliquait que faute de coopération des autorités locales « il me suffit d'apercevoir des clochers : ils me servent de guides ». Toujours pressé, il ne disposait jamais du temps nécessaire pour procéder à des tris ou à des inventaires lors de ses perquisitions. Témoin la façon dont il s'empara de quarante-six caisses de livres appartenant aux jésuites de Coblence : « je trouvai quarante-six caisses de livres fort bien conditionnées et toutes prêtes à passer le Rhin : j'en fis ouvrir deux au hasard ; elles me donnèrent si bonne opinion du reste que je les fis enfermer. Sans doute il s'y trouvera quelques livres de rebut ; mais le port ne coûte rien, ou presque rien ; et puis il aurait fallu trop de temps et trop de frais pour faire un triage. Je vais faire partir le tout pour Paris »(même lettre). Cette hâte explique la disparate des saisies effectuées par Leblond hors de la Bibliothèque de Bourgogne. De très belles pièces venues des trésors d'églises, comme le missel de Cologne de 1494, pris à la cathédrale (n°95), voisinent avec des quantités de livres communs, souvent en plusieurs exemplaires. Les bibliothécaires belges s'en plaignirent amèrement dès la paix revenue.

Ces envois étaient d'abord dirigés vers la Bibliothèque Nationale, puis répartis entre les dépôts littéraires des Cordeliers et de Saint-Louis-la-Culture (livres en provenance de Belgique) et de l'hôtel Saint-Marc (livres en provenance de la rive gauche du Rhin), la Bibliothèque jouant le rôle d'une sorte de prédépôt et de

centre de redistribution. Il arrivait cependant que certaines caisses lui soient attribuées immédiatement, comme celle qui contenait le gigantesque plan de Vienne saisi en Belgique (n° 195). Dans d'autres cas, il semble que la bibliothèque ait prélevé une partie des envois destinés aux dépôts littéraires. Ainsi, en prairial an III (juin 1795), le muséum des Arts dut réclamer trente-deux volumes d'estampes et de dessins venus de Cologne (n° 120) qui avaient été soustraits aux deux cents qui auraient dû être déposés à l'hôtel Saint-Marc.

Dans un second temps, à partir de la fin de 1795, la Bibliothèque Nationale choisit parmi les fonds transmis aux dépôts littéraires les ouvrages qu'elle estimait lui manquer. Les manuscrits de la Bibliothèque de Bourgogne eux-mêmes, bien que réclamés très tôt par la Bibliothèque, ne lui parvinrent pas directement, mais demeurèrent aux Cordeliers jusqu'au 12 floréal an IV (21 avril 1796). Quant aux imprimés en provenance de la même collection, nous les trouvons confondus avec des ouvrages de toutes origines dans une « Liste des livres provenant de l'envoi de la Belgique qui ont été retenus par la BN » totalisant 4 142 numéros. En 1797 encore, 1 200 imprimés venus de Belgique étaient envoyés de Saint-Louis-la-Culture à la Bibliothèque Nationale.

Au cours de cette première période, la Bibliothèque n'était intervenue qu'a posteriori, sur des saisies effectuées sans instruction ni requête de sa part. Il est frappant de constater que Van Praet, originaire de Bruges, n'avait pas été consulté lors des confiscations belges. Son attitude semble d'ailleurs avoir été de stricte neutralité. Lorsqu'en juillet 1796 l'Université de Louvain tenta de récupérer ses collections elle écrivit une émouvante lettre au ministre de l'Instruction publique dans laquelle elle déclarait « espérer beaucoup du patriotisme du citoyen Van Praet ». En fait, rien n'indique que Van Praet se soit entremis en sa faveur.

F. Dupuigrenet

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Bertrandon de la Brocquière Voyage d'Outremer

Flandres (Lille ?), vers 1458. – Parchemin, 252 ff.,

390 x 270 mm. – Reliure veau raciné.

Manuscrits. Français 9087.

Prov. : Bibliothèque de Bourgogne.

Bibl. : Ch. Schefer, « Note sur les miniatures ornant un ms. de la relation de voyage d'Outremer de

Bertrandon de la Brocquière », dans Gazette des Beaux-Arts, 1891. – Idem, Le Voyage d'Outremer de Bertrandon de la Brocquière, Paris, 1892. – F. Winckler, Die

Flämische Buchmalerei des XV. und XVI. Jahrhundeits,

Leipzig, 1925, p. 59-60 et 193.

Exp. : De la Bible à nos jours, 3 000 ans d'art, Paris,

Grand Palais, 1985, n° 239.

En 1453, Constantinople tombe aux mains des Turcs. Quelques mois plus tard, le duc de Bourgogne Philippe le Bon donne à Lille le Banquet du Faisan, au cours duquel les chevaliers de la Toison d'Or et les seigneurs chrétiens présents font le serment d'aller libérer les Lieux Saints et Constantinople des infidèles.

Cette expédition n'aura jamais lieu, mais le manuscrit présenté ici témoigne, comme d'autres volumes provenant de la Bibliothèque de Bourgogne, de l'état d'esprit à la cour de Bourgogne après 1453. Il regroupe en effet trois textes traitant des croisades. L'auteur du dernier

dernier ces écrits, Bertrandon de la Brocquière, avait été envoyé en Orient dès février 1432. Premier écuyer tranchant, conseiller et chambellan de Philippe le Bon, il avait déjà accompli pour celui-ci plusieurs missions secrètes. Après un périple de plus d'un an en Italie, Palestine, Syrie et Turquie, il était rentré avec un rapport pour son maître. C'est à la demande de celui-ci que pour des raisons de propagande, Bertrandon rédige, ou plutôt fait rédiger par Jean Miélot, plusieurs années après, la relation copiée ici.

Le manuscrit sort vraisemblablement de l'officine de Jean Miélot, ch a-

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noine de Lille, copiste, écrivain et traducteur, qui travailla beaucoup pour la Cour de Bourgogne : les textes accompagnant celui de Bertrandon furent traduits par Miélot à la demande de Philippe le Bon, en 1455-1456. Les magnifiques peintures de style flamand qui illustrent l'ensemble du volume sont attribuées au peintre Jean le Tavernier, d'Audenarde.

On voit ici Bertrandon vêtu à la turque, comme on le lui avait suggéré pour passer inaperçu. Rentré en Bourgogne, il rencontre Philippe le Bon au siège de Mussy l'Evêque et lui remet la traduction du Coran rapportée d'Orient.

Le peintre a suivi avec précision le récit très détaillé de l'auteur.

Exécuté pour le duc de Bourgogne et portant ses armes, le manuscrit n'a pas quitté la Bibliothèque de Bourgogne jusqu'à la Révolution. M.P. Laffitte

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Comiença la Cronica del

serenissimo rey Don Juan el segundo deste nombre

Logrono, Arnao Guillén de Brocar, 1517. – In-folio. Imprimés. Rés. Vélins 767.

Prov. : Bibliothèque de Bourgogne.

Bibl. : Aninger 3440 ; Norton 427 ; Palau 64966 ; Van Praet, V, 170.

Première édition de la chronique d'Alvar Garcia de Santa Maria (ca 1380-1460), principale source narrative sur le règne de Jean II, roi de Castille et de Léon (1406-1460). Le juriste Lorenzo Galindez de Carvajal (1472-1532), professeur à l'université de Salamanque et membre du conseil royal, remania considérablement le manuscrit original et le compléta, pour la période postérieure à 1435, par différents textes qu'il attribua dans sa préface au fameux historien Fernán Perez de Guzman (ca 1376-ca 1460). Au lendemain de l'avènement au trône d'Espagne du futur Charles Quint, cette publication suscitée par l'entourage de Ferdinand et Isabelle avait d'abord un sens politique : présenter au nouveau souverain comme un modèle la lutte de Jean II contre la haute noblesse castillane. Elle s'inscrivait aussi dans un mouvement général d'impression des chroniques médiévales en vulgaire, qui se poursuivit pendant tout le XVIe siècle. A la fin du XVIIIe siècle, la Cronica avait suscité un regain d'intérêt parmi les historiens, et en 1779 une belle édition philologique en avait été donnée à Valence, complétée en 1786 par un important commentaire numismatique de Liciniano Saez. La Bibliothèque du Roi avait acquis ces deux volumes. C'est donc d'abord l'intérêt historique du texte qui le recommanda aux commissaires français lorsqu'ils le saisirent à Bruxelles en 1794.

Il s'agit également de l'un des monuments de la typographie ibérique de la Renaissance. Arnao Guilhem de Boscar (mort en 1524) était au début du XVIe siècle le plus important imprimeur d'Espagne. Sans doute d'origine française, il s'était établi à Pampelune en 1490 avant de se fixer en 1502 à Logrono, au bord de l'Ebre, sur la route de Saint-

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Jacques-de-Compostelle. Tout en conservant un atelier à Logrono, il avait à partir de 1511 étendu son activité à Alcalà de Henares, ouvert des succursales à Tolède et Valladolid et fait travailler pour son compte plusieurs imprimeurs de Burgos.

En juillet 1517, il venait d'achever à Alcalà l'impression de la Bible multilingue connue sous le nom de Polyglotte d'Alcalà. La Cronica, dont le colophon est daté du 10 octobre, dut être imprimée immédiatement après, dans l'atelier de

Logrono. Boscar y employa pour la première fois des caractères gothiques inspirés des fontes parisiennes contemporaines, qui s'imposèrent bientôt dans toute l'Espagne du Nord, notamment à Burgos. Les très beaux bois gravés, eux, appartenaient depuis longtemps au matériel de l'imprimeur. En outre, l'exemplaire de la bibliothèque de Bourgogne était imprimé sur vélin, l'un des deux seuls connus aujourd'hui sur vingt-neuf recensés par Norton, l'autre étant à la Biblioteca Nacional de Madrid.

La reliure de la Cronica conservée à Paris mériterait une étude particulière. Contrairement aux livres saisis en Italie, ceux qui provenaient de Belgique ont généralement gardé leurs reliures d'origine. Le décor d'entrelacs polychromes de celle-ci rappelle le style des reliures mudejares espagnoles de la fin du XVe siècle, mais selon les spécialistes, son exécution ne permet pas de la dater d'avant 1550. On sait par ailleurs qu'elle n'est mentionnée dans les inventaires de la bibliothèque de Bourgogne qu'en 1594. Il n'est pas certain non plus que la reliure soit espagnole. Elle pourrait aussi bien avoir été exécutée en Flandre, voire à Paris.

F. Dupuigrenet

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Giovanni Bologni

De aeterna Dei praedestinatione, et reprobatione ex Scripturis, &

Patrum authoritatibus deprompta sententia

Louvain, Antoine Marie Bergaigne, 1554. – In-folio. Imprimés. Rés. Vélins 945.

Prov. : Bibliothèque de Bourgogne.

Bibl. : Van Praet, I, 417.

Le prélat sicilien Giovanni Bologni (mort en 1564), archidiacre de la cathédrale de Palerme et professeur de théologie à l'université de Louvain depuis 1550, publia deux éditions de ce traité chez le libraire et imprimeur de l'université Antoine Marie Bergaigne : en 1554, l'édition in-folio sans nom d'imprimeur que nous présentons, et l'année suivante une édition in-8° imprimée par Rcinerius Vel-

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pius. Les polémiques autour de la question de la prédestination étaient particulièrement vives à Louvain au milieu du XVIe siècle, surtout depuis la nomination en 1552 de Michel Baius à la chaire d'Ecriture Sainte. S'appuyant avant tout sur l'autorité de la Bible, Baius commençait à diffuser des doctrines hostiles au libre-arbitre qui annonçaient le jansénisme et devaient entraîner sa condamnation en 1558. Bologni, lui, se situait dans la ligne de la théologie classique de la contre-réforme, avant tout préoccupée de faire échec au protestantisme. Dans son-avant-propos, il indiquait nettement que la confusion qu'il observait parmi les docteurs catholiques à propos de la prédestination était due à une utilisation excessive de l'Ecriture aux dépens de la Tradition. Le grand controversiste janséniste Pasq uier Quesnel devait, au XVIIe siècle, considérer dans son Apologie des censures de Louvain que Bologni. loin d'avoir éclairci la question, était « un homme qui brouille tout ». Les seize autres textes courts qui complètent le volume traitent tous de matières théologiques controversées. Bologni se prononçait notamment avec âpreté contre la publication

publication la Bible en langue vulgaire, ce qui lui valut une mention dans le Dictionnaire de Pierre Bayle. Chapelain de Charles-Quint. à qui l'ouvrage était dédié, le prélat se conformait strictement au programme de défense du catholicisme que l'empereur avait assigné à l'université de Louvain. En 1554 également, les théologiens de Louvain avaient ainsi été sollicités de présenter en vingt articles les dogmes essentiels de la foi catholique à la veille de la seconde session du concile de Trente.

Malgré la formation de tradition janséniste de nombreux responsables des bibliothèques françaises pendant la Révolution. ce n'est sans doute pas la nature du texte qui fit saisir l'ouvrage, mais sa belle impression sur vélin. La Bibliothèque du Roi ne possédait jusqu'alors que la modeste édition in-8° de 1555. Le volume a conservé sa reliure d'origine en velours violet, telle qu'elle avait été décrite dans l'inventaire de la bibliothèque de Bourgogne en 1594. F. Dupuigrenet

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Joseph Daniel von Huber Scenographie oder geometrisch Perspect Abbildung der

Kayserlich Koniglich Haupt- und Residenz Stadt Wien in

Oesterreich

Vienne. 1777. – Plan gravé en taille-douce.

24 feuilles assemblées. 3 600 x 4 140 mm.

Cartes et Plans. Ge. CC.2723.

Prov. : Confiscation en « Belgique »(1795).

Sources : Manuscrits. Archives modernes. CCLXIV.

– Archives nationales. F 17. 1276 et 1277. dossier 8. f. 140 et 143.

Le 12 fructidor an III (29 août 1795), les commissaires de la Commission temporaire des Arts, adjoints au Comité d'Instruction publique, se rendirent à la Bibliothèque Nationale pour assister à l'ouverture de deux caisses arrivées de « Belgique ». Dans l'une d'elles se trouvaient des manuscrits sur vélin et des imprimés, tandis que furent extraits de l'autre deux objets : « Un modèle en bois de sapin qui nous est apparu avoir la forme d'une serre chaude ». dit le procès-verbal.

procès-verbal. de plus un grand rouleau enveloppé d'une toile cirée contenant un plan de la ville de Vienne en Autriche à vue d'oiseau, le tout en assez mauvais état à l'exception du plan et attaqué de l'humidité ». Il s'agit sans nul doute du gigantesque document exposé ici avec son entoilage d'origine.

Le 1er floréal précédent. 71 feuilles de documents cartographiques venant de Belgique avaient déjà été réceptionnés à la Bibliothèque par J.D. Barbié du Bocage. On y trouvait, entre autres, le cours du Danube en trois feuilles, des cartes d'Amérique, des Pays-Bas (6 feuilles) et d'Allemagne (18 feuilles).

Cependant, la pression des événements militaires se faisant plus forte, les arrivages de cartes des Pays-Bas postérieurs à celui-ci échappèrent à la Bibliothèque Nationale. Le 9 vendémiaire an IV (1er octobre 1795). Jean-Nicolas Buache, conservateur du Dépôt des cartes et plans de la marine, invita en effet la Commission exécutive de l'Instruction publique « à remettre la collection entière des cartes et plans du Stathouder à la Commission de la Marine et des Colonies qui en fera faire sur-le-champ un inventaire exact et qui remettra au Bureau de la Guerre ou au Comité de Salut Public les objets qui seraient de leur ressort et

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étrangers à la Marine ». Cette collection, écrit-il, « doit nous procurer des connaissances précieuses sur les établissements des Européens dans l'Inde ».

La démarche de Buache fut couronnée de succès. On lui remit tout ce qu'il souhaitait, et plus particulièrement les

caisses qui arrivaient de La Haye, renfermant les cartes et les plans du Stathouder. La Bibliothèque Nationale se trouva dès lors marginalisée dans le domaine de la cartographie : il n'était plus question de lui attribuer de documents ayant quelque valeur stratégique. Notons toutefois que

la collection des cartes et plans de la marine lui fut finalement reversée, très longtemps après, en 1942, alors qu'elle était définitivement classée dans la catégorie « archives ». M. Pastoureau

Les trésors d'Italie (1796-1798)

La campagne d'Italie offrit à la Bibliothèque Nationale l'occasion d'intervenir directement dans le choix des ouvrages saisis. En effet, Bonaparte substitua aux confiscations des rançons formellement inscrites dans des conventions diplomatiques passées avec chacun des Etats vaincus. Les commissaires purent ainsi établir des listes ordonnées de livres avec le concours parfois des conservateurs de la Bibliothèque, et en tout cas saisissaient les ouvrages retenus à l'intention de la Bibliothèque elle-même et non des dépôts littéraires. En outre, les critères de choix des imprimés furent alignés sur ceux des manuscrits en privilégiant systématiquement les hautes époques. Il convient de distinguer trois grandes séries de saisies : celles effectuées en Haute-Italie, dans la République de Venise et dans les Etats pontificaux.

Le 3 frimaire an V (24 novembre 1796) étaient ouvertes à la Bibliothèque dix-sept caisses de livres à elle adressées par la « Commission des sciences et des arts près l'armée d'Italie ». Il s'agissait là des pièces recueillies par Monge et Berthollet à Milan (Bibliothèque Ambrosienne et bibliothèque de Brera), et à Bologne (bibliothèque des chanoines de Saint-Sauveur et Institut des sciences), à titre de contribution. Contrairement à ce qui s'était passé dans les pays du Nord, on y trouve presque uniquement des incunables, à l'exception de quelques ouvrages des trois premières décennies du XVIe siècle. Le choix des commissaires avait été délibérément « archéologique », destinant à la Bibliothèque les premiers monuments de la typographie et non les objets chargés d'une valeur symbolique comme les manuscrits de Léonard de Vinci ou de Galilée, envoyés à l'Institut. On peut souligner aussi le nombre important d'incunables italiens dans cet ensemble. Les origines de la typographie italienne avaient fait à la fin du XVIIIe siècle l'objet d'études importantes, tant en ce qui concerne les grands centres d'impression comme Venise et Rome que ceux des villes périphériques, de la part de savants tels Audiffredi ou Laire, le bibliothécaire du cardinal Loménie de Brienne, qui pouvaient éclairer les commissaires. Remarquable également le nombre des impressions sur vélin choisies.

Les listes précises, établies à l'occasion de ces envois, permirent aux représentants de l'Empereur de se faire restituer la quasi-totalité des ouvrages pris à Milan. En revanche, les envois de Bologne demeurent aujourd'hui une des richesses de la Bibliothèque Nationale qui compte une vingtaine d'incunables en provenance de la seule bibliothèque de Saint-Sauveur (n° 133).

Au printemps 1797, Venise était livrée, elle aussi, à l'occupation militaire, avant d'être abandonnée à l'Autriche, et fournit son contingent de trésors bibliographiques. Mais pour la première fois, ces prélèvements furent effectués en fonction d'un accord conclu par les représentants de la Sérénissime et les autorités françaises. En effet, le traité de Milan du 27 floréal an V (16 mai 1797) stipulait dans sa partie restée secrète, à l'article 5 et dernier : « La République de Venise remettra au commissaire, à ce destiné, vingt tableaux et cinq cents manuscrits au choix du général en chef ». Au cours de l'été et de l'automne 1797, Monge

La Fête de Thermidor an VI

choisit, surtout à Venise et à Padoue (n° 109), mais aussi dans de plus petites villes comme San Daniele del Friuli, 241 manuscrits grecs et latins (n° 134), 120 incunables, 50 volumes de musique imprimée des XVe et XVIe siècles et 59 éditions aldines, tous destinés à la Bibliothèque Nationale. Celle-ci avait envoyé au commissaire des listes de desiderata qui permirent à Monge d'éviter les doubles envois (liste du 20 thermidor an V [7 août 1797]). Tous ces trésors, partis de Venise par mer en novembre 1797, parvinrent à Paris au début de l'été 1798 et purent être exhibés lors de la fête de thermidor an VI. Comme ceux de Milan, ils furent pour la plupart restitués en 1815.

Aux envois de Venise vinrent se joindre à la même période ceux de centres de moindre importance comme Mantoue, prise en février 1797, qui fournit à la Bibliothèque un intéressant ensemble de manuscrits et d'incunables en provenance de l'abbaye de San Benedetto in Polirone (n° 118).

Mais les accroissements les plus remarquables se firent aux dépens des bibliothèques de Rome. Comme dans le cas de Venise, un traité fournissait un cadre contractuel aux spoliations. L'armistice signé à Bologne le 23 juin 1796 avec les représentants du pape, dont les termes furent repris dans le traité de Tolentino du 14 février 1797, comportait à l'article 8 « l'abandon de cinq cents manuscrits du Vatican ». Pourtant, ce n'est qu'après l'entrée de Berthier à Rome et la proclamation de la République romaine au début de 1798 que les commissaires Monge et Daunou purent réellement l'appliquer.

Les manuscrits, pris aussi bien dans la Bibliothèque Vaticane que dans la bibliothèque personnelle de Pie VI, furent expédiés avec les objets d'art pris dans les musées du Vatican et parvinrent au Muséum des Arts qui les remit à la Bibliothèque Nationale le 8 thermidor an VII (27 juillet 1799). On remarque

parmi les manuscrits grecs la célèbre Anthologie Palatine du Xe siècle (n° 196), et la splendide liturgie de saint Basile (n° 201), le bel ensemble de manuscrits de Dante (n° 199) et de Pétrarque (n° 200), et de rares manuscrits orientaux dont une bible hébraïque du XIVe siècle d'origine allemande (n° 203).

Par une interprétation large du traité de Tolentino, les commissaires complétèrent leur choix de manuscrits avec de nombreuses « éditions rares ». Plusieurs listes de demandes furent établies par la Bibliothèque Nationale et transmises par Langlès au cours de l'été 1798 (lettre du 1er thermidor an VI à La Revellière Lepeaux). Très précises, ces listes indiquaient les cotes des ouvrages à la Bibliothèque Vaticane comme dans les autres grandes bibliothèques de Rome telles l'Angelica, la Casanatense ou la Vallicelliana, ainsi que des appréciations (« précieux », « rare », « très précieux », etc.). Le Virgile de 1473 annoté par Politien était ainsi qualifié de « précieux »(n° 198). Comme lors des autres saisies italiennes, les incunables se taillèrent la part du lion. Malgré les réticences des conservateurs romains qui tentèrent sans succès de faire respecter la lettre du traité, les imprimés commencèrent à être remis aux commissaires dès le 13 mai 1798.

Un premier envoi parvint à la Bibliothèque le 19 floréal an VI (8 mai 1798), auquel avait été joint des ouvrages provenant de la confiscation des collections de la famille Albani au palais des Quatre-Fontaines (n° 204), puis un second en thermidor an VII (juillet 1799).

Si la Bibliothèque Nationale ne fut pas la seule bénéficiaire des envois de Rome – Daunou ayant largement doté la bibliothèque du Panthéon –, elle en fut cependant la principale, et sut les garder en 1815. Surtout, elle avait joué un rôle actif dans la préparation des saisies avec une méthode et une ténacité où l'on reconnaît la marque de Van Praet. F. Dupuigrenet

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Anthologie Palatine Xe siècle. Parchemin, 50 ff., 260 X 165 mm.

Manuscrits. Supplément grec 384.

Prov. : Bibliothèque Vaticane (1798).

Bibl. : Anthologie grecque. Première partie : Anthologie palatine, I-XII, Paris 1928-1970, éd. par P. Waltz, G. Souvy, F. Buffière, R. Aubreton voir :

Introduction du T. I, p. XXXVIII-LII.

Célèbre manuscrit que ce recueil d'épigrammes grecques, constitué au Xe siècle, et retrouvé au début du XVIIe dans la Bibliothèque Palatine d'Heidelberg – d'où son nom d'Anthologie Palatine –, dont la Bibliothèque Nationale ne conserve aujourd'hui que la seconde partie. Document unique pour la connaissance d'un

genre littéraire qui fut cultivé de la haute Antiquité à l'époque byzantine.

L'Anthologie Palatine rassemble en effet près de quatre mille épigrammes, classées par sujet et non par auteur : ces courts poèmes (ils étaient à l'origine destinés à être gravés sur la pierre), échelonnés sur plus de seize siècles, ont été progressivement réunis en recueils, de Méléagre (Ier siècle avant J.-C.) à Céphalas (Xe s. après J.-C.), pour aboutir à deux vastes collections : celle qui est contenue dans le manuscrit palatin, et celle, beaucoup plus restreinte, qui sera formée au XIVe siècle par le savant moine byzantin, Planude.

Epigrammes votives, funéraires, descriptives, érotiques, satiriques ou

morales, ce sont toujours des modèles de concision et de subtilité, même si la thématique peut en sembler répétitive et la virtuosité un peu gratuite : ainsi les poèmes figurés (au f. 30v, L'OEuf de Simias), sortes de calligrammes dont les obscurités nécessitent de nombreuses explications marginales. Mais au-delà des conventions, l'on y trouve d'admirables réussites, et le reflet irremplaçable des réalités quotidiennes.

C'est donc ce manuscrit Palatinus 23 que découvrit à Heidelberg, en 1606, l'érudit Claude Saumaise. En 1622, les troupes catholiques de Tilly s'emparèrent d'Heidelberg, pillèrent la Bibliothèque Palatine ; et les manuscrits les plus précieux, offerts par Maximilien de Bavière

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196

au pape Grégoire XV, furent emportés à Rome par Léon Allacci. Entré à la Vaticane, le Palatinus 23 y fut divisé en deux tomes d'inégale importance. Il est au nombre des manuscrits transférés à Paris, après le traité de Tolentino (1797). En 1816, les alliés le réclament pour le rendre à la Bibliothèque Palatine : seul le second tome resta à la Bibliothèque Nationale ; le premier fut restitué à Heidelberg.

M.O. Germain

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Origène Contra Celsum

Rome. Georg Herolt. 1481. – In-folio.

Imprimés. Rés. Vélins 280.

Prov. : Bibliothèque Vaticane (1798).

Bibl. : BMC, IV, 126. – IGI, 7032. – Incunables 0-57.

– Van Praet, VI, 364 bis.

C'est à la demande du savant byzantin Théodore Gaza que l'helléniste romain

197

Cristoforo Persona, déjà connu par ses traductions de saint Jean Chrysostome, traduisit le grand traité d'Origène (t 253) contre le philosophe néoplatonicien Celse. Il utilisa un manuscrit acheté à Constantinople par le pape Nicolas V (1447-1455), et acheva son ouvrage sous Sixte IV (1471-1484) qui en reçut la dédicace. Le successeur de Sixte IV, Innocent VIII (1484-1492) devait nommer Persona à la tête de la Bibliothèque Vaticane. L'impression fut confiée au typographe allemand Georg Herolt, actif entre 1481 et 1483 à Rome où il produisit une dizaine d'éditions, seul ou en association avec Sixtus Riessinger. On ne sait rien de sa carrière en dehors de ces trois années romaines. A la fin du XVIIIe siècle, l'abbé François-Xavier Laire avait signalé dans son Specimen historicum typographiae Romanae XV. saeculi, paru à Rome en 1778, l'élégance du caractère romain d'Herolt (p. 117).

L'exemplaire que nous présentons est celui qui fut présenté à Sixte IV dont les armes figurent à l'incipit. Imprimé sur vélin, il reçut un décor enluminé caractérisé par l'emploi des bianchi girari (rinceaux blancs), où l'on retrouve ce que François Avril a appelé la « composante florentine » de l'enluminure romaine du Quattrocento. De la bibliothèque personnelle de Sixte IV, il était passé à la Bibliothèque Vaticane dont il porte encore la cote (1252). Van Praet en avait demandé la saisie parmi les soixante-dix incunables mentionnés dans une Note de quelques livres imprimés rares qui sont au Vatican et manquent à la Bibliothèque Nationale (n° 34) rédigée à l'intention des commissaires du Directoire chargés de l'application de l'article 13 du traité de Tolentino. Ces imprimés, dont le nombre avait été porté à cent trente-huit, furent remis le 13 mai 1798, et purent figurer au milieu des trésors d'Italie lors de la fête de thermidor an VI. La Bibliothèque possédait un exemplaire sur papier de cette édition, saisi par Louis XII dans la bibliothèque des rois aragonais de Naples. F. Dupuigrenet

198

Virgile Opéra

Rome, Conrad Sweyheym et Arnold Pannartz [1471].

In-folio.

Imprimés. Rés. g. Yc. 236.

Prov. : Bibliothèque Vaticane (1798).

Bibl. : IGI, 10180. – Incunables, V-105. – I. Maïer, Les Manuscrits d'Ange Politien, Genève, 1965, p. 153. – P. de Nolhac, La Bibliothèque de Fulvio Orsini, Paris,

1887.

Exp. : Le Livre, Paris, Bibliothèque Nationale, 1972,

n° 537.

Deuxième édition de Virgile publiée à Rome par les prototypographes allemands Sweynheym et Pannartz à la demande et sous la direction de Giovanni Andrea Bussi, évêque d'Aleria – la première avait été publiée en 1469. Grâce à Pomponio Leto, Bussi put utiliser à cette occasion le fameux manuscrit Vergilius Mediceus mais indiqua dans sa préface qu'il n'eut le temps que de le feuilleter. Le plus important, à ses yeux, était de mettre rapidement les textes classiques latins à la disposition des lettrés, sans s'attacher de trop près à leur correction. Tout différente était la conception du grand humaniste Ange Politien (1454-1494), qui posséda l'exemplaire que nous présentons. Son ex-libris y figure à trois reprises, en latin et en grec, et le volume est couvert d'annotations marginales et infralinéaires de sa main. Suivant la méthode qui devait définir « l'humanisme philologique », Politien y accumula les rapprochements et les exemples tirés d'une impressionnante variété d'auteurs classiques latins et grecs, qui font de ces annotations un véritable Vergilius illustratus. Sous ce titre, le bibliophile romain Fulvio Orsini fit d'ailleurs paraître en 1567 chez Plantin ses propres annotations, l'année même où il acquérait notre volume. La collection d'Orsini était jugée par ses contemporains comme supérieure même à celle du pape, et pour montrer le prix qu'il attachait au Virgile de Politien il le catalogua en tête de ses imprimés latins. A sa mort, il légua tous ses livres à la Bibliothèque Vaticane où notre volume reçut successivement les cotes 2466 et 10885.

L'exemplaire figurait parmi les soixante-dix incunables demandés en

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1797 par la Bibliothèque Nationale aux commissaires du Directoire à Rome avec la mention « précieux ». Est-ce pour cette raison qu'il ne fut envoyé à Paris qu'en 1801, dans une caisse ouverte à la Bibliothèque Nationale le 8 pluviôse an IX (29 janvier 1801). F. Dupuigrenet

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Dante

La Divine Comédie

Venise, 2e quart du XVe siècle. – Parchemin,

8 + 423 ff., 400 X 290 mm. – Reliure maroquin

rouge XVIIes.

Manuscrits. Italien 78.

Prov. : Cabinet de Pie VI (1798).

Bibl. : L. Auvray, Les Manuscrits de Dante dans les

Bibliothèques publiques de France, Paris, 1892, p. 98-106.

– P. Bruger, M. Meiss et Ch. S. Singleton,

Illuminated manuscripts of the Divine Comedy, I, Princeton, 1969, p. 316-318.

Exp. : Boccace en France, Paris, Bibliothèque Nationale, 1975, n° 88.

Né à Florence en 1265, Dante participa à la vie publique de sa cité dès 1295. Banni en 1302, il ne put jamais y retourner et mourut à Ravenne en 1321. C'est donc en

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exil qu'il écrivit la Divina commedia, dont la rédaction fut pour lui un moyen d'échapper à la réalité. Dès sa parution, la nécessité s'imposa d'expliquer au lecteur ce long poème à la construction savante, si profond et obscur, et de rechercher le sens allégorique qui de l'aveu de Dante lui-même, se cache sous le sens littéral. Précédé de la vie de Dante par Boccace, le commentaire latin de Benvenuto d'Imola est transcrit ici dans une traduction italienne originale ; il encadre le texte de Dante, copié en écriture de chancellerie par un scribe vénitien, Zorzi Zanchano, dans une mise en pages soignée.

Le début des huit premiers chants est orné d'une initiale historiée attribuée à l'enlumineur vénitien Cristoforo Cortese. Ce cycle particulier de peintures, malheureusement incomplet, retrace les péripéties du voyage de l'auteur : accompagné de Virgile, il traverse l'Enfer et le Purgatoire avant de retrouver sa bien-aimée Béatrice au Paradis. Les éléments de

décoration les plus typiquement vénitiens sont les paysages et surtout les montagnes de forme conique.

Couvert au XVIIe siècle d'une reliure de maroquin rouge, ce manuscrit fut acheté en 1699 par un Florentin dont on ignore le nom. On le retrouve à la fin du XVIIIe siècle dans la bibliothèque de Pie VI, où il fut saisi en 1797, avec neuf autres exemplaires du même texte.

M.P. Laffitte

200

François Pétrarque Triomphes et autres textes

Florence. 1457. – Parchemin, 243 ff., 275 x 175 mm.

– Reliure maroquin rouge.

Manuscrits. Italien 545.

Prov. : Cabinet de Pie VI (1798).

Bibl. : S. Cohen, The Image of Time in Renaissance

depictions of Petrarch's « Trionfo de tempo ». Tel-Aviv,

1982, p. 144-145. – A de la Mare. E. Pellegrin,

Manuscrits de Pétrarque dans les Bibliothèques de France,

Padoue, 1966. p. 145-147. – E.H. Wilkins. Studies in the life and works of Petrarch, Cambridge (Mass.). 1955, p. 254-272.

Exp. : Dix siècles d'enluminure italienne. Paris,

Bibliothèque Nationale. 1984, n° 100.

Parmi les textes réunis dans ce manuscrit, figurent les Triomphes de François Pétrar200

Pétrar200

que. Réputé surtout pour ses compositions amoureuses, ce poète était aussi attiré par les méditations solitaires, plus en accord avec son état d'ecclésiastique ; l'oeuvre exposée ici est représentative de cet aspect de sa pensée, peut-être moins connu. Son père avait été banni de Florence en même temps que Dante et jamais Pétrarque n'accepta de s'y réinstaller. Après des années agitées et vagabondes il se fixa donc à Arqua, près de Padoue, à la fin de sa vie, et y mit la dernière main aux Triomphes, poème en langue toscane, terminé au début de 1374.

Malgré les réticences de l'auteur, les oeuvres de Pétrarque connurent à Florence comme ailleurs un franc succès, et les Triomphes en particulier ont beaucoup inspiré les illustrateurs. Les manuscrits florentins du XVe siècle, parmi lesquels la luxueuse copie présentée ici, développent un cycle iconographique original, repris par les graveurs : chacun des six chants glorifiant le triomphe de l'amour, de la chasteté, de la mort, de la renommée, du temps et de Dieu, est précédé d'une scène peinte à pleine page et orchestrée comme un triomphe à la romaine. Le scribe florentin Ghirardo di Giovanni del Ciriago termina la copie du texte le 19 février 1457 et un autre artiste, florentin lui aussi, Francesco d'Antonio del Cherico, est l'auteur des enluminures. On y reconnaît l'influence des grands maîtres florentins, comme Fra Angelico ou Masaccio.

Le 9 juillet 1708, le manuscrit fut donné au pape Clément XI par M. Widman, gouverneur de Fermi, et relié aux armes de ce pape. Il passa ensuite dans la bibliothèque de Pie VI, où il fut saisi en 1797. M.P. Laffitte

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Liturgie de saint Basile XIIIe s. – Parchemin, rouleau, 12.435 m.

Manuscrits. Supplément grec 578.

Prov. : Cabinet de Pie VI (1798).

Bibl. : P. Canart, Les Vaticani Graeci 1487-1962 (Studi e Testi, 284), 1979, p. 173-191.

Exp. : Byzance et la France médiévale. Paris. Bibliothèque Nationale. 1958, n° 48.

Sources : Manuscrits. Archives modernes, CDXCII,

f. 48-49.

201

202

Ce luxueux rouleau porte le texte de la liturgie de saint Basile, l'une des trois grandes liturgies en usage dans l'Eglise grecque pour le canon de la messe.

Fixé d'un côté sur une tige de bois doré, protégé de l'autre par un rectangle de soie pourpre, bordé d'un galon rouge et or, il présente une décoration très soignée : titre en lettres dorées à l'intérieur d'un encadrement orné de motifs floraux polychromes sur fond or ; au-dessus : pylé dans le même style, peut-être destinée à recevoir l'effigie du saint ; initiales polychromes rehaussées d'or.

Une note manuscrite à la fin du texte indique que le rouleau fut donné en mai 1592 par François Accidas, fils d'Emmanuel, chorévêque de Rhodes, lui-même protonotaire et protopape de Messine, au Cardinal Jules-Antoine Santorio, protecteur du Collège grec. Ce donateur était un prêtre aventureux, agent de renseignement auprès des puissances hostiles aux Turcs, dont la famille originaire de Rhodes s'était repliée sur la Sicile ; il profitait de ses voyages pour acquérir, vendre ou échanger des manuscrits contre

des bénéfices et des recommandations. L'on connaît plusieurs de ses manuscrits offerts au pape Sixte-Quint ou vendus au Collège grec.

Notre rouleau liturgique dut passer plus tard dans la bibliothèque particulière du pape, puisqu'il figure dans l'« Etat dressé en février 1803 de 44 vol umes mss. venus du cabinet particulier du pape, et envoyés de Rome à Paris. ».

M.O. Germain

202

Biblia ad vetustissima exemplaria nunc recens castigata

Louvain. Bartholomaeus Gravius, 1547. – In-folio. Imprimés. Rés. A. 205.

Prov : Cabinet de Pie VI (1801).

Bibl. : Adams B.1039. – Darlow et Moule, 6129.

Au moment du concile de Trente, lorsque la Vulgate fut déclarée « authentique », l'Eglise catholique ne possédait aucune édition de référence communément acceptée du texte de saint Jérôme, les éditions de Robert Estienne ayant été

condamnées par la Faculté de théologie de l'université de Paris et celles de Benoît et de Chiari ne s'étant pas imposées. En 1547, enfin, une version mise au point par une commission de théologiens de l'université de Louvain fut publiée avec la protection d'un privilège impérial. Cette révision, ainsi que la seconde publiée à Anvers par Plantin en 1574, demeura la seule version catholique autorisée avant la publication de la Bible Sixtine en 1590.

L'exemplaire ici présenté provient de la collection personnelle du pape Pie V (1566-1572), dont il porte les armes. Il a un caractère de document historique puisque la commission de cardinaux chargés par le saint pontife de préparer une édition « romaine » de la Vulgate travaillait précisément à partir de l'édition de Louvain. A la mort de Pie V, le volume passa à son neveu le cardinal Alessandro Ghislieri, puis à la famille Borgia. En 1784, il fut offert par Stefano Borgia au pape qui, dix ans auparavant, avait repris le nom de Pie, Pie VI (1775-1799). Celui-ci fit réaliser un emboîtage à ses armes. La bibliothèque du pape Bras-

chi ayant été dispersée, il parvint à la Bibliothèque Nationale en ventôse an IX (février-mars 1801) dans un envoi de Rome mêlant des ouvrages en provenance de la Bibliothèque Vaticane, de la bibliothèque de Pie VI, et de la bibliothèque Casanatense. F. Dupuigrenet

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Les Prophètes, avec le Targum de Jonathan

[Allemagne], vers 1300. – Parchemin, 335 ff.,

560 X 390 mm. – Reliure pontificale aux armes de

Pie VI.

Manuscrits orientaux. Hébreu [17]-18.

Prov. : Cabinet de Pie VI (1798).

Bibl. : F. Damiano di Priocca, Letterafamiliare al

Marchese Camillo Massimo su di un suo M.S. ebraico,

[s.l.n.d., mais sans doute Rome, ca. 1770-1775],

Bibliothèque Nationale, ms. italien, 1123. – G.B. de'

Rossi, Specimen variarum lectionum Sacri Textus et chaldaica Estheris additamenta […] ex singulari codice privatae

bibliothecae Pii VI […], Romae, 1782. – Legature Papali

da Eugenio IV a Paolo VI, catalogo de la mostra, Roma,

Biblioteca Apostolica Vaticana, 1977, nos 266-267 et

pl. CXCIV-CXCV (pour fers similaires sur d'autres

reliures de Pie VI).

Après avoir appartenu au cardinal Carlo Camillo Massimo (1620-1677), le célèbre protecteur de Vélasquez et de Poussin, cette bible hébraïque en deux volumes – dont le second est ici exposé – échoit, à la suite de plusieurs successions familiales, au marquis Francesco Camillo Massimo (1730-1801), haut fonctionnaire de l'administration pontificale. Celui-ci la fait relier aux armes du pape pour en faire don à Pie VI, très probablement lors de son accession au trône de saint Pierre en 1775, en tout cas avant la fin de l'année 1778, date à laquelle l'abbé Giovanni Bernardo De' Rossi, professeur de langues orientales à l'université de Parme, commence à en étudier le texte dans la bibliothèque privée du souverain pontife et en mentionne la très belle reliure (« codicem. splendidissime compactum »). Deux ans plus tard, c'est l'orientaliste danois Andrea Christian Hviid qui la consulte, comme en témoigne une note de sa main sur un des folios de garde.

Saisi en 1797 à Rome, le manuscrit est transmis à la Bibliothèque Nationale le 8 thermidor an VI (26 juillet 1798) par

203

l'administration du Muséum central des Arts : depuis sa révision en 1512, à Mantoue et à Governolo, par le scribe Menahem, fils de Peretz Trabot pour le compte de ses propriétaires Joseph, Moïse et Samuel, fils d'Isaac Gallico jusqu'aux

rayonnages de la Bibliothèque Nationale, l'itinéraire suivi par le codex est peu banal.

La reliure de veau havane et de veau brun raciné, estampée de fort élégantes dorures, est ornée de volutes et rinceaux

de feuillages et de fleurs, de vases, de sphinx ailés, de masques, d'oiseaux, etc. les fers employés sont de toute beauté. On remarquera également, bien dans le goût néoclassique et un peu chargé de l'époque, les fermoirs de vermeil et d'émail, à l'effigie de « Jérémie Prophète » et de « Josué Serviteur de Moïse », gravés en hébreu par l'orfèvre romain. M. Garel

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Sainte Catherine de Sienne

Epistolae devotissimae

Venise, Alde Manuce, 1500. – In-folio. – Reliure

maroquin doré. XVIe s.

Imprimés. Rés. D. 799.

Prov. : Collection Albani (1798).

Bibl. : Les plus belles reliures, n° 131. – L.-M. Michon.

« Les Reliures exécutées pour François Ier ». dans

Gazette des Beaux-Arts, mai 1932, p. 309-332. –

J. Guignard, « Humanistes tourangeaux », dans

Humanisme et Renaissance VI (1940), p. 133-184.

Ces lettres de sainte Catherine furent imprimées par Alde Manuce en même temps que le plus fameux Polyphile, et parurent une dizaine de mois plus tard, comme en expiation du paganisme outrancier des aventures de Polyphile et Polia. Dédiées au cardinal Francesco Piccolomini, qui devait ceindre la tiare quel-ques mois à la mort d'Alexandre VI, elles convenaient mieux à l'atmosphère de dévotion et de moralité dans laquelle baignait alors Venise, en proie à la guerre et à la peste. Dans l'histoire de la typographie, l'édition est restée célèbre parce qu'y apparaît pour la première fois le caractère italique qui devait triompher dès l'année suivante dans les fameux petits in-octavo aldins.

L'exemplaire de la Bibliothèque Nationale se caractérise d'abord par sa reliure de très grand luxe, composée de frises rectangulaires de fers dorés de goût oriental et d'un motif central circulaire entouré de petites flammes dorées. Ce décor permet de l'attribuer à un atelier milanais de la fin du règne de Louis XII dont plusieurs autres productions ont été identifiées depuis longtemps. De plus, la reliure est doublée de maroquin très orné, premier exemple connu d'utilisation de ce procédé.

Il s'agit par ailleurs d'un exemplaire de dédicace à Marguerite de Valois, la soeur de François Ier, dont les armes comme femme de Charles d'Alençon sont peintes au premier feuillet du texte, également orné d'une bordure finement goua204

goua204

chée. L.-M. Michon a émis l'hypothèse que le volume aurait été offert à Charles d'Alençon en 1509 et à l'occasion de son mariage.

Par la suite, le volume fut offert en 1521 par Marguerite à son secrétaire, le poète et collectionneur Victor Brodeau. En 1709, il était en possession du cardinal Joseph de la Trémoille qui en fit don au pape Clément XI Albani, l'auteur de la bulle Unigenitus.

Les attaches de la famille Albani avec la cour de Vienne, et la formation janséniste et gallicane de nombreux responsables de la France révolutionnaire, expliquent que les Albani aient été particulièrement visés par les confiscations jacobines de la première République romaine. Les différentes bibliothèques de la famille furent pillées et les livres vendus. Ainsi ce volume si lié à la France fit-il retour à Paris. F. Dupuigrenet

205

Francesco Pannini

Veduta del templo della Pace e di S. Francesca Romana, gravé par Giovanni Volpato à la Calcografia della Rev. Camera apostolica.

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1774. – Eau-forte, 485 X 690 mm. – Reliure chagrin rouge au chiffre de Napoléon Ier.

Estampes. Ba 22a, planche 11.

Prov. : Confiscation d'Italie (1799).

Bibl. : L. Ozzóla, Nuove aggiunte al Pannini, dans

Rassegna di Piacenza, 1940, p. 3-14 ; G. Marini,

Giovanni Volpato 1735-1803. – Exposition de Bassano,

janv. 1988. Bassano, Ghedina et Tassotti, 1988, notice 201.

Tirée d'une série de sept vues peintes par Pannini, dont certaines furent gravées également par Carlo Barbazza et A. Cappellan, cette gravure de Volpato se distingue

distingue ses oeuvres précédentes par son exactitude topographique et le recours vraisemblablement à la chambre optique pour obtenir une plus grande rigueur dans les perspectives. Nous sommes loin ici du climat poétique des ruines à la Piranèse et c'est sans doute cette sécheresse à caractère scientifique qui séduisit les auteurs des saisies révolutionnaires en Italie. Celles-ci se montèrent à 3 000 pièces dans le domaine des estampes, ce qui est relativement peu comparé aux razzias opérées dans les

collections d'antiques et de peintures. Nous ne possédons malheureusement pas le détail des provenances de cet « envoi » parvenu en thermidor an VII et composé essentiellement de vues de topographie romaine (sites antiques, intérieurs de palais) Les pièces furent montées en recueil sous l'Empire, davantage en fonction du nom des artistes que des sujets.

F. Fossier

Vers l'Empire

En mai 1798, les savants qui accompagnaient Bonaparte en Egypte – près de deux cents collaborateurs civils, scientifiques, littéraires, artistiques, dont Monge, Berthollet, Geoffroy Saint-Hilaire, Denon et bien d'autres –, avaient des missions scientifiques précises à remplir, parmi lesquelles la création au Caire d'un institut à l'image de l'Institut de France de Paris. Ils étaient aussi chargés de rapporter livres et objets intéressants, ce qu'ils ne manquèrent pas de faire (n° 206).

Avec la Campagne d'Egypte s'achève la période « libératrice ».

Inaugurée en Italie, une façon nouvelle de procéder fut en effet étendue à partir de 1799 à l'Allemagne. On note l'envoi systématique de listes d'incunables manquants aux autorités militaires, et par exemple l'envoi par l'armée du Rhin d'une

centaine de manuscrits et d'incunables provenant de Munich le 3 frimaire an IX (25 novembre 1800). Dans les territoires passés sous administration française, la Bibliothèque commençait également à traiter directement avec les autorités locales, voire avec les bibliothèques elles-mêmes. Sur la rive gauche du Rhin, définitivement annexée à la République en 1802, Van Praet sut entretenir des relations suivies avec le bibliothécaire de l'université de Mayence Fischer, qui fit donner à la Bibliothèque Nationale quelques pièces spectaculaires des premiers ateliers typographiques mayençais ainsi qu'un splendide incunable enluminé vénitien (n° 73). C'était déjà la politique qui prévaudra sous l'Empire, lorsque le « tribut de l'étranger » se confondit avec une politique de centralisation. F. Dupuigrenet, M.P. Laffitte

206

Mehmed Ibn Emir Hasan el-Sucdi Matalic el-sacadet, traité d'astrologie et de divination

Constantinople, 1582. – Papier, 143 ff.,

310 X 205 mm. – Reliure turque en cuir rouge

estampé et doré.

Manuscrits orientaux. Supplément turc 242.

Prov. : Le Caire (1799).

Bibl. : E. Blochet, Inventaire et description des miniatures des manuscrits orientaux conservés à la Bibliothèque

Nationale, Paris, 1898, p. 10-14.

Réalisée à Constantinople dans les ateliers du sultan Mourad III (1574-1595) à l'intention de sa fille Fatimeh, sous la direction du célèbre maître Osman, cette oeuvre est représentative de la fécondité artistique d'une période où l'art ottoman se développe en se dégageant de l'influence persane encore sensible au XVe siècle. Ce mouvement correspond à l'âge d'expansion de l'empire.

Le manuscrit se compose de deux

parties : la première, intitulée « Le lever du Bonheur et les Sources de la puissance » est un traité d'astrologie. Il est orné de magnifiques représentations des douze signes du zodiaque, et de peintures variées figurant la conjonction des planètes, les phases de la Lune, ou bien des sites connus (mosquée des Omeyyades à Damas) ou mythiques (muraille de Gog et Magog), des scènes de légendes (le phénix) et des Mille et une nuits (vallée

des diamants et des pierres précieuses). Toutes ces peintures ont été réalisées avec un soin extrême et une grande richesse de couleurs.

La seconde partie porte le titre de « Divination de Djafer », c'est-à-dire le moyen de consulter le sort d'après les préceptes de l'imam Djafer (80 H./700-149 H./765) à qui ont été attribués de nombreux ouvrages de divination, de magie et d'alchimie dont l'authenticité n'est pas toujours sûre. Y sont représentés les tombeaux ou chapelles de Jethro, Jésus, saint Georges, Jonas, Noé, Zacharie, saint Jean, Joseph, David, Moïse, Elie, Jacob, Abraham, Ismaïl et Job, ainsi que le trône du roi Salomon entouré de génies et de fées.

Cet ouvrage fut rapporté du Caire. Une note de la main de Langlès, datée de brumaire an VIII de la République (octobre 1799), indique qu'il fut « déposé à la Bibliothèque par le citoyen Monge au nom du général Bonaparte ».

A. Berthier

206

Bibliographie générale

A. Franklin, Les Anciennes bibliothèques de Paris. Paris, 1870 (Histoire générale de Paris).

H. Martin. Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l'Arsenal. T. VIII. Histoire de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1899.

H. Dufresne, Erudition et esprit public au XVIIIe siècle. Le bibliothécaire H.-P. Ameilhon. 1730-1811. Paris, 1962.

Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, exposition. Paris, 1980.

Histoire des bibliothèques françaises. Les bibliothèques sous l'Ancien Régime. 1530-1798. sous la direction de Cl. Jolly, Paris, 1988.

De la bibliothèque d'Artois à la bibliothèque de l'Arsenal 1789-1797

Comme il serait tentant, à considérer la mise en oeuvre par la Révolution des principes de la Raison, que les bibliothèques publiques parisiennes aient été décidées dans un grand plan de bibliothèques de secteurs où la Mazarine, Sainte-Geneviève, l'Arsenal et la Bibliothèque Nationale auraient, aux quatre points cardinaux, satisfait les besoins des savants de la capitale. Mais la réalité fut tout autre. Certes ces bibliothèques étaient avant 1789 déjà ouvertes au public, ainsi que Saint-Germain-des-Prés, Saint-Victor, la Faculté de médecine, la bibliothèque des avocats et quelques autres. L'Arsenal avait certes vocation à devenir bibliothèque publique, comme son fondateur le marquis de Paulmy l'avait certainement envisagé, mais il l'avait vendue deux ans avant sa mort au comte d'Artois, et le départ en émigration de celui-ci, trois jours après la prise de la Bastille, avait mis en sommeil son fonctionnement, jusqu'au séquestre ordonné en 1791. Nous n'avons garde d'oublier le mérite du frère du roi, d'abord de s'être laissé persuader d'acheter la bibliothèque, évitant ainsi la dispersion aux feux des enchères, ensuite d'y avoir placé son bibliothécaire, le libraire Claude Marin Saugrain qui réussit à défendre le précieux dépôt, au sens propre, contre les émeutiers du 14 juillet, et par la suite contre les projets de transfert au Luxembourg. La confiscation prononcée les 27 juillet et le 2 septembre 1789 réduisait en effet la « bibliothèque d'Artois » au statut de dépôt littéraire, à la merci des prélèvements en faveur des bibliothèques maintenues en activité, en premier lieu la Bibliothèque Nationale. La prisée à laquelle s'astreignit de 1793 à 1795 Saugrain, assisté du libraire Nyon, comme expert désigné par les créanciers du comte d'Artois, atteignit la somme de 500 000 livres, pour 110 000 ouvrages, dont 3 000 manuscrits ; elle n'était que le prélude à une mise en vente. Ce fut la création de l'Institut national en 1795 qui, une nouvelle fois, sauva la situation. Cette jeune institution avait besoin d'une bibliothèque fournie : le décret du

1er messidor an IV (19 juin 1796) lui octroya la bibliothèque de l'Arsenal « plus intimement connue que la Bibliothèque Nationale elle-même grâce à ses catalogues ». On lit aussi dans ce décret d'il y a deux siècles : « Il est impossible de faire une bibliothèque complette dans l'étendue du mot, et si la chose étoit possible, peut-être seroit il sage de la diviser en différentes bibliothèques, qui, étant toutes nationales, composeraient quoique isolées le même tout. Le service se feroit mieux et l'on éviteroit, outre un danger qui fait trembler, beaucoup d'inconveniens qui résultent d'une trop grande collection ». Ces propos sont toujours d'actualité.

Dès lors, la bibliothèque de l'Arsenal pouvait à son tour prétendre à des attributions de livres et Saugrain ne se fit pas faute d'aller puiser, en particulier dans le dépôt littéraire voisin établi à Saint-Louis-la-Culture, rue Saint-Antoine dans l'actuel lycée Charlemagne, ainsi qu'à la bibliothèque de Saint-Victor, de l'autre côté de l'eau.

Ces prélèvements ne semblent pas avoir répondu à un plan concerté entre les bibliothèques parisiennes : l'individualisme y a toujours été de mise ; on peut le regretter. Chacun semble avoir cherché à compléter au mieux ses collections sans trop insister sur la valeur des ouvrages dont il sollicitait l'attribution, pour ne pas éveiller l'attention de ses collègues et rivaux, se comportant en somme comme s'il avait eu un budget d'acquisitions illimité. mais sans lendemain. Les bibliothécaires ont toujours rêvé de rencontrer cette circonstance providentielle, et Saugrain pouvait d'autant plus apprécier cette bonne fortune qu'il n'avait pas pu longtemps continuer ses acquisitions payantes après le départ du comte d'Artois.

L'exposition d'aujourd'hui laissera juger combien ces choix furent heureux, mais Saugrain dut abandonner à la nouvelle bibliothèque de l'Institut 13 000 livres imprimés qu'il avait fait entrer en quelques mois. En effet, le Directoire se décida enfin à reconnaître la personnalité de la collection conservée par Paulmy en créant le 9 floréal an V la bibliothèque nationale et publique de l'Arsenal. J.– C. Garreta

Ameilhon ouvre la bibliothèque de l'Arsenal

Après une période d'incertitudes et de quasi-léthargie, sous la garde de Saugrain, la bibliothèque de l'Arsenal va se réveiller avec la nomination à sa tête d'Hubert-Pascal Ameilhon, le 9 floréal an V (28 avril 1797). Né en 1730 à Paris, Ameilhon s'était signalé très tôt par son érudition et son goût pour la recherche historique. Devenu historiographe et bibliothécaire de la ville de Paris, il avait acquis une grande expérience et une haute opinion du métier de bibliothécaire : « Il est des personnes qui, sans être de la classe ignorante du peuple, ne se font pas une grande idée des fonctions d'un bibliothécaire. Parce qu'elles ont vu la plupart de nos Plutus confier le soin de leurs riches bibliothèques à leurs valets ou à des hommes sortis de la boutique de quelque libraire, elles croyent qu'il est facile d'être un bon bibliothécaire, à très peu de frais et sans grand savoir. Cependant, pour être un bon bibliothécaire, il faut connaître non seulement les branches mais les rameaux des sciences. Il faut pour dresser un bon catalogue connaître chaque ouvrage autrement que par l'étiquette ou le dos du titre »(Archives nationales, F17.1078 [5]). Quand éclate la Révolution, dont il embrasse fougueusement les idées sur la diffusion de la science et de la culture, il va pouvoir mettre à profit cette expérience. Membre de la Commission temporaire des Arts puis de la Commission des Monuments, chargé du dépôt littéraire de Saint-Louis-la-Culture, il déploie une activité considérable, explorant les bibliothèques ecclésiastiques et d'émigrés, récupérant les archives de la Bastille, classant, rangeant, inventoriant le flot de livres qui se déverse dans son dépôt, veillant aux attributions aux diverses bibliothèques, tout en poursuivant de grands projets de bibliographie universelle

et inventant un nouveau système de classement. De la même façon, quand il arrive à l'Arsenal, il s'occupe de tout, non sans froisser la susceptibilité de Saugrain, un de ces libraires qu'il méprise. Après un rapport catastrophique au ministre de l'Intérieur sur le chaos de la bibliothèque, qu'il exagère sans doute, il met tout en oeuvre pour ouvrir la bibliothèque au public. Son but principal est la réalisation d'un catalogue, avec la collaboration de son frère Jacques Ameilhon, qui a toujours travaillé avec lui, de Dom Poirier, ancien bibliothécaire de Saint-Germain-des-Prés, et de quelques autres anciens religieux qui suffisent à peine à la tâche. Sans cesse il réclame du personnel. Il se soucie également d'obtenir du mobilier de bibliothèque, des rayonnages. Dans le même temps, il s'emploie activement à enrichir et compléter les fonds du marquis de Paulmy et du comte d'Artois grâce aux ressources des dépôts littéraires qu'il connaît mieux que personne. Enfin, le 1er prairial an VI (20 mai 1798), la bibliothèque put être ouverte, dans les anciens appartements du marquis de Paulmy, tous les premiers, troisièmes, sixièmes et huitièmes jours de chaque décade, de 10 heures du matin à 2 heures de l'après-midi. Si en 1796 le Directoire a considéré que cette bibliothèque « n'est point nécessaire au quartier qui n'est point un quartier studieux », elle semble pourtant relativement fréquentée. Ameilhon y attire ses confrères de l'Institut, auxquels il accorde le prêt des livres assez libéralement. L'abbé Grégoire, Dusaulx, Blin de Sainmore et autres gens de lettres qui y furent plus ou moins passagèrement affectés, font de même, entretenant une atmosphère de cénacle érudit dans ce vieil hôtel des grands-maîtres de l'artillerie. D. Muzerelle

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H.P. Ameilhon

Inventaire, sur fiches,

des manuscrits de la bibliothèque de l'Arsenal

XVIIIe-XIXe s. – Papier. Fiches collées sur de

grandes feuilles, 60 ff., 450 X 280 mm. – Demi-reliure chagrin.

Ms. 7052.

Bibl. : H. Dufresne, Le Bibliothécaire Hubert-Pascal Ameilhon, Paris, 1962.

Quand Ameilhon fut nommé à l'Arsenal en floréal an V, la bibliothèque du comte d'Artois ne lui était pas inconnue. Quoique chargé principalement par la Commission temporaire des Arts des bibliothèques ecclésiastiques il était venu la visiter en 1793 et avait pu en apprécier les richesses. Saugrain, garde des livres du comte d'Artois, était resté en place, avec cinq employés. Dès qu'il arrive, Ameilhon impose son autorité, multipliant les rapports au ministre pour se plaindre de l'incurie et de l'ignorance de Saugrain. Il dénonce le chaos qui règne, et entend bien être le maître de toutes les opérations bibliographiques et de catalogage. C'est qu'il est un biblio.thécaire expérimenté, avec une haute idée de ses fonctions. Ne s'insurge-t-il pas contre le fait qu'on confie des bibliothèques à n'importe quel homme de lettres, affirmant, en 1792, que « l'office d'un bon bibliothécaire ne consiste pas seulement comme le croit le vulgaire ignorant à tenir un magasin de livres et à les présenter à ceux qui les demandent ». Aussi se met-il activement au travail. Etudiant soigneusement les nombreux catalogues de bibliothèques ecclésiastiques qu'il a pris soin de récupérer dans les dépôts littéraires, il élabore un plan de classement, se préoccupant surtout de l'histoire, avec l'aide de Dom Poirier, de son frère Jacques Ameilhon, qui travaillait déjà avec lui à la bibliothèque de la ville, et d'un employé zélé, Louis Godin. Surtout il estime que le catalogue ne doit plus être constitué de registres mais qu'il faut des cartes, rangées par ordre alphabétique et de matière, dans des cassetins. Ces fiches, de sa main, en sont l'exemple. D. Muzerelle

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Dom G. Poirier

Manuscrits

XVIIIe s. – Papier, 30 ff., 380 x 240 mm. – Demi-reliure parchemin vert.

Ms. 6475.

Bibl. : L. Deriès, « Un grand sauveteur de documents historiques, l'ancien bénédictin Dom Germain

Poirier », dans Revue Mabillon, n° 37 (janvier-mars) et n°40 (octobre-décembre 1930). – H. Dufresne,

« Une vocation historique, Dom Germain Poirier,

1724-1803 », dans Bulletin des bibliothèques de France,

11, novembre 1956.

Cet inventaire des manuscrits de l'Arsenal dressé par Dom Poirier comporte l'estimation de chaque volume d'après la prisée faite en 1793 lors de la confiscation de la bibliothèque d'Artois. Dom Poirier, qui a laissé à l'Arsenal de nombreux brouillons, notes et notices sur les manuscrits est le premier à leur avoir consacré un catalogue particulier, devenant ainsi le véritable fondateur du cabinet des manuscrits de la bibliothèque.

Né en 1724, Dom Germain Poirier, passionné par l'étude, était entré chez les Bénédictins de Saint-Maur en 1740. Il devient garde des archives de l'abbaye de Saint-Denis, puis, en 1762, à Saint-Germain-des-Prés, il est chargé de la poursuite de la rédaction du Recueil des historiens des Gaules et de la France, avec Dom Précieux. On lui reconnaît déjà une vaste érudition. Pris dans la crise qui secoue alors l'ordre bénédictin à propos justement de la trop grande place prise par les travaux intellectuels, Dom Poirier doit quitter Saint-Germain. Il y revient cependant en 1780 comme garde des archives, ne pouvant se passer pour ses recherches des ressources de cette riche bibliothèque. Il va y rester avec dévouement jusqu'au désastreux incendie qui ravage la bibliothèque dans la nuit du 19 au 20 août 1794, où il s'emploie à sauver ce qui peut l'être. Entièrement gagné aux idées révolutionnaires, parlant de cette « nuit du 4 août qui a fait tomber les serrures et les portes de fer des archives ecclésiastiques » (B.N., nouv. acq. fr. 10692, f. 43-44), il déploie, au nom de la science, en ces premières années de la Révolution, une intense activité. Membre de la Commission des Monuments puis de la Commis208

Commis208

sion temporaire des Arts, aux côtés d'Ameilhon, il visite les bibliothèques ecclésiastiques et celles d'émigrés. Il s'emploie surtout à rechercher les manuscrits qu'il veille à faire entrer dans les collections nationales.

En floréal an V le vieux bénédictin est nommé sous-bibliothécaire à l'Arsenal, auprès d'Ameilhon, son collègue à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, avec lequel il avait déjà travaillé de longue date. Non content d'inventorier le beau fonds de manuscrits laissé par le marquis de Paulmy, qu'il était déjà venu visiter en 1795, il s'efforce aussi de le compléter grâce aux dépôts littéraires, qu'il explore attentivement. Il meurt à l'Arsenal en 1803. Mais c'est à la Bibliothèque Nationale que sa soeur donna tous ses papiers personnels. D. Muzerelle

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Anders Akerman

Globe terrestre

Upsal, société cosmographique, 1766. – Diamètre

590 mm, pied de bois.

Prov. : Dépôt de Saint-Louis-la-Culture.

Bibl. : E.O. Bratt, « Anders Akerman » dans Der

Globusfreund, 9 novembre 1960, p. 8-12. – G. Duprat,

Liste des globes célestes et terrestres anciens antérieurs à 1850

conservés dans les collections publiques de France, Paris,

1970, n° 5.

Exp. : Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980,

n° 310.

Dès qu'il fut entré en fonctions, Ameilhon se préoccupa non seulement de mettre de l'ordre dans le chaos de livres mais aussi, en vue de l'ouverture au public, de se procurer les moyens d'assurer le fonctionnement matériel de la bibliothèque. Il semble qu'une grande partie du mobilier du comte d'Artois ait été vendu au bénéfice des créanciers du prince. Aussi Ameilhon et Saugrain, le 7 frimaire an V (27 novembre 1796), réclamèrent-ils au ministre un certain nombre d'objets et meubles qu'ils avaient vus au dépôt de Saint-Louis-la-Culture

« Six petits bureaux provenant de la bibliothèque de la Sorbonne, trois grands bureaux de la même, dix fauteuils de bibliothèque de la même, deux grandes échelles en bois de la même, un grand pupitre à ressort de la bibliothèque des Capucins, une petite presse en fer de la bibliothèque de Notre-Dame, deux bustes en marbre avec leurs piédestaux de la bibliothèque des Célestins, un modèle de vaisseau sous verre, cinq grandes échelles à roulettes de la Sorbonne, quatre petits globes célestes et terrestres, une échelle simple et deux marche-pieds »(Ars. Ms. 6501, f. 161). Le ministre donna son accord et Ameilhon put transférer tous ces objets à l'Arsenal où ils se trouvent encore presque tous. Par la suite Ameilhon ne cessa pas de réclamer et de récupérer pareillement des planches et des tablettes.

Comme on le voit par cette liste, Ameilhon ne se soucia pas seulement de l'utilité, mais il voulut reconstituer le décor et l'ambiance érudite d'un cabinet du XVIIIe siècle, avec des bustes antiques ou des globes.

Ce globe terrestre gravé et colorié est monté sur un pied de bois, avec un méridien en laiton gravé. On ne connaît en France que ce seul exemplaire de l'oeuvre du Suédois Akerman (1723-1778). D. Muzerelle

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Pendule des quatre parties du monde

Paris, vers 1720. – Bois, écaille noire, bronzes ciselés et dorés.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor.

. Bibl. : A. Mongruel, « Pendule à la bibliothèque de

l'Arsenal à Paris », dans Revuefrançaise des bijoutiers et horlogers, 70 (août 1946), p. 67-69. – G. Wilson,

Clocks, french eighteenth-century clocks in the J. Paul Getty Museum, Malibu, 1976.

Exp. : Naissance de la Louisiane, Paris, Archives

nationales, 1982.

Le 19 prairial an V (7juin 1797) le ministre accorda à Ameilhon une très belle pendule « attendu l'utilité dont cette pendule pourra être pour le service de la bibliothèque qui [lui] est confiée » Ce dernier l'avait remarquée dans l'appartement du prieur à l'abbaye de Saint-Victor. C'est en 1765 que Marguerite-Catherine Boucher, veuve de François-Louis Martinot-Duplessis, avait donné ce régulateur aux Victorins comme l'atteste une plaque qui y avait été apposée. On ne connaît que cinq exemplaires de cette pendule où sont figurés les quatre continents, oeuvres très probablement du grand ébéniste André-Charles Boulle, chacun ayant un mouvement réalisé par un horloger différent. Celle-ci porte une plaque l'attribuant à Julien Leroy, mais le mouvement lui-même est signé de Gilles Martinot. On peut penser que ces cinq pendules avaient été commandées à Julien Leroy, dont on trouve la plaque sur les trois ayant gardé le cadran ovale d'origine, entre 1713 et 1726, peut-être pour décorer les bureaux des cinq directeurs de la nouvelle compagnie des Indes occidentales. D. Muzerelle

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Roue à livres XVIIe s.Bois, 1,60 m.

Prov. : Capucins de la rue Saint-Honoré.

Exp. : Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980, n° 312.

Réclamée par Ameilhon comme « un grand pupitre à ressort de la bibliothèque des Capucins »(cf. n° 209), cette roue à livres, sorte de lutrin tournant à quatre présentoirs, avait été inventoriée chez les Capucins de la rue Saint-Honoré le 16 août 1790 par les commissaires Santerre et Filleul. Il fut transféré chez les Capucins du Marais puis au dépôt de Saint-Louis-la-Culture où Ameilhon le remarqua et se le fit attribuer.

Victor Hugo, qui fréquenta assidûment l'Arsenal lorsque son ami Nodier y était « bibliothécaire de Monsieur », aurait, dit-on, souhaité se le faire donner.

Il le mentionne dans son poème L'Ane :

« Et l'Arsenal qui fait, lorsqu'on

[le secoue

Tourner tant de néant sur

[son pupitre à roue ».

D. Muzerelle

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Maquette de bateau négrier.

Th. Clarkson, The History

of the rise, progress, and

accomplishment of the abolition of the african slavetrade

XVIIIe s. – Bois, 0,51 m.

Londres, 1808, 2 vol. in-8°. – Cart., ex-dono de

l'auteur à l'abbé Grégoire.

Prov. : Abbé Grégoire.

Bibl. : P. Grunebaum-Ballin. « L'Abbé Grégoire

bibliothécaire », dans Archives et bibliothèques, 1937-38.

L'Abbé Grégoire, revue Europe, août-septembre

1956. – M. Châtillon, « La Diffusion de la gravure

du Brooks par la Société des amis des Noirs et son

impact ». dans La Traite négrière. colloque. Nantes.

1985.

Exp. : Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal. Paris, 1980. n° 325.

Cette maquette de bateau négrier s'ouvre par le milieu, montrant l'entassement des esclaves, représentés par de petites figurines noires, dans les cales. Elle est tout à fait identique à la gravure représentant le Brooks reproduite dans le deuxième tome de l'ouvrage de Clarkson, ce qui a permis récemment au Dr Châtillon de l'identifier comme étant celle réalisée pour Mirabeau.

Fondée en février 1788, la Société des amis des Noirs entreprit, au début de 1789, sous l'impulsion de son président Condorcet d'alerter l'opinion sur la traite des Noirs. Elle déploya une grande activité et demanda l'aide de la très remuante société anglaise, fondée en 1777, dont Clarkson était le membre le plus dynamique. Celui-ci publia en 1789 l'effrayant plan du Brooks, un bateau négrier, dont l'impact d'horreur fut considérable. Brissot résolut d'en assurer la diffusion en France. En août 1789 Clarkson vint en France s'y employer et contacta les députés favorables à l'abolition, en particulier le « vertueux abbé Grégoire » et Mirabeau. Il relate que « quand Mirabeau la vit [la gravure]. il en fut si impressionné qu'il demanda à un ouvrier de lui en faire un modèle réduit en bois, dépense considérable. Il conservait ce modèle dans sa salle à manger. C'était un bateau long d'environ un yard. On y voyait à leurs places respectives de petits personnages hommes et femmes peints en noir figurant les esclaves ». Plus tard Mirabeau fit don de cette maquette à la Société des amis des Noirs dont Grégoire, fervent défenseur de l'abolition de l'esclavage. devait recevoir l'héritage. A sa mort en 1831 il légua à la bibliothèque de l'Arsenal tous les livres de sa bibliothèque relatifs aux Noirs et à l'esclavage. La maquette dut probablement les accompagner.

C'est que Grégoire conservait un grand attachement à la bibliothèque de l'Arsenal. En 1799 Grégoire n'avait pas été réélu au Conseil des Cinq-Cents.

Craignant pour lui l'indigence, son ami François de Neufchâteau, ministre de l'Intérieur, le fit nommer sous-bibliothécaire à l'Arsenal, ce qui lui assurait un traitement et un logement. Grégoire n'était pas étranger au monde des livres. On connaît ses actions contre le vandalisme révolutionnaire, ses rapports sur la Bibliothèque Nationale, sur la bibliographie universelle, sur le tri des livres des dépôts littéraires. De plus il connaissait Ameilhon de longue date, ayant participé aux mêmes commissions. Ils semblent avoir eu d'assez bonnes relations, Grégoire soutenant Ameilhon pour défendre les intérêts de la Bibliothèque auprès du ministre Chaptal. Mais dès décembre 1801, élu au Sénat, il quittait l'Arsenal. Il

n'avait que fort peu participé à la vie de la bibliothèque. D. Muzerelle

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Mme de Genlis

Histoire de Henri le Grand

Manuscrit autographe. – Papier, 412 p..

250 X 190 mm. – Emboîtage.

Ms. 3443.

Bibl. : G. de Broglie. Madame de Genlis, Paris. 1985.

Ce manuscrit a été donné par l'auteur à la bibliothèque de l'Arsenal, probablement après qu'elle eut quitté son appartement de l'Arsenal, l'Histoire de Henri le Grand ayant été publié en 1815. Mme de Genlis

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avait beaucoup à se faire pardonner par ce don tardif.

Le 13 avril 1806 Ameilhon écrivait au ministre de l'Intérieur : « Mme de Genlis ne daigne pas faire hommage de ses ouvrages à la bibliothèque. Loin d'être disposée à l'enrichir, elle ne cesse au contraire de la dépouiller »(Archives nationales, F17.1206[6]). Ce n'est là qu'un exemple des nombreuses plaintes et récriminations qui marquèrent la cohabitation de près de dix années entre Ameilhon et l'ancienne gouvernante des enfants de Philippe-Egalité. En 1802 Ameilhon, lors du départ de l'abbé Grégoire, résolut d'abandonner aux livres de plus en plus envahissants l'appartement dit du duc du Maine qu'il occupait alors et de reprendre celui de Grégoire, ancien appartement du marquis de Paulmy. C'est à ce moment que Mme de Genlis, appuyé par Bonaparte et grâce à de multiples intrigues parvint à se faire attribuer ces très belles pièces et le jardin attenant par le ministre Chaptal. Ameilhon multiplia les protestations, rien n'y fit. Il n'appréciait ni la place perdue pour les livres ni les nombreuses perturbations apportées à la vie de la bibliothèque par cette femme mondaine et fort remuante. Il parvint cependant en 1805 à lui faire échanger cet appartement contre celui laissé libre au 2e étage par la mort de Saugrain. Enfin en 1811, peu de temps avant sa mort, Ameilhon eut la joie de réussir à lui faire quitter l'Arsenal pour la rue des Lions-Saint-Paul, et de récupérer ces locaux pour loger le personnel de la bibliothèque. Prise d'un tardif remords, Mme de Genlis fit prendre de ses nouvelles chaque jour lors de sa courte agonie. D. Muzerelle

Trésors d'église et livres liturgiques

Quand Ameilhon, en 1797 fut nommé à la bibliothèque de l'Arsenal et autorisé à puiser dans les dépôts littéraires, principalement dans celui de Saint-Louis-la-Culture, son but, en austère bibliographe et historien qu'il était, était de compléter les collections du marquis de Paulmy pour les chercheurs et les savants. Aussi les manuscrits à peintures liturgiques n'étaient-ils pas sa préoccupation majeure. La bibliothèque de l'Arsenal en était déjà fort riche, en livres d'heures surtout, grâce au marquis de Paulmy : les collectionneurs du XVIIIe siècle s'étaient déjà abondamment servis dans les collections ecclésiastiques que les couvents, en pleine décadence comme les Célestins, vendaient facilement. D'autre part quand Ameilhon put faire son choix, les conservateurs de la Bibliothèque Nationale étaient déjà passés et il était peu de pièces prestigieuses qui leur eussent échappé. Ameilhon pourtant, aidé de Dom Poirier, put se faire attribuer quelques manuscrits remarquables comme le Psautier de saint Louis ou l'Evangéliaire de sainte Aure.

D. Muzerelle

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Evangéliaire dit de sainte Aure Ecole de la cour de Charles le Chauve, milieu du

IXe s. – Parchemin, 214 ff., 270 X 220 mm. –

Reliure d'ivoire et d'orfèvrerie.

Ms. 1171 Rés.

Prov. : Barnabites de Saint-Eloi.

Bibl. : H. Martin, « L'Evangéliaire de sainte Aure », dans Bulletin du bibliophile, 1897, p.. 6-27, 389-394, 451-464. – H. Martin, « Quelques reliures d'art de la

bibliothèque de l'Arsenal », dans Les Arts (oct. 1933), p. 27-32. – A. Goldschmidt, K. Weitzmann,

Byzantinische Elfenbeinskulpturen, Berlin, 1934, II,

n° 126. – G.I. Micheli, L'Enluminure du haut Moyen

Age, Bruxelles, 1939. – L. Schreyer,

Evangelistenfarbige Buchmalerei aus dem achten und neunten Jahrhundert, Hambourg, 1955. – W. Koehler,

F. Mütherich, Die Karolingischen Miniaturen. T. v., Die Hofschule Karls des Kahlen, Berlin, 1982, p. 144-156.

Exp. : L'Art et la cour, France et Angleterre, 1259-1328,

Ottawa, 1972, 43.

Installés depuis 1631 dans le prieuré de Saint-Eloi, fondé par Dagobert, les Barnabites conservaient dans la sacristie du couvent, comme une relique, cet évangéliaire qui passait pour avoir appartenu à sainte Aure, première abbesse de ce monastère et seconde patronne de Paris. C'est à ce titre qu'il était porté en procession le jour de sa fête, et qu'il est mentionné dans l'inventaire de Saint-Eloi en 1541. Il est cependant postérieur de deux siècles à cette sainte mérovingienne.

La décoration de ce très bel évangéliaire, que les derniers travaux attribuent à l'école de la cour de Charles le Chauve, qu'on la situe à Reims ou à Corbie, se compose d'arcatures pour les canons des Evangiles, de quatre grandes initiales ornées, et surtout de quatre grandes peintures représentant chaque évangéliste assis dans une enceinte crénelée. Sur le dernier feuillet on trouve, en capitales rustiques, le nom d'un des premiers possesseurs du manuscrit, Erluinus Peccator, qui a pu être identifié comme un membre de la chancellerie de Charles le Simple, devenu en 902 évêque de Beauvais.

La reliure est également très remarquable. Probablement restaurée à Paris au XIVe siècle, elle est faite d'ais de bois épais recouverts d'argent niellé. Sur l'encadrement extérieur sont gravés des rinceaux, des dragons, un lion et un loup saisissant un mouton. Un second encadrement, en relief, est rehaussé de fili214

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granes et de pierres enchâssées. Sur le plat supérieur est encastré un ivoire byzantin du Xe siècle, représentant la Vierge et l'Enfant, surmontés de deux anges. Sur le plat inférieur, constitué d'une plaque de métal, est gravé un Christ en majesté dans une mandorle, accompagné des attributs des Evangélistes. D. Muzerelle

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Psautier dit de saint Louis et de Blanche de Castille

Paris, premier quart du XIIIe s. – Parchemin,

192 ff., 280 x. 200 mm. – Reliure veau brun estampé. Ms. 1186 Rés.

Prov. : Sainte-Chapelle de Paris.

Bibl. : L. Delisle, Notices de douze livres royaux, Paris,

1902, p. 101-102. – H. Martin, Les Joyaux de l'Arsenal. I. Le Psautier dit de Saint Louis, Paris, s.d. –

V. Leroquais, Les Psautiers manuscrits latins de

bibliothèques publiques de France, Mâcon, 1940-1941, II,

p. 13-17. – H. Branner, Manuscriptpainting in Paris

during the reign of Saint Louis, Berkeley-Londres, 1977,

p. 30-31. – G.D. Hobson, « Further notes on

romanesque bindings », dans The Library transactions of the bibliographical society, XV, n° 2 (sept. 1934), p. 181-182. – L.M. Michon, La Reliure française, Paris, 1951, p. 22-23.

Dès le milieu du XIVe siècle ce psautier apparaît dans les inventaires du trésor de la Sainte-Chapelle, en particulier dans celui d'Arnoul de Grandpont, entre 1363 et 1377. Il est mentionné comme « un très bel psautier qui fu a madame Blanche mere de mons. saint loys, lequel le roy qui est a present a fait revestir d'un drap d'or a fleurs de liz et a fermaux d'or à fleurs de liz »(les passages en italiques ont probablement été ajoutés à l'époque de Charles VI). Sur le manuscrit lui-même la même mention se retrouve au f. 191 : « c'est le psautier monseigneur saint Loys. lequel fu a sa mere ». Comme on le voit donc, c'est d'après une

tradition ancienne que ce manuscrit passait pour une relique du saint roi, qu'on peut imaginer apprenant à lire, comme c'était l'usage, dans le psautier de sa mère.

Il ne fait pas de doute, en tout cas, que ce manuscrit a été exécuté à Paris, autour de 1230, dans un atelier dont on connaît d'autres productions pour Blanche de Castille, ce qui rend son attribution à cette reine tout à fait plausible. La décoration est d'une grande richesse, comportant une suite de 27 grandes miniatures à pleine page, illustrant des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament. La reliure, contemporaine du manuscrit, est de veau brun estampé à froid, avec un décor aux petits fers. On a pu l'identifier comme provenant d'un atelier laïc, très actif dans le Paris universitaire du XIIIe siècle. Quoi-que restaurée, elle présente un grand intérêt, la famille des reliures dites romanes n'étant représentée que par un nombre assez limité d'exemplaires.

Lors de leur visite à la Sainte-Chapelle, le 2 mai 1791, les commissaires de la municipalité mentionnèrent ce manuscrit dans leur inventaire sous le numé213

numé213

ro 132 : « Le volume des Psaumes de David en vélin enrichi de figures, couvert d'un petit tapis de soie bleue à fleurs de lys d'or ». Transporté au dépôt des Petits-Augustins, le volume semble avoir été ensuite versé au dépôt des Capucins Saint-Honoré, puis soit à Saint-Louis-la-Culture soit aux Cordeliers, où il échappa aux émissaires de la Bibliothèque Nationale, jusqu'à ce qu'Ameilhon, après 1797, le prenne pour l'Arsenal. Dom Poirier, faisant l'inventaire des manuscrits de la bibliothèque lui a consacré plusieurs notices : « Psalterium ad usum S. Ludovici ex S. Capella Parisiensi, en vel. », « Psalterium cum canticis etc., Vélin. Grande couverture extér. fleurs de lys d'or, fond bleu. XIIIe s. Ste-Chapelle ». Cette « couverture » est toujours conservée avec le manuscrit. D. Muzerelle

216

Missel de Saint-Magloire Paris, premier quart du XVe s. – Parchemin, 410 ff., 330 x 255 mm. – Reliure maroquin rouge à filets

dorés, marque de l'oratoire de Saint-Magloire sur les plats.

Ms. 623 Rés.

Prov. : Oratoire de Saint-Magloire.

Bibl. : H. Martin, La Miniature française, Paris, 1923, p. 70-100. – V. Leroquais, Les Sacramentaires

manuscrits des bibliothèques publiques de France, Paris,

1924, III, p. 5. – M. Meiss, French painting at the time of Jean de Berry, The Boucicaut Master, Londres. 1968.

En 1618, l'abbaye de Saint-Magloire, au Faubourg-Saint-Jacques, était devenue un séminaire des prêtres de l'Oratoire. Ceux-ci se constituèrent au cours des XVIIe et XVIIIe siècles une bibliothèque d'environ 15 000 volumes, dont Ameilhon, suivant ses bonnes habitudes, récupéra le catalogue, ainsi qu'un certain

216

nombre de livres imprimés et quelques manuscrits.

De l'ancien fonds de l'abbaye, il restait quelques livres liturgiques, dont ce missel. Il avait été donné en 1412 aux bénédictins de Saint-Magloire par Jean de Lacroix, conseiller et maître des comptes du roi, qui fonda pour le repos de son âme et de celle de sa femme, Jeanne La Coquatrixe, une messe perpétuelle en l'abbaye de Saint-Magloire. Sur le missel donné à cette occasion, il fit peindre ses armes et copier l'acte de fondation.

La décoration de ce manuscrit est tout à fait remarquable. Si les nombreuses bordures et les initiales historiées ont pu être rattachées au style de l'atelier du maître de Bedford, il semblerait plutôt que les deux grandes peintures du Canon, Crucifixion et Dieu le Père en majesté, soient attribuables à celui du maître de Boucicaut. D. Muzerelle

217

Missel à l'usage de l'église de Paris

Paris, début du XVe s. – Parchemin, 375 ff.,

340 x 245 mm. – Reliure veau fauve.

Ms. 622 Rés.

Prov. : Eglise Notre-Dame de Paris.

Bibl. : H. Martin, La Miniaturefrançaise du XIII' au

XVe siècle, Paris, 1923, p. 70 et 100. – V. Leroquais, Les Sacramentaires et missels manuscrits des bibliothèques publiques de France, Paris, 1924, III, p. 8.

Le chapitre de Notre-Dame avait vendu en 1756 tous ses manuscrits à la Biblio- – thèque du Roi, conservant cependant les livres liturgiques ainsi que l'écrit Barbazan : « Les chanoines de l'église de Paris ont gardé tous les missels, bréviaires et autres »(Ars. Ms. 4629, p. 212). A la Révolution, ceux-ci, ainsi que les livres imprimés constituant le reste de la bibliothèque, furent versés au dépôt de Saint-Louis-la-Culture. Ameilhon y puisa quelques manuscrits, des catalogues en particulier, dont celui des manuscrits ayant appartenu au chapitre, et ce beau missel.

Un acte capitulaire transcrit au folio 375v du volume, nous renseigne très précisément sur son origine : il fut donné à Notre-Dame de Paris en 1426 par Olivier

217

de l'Empire et Gérard Morel, prêtre et chapelain de cette église. Assez abondamment décoré, ce missel présente surtout

deux grandes peintures à pleine page, figurant le Christ et Dieu le Père, sur des fonds échiquetés. D. Muzerelle

Bibliothèques ecclésiastiques

Au dépôt littéraire de Saint-Louis-la-Culture, rue Saint-Antoine, ancienne maison professe des Jésuites, furent versés au moins 600 000 volumes venant des bibliothèques ecclésiastiques de Paris. Ameilhon, déjà chargé de la bibliothèque de la ville, installée dans les mêmes locaux, en assura la gestion et au moins un catalogage sommaire. Quand en 1797 il quitta, bien malgré lui, le dépôt pour la bibliothèque de l'Arsenal (il aurait souhaité conserver les deux), il mit à profit la très grande connaissance qu'il avait acquise des fonds des couvents et collèges pour compléter les collections du marquis de Paulmy. Si l'Arsenal fut autorisé à plusieurs reprises à puiser dans d'autres dépôts littéraires, c'est donc principalement à Saint-Louis-la-Culture qu'Ameilhon, aidé de Dom Poirier, se servit en manuscrits et imprimés. Plus de 50 000 volumes arrivèrent

par cette voie, venant de la Sorbonne, de l'Oratoire, des Pères de la Doctrine chrétienne, des Minimes, du collège de Navarre, de Saint-Martin-des-Champs, de Saint-Victor et de bien d'autres encore. La théologie était certes le domaine le plus représenté dans ces bibliothèques, mais on y trouvait quand même les ouvrages les plus divers et les plus curieux, qu'Ameilhon sut récupérer, quoique passant après les envoyés de la Bibliothèque Nationale. On remarquera que, bibliothécaire dans l'âme, Ameilhon toujours se fit attribuer les catalogues de ces bibliothèques. Et ce dut lui être une grande joie quand, peu avant sa mort en 1811, il obtint que soient versées à l'Arsenal les archives des dépôts littéraires, si riches de renseignements et auxquelles il avait consacré tant de peine et de savoir. D. Muzerelle

218

Franchino Gaforio

De Harmonia musicorum

instrumentorum opus

Milan, Gotardus Pontanus. 27 novembre 1518. –

In-folio, papier. – Reliure de veau brun à décor doré. 4° S 4604 Rés.

Prov. : Abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Bibl. : J. Veyrin-Forrer, « Un collectionneur peu

connu, François Rasse des Neux. chirurgien

parisien », dans Studia bibliographica in honorem Herman de la Fontaine Verwey, Amsterdam. 1966. p. 389-415. – G. Austin, The library of Jean Grolier, New York, 1971, n° 206.

Exp. : Bibliothèque Nationale. Exposition de la Société de la reliure originale, accompagnée d'une présentation de reliures ayant appartenu à Jean Grolier, Paris. 1959, n° 42. –

Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980, 284.

Franchino Gaforio, maître de chapelle à Milan, dédia à Grolier deux de ses livres les plus importants : sa propre Apologie, publiée en 1520, et ce Traité sur l'harmonie des instruments de musique.

L'ouvrage avait été rédigé dès 1500 ; en 1507, Gaforio en fit exécuter une copie manuscrite à laquelle il ajouta plusieurs feuillets portant une dédicace à Grolier. Enfin, en 1518, parut cette édition. Au début de l'exemplaire figurent une dédicace manuscrite de l'auteur et une pièce

218

de vers latins que le poète mantouan Maurus Ugerius composa à la gloire du bibliophile ; le poète fait parler les muses qui ont quitté le Parnasse : « C'est Gaforio maintenant qui nous a dérobé le don de l' Harmonie. Allez vers la demeure de Grolier : là retentissent mille accords, mille sons délicieux ; la musique de Gaforio se fait entendre dans ce palais où se réunissent tant de doctes hommes. » Au bas du poème figurent les armes de Grolier gravées sur bois et coloriées, avec l'inscription « Johannes Grolierius Musarum cultor ». Les mêmes armes sont frappées au centre des plats, ornés d'un double encadrement de petites flammes et de fers de dessin oriental. Cette reliure et celle recouvrant le Marco Vigeri (Bibliothèque municipale de Vitré) sont les deux seuls exemples connus de reliures aux armes de Grolier ; elles sortent vraisemblablement de l'atelier milanais qui travailla pour le roi et les principaux bibliophiles français entre 1515 et 1522.

Il est probable que Grolier se sépara de cet exemplaire lors du procès qui lui fut intenté en 1536. L'ouvrage appartint ensuite au banquier lyonnais Albisse puis au chirurgien François Rasse des Neux. En 1674, le volume faisait partie des collections de Saint-Germain-des-Prés ; il fut épargné par l'incendie qui ravagea la bibliothèque en 1794. M. Lefèvre

219

Le Bien vivre

Paris, pour Antoine Vérard. 15 décembre 1492.

L'art de bien mourir

[Paris], par Pierre Le Rouge [1492].

L'eguyllon de crainte divine pour bien mourir

Paris, par Gillet Cousteau et Jehan Ménard. 18 juillet 1492.

Le Traicté de l'advenement

de Antechrist

Paris, pour Antoine Vérard, 28 octobre 1492. – In-folio, papier. – Reliure veau brun estampé.

4°T 2592 Rés.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor.

219

Bibl. : Pellechet 1352 et 1353. Macfarlane n° 18. –

P. Lacroix, Catalogue de la bibliothèque de l'abbaye de

Saint-Victor au XVIe siècle., Paris, 1862. – Le Catalogue

de la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Victor de Paris, de

Claude de Grandrue, 1514, éd. Gilbert Ouy. Veronika

Gerz von Buren. Paris. 1983.

Exp. : Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980,

n° 276.

Le libraire Antoine Vérard s'adressa aux imprimeurs les plus renommés pour publier de nombreux textes en français à l'intention d'une clientèle aisée. Il fit paraître plusieurs traités de dévotion et de piété, en particulier ce recueil de textes sur le thème de la mort, remarquablement illustré. Sur chacun des plats de la reliure, une plaque frappée quatre fois représente le Christ entre la Vierge et saint Jean.

L'ex-libris de Saint-Victor, daté de 1641, se lit au début de l'ouvrage. Cette abbaye eut dès le XIIe siècle une collection de livres qui s'accrut au point de devenir la bibliothèque la plus importante de France sous François Ier ; la collection, dont la composition est connue par le catalogue de Claude de Grandrue, était profondément ancrée dans la tradition médiévale, au point de symboliser aux yeux de Rabelais le sanctuaire des idées révolues. Dans le second livre de Panta-

gruel, celui-ci dresse un catalogue de la bibliothèque de Saint-Victor en affublant de noms cocasses et pittoresques les titres des ouvrages conservés dans la vénérable abbaye. Il n'est pas impossible que cet Eguyllon de crainte divine ait inspiré Rabelais quand il décrit, à côté de l'Espéron de Fourmaige et du Moustardier de Penitence, un Aiguillon de vin.

Au siècle suivant, la collection léguée par Henri du Bouchet, conseiller au Parlement de Paris, vint enrichir la bibliothèque d'environ 6 000 imprimés, manuscrits, cartes et estampes. Dans son testament, du Bouchet avait ordonné que ses armes, déjà apposées sur quelques-uns de ses volumes, le soient sur les autres et sur tous ceux qui seraient achetés avec les fonds qu'il laissait. Ses armoiries, que les religieux firent frapper, par esprit d'économie sans doute, sur de minuscules carrés de cuir, se rencontrent sur de nombreux volumes de la bibliothèque de l'Arsenal.

Le legs stipulait également l'ouverture de la bibliothèque aux gens d'étude. Dès lors, Saint-Victor admit le public trois jours par semaine, comme le note au siècle suivant Montesquieu dans les Lettres persanes : « J'allai l'autre jour voir une grande bibliothèque dans un couvent de dervis, qui en sont comme les dépositaires, mais qui sont obligés d'y laisser entrer tout le monde à certaines heures ».

Vers le milieu du XVIIIe siècle, la bibliothèque comptait environ trente-cinq mille imprimés et trois mille manuscrits.

M. Lefèvre

220

Recueil de Jean-Nicolas de Tralage. T.I.

France, XVIIe s. – Papier, 528 ff., 250 X 190 mm. – Demi-reliure chagrin rouge.

Ms. 6541.

Prov. : Abbaye de Saint-Victor.

Bibl. : Le Catalogue de la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Victor.,

Saint-Victor., par G. Ouy, Paris, 1983. –

J.P. Willesme, « L'Abbaye de Saint-Victor de Paris

sous la Révolution. », dans Bulletin de la Société de

l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, 1979. –

P. Lacroix, Notes et documents sur l'histoire des théâtres de

Paris au XVII' siècle par Jean-Nicolas de Tralage, Paris,

1880.

220

Ameilhon s'intéressa de très près à la prestigieuse bibliothèque de Saint-Victor. Il en connaissait les richesses et quand il la fit déménager au dépôt littéraire des Enfants de la Patrie, à la Pitié toute proche, il veilla soigneusement à ce que l'ordre du catalogue fut respecté. Si la majeure partie des manuscrits échut à la Bibliothèque Nationale, Ameilhon, probablement après 1797, quand le reste des manuscrits fut versé à Saint-Louis-la-Culture, en récupéra pour l'Arsenal une centaine, en grande partie médiévaux. Cependant, avec son discernement habituel il sut s'approprier les recueils de Charles Le Tonnelier, religieux et bibliothécaire victorin auteur d'un Catalogus catalogorum sive elenchus manuscriptorum co dicum. 1675 (Ms. 4630), et surtout les volumes de pièces rassemblées par Jean de Tralage. Celui-ci, conseiller au Parlement, neveu du célèbre La Reynie, avait légué sa bibliothèque à l'abbaye de Saint-Victor en 1698. Elle se distinguait surtout par une collection de cartes et d'estampes remarquable, qui alla à la Bibliothèque Nationale. Mais il y avait aussi beaucoup de pièces manuscrites relatives à l'histoire

de la vie littéraire et théâtrale au XVIIe siècle. Il ne fait pas de doute qu'Ameilhon, en les recueillant, avait vu combien ce petit fonds était complémentaire du Recueil Conrart, dont s'enorgueillissait déjà l'Arsenal depuis le marquis de Paulmy. D. Muzerelle

221

Bible de Louis d'Orléans

France, XIIe s. – Parchemin. 209 ff.. 509 x 348 mm.

– Reliure chagrin noir.

Ms. 578.

Prov. : Célestins.

Bibl. : L. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles V,

Paris. 1907. – F. Bérard, « La Bibliothèque des

Célestins de Paris. » dans Positions des thèses de l'Ecole

des chartes, 1979, p. 9-17.

Ameilhon, inspectant en 1791 la bibliothèque des Célestins n'avait pu que constater son état déplorable : « La bibliothèque des Célestins a joui autrefois d'une assez grande réputation et les bibliographes la citaient comme une de celles de Paris qui renfermaient un plus grand nombre de curiosités littéraires ou de livres rares et précieux tant imprimés que

221

manuscrits, mais ces richesses depuis longtemps se sont évanouies »(Ars. Ms. 6493, f. 142). En effet les Célestins au cours du XVIIIe siècle étaient devenus si désordonnés, si peu intéressés par l'étude, n'étaient-ils pas surtout réputés pour leurs omelettes, qu'ils livrèrent eux-mêmes leur bibliothèque au pillage. On connaît nombre de collectionneurs, comme La Vallière, qui surent en profiter, et bien évidemment leur plus proche voisin, le marquis de Paulmy, en son hôtel de l'Arsenal. Quand ce qui restait du fonds fut versé à Saint-Louis-la-Culture, on ne trouva guère que des imprimés sans grande valeur et des manuscrits liturgiques ou concernant l'histoire de l'ordre. L'Arsenal en récupéra quelques-uns, comme cette belle Bible cistercienne.

Charles V portait un intérêt particulier à l'abbaye des Célestins, proche de son hôtel Saint-Paul, et l'avait richement dotée. Son fils Louis d'Orléans, qui y fut inhumé, continua cette libéralité et y fonda une très belle chapelle. Il leur offrit une Bible venant du roi son père, portant son ex-libris autographe, que lui avait donnée Charles VI en 1397, que Paulmy avait déjà pu obtenir (Ars. Ms. 590). Il leur donna également cette grande Bible en cinq volumes, dont deux volumes, le premier et le cinquième, se retrouvèrent au dépôt de Saint-Louis-la-Culture. Les trois autres s'étaient égarés au cours du siècle à Saint-Pétersbourg. Remarquable exemple de l'art cistercien, cette Bible, d'après L. Jacob (Traicté des plus belles bibliothèques, Paris, 1644, p. 504), servit jusqu'au XVIIe siècle pour les lectures du réfectoire. D. Muzerelle

222

Pontifical dit de Poitiers

France, fin du IXe s. – Parchemin, 279 ff.,

230 x 140 mm. – Reliure veau brun.

Ms. 227.

Prov. : Couvent des Minimes.

Bibl. : A. Wilmart, « Notice sur le Pontifical de

Poitiers », dans Jahrbuch für Liturgiewissenschaft, 1924, 4. – V. Leroquais, Les Pontificaux manuscrits des

bibliothèques publiques de France, Paris, 1937, I. p. 263-270. – A. Martini, Il Cosidetto Pontificale di Poitiers,

Rome, 1979.

222

Installés depuis le début du XVIIe siècle près de la place Royale, les Minimes avaient fondé dans leur couvent une bibliothèque qui sans être publique était largement ouverte aux savants, attirés par la diversité du fonds. Cependant le désordre s'y était développé à la fin du siècle, les volumes disparaissaient et quand Ameilhon s'y rendit en 1791, il s'inquiéta du délabrement des bâtiments et de la sécurité des collections, qu'il fit transporter à Saint-Louis-la-Culture. Plus tard il sut choisir pour l'Arsenal, dans ce fonds, le plus précieux des manuscrits, ce Pontifical.

Très intéressant pour l'histoire de la liturgie, ce manuscrit avait dès la fin du XVIIe siècle attiré l'attention des spécialistes. Si Dom Martène n'en connut qu'une copie, Mabillon l'étudia soigneusement. Au folio A on trouve cette note de sa main : « Hic codex optimae notae scriptus est ante annos circiter octingentos. Multa scitu digna continet. », datée de décembre 1695. La datation de la fin du IXe siècle est confirmée par la liturgie

du Jeudi saint qui se réfère à une réponse donnée par le pape Nicolas Ier à l'archevêque de Bourges vers 864. En revanche l'origine géographique de ce recueil demeure controversée. Mabillon, relevant la mention de saint Pierre, saint Hilaire et sainte Radegonde, inclinait pour Poitiers. On a proposé ensuite Vierzon, Saint-Pierre de Beaulieu, et plutôt l'ouest ou le centre de la France. Cependant l'étude la plus récente avance comme localisation Saint-Pierre de Rebais, près de Reims.

C'est Jean de Launoy, grand-maître du collège de Navarre, mort en 1677, qui avait légué ce manuscrit aux Minimes, avec son importante bibliothèque, riche surtout pour la théologie. D. Muzerelle

223

Bernard de Breydenbach Pérégrinations d'outre-mer en Terre sainte

Lyon, Michel Topié et Jacques Herenberch, 1488. In-folio, papier. – Reliure de parchemin blanc.

Fol. H 347 Rés.

Prov. : Couvent des Minimes

Bibl. : GW 5080. Pellechet 2982. A. Claudin, Histoir de l'imprimerie en France au XVe et au XVIe siècle, IV,

Paris, 1914, p. 1-10.

Exp. : Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980 n° 274.

223

En 1483, Bernard de Breydenbach, doyen de l'église métropolitaine de Mayence, entreprit avec plusieurs grands seigneurs allemands un voyage à Jérusalem et au mont Sinaï. Il emmena avec lui le peintre Erhard Reuwich, d'Utrecht, qui fit plusieurs croquis des villes traversées, des monuments et des curiosités de chaque région.

Imprimé à Mayence en 1486, l'ouvrage de Breydenbach connut un immense succès. Après son retour de Terre sainte, le carme Nicolas Le Huen fit paraître en 1488 cette première trad uction française, assez libre, de l'oeuvre de Breydenbach.

Il la confia à deux imprimeurs allemands, Michel Topié et Jacques Herenberch, établis depuis peu à Lyon. Ceux-ci illustrèrent l'ouvrage de sept grandes vues dépliantes qui sont le premier exemple de gravure en taille-douce en France.

D'autres illustrations, gravées sur bois, ornent le texte ; elles représentent les différents peuples rencontrés par les pèlerins, leurs costumes et leurs alphabets ou encore les animaux de Terre sainte.

M. Lefèvre

224

Pierre de Ronsard

Les Elegies. Tome cinquiesme

Discours des miseres de ce temps. Tome sixiesme

A Paris, chez Gabriel Buon, 1567. – In-4° réglé,

papier. Reliure parchemin souple à décor doré.

4° B 2877 Rés.

Prov. : Couvent des Minimes.

Bibl. : P. de Ronsard, OEuvres complètes, éd.

P. Laumonier, XIV, Paris, 1949, p. VII. – Ronsard, la trompette et la lyre, Paris, 1985. n° 264.

Plus qu'aucun autre écrivain du XVIe siècle Ronsard attacha une attention particulière à la publication de ses OEuvres complètes. La première édition collective in-16, parue en 1560, fut suivie sept années plus tard d'une seconde édition in-4°, qui comprend seize pièces nouvelles. La bibliothèque de l'Arsenal possède un exemplaire complet de cette édition fort rare et un exemplaire des seuls tomes V et VI. C'est ce dernier qui est présenté ici.

La reliure de parchemin souple est

ornée d'un motif central et d'un encadrement dont les entrelacs rappellent ceux des reliures à la fanfare. Le monogramme

– M.D.? – du possesseur primitif a été recouvert par deux fleurons poussés postérieurement. Les tranches sont ciselées et dorées ; le dos long est également orné de motifs à la fanfare.

La bibliothèque des Minimes à laquelle le volume a appartenu était considérée comme l'une des plus belles de Paris. Elle comptait en 1790 plus de 1 700 ouvrages, conservés dans trois salles situées autour de l'église.

M. Lefèvre

224

225

225

Tablature de luth de différens autheurs sur les accords nouveaux

Paris, Ballard, 1631. – In-4° oblong.

M. 505.

Prov. : Couvent des Minimes.

Exp. : La Musique française du Moyen Age à la Révolution, Paris, Bibliothèque Nationale, 1934. – Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980, 290.

Si dans les bibliothèques monastiques la théologie était le domaine le plus représenté, on y trouvait cependant, soit en raison de legs ou dons, soit à cause des intérêts intellectuels divers des moines, des ouvrages très variés, des cartes et plans, des estampes.

Ce recueil de musique en est l'exemple. Imprimé par Pierre Ballard, dont les ateliers avaient depuis le XVIe siècle l'exclusivité de l'impression musicale, ce volume, témoin de l'essor de l'école française de luth au XVIIe siècle, est la publication d'airs mis en tablature par les auteurs eux-mêmes. C'est le seul exemplaire connu de l'édition de 1631. On y trouve des danses, sarabandes, allemandes de Ballard, Mézangeau, Dufault, Chancy, Bouvier, Belleville, Dubuisson, Chevalier. D. Muzerelle

226

Père Ch. Plumier

Description des plantes de l'Amérique

Paris. XVIIe s. – Papier, 127 ff.. 425 X 270 mm. – Demi-reliure veau.

Ms. 2875.

Prov. : Couvent des Minimes.

Bibl. : J. Colliard. « Un grand graveur méconnu, le

père Charles Plumier ». dans Bulletin du bibliophile,

1981. p. 157-171.

Le père Plumier, religieux minime et botaniste de grande réputation (1646-1704), avait rapporté de ses expéditions aux Antilles des milliers de dessins de plantes, oiseaux, poissons rares. Il légua à son couvent ses manuscrits, ses dessins et les planches qu'il avait gravées lui-même pour illustrer ses oeuvres, avec un très grand talent. On a pu admirer l'originalité du dessin et la variété de la mise en

226

pages, dont ce recueil de planches, entièrement annotées de sa main donne un exemple.

En 1793 la bibliothèque du Muséum d'Histoire naturelle se fit attribuer la plus grande partie de ce fonds. L'Arsenal en retrouva cependant encore quatre volumes au dépôt de Saint-Louis-la-Culture. D. Muzerelle

227

Flodoard

De Triumphis Christi

Reims ?, fin du Xe s. – Parchemin, 207 ff.,

270 x 193 mm. – Reliure veau brun.

Ms. 933.

Prov. : Carmes déchaussés.

Bibl. : D. Muzerelle, Flodoard, De triumphus Christi, Positions thèses Ecole des chartes, 1969. –

P. Jacobsen, Flodoard von Reims, sein Leben und seine Dichtung De triumphis Christi, Leyde, 1978.

Dans la bibliothèque des Carmes déchaussés, c'est ce manuscrit qui passait pour le plus précieux et, à ce titre, il est mentionné dans des ouvrages comme la

Description historique de Paris, de Piganiol de la Force (t. VII, p. 283).

Flodoard, né vers 893-894, mort en 966, prêtre de l'église de Reims qui eut un rôle assez important auprès de l'évêque Artaud, est un auteur assez prolifique. A partir de 919, il entreprit des Annales, puis entre 943 et 948, une Historia ecclesiae remensis. Mais il est également l'auteur de ce très long poème épique, de près de 20 000 vers, consacré à l'histoire des persécutions et de la papauté, dans un but à la fois historique et hagiographique. On n'en connaît que ce manuscrit, qui, s'il n'est pas l'original de l'auteur, est du moins son contemporain. Il offre un significatif exemple de la fortune d'un manuscrit au cours des siècles. Est-ce le manuscrit signalé à Trèves au XVIe siècle et depuis disparu ? En tout cas, il était encore entier au début du XVIIe siècle quand on en fit une copie, actuellement à la bibliothèque Mazarine (Ms. 3866). En revanche, Mabillon n'a connu, chez les Carmes déchaussés, que cette seconde moitié, débutant à la fin du premier chapitre du livre V, et qui serait venue des Carmes de Clermont. Dom Luc d'Achery acquit en 1746, à Laon, la première partie et en fit don à la bibliothèque de Sainte-Geneviève, où elle est encore.

Chez les Carmes, l'oeuvre de Flodoard a été reliée avec un obituaire de l'abbaye de Josaphat et divers opuscules de même provenance, des XIIe et XIIIe siècle. D. Muzerelle

228

Saint Grégoire Homélies

Hugues de Saint-Victor

Erres de l'Epouse

Paris, 1368. – Parchemin, 233 ff., 235 x 160 mm. – Reliure velours rouge.

Ms. 2247.

Prov. : Carmes déchaussés.

Bibl. : L. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles V, Paris, 1907,1, p. 70-79, 224-227.

Exp. : Archéologie du livre médiéval, Paris, C.N.R.S.,

1987, n° 45.

227

228

Ce manuscrit « parfait et escript par Raoulet d'Orléans l'an de grâce mil CCCLXVIII », comme on le lit au f. 285, provient de la bibliothèque de Charles V. On connaît bien Raoulet d'Orléans qui

copia pour le roi un certain nombre de manuscrits. Aussi peut-on penser que le roi représenté dans les initiales historiées est Charles V lui-même. La présence du manuscrit est attestée dans la librairie du Louvre de 1373 à 1424, dans les divers inventaires.

Passé dans la bibliothèque des Carmes déchaussés, il y fut relié, suivant une très fréquente habitude des couvents, avec un manuscrit tout différent, le Psautier glosé de Maître Roscelin, du XIIe siècle (actuellement Ms. 83).

Les Carmes déchaussés de la rue de Vaugirard avaient une des plus belles bibliothèques de Paris, de près de 20 000 volumes, parmi lesquels un certain nombre de manuscrits intéressants. Lors des choix qu'il fit à, Saint-Louis-la-Culture parmi ces ouvrages, Ameilhon prit soin de recueillir le catalogue manuscrit en dix volumes établi par le père Sigismond de 1783 à 1789. D. Muzerelle

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Maurice l'Irlandais

Distinctiones

France. XIIIe s. – Parchemin, 260 ff.,

296 X 205 mm. – Demi-reliure basane, plats de parchemin.

Ms. 508.

Prov. : Saint-Martin-des-Champs.

Bibl. : F. Dolbeau, « Notes sur la genèse et sur la

diffusion du Liber de natalitiis », dans Revue d'histoire des textes 6 (1976), p. 158.

Exp. : Archéologie du livre médiéval, Paris, C.N.R.S.,

1987, n° 22.

Après que la collection de livres du prieuré clunisien de Saint-Martin-des-Champs eut été versée au dépôt de Saint-Louis-la-Culture, on s'aperçut qu'elle était beaucoup moins considérable qu'on ne le pensait. Il ne restait guère qu'un peu moins de 10 000 volumes. La marque du couvent Saint-Martin partageant son manteau ne se retrouve que très rarement parmi les imprimés de l'Arsenal. Ameilhon, cependant, s'était fait attribuer une cinquantaine de manuscrits, et bien entendu, le catalogue de la bibliothèque, du XVIIIe siècle.

Ce manuscrit de Maurice l'Irlandais, suivi d'un autre traité, incomplet,

229

est très représentatif du fonds de Saint-Martin-des-Champs, et même plus généralement des habitudes des couvents parisiens. Il s'agit d'un recueil composite, relié grossièrement en demi-basane, les plats étant constitués de parchemin de récupération, maculé de taches d'encre. On a pu identifier ces feuillets de parchemin comme provenant d'un légendier, recueil de vies de saints destiné aux lectures du réfectoire, du XIIe siècle, de l'abbaye de Chaalis. Ce légendier, dont il reste six volumes à la Bibliothèque Nationale (Latins 16732-16737), dépecé, a ainsi servi à couvrir plusieurs manuscrits, selon une pratique hélas très fréquente chez les relieurs jusqu'au XIXe siècle. L'abbaye de Saint-Martin-des-Champs avait récupéré une grande partie de la bibliothèque réputée des cisterciens de Chaalis, probablement au cours du XVIIe siècle.

D. Muzerelle

230

Battista Platina

De honneste volupté

Lyon, Antoine Durve. 4 juin 1528. – In-4°, papier. – Reliure veau fauve estampé.

4° S 2133 Rés.

Prov. : Barnabites de Saint-Eloi.

Bibl. ; A. Franklin, Les Anciennes bibliothèques de Paris, III, Paris. 1873. p. 5-9. – G.icaire. Bibliographie gastronomique, Paris, 1890. col. 694. – D. Gid.

Catalogue des reliuresfrançaises estampées à froid XVe

XVIe siècles de la bibliothèque Mazarine, Paris. 1984.

n° 642.

Le Livre de l'honneste volupté de l'historien italien Platina connut au XVe siècle plusieurs éditions en latin ou en italien. La traduction française de Didier Christol, publiée pour la première fois en 1505, fit l'objet de nombreuses éditions au XVIe siècle.

Dans l'avertissement, l'auteur explique ce qu'il entend par « honnête volupté ». A la suite de Démocrite, il fait l'éloge d'Epicure et, se défendant d'être « friant et golu », prône un usage modéré des plaisirs. L'ouvrage recense les différents aliments, leur origine, la manière de les préparer et leurs vertus.

A la fin du volume, un lecteur du XVIe siècle a noté les références de quelques recettes.

La reliure est l'oeuvre d'un atelier du centre de la France. Elle est ornée d'un encadrement de filets, de vases dans le style de la Renaissance et de rosettes poussés à froid.

230

L'ouvrage a appartenu aux Barnabites de Saint-Eloi : les bâtiments du monastère de Saint-Eloi, situés non loin de la Sainte-Chapelle, furent attribués en 1631 aux Barnabites, clercs réguliers de la congrégation de Saint-Paul.

La bibliothèque comptait au moment de la Révolution environ 15 000 volumes, dont très peu de manuscrits et de livres rares. Le 6 mai 1790, Ameilhon et le libraire Debure entreprirent de faire l'estimation de la bibliothèque et ne trouvèrent que 3 049 volumes valant la peine d'être décrits, le reste n'étant que « bouquins ». M. Lefèvre

231

Saint Jérôme

Epistres familières…,

traduites de latin en françois par Jean de Lavardin.

Paris, chez Guillaume Chaudière, 1584. – In-4°,

papier, réglé. – Reliure de maroquin rouge à décor doré (vers 1584).

4° T 1260 Rés.

Prov. : Capucins du Marais.

Bibl. : G.D Hobson, Les Reliures à la fanfare,

Amsterdam, 1970, p. 55-57. – H.M. Nixon, Sixteenth century gold tooled bookbindings in the Pierpont Morgan

Library, New York. 1971. p. 228-229.

Exp. : Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980, n° 287.

Henri III fonda plusieurs congrégations pieuses, en particulier la congrégation de l'Oratoire de Notre-Dame de la Vie Saine, ainsi nommée, d'un mauvais jeu de mots, parce que son siège se trouvait à Vincennes. Cette confrérie regroupait clercs et laïcs, en particulier plusieurs membres de la famille de Guise et des écrivains, tel Desportes.

C'est à un membre de cette congrégation qu'appartint cet ouvrage, et non à Henri III, comme pourraient le faire croire les armes royales frappées au dos. On connaît de nombreuses reliures présentant les mêmes caractéristiques que celles-ci : sur le dos figurent un crâne, les armes du roi et la devise « Spes mea Deus ». Le centre des plats est orné du médaillon de l'Annonciation ou, comme ici, de la Crucifixion. La croix surmonte un Sacré-Coeur percé de trois clous et

231

entouré de la couronne d'épines, image dévote très populaire au XVIe siècle ; au pied de la croix, la Vierge, sainte Marie-Madeleine et saint Jean forment, avec une tête d'angelot comme barre du H. le monogramme IHS.

Le décor, formé de simples entrelacs de filets, s'a p parente au type des « reliures à compartiments vides ». G.D. Hobson a reconnu trois phases dans l'évolution de ce décor ; il s'agit ici de la phase moyenne, très proche des reliures à la fanfare de la même période.

Il existe une grande ressemblance entre toutes les reliures à compartiments vides aux armes d'Henri III ; cependant, il est certain qu'elles ne proviennent pas toutes du même atelier.

Sur la page de titre, un ex-libris manuscrit indique que l'ouvrage fut donné par M. Sabatier au couvent des Capucins du Marais. Il s'agit du père Esprit d'Ivoy Sabatier, confesseur du couvent, mort en février 1676. C'est sans doute vers cette date que le nom du couvent fut frappé sur le plat supérieur. En 1790, la bibliothèque des Capucins ne comptait qu'un peu plus de 8 000 volumes, principalement de théologie. M. Lefèvre

232

Recueil memorial des lettres patentes du changement de nom du chasteau et comté de Bury en Blaisois en comté de Rostaing.

Paris, par Pierre Variquet. 1656. – In-4°, papier. Reliure maroquin rouge à décor doré.

4° H 3813 Rés.

Prov. : Bibliothèque de l'Oratoire.

Le décor de cette reliure présente, comme dans les reliures à la Du Seuil dont il dérive, deux encadrements de filets ; mais le second, au lieu d'être rectiligne comme le premier, comporte sur chacun des côtés une partie semi-circulaire ; de petits fers et un chiffre couronné ornent l'espace compris entre les deux encadrements.

Très en vogue entre 1625 et 1645 environ, ce décor fut encore utilisé dans les années suivantes, comme en témoigne cette reliure aux armes et au chiffre de Charles, marquis de Rostaing, réalisée vers 1656.

Quelques années avant sa mort, survenue en 1660, ce chevalier des ordres du roi fit imprimer cet ouvrage pour perpétuer le souvenir de ses nombreuses fondations pieuses et des épitaphes des membres de sa famille. Le début de l'ouvrage contient les pièces justificatives du chan232

chan232

gement de nom du comté de Bury en comté de Rostaing.

Il est difficile de préciser la date à laquelle l'ouvrage entra dans les collections de l'Oratoire. L'exemplaire figure dans le catalogue rédigé vers 1766 (Arsenal ms. 6434, n° 6180).

Au moment de la Révolution, la bibliothèque comptait plus de 37 000 ouvrages et un beau fonds de manuscrits orientaux. M. Lefèvre

233

Jean-François Senault Panégyriques des saints

Paris, Pierre le Petit, 1656. – In-4°, grand papier.

Reliure d'étoffe brodée.

4° T 2590 Rés.

Prov. : Bibliothèque du Val-de-Grâce.

Bibl. : P.-M. Bondois, « l'Affaire du Val-de-Grâce. Les documents de la cassette de Richelieu » dans

Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, LXXXIII (1922),

p. 111-165.

Exp. : Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980, n° 297.

Elevée dès son enfance dans les sentiments d'une vive piété, la reine Anne d'Autriche entretint des relations privilégiées avec l'abbaye du Val-de-Grâce, où elle faisait de fréquentes retraites.

Elle était très liée avec l'abbesse Louise de Milly qui était d'une famille

233

franc-comtoise, donc sujette du roi d'Espagne. En août 1637 éclata l'« affaire du Val-de-Grâce » où la reine fut soupçonnée d'entretenir une correspondance secrète avec l'Espagne et l'Angleterre. Anne d'Autriche dut signer l'engagement de ne plus se retirer dans un couvent de femmes. Quand le roi leva l'interdiction générale, il la maintint pour le Val-de-Grâce.

Pour remercier le ciel de la naissance tant attendue du dauphin, Anne d'Autriche fit construire l'église du Val-de-Grâce, où elle désira que son coeur fût enterré.

Une note manuscrite du XVIIe siècle portée sur le premier feuillet de garde du volume témoigne de la reconnaissance des religieuses : « Ce livre est du cabinet de feu Anne d'Austriche, reyne de France, nostre auguste fondatrice, lequel il faut conserver pour honnorer la mémoire de cette grande princesse ».

Les deux plats et le dos à nerfs sont recouverts d'une étoffe de fils d'argent brodée d'or et de soie rouge, rose, verte et bleue. Les tranches sont dorées et peintes.

M. Lefèvre

234

Arno bius Afer

Disputationum adversus gentes libri octo

Rome, Franciscus Priscianensis, 1542. – In-folio.

papier. Reliure veau fauve à entrelacs rehaussés de

mastic noir. (Vers 1550 ?)

Fol. T 1063 Rés.

Prov. : Bibliothèque de la Sorbonne.

Bibl. : G. Austin, The library of Jean Grolier, New York,

1971, n° 30. – H.M. Nixon, Sixteenth-century gold-tooled bookbindings in the Pierpont Morgan Library, New York,

1971, p. 86-88. – E. van der Vekene, Les reliures aux

armoiries de Pierre Ernest de Mansfeld, Luxembourg,

1978, p. 48.

Exp. : Bibliothèque Nationale, Exposition de la Société de la reliure originale, accompagnée d'une présentation de reliures

ayant appartenu à Jean Grolier, Paris. 1959. n° 110. –

Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980. 285

notes.

La place prépondérante des auteurs de l'Antiquité classique dans la bibliothèque de Grolier a été maintes fois soulignée. Mais le bibliophile s'est également intéressé aux auteurs sacrés, comme en

231

témoigne cette édition princeps d'Arno be, l'un des premiers apologistes latins du christianisme.

Les travaux de H.M. Nixon ont permis d'attribuer cette reliure à l'atelier qui a travaillé pour Pierre-Ernest de Mansfeld, gouverneur du duché de Luxembourg. Celui-ci, emprisonné à Vincennes de 1552 à 1557, commanda plusieurs reliures à un atelier parisien.

Le décor d'entrelacs présente une certaine similitude avec celui du Platina conservé à la Pierpont Morgan Library et également exécuté pour Grolier par le relieur de Mansfeld. Sur ces deux ouvrages, la célèbre mention 10. GROLIERII ET AMICORUM se trouve frappée sur le plat inférieur. Le caractère inhabituel de cet emplacement laisserait douter de l'authenticité de l'ex-libris apposé sur le Platina si la reliure de l'Arsenal, dont la provenance est sûre, n'offrait un second exemple de cette particularité.

Le dos, fortement restauré, laisse deviner le nom de l'auteur et un décor « à la fanfare » ce dernier est postérieur aux fleurons Renaissance qui, primitivement, ornaient seuls les entrenerfs. M. Lefèvre

235

François de Billon Le Fort inexpugnable de l'honneur du sexe féminin

Paris, chez Jean Lallier, 1er avril 1555 [1556 n.s.]. –

In-4°, papier, réglé et enluminé. Reliure de maroquin olive mosaïqué à décor doré (vers 1640 ?).

4° B 4390 Rés.

Prov. : Bibliothèque de la Sorbonne.

Bibl. : P. Lacroix, « Bibliothèque universelle » dans le Cabinet historique, XVII (1871), 2e partie, p. 33-49. – L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque

Nationale, III, p. 8-114. – A. Lefranc, « Grands

écrivains français de la Renaissance », Paris, 1914,

p. 251-303. – E. Dacier, « Autour de Le Gascon et

Florimond Badier » dans Les Trésors des bibliothèques de France, Paris, 1930, III, p. 77-90. – R. Esmerian,

Douze tableaux synoptiques sur la reliure au XVII' siècle,

Paris, 1972.

Exp. : Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980,

n° 292.

Publié en 1556 mais écrit à Rome dès 1550, cet ouvrage s'inscrit dans la « querelle des femmes » qui, de 1542 à 1550 environ, divisa la presque totalité des écrivains français. Ce débat sur l'amour commencé en 1542 avec la parution de la Parfaite amie d'Heroët, suscita une abondante littérature, dominée par la publication en 1546 du Tiers livre, où Panurge se demande s'il doit ou non prendre femme. L'ouvrage, très allégorique, est dédié à cinq princesses : Catherine de Médicis, Jeanne reine de Navarre, la duchesse de Berry, la duchesse de Nevers et la duchesse de Guise ; ces cinq princesses sont symbolisées par une tour et quatre bastions dans ce livre où le vocabulaire militaire abonde.

La reliure qui orne l'exemplaire peut être attribuée à l'atelier de Le Gascon. Elle présente en effet plusieurs fers – notamment une minuscule fleurette – qui appartiennent au matériel du célèbre relieur.

Celui-ci s'était longtemps vu attribuer à tort quantité de chefs-d'oeuvre et fut parfois identifié avec Florimond Badier. Les études d'Emile Dacier, puis de Raphaël Esmérian ont permis de mieux cerner son activité.

La bibliothèque du collège de Sorbonne, augmentée au XVIIe siècle des collections de Michel Le Masle et de Richelieu, comptait au milieu du

235

XVIIIe siècle un peu plus de 30 000 volumes. Elle avait acquis une telle réputation que les souverains étrangers en visite à Paris s'y rendaient en grande cérémonie. Le 27 août 1791, Ameilhon en prit officiellement possession mais le transfert des ouvrages ne commença qu'en 1795.

Si l'Arsenal reçut un grand nombre de livres de la Sorbonne, en revanche les manuscrits furent peu nombreux. Fidèle à ses goûts de bibliographe, Ameilhon prit soin de s'attribuer le recueil de bibliographie universelle auquel l'abbé Drouyn, docteur de Sorbonne, avec le concours de savants et bibliographes français et étrangers, avait consacré sa vie jusqu'à sa mort en 1732, et qui ne comptait pas moins de 321 volumes. De même il recueillit le catalogue de la bibliothèque, du XVIIIe s., en 23 volumes (Ms. 6236-6258) et surtout les très précieux catalogues du XIVe s. (Ms. 1223). L. Delisle les emprunta pour en faire la publication et l'Arsenal ne parvint jamais à se les faire rendre. Bien plus le volume a reçu au cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale la cote nouv. acq. lat. 99.

M. Lefèvre

236

Recueil d'anciens textes français

Nord de la France, seconde moitié du XIIIe s. –

Parchemin, 356 ff., 328 X 245 mm. Reliure veau brun. Ms. 3516.

Prov. : Collège de Navarre.

Bibl. : J. Artier, « La Bibliothèque du collège de

Navarre au XVIIIe siècle », dans Mélanges de la

bibliothèque de la Sorbonne, 7, p. 104-124. – A. Jeanroy, Le Chansonnier de l'Arsenal. Trouvères du XII' et XIII' s.

reproduits du manuscrit de la Bibliothèque de l'Arsenal,

Paris, 1909.

Fondé sur la montagne Sainte-Geneviève par la reine Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel, le collège de Navarre se constitua dès l'origine une bibliothèque qui pouvait presque rivaliser avec celle de Saint- Victor. Après des périodes de plus ou moins grande prospérité, la bibliothèque végéta sensiblement au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, restant très spécialisée en théologie et histoire ecclésiastique et ne renouvelant guère ses fonds. Transportés à Saint-Louis-la-Culture, les volumes furent dispersés entre la Bibliothèque Nationale, la Mazarine et l'Arsenal principalement. A l'Arsenal, grâce aux archives des dépôts littéraires et aux notes de Dom Poirier, on a pu identifier la majeure partie des manuscrits de cette origine. Sur les volumes eux-mêmes les

236

marques de provenance sont rares. Tout au plus trouve-t-on sur des manuscrits ou des imprimés un ex-libris manuscrit Pro libraria regal. collegii Campaniae als Navarrae.

Ce manuscrit est probablement le plus intéressant parmi ceux venus à l'Arsenal. Débutant d'une façon assez originale par un calendrier et une table de comput pour les années 1268 et suivantes, ce gros recueil en français offre sur trois colonnes des histoires tirées de la Bible, des vies de saints, le conte du Tombeur Notre-Dame, le Lucidaire de Gillebert de Cambres, des oeuvres de Gautier de Metz, Alart de Cambrai, Robert de Blois, Henri d'Andeli, etc. Assez abondamment illustré, quoique dans un style plutôt fruste, il a malheureusement été partiellement découpé, les vignettes manquantes provoquant d'irréparables lacunes dans le texte.

Ce manuscrit a fait l'objet de nombreuses études et éditions partielles.

D. Muzerelle

237

Boccace

De claris mulieribus

[Strasbourg, Georg Husnèr, vers 1474/75]. – In-folio,

In-folio, Reliure XIXe siècle.

Fol. H. 4988 Rés.

Prov. : Collège de Navarre.

Bibl. : HC 3327. – GW 4484. – Pellechet 2473. – J. Artier, « La bibliothèque du collège de Navarre au XVIIIe siècle », dans Mélanges de la bibliothèque de la

Sorbonne, VII, (1986), p. 105-124.

Le De claris mulieribus est un recueil de courtes biographies consacrées à des femmes illustres, principalement de l'Antiquité gréco-romaine. Boccace le rédigea en 1361 et le dédia en 1362 à Andrea Acciaivoli.

L'imprimerie française favorisa une large diffusion de l'oeuvre de Boccace hors d'Italie. Le De Claris mulieribus fut imprimé pour la première fois à Ulm en 1473 avant d'être publié vers 1474-1475 par le Strasbourgeois Georg Husner. La production de cet imprimeur, actif entre 1470 et 1478, se compose essentiellement d'ouvrages de théologie.

L'ex-libris « Pro libraria regal, collegii Campaniae alias Navarrae Par. » se lit

237

au début du volume. Situé au sommet de la montagne Sainte-Geneviève, le collège de Navarre avait été fondé en 1304 par Jeanne de Navarre, comtesse de Champagne. Il compta parmi ses élèves d'illustres personnages tels les futurs Henri III et Henri IV, Richelieu et Bossuet.

Après le XVIe siècle, la bibliothèque connut un long déclin que l'acquisition en 1637 de la bibliothèque de Peiresc ne suffit pas à enrayer. En 1741, les collections, essentiellement théologiques, comptaient plus de 5 000 volumes.

M. Lefèvre

Saisies révolutionnaires en Belgique

En 1794, à la suite des victoires des armées révolutionnaires en Belgique, le Comité de salut public envoya en mission dans les territoires occupés des savants et des bibliothécaires afin de rechercher dans les cabinets et bibliothèques de quoi enrichir et compléter les collections nationales. La pratique n'était certes pas nouvelle, les manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne volés en 1749, rendus en 1770, n'en sont qu'un exemple, mais il s'y ajoutait la volonté de faire de Paris la capitale intellectuelle et artistique de l'Europe, chargée d'assurer la diffusion des Lumières. De nombreuses caisses, d'objets d'art et de livres, arrivèrent ainsi de Belgique au dépôt littéraire des Cordeliers et à Saint-Louis-la-Culture. C'est là qu'après 1797 Ameilhon et

Dom Poirier purent choisir quelques manuscrits intéressants et même prestigieux comme l'Evangéliaire d'Afflighem, laissés par la Bibliothèque Nationale. Et de même qu'en 1770 le marquis de Paulmy avait pu garder les manuscrits de Bourgogne détournés par son oncle le comte d'Argenson, de même en 1815 on oublia l'Arsenal quand on opéra la restitution. Il est vrai que le nombre de volumes n'était guère im portant. D. Muzerelle

Bibl. : P. Riberette. « La Commission des sciences et arts en Belgique. », dans Actes du 92e congrès national des sociétés savantes, Strasbourg-Colmar, 1967. Hist. mod. et contemp.,

III. p. 411-429.

238

Evangéliaire d'Afflighem

Afflighem (Belgique), XIIe s. – Parchemin, 125 ff.,

330 X 220 mm. – Reliure d'ivoire et d'orfèvrerie.

Ms. 1184 Rés.

Prov. : Afflighem.

Bibl. : H. Martin, Quelques reliures d'art de la bibliothèque de l'Arsenal, dans les Arts, 1903. – S. Gevaert, « Un

Ivoire mosan et ses dérivés », dans Revue belge

d'archéologie et d'histoire de l'art VII (1937). –

A. Goldschmidt, Die Elfenbeinskulpturen aus der Zeit der Karolingischen und Sächsischen Kaiser, 1969-1975, III,

28. – F. Steensbock, Der kirchliche Prachteinband,

1965, n° 105. – A. von Eeuw, « Der Schmück des

Evangeliar aus Afflighem », dans Bulletin du bibliophile, 1972, IV. – D. Gaborit-Chopin, Ivoires gothiques,

1978. – V. Coosemans, « Affiigemsche kopiisten en miniaturisten in de XII eeuw », dans Affligemensia

bijdragen, juli 1945, 1.

Copié à l'abbaye bénédictine d'Afflighem, en Brabant, non loin de Bruxelles, probablement par le moine Fulcherius, dont la présence est attestée à Afflighem vers 1133-1135, cet évangéliaire n'a reçu sa décoration qu'à la fin du XVe siècle. On ajouta alors, dans les emplacements laissés vides par le copiste des encadrements de fleurs, des initiales ornées et les figures des quatre évangélistes. On peut penser que c'est au même moment que la magnifique reliure d'ivoire et d'orfèvrerie qui l'orne a été restaurée.

Le volume a alors été recouvert de veau brun, sur ais de bois, comme on peut le voir sur le plat inférieur. Celui-ci est estampé à froid, avec un décor de petits fers, présentant soit le monogramme JHS soit des griffons. Le plat supérieur est orné d'un ivoire sculpté représentant la Transfiguration : le Christ, sur des rayons de feu entre Moïse et Elie, apparaît aux apôtres Pierre, Jacques et Jean prosternés. Il est encadré par des émaux, des plaquettes de laiton doré ciselé, et une inscription en lettres capitales et onciales. Aux angles, quatre petits ivoires rectangulaires figurent les attributs des Evangélistes. L'ensemble paraît avoir été consti-. tué au XVe siècle à partir d'éléments d'orfèvrerie plus ou moins disparates provenant de châsses ou d'objets d'art divers. Les fermoirs sont du XVe siècle.

Diverses datations ont été proposées pour la plaque d'ivoire : vers 1160-1170 ou plutôt 1100-1120. Elle serait alors

238

attribuable à Renier de Huy, par comparaison avec les sculptures des fonts baptismaux de Saint-Barthélemy de Liège de cet artiste, ainsi qu'avec d'autres ivoires liégeois. En tout cas, c'est un très remarquable exemple de l'art mosan du XIIe siècle. D. Muzerelle

239

Recueil à l'usage des prédicateurs Groenendael (Brabant), début du XVe s. –

Parchemin, 96 ff., 55 X 100 mm. – Reliure

portefeuille veau brun estampé.

Ms. 1182.

Prov. : Groenendael.

Bibl. : W.H.J. Weale, Bookbindings and rubbings of

bindings, Londres, 1898. I. p. 173. 339. – L. Gruel, Manuel historique de l'amateur de reliures, Paris, 1905. II. p. 9. – E.P. Goldschmidt, Gothic and renaissance

bookbindings, Amsterdam. 1928, I. p. 198. –

M. Dykmans. Obituaire du monastère de Groenendael,

Bruxelles, 1940. – P. Verheyden. De Boekbinderij van Groenendael, 1943, II. p. 82-111.

Dans la forêt de Soignes, près de Bruxelles, le prieuré de chanoines augustins de Groenendael, où avait vécu Ruysbroeck l'Admirable, témoignait par son activité de l'essor de la Devotio moderna dans les Pays-Bas. Ce manuscrit, copié et relié à Groenendael, dont la bibliothèque vers 1540 comptait plus de 1 350 volumes, en est un exemple. C'est un petit recueil, constitué d'extraits de saint Augustin et de saint Bernard, de

divers pères de l'Eglise, mais aussi de Sénèque et d'Aristote, d'un format de poche très maniable, destiné à servir d'aide-mémoire aux prédicateurs. Il est recouvert d'une reliure souple à rabat, en veau brun. Le décor est composé d'une plaquette frappée deux fois sur chaque plat et une fois sur le rabat. Elle représente un encadrement de rinceaux et deux cercles renfermant un lion et un quadrupède ailé. Le nom de Groenendael, en caractères gothiques, est frappé sur les plats et sur le rabat. Des oeillets permettaient de faire passer un lien pour tenir le vol ume fermé.

De ce recueil en trois volumes identiquement reliés, seul celui-ci fut expédié à Paris en 1795. Les deux autres se trouvent encore en Belgique, l'un à la Bibliothèque royale Albert-Ier (Ms. 11662), l'autre à celle de Mariemont (Ms. 1261).

D. Muzerelle

Les archives de la Bastille

Le 14 juillet 1789, dans l'enthousiasme de la prise de la Bastille, on précipita dans les fossés les archives, qui étaient conservées depuis 1783 dans un bâtiment entre la tour de la Bertaudière et la tour de la Bazinière. Outre les dossiers des prisonniers de la Bastille, on y trouvait les papiers des officiers de la Bastille, les archives de la lieutenance de police, de la chambre de l'Arsenal et du Châtelet. Dès le 15 juillet, les électeurs, siégeant à l'Hôtel de Ville, s'inquiétèrent du pillage et estimèrent « du devoir de l'assemblée de conserver les preuves authentiques de tous les excès du pouvoir arbitraire ». C'est que les amateurs de curiosités historiques n'avaient pas manqué et les papiers disparaissaient. Le 19 juillet, Ameilhon, bibliothécaire de la ville, écrit au Comité permanent : « J'apprends, Messieurs, qu'il a été saisi à la Bastille des manuscrits et des ouvrages imprimés que le despotisme y retenoit en captivité. Comme c'est une conquête faite par les habitants de Paris, ils ne peuvent, ce me semble, ni ne doivent être placés ailleurs que dans un dépôt qui appartient à la commune, c'est à dire dans la bibliothèque de la ville »(Bibliothèque Nationale, nouv. acq. fr. 23943). Favorable à cette revendication, l'Assemblée, le 24 juillet, invite les citoyens à rapporter les pièces dispersées à l'Hôtel de Ville. Le tout fut apporté, en dix charrettes, au prieuré de Saint-Louis-la-Culture, sous la garde de Thuriot de la Rosière. En 1791, Bailly, le maire

de Paris, les confia à Ameilhon. Celui-ci s'employa à faire dresser un inventaire. On tria les manuscrits et les imprimés. De ces derniers, il semble qu'on brûla les livres obscènes. Quant aux livres interdits, que la Bastille conservait, ils furent vendus. Les archives elles-mêmes étaient désormais à l'abri, même si de temps en temps des voix s'élevèrent pour réclamer que soient divulguées au peuple les infamies de l'Ancien Régime.

Au début de 1798, la bibliothèque de la ville fut attribuée à l'Institut. Ameilhon, qui venait d'être nommé à l'Arsenal, n'avait pas oublié les archives de la Bastille, restées dans les locaux de cette bibliothèque à Saint-Louis-la-Culture. Il s'empressa de les réclamer et eut gain de cause. Par arrêté du 9 ventôse an VI, les papiers de la Bastille furent versés à l'Arsenal, où il semble qu'on les oublia pendant toute la première moitié du XIXe siècle.

D. Muzerelle

Bibl. : F. Funck-Brentano. Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l'Arsenal. T. IX Archives de la Bastille, Paris. 1892. – H. Dufresne. Le Bibliothécaire Hubert-Pascal

Ameilhon, Paris, 1962.

240

D.A.F. marquis de Sade Notes et extraits, 4e cahier

Manuscrit autographe. – Papier, 25 fT.,

150 x 210 mm.

Ms. 12456, fol. 854-879.

Prov. : Archives de la Bastille.

Bibl. : Marquis de Sade, Lettres et mélanges littéraires

écrits à Vincennes et à la Bastille, recueil inédit publié sur les manuscrits autographes de l'Arsenal par

G. Daumas et G. Lely, S.L., 1980.

Exp. : Trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, Paris, 1980, n° 317.

Le 2 juillet 1789 le marquis de Sade, incarcéré à la Bastille depuis cinq ans, se mit à sa fenêtre et cria qu'on assassinait les prisonniers. Immédiatement transféré à Charenton, il n'eut donc pas le plaisir d'assister à la prise de la Bastille. Bien plus, il perdit sa bibliothèque et ses manuscrits qui furent livrés au pillage.

Il reste cependant dans les archives de la Bastille, deux recueils (Ms. 12455-12456) constitués de la correspondance reçue et adressée par le marquis de Sade à Vincennes et à la Bastille, de 1777 à 1789, ainsi que de brouillons, notes diverses, projets littéraires, qui attestent de l'intense activité littéraire qu'il déploya en prison.

Ce Quatrième cahier des notes ou réflexions, écrit à Vincennes du 12 juin au

240

21 août 1780, est le seul qui ait été sauvé. On peut le rattacher à un ensemble de quatre volumes que Sade, dans le catalogue raisonné de ses oeuvres qu'il rédigea le 1er octobre 1788, appelle Portefeuille d'un homme de lettres, ouvrage à caractère moral et philosophique. Ce cahier est dans l'ensemble une réfutation des idées de d'Alembert, auteur pour lequel par ailleurs Sade professait une vive admiration.

Sur ce recueil, une main postérieure a ajouté : « Ces notes sont de la main de l'infâme marquis de Sade ».

D. Muzerelle

241

Dossier de l'Affaire du Collier de la Reine

1785. – Papier, 75 ff., 350 X 250 mm. – Demi-reliure

Demi-reliure vert.

Ms. 12457.

Prov. : Archives de la Bastille.

Bibl. : F. Funck-Brentano, L'Affaire du collier, d'après de nouveaux documents, Paris, 1903.

La célébrité des archives de la Bastille, ce « cloaque infect où allaient se dégorger secrètement tous les canaux du despotisme » s'est faite surtout autour des dossiers des grandes affaires criminelles qu'elles conservent, affaire des poisons, du Masque de fer ou enfin du Collier de la Reine. On sait combien cette affaire d'escroquerie montée en 1785 par la comtesse de La Motte, Cagliostro et des comparses aux dépens du cardinal de Rohan eut de retentissement dans l'opinion et jeta le discrédit sur la reine Marie-Antoinette. Le cardinal de Rohan, jeté à la Bastille, passa pour un martyr, et fut finalement relaxé en triomphe en mai 1786. Mais ce dossier n'est que le plus spectaculaire parmi tant d'autres des archives de la Bastille où l'on peut trouver pareillement l'écho de l'agitation et de la fermentation des esprits en cette fin du XVIIIe siècle. A cet égard, les dossiers des prisonniers et les rapports des divers bureaux de la lieutenance de police, qu'il s'agisse de moeurs, de censure, de librairie, de petite délinquance, de police des grains ou de querelles religieuses, sont d'une remarquable richesse. Ils offrent,

241

pour l'étude de l'histoire économique et sociale ou pour celle des mentalités, des ressources incomparables. D. Muzerelle

Liste des noms cités (Bibliothécaires et assimilés)

Ameilhon (Hubert-Pascal), 1730-1811. Sous-bibliothécaire (1761) puis bibliothécaire de la ville de Paris (1770) et de la Commune (1789). Commissaire pour les bibliothèques de Paris (1790). Conservateur du dépôt de Saint-Louis-la-Culture (1794). Bibliothécaire de l'Arsenal (1797). Voir p. 277.

Barbié du Bocage (Jean-Denis), 1760-1825, géographe. Employé aux Médailles (1785) puis aux Imprimés (1792-1795). Voir p. 98.

Barbier (Antoine-Alexandre), 1765-1825, bibliographe. Membre de la Commission temporaire des Arts puis du Conseil de conservation.

Barthélemy (abbé Jean-Jacques), 1716-1795, écrivain et numismate. Employé à la Bibliothèque du Roi (1745) puis garde des Médailles (1754-1795). Voir p. 132.

Barthélemy de Courçay (André), neveu du précédent. Garde des Médailles (1795-1799).

Belissen (ou Bélissent ?). Garde aux Manuscrits (1793-1795).

Berthollet (Claude-Louis), 1745-1822, chimiste. Commissaire de la République en Italie (1796), envoyé en Egypte (1798).

Bounieu (Michel-Honoré) 1740-1814, peintre-restaurateur. Garde des Estampes (1792-1795).

Buache de la Neuville (Jean-Nicolas), 1741-1825, géographe. Voir p. 98.

Camus (Armand), 1740-1804, jurisconsulte. Avocat du clergé au Parlement de Paris. Archiviste de la Constituante puis garde des Archives nationales (an VIII).

Capperonnier (Jean-Augustin), 1745-1820, philologue. Employé aux Imprimés (1789), garde des Imprimés (1795-1820).

Carra (Jean-Louis), 1742-guill. 1793, homme politique. Bibliothécaire de la nation (1791-1793).

Chamfort (Sébastien-Roch-Nicolas), 1740-1794, écrivain et homme politique. Bibliothécaire de la nation (1791-1793).

Chardon de la Rochette (Simon), 1753-1814, bibliographe.

Daunou (Pierre-Claude François), 1761-1840, administrateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève (1797).

Desaulnays (René), garde des Imprimés (1775-1795).

Joly (Hugues-Adrien), 1718-1800, secrétaire de Coypel. Garde des Estampes (1750-1792).

Joly (Adrien-Jacques), 1756-1829, fils du précédent. Garde des Estampes (1795).

Langlès (Louis-Matthieu), 1763-1824, orientaliste. Garde des Manuscrits orientaux (1795).

La Porte du Theil (François-Jean-Gabriel), 1742-1815, helléniste. Membre du Comité des Chartes (1776). Garde des Manuscrits (1795).

Leblond (abbé Gaspard-Michel), 1738-1809, archéologue. Bibliothécaire du collège Mazarin (1772) devenu Bibliothèque mazarine (1791). Commissaire pour les bibliothèques de Paris (1791).

Lefèbre de Villebrune (Jean-Baptiste), 1732-1809, médecin et philologue. Bibliothécaire de la nation (1793-1795).

Maugerard (Jean-Baptiste), 1740-1815. Moine à Saint-Arnoult de Metz et bibliothécaire de l'évêque de Metz. Emigré. Commissaire du gouvernement pour la recherche des sciences et des arts dans les quatre départements du Rhin (1802). Voir p. 152.

Monge (Gaspard), 1746-1818, géomètre. Commissaire de la République en Italie (1796), envoyé en Egypte (1798).

Ormesson de Noyseau (Anne-Louis-François de Paule Lefèvre d'), 1733-guill. 1794. Bibliothécaire du roi (1790-1791). Voir p. 111.

Poirier (Dom Germain), 1724-1803, théologien. Moine à Saint-Denis (1760) puis à Saint-Germain-des-Prés (1780). Sous-bibliothécaire à l'Arsenal (1796). Voir n° 208.

Sergent (Antoine-François), dit Sergent-Agate, 1751-1847, graveur, beau-frère de Marceau. Membre du Comité d'Instruction publique.

Thiebault (Dieudonné), 1733-1807, écrivain. Jésuite. Chef du bureau de la librairie (1785). Membre du Comité d'Instruction publique.

Van Praet (Joseph-François-Bernard), 1754-1837, bibliographe. Employé (1784) puis garde des Imprimés (1795). Voir J.F. Foucault, La Bibliothèque royale sous la Monarchie de Juillet, Paris, Bibliothèque Nationale, 1978.

Documents exposés

Cartes et plans

Rés. G.A. 258

n° 174

Rés. Ge. AA. 1342

n°113

Rés. Ge. D. 7668

n°115

Rés. Ge. D. 7824

n° 114

Ge. A. 274

n° 157

Ge. A. 509

n° 173

Ge. B. 2353

n°31

Ge. CC. 650

n° 62

Ge. CC. 2723

n° 195

Ge. D. 15560-15562

n° 63

Ge. DD. 1175

n°117

Porte-feuille non coté

n°112

Estampes

Aa 139 Fol. rés.

n° 164

Ba 22a pl. 11

n° 205

Ca 24c Fol. 33

n° 37

Dc 13 (1)

n° 184

Ee 11 c Fol. 10

n° 56

Ef47 Fol. 41

n° 74

Fd 7

n° 156

Gd 10 rés.

n° 152

Id 47 pl. 8

n° 151

Le 13 7

n° 25

Lc mat. 2

nos 26-27

Li 15

n° 29

Li 16 n° 434

n° 28

Li 17

n° 30

Od 7

n° 150

Od 19 pl. 13

n° 40

Oe 5 Fol. 5

n° 191

Pb 10

n° 33

Sa 1 mat.

nos 116, 120

Imprimés. Réserve

Vélins 161

n° 91

Vélins 212

n° 95

Vélins 280

n° 197

Vélins 457

n° 55

Vélins 628

n° 124

Vélins 642-650

n° 36

Vélins 704

n° 121

Vélins 767

n° 193

Vélins 945

n° 194

Vélins 1149

n° 73

Vélins 1471

n° 133

Vélins 2399-2400

n° 154

Vélins 2618-2621

n° 153

A. 71

n° 39

A. 205

n° 202

A. 1646 (1-3)

n° 57

B.4638

n° 175

C. 194

n° 108

D.799

n° 204

G.36

n° 118

G.216-217

n° 123

8° L14.11

n° 163

M. 210

n° 119

R. 2167

n° 180

S. 37

n° 170

S. 1175

n° 172

R. 1204

n° 171

X.2093

n° 177

Y 2. 267

n° 159

Y2. 1618-1619

n° 160

Y 2. 3296

n° 179

Y 2. 3307

n° 178

Y 2. 3595

n° 17

Yb. 847

n° 162

G. Yc.236

n° 198

Yd.47

n° 158

Yd. 179

n° 35

Yf. 161

n° 161

Z. 4450-4519

n° 76

p. Z. 877

n° 13

Imprimés

E*. 2240 bis

n° 50

E*. 5334

n° 181

J.658

n° 137

La32. 32 A

n° 41

8° Lb 44. 338

n° 19

4° Lc 2. 69

n° 69

4° Lc 2. 786

n° 9

8° Lc 2. 271

n° 68

8° Lc 2. 541

n° 70

8° Lc 2. 821 A

n° 11

4° Lc 22. 54 bis

n° 10

8° Li 3. 38 A

n° 182

Gd Fol. Lk7. 6043

n° 32

M. 4096-4098

n° 51

8° Nc. 2472

n° 167

8° 02n. 68

n° 21

Q. 1513

n° 72

Q. 6997

n° 43

R. 11940

n° 49

R. 11969

n° 42

R. 11997

n° 47

R. 12000

n° 46

R. 12001

n° 45

R. 12006

n° 44

R. 12011

n° 48

R. 20187 et 20193

n° 166

R.24173

n° 20

S.5103

n° 52

S. 14842

n° 22

S. 18924-18925

n° 12

S. 29483 n°

24

4° Ti 46. 1

n° 169

Te121. 71 B

n° 33

8° Td 74. 74

n° 54

8° Tg 12. 19 A (2)

n° 176

Y 2. 17858-17859

n° 18

Y 2. 59125-59126

n° 16

Ye. 10859

n° 14

Yh. 1368

n° 53

Yf. 1890

n° 15

Yk. 946

n° 168

Manuscrits

Coislin 31

n° 106

Coislin 202

n° 105

Coislin 239

n° 107

Français 6259

n° 185

Français 6275

n° 38

Français 6678

n° 143

Français 6995

n° 148

Français 7891-7894

n° 149

Français 9087

n° 192

Français 9141

n° 102

Français 9175

n° 64

Français 9202-9203

nos 139-140

Français 10325-10327

n° 142

Français 12617

n° 66

Français 12783

n° 138

Français 13241

n° 141

Français 13720

n° 146

Français 14051-14052

n° 60

Français 15204

n° 65

Français 19819

n° 125

Français 22495

n° 122

Français 25004

n° 144

Français 25560

n° 145

Italien 78

n° 199

Italien 545

n° 200

Latin 8850

n° 97

Latin 8897

n° 87

Latin 9325

n° 134

Latin 9384

n° 98

Latin 9386

n° 92

Latin 9387

n° 82

Latin 9389

n° 96

Latin 9428

n° 94

Latin 9454

n° 71

Latin 9455

n° 85

Latin 9461

n° 88

Latin 9462

n° 89

Latin 9474

n° 147

Latin 9661

n° 59

Latin 9688

n° 67

Latin 11550

n° 99

Latin 12168

n° 103

Latin 14516

n° 100

Latin 15450

n° 101

Suppl. grec 175

n° 104

Suppl. grec 186

n° 136

Suppl. grec 247

n° 135

Suppl. grec 309

n° 126

Suppl. grec 384

n° 196

Suppl. grec 578

n° 201

Suppl. grec 584

n° 61

Manuscrits orientaux

Arabe 482

n° 127

Arabe 1704

n° 129

Arabe 3467

n° 128

Chinois 2289-2304

n° 190

Hébreu 1-3

n° 110

Hébreu 17-18

n° 203

Hébreu 85

n° 109

Hébreu 351

n° 111

Suppl. persan 334

n° 131

Suppl. persan 493

n° 130

Suppl. persan 641

n° 58

Suppl. turc 242

n° 206

Suppl. turc 456

n° 132

Monnaies et médailles

N° 651

n° 79

Babelon n° 1

n° 93

Babelon n° 264

n° 83

Babelon n° 309

n° 84

Babelon n° 373

n° 78

Babelon n° 379

n° 77

Babelon n° 493

n° 187

Chabouillet n° 2089

n° 81

Chabouillet n° 2101

n° 86

Chabouillet n° 2720

n° 90

Condé 1-2

n° 186

Gerningham 4-5

n° 183

Ivoire n° 316

n° 80

Matrices nos 2, 5-7, 11-12

n° 34

Musique

Rés. 866

n° 155

Rés. 1336

n° 165

Ms. 1461

n° 75

D.6267 (21)

n° 189

Rés. F. 421

n° 188

H 2. 150 (1)

n° 4

H 2. 151 (8)

n° 2

Vm 7. 7019

n° 4

Vm 7. 7053 bis

n° 5

Vm 7. 7092

n° 8

Vm 7. 16814

n° 6

Vm 7. 16995

n° 7

Vm 7. 17058

n° 1

Vm 7. 17073

n° 3

Arsenal Manuscrits

227

n° 222

508

n° 229

578

n° 221

622

n° 217

623

n° 216

933

n° 227

1171

n° 214

1182

n° 239

1184

n° 238

1186

n° 215

2247

n°228

2878

n° 226

3443

n° 213

3516

n° 236

6475

n° 208

6541

n° 220

7052

n° 207

12456 12457

n° 240 n° 241

Musique

505

n° 225

Imprimés. Réserve

B.2877

n° 224

4° B. 4390

n° 235

Fol. H. 347

n° 223

Fol. H. 4988

n° 237

4° H. 3813

n° 232

4° S. 2133

n° 230

4° S. 4604

n° 218

Fol. T. 1063

n° 234

4° T. 1260

n° 231

4° T. 2590 n

° 233

4° T. 2592

n° 219

Roue à livres

n°211

Bateau négrier

n° 212

Globe terrestre

n° 209

Pendule des quatre parties

du monde

n° 210

Composition et photogravure noire :

Imprimerie Jacques London

Photogravure couleur :

Clair Offset

Achevé d'imprimer à Paris le 2 juin 1989

sur les presses de l'Imprimerie Jacques London

Dépôt légal 2e trimestre 1989

ISBN 2-7177-1808-7

1789, le patrimoine libéré : 200 trésors entrés à la Bibliothèque nationale de 1789 à 1799 : [exposition, Paris], Bibliothèque nationale, 6 juin-10 septembre 1989 / [catalogue rédigé sous la dir. de Marie-Pierre Laffitte] (2024)

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Author: Dong Thiel

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Name: Dong Thiel

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