Essai sur l'idéologie de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (2024)

1 S’il est intéressant d’étudier la Nieuw-Vlaamse Alliantie (ci-après N-VA) du pointde vue de sa fulgurante ascension électorale et surtout au niveau de ses conséquencesdirectes et implacables sur le destin des vieux partis traditionnels dans le paysagepolitique flamand, c’est au niveau de l’idéologie que nous allons pour notre partsituer l’analyse, c’est-à-dire au niveau du «discours sur la société» de la N-VA, deson discours sur le «chemin à suivre» et «des méthodes pour y arriver». Ce n’estpas la réalité de l’action de la N-VA dans les conseils qui retiendra ici notre attention,et encore moins le profil et l’histoire des principales figures du mouvement mais aucontraire ce qui «est dit» dans la presse et dans les documents programmatiques,l’objectif étant de saisir la «vision du monde» d’un parti qui séduit une grandepartie de l’électorat flamand.

2 Dans un premier temps, tout en sachant que cette perspective a ses limites, nousreviendrons brièvement sur le clivage gauche/droite afin de distinguer correctementen quoi la N-VA est véritablement un parti de droite, même si dans certains cas ellese démarque fortement des autres partis classés à droite (dont l’Open Vld libéral), etmême si sur le plan moral, la N-VA a pu soutenir des positions plus généralementmarquées à gauche, ou dites progressistes comme ses propositions de loi relatives aumariage hom*osexuel [2].

3 Dans un deuxième temps, à titre exploratoire [3], nous ferons un bref passage par lapolitique aux États-Unis pour y découvrir le discours «producériste»–une varianteparticulière du populisme–et ses nombreuses similitudes sur le plan du discoursavec la doctrine qui anime la vision de la société à la N-VA. Entre autres, nousverrons que le lien entre autonomie, responsabilité et fiscalité est particulièrementefficace et séduisant auprès des électeurs des deux côtés de l’Atlantique.

4 Troisièmement, nous reviendrons en Flandre pour tester le discours de la N-VAà l’aune de la rhétorique producériste, en précisant d’emblée à nouveau qu’il s’agitmoins ici d’établir une identité entre des mouvements politiques différents que demettre en exergue des points communs utiles pour l’analyse et la compréhension del’idéologie de la N-VA. L’analyse portera sur des déclarations anciennes qui précèdent la formation du gouvernement Di Rupo, mais aussi sur les textes programmatiques récents dans la perspective des élections de2014au niveau régional, fédéralet européen.

5 Enfin, en guise de conclusion, nous mobiliserons les ressources de la littératuresur l’extrême droite pour montrer que si la N-VA est un parti de droite nationaliste,son radicalisme est limité à son projet de disparition de la Belgique et non à unquelconque projet de démantèlement des institutions et des pratiques démocratiques. De surcroît, nous verrons qu’en aucun cas le parti ne prône ou n’encourage lescroyances en l’inégalité raciale, culturelle ou religieuse, des croyances qui caractérisent historiquement de nombreux partis d’extrême droite. Nous verrons aussi à l’issue de l’analyse que la force de la N-VA réside dans sa capacité à mobiliser les notionsde mérite, de courage et d’autonomie sans s’aventurer dans les méandres du discourscontre l’immigration, la délinquance ou l’Islam. Une posture qui explique les transferts d’électeurs en provenance de la droite traditionnelle et de l’extrême droite.

6 Si l’on en croit René Rémond, la question du critère «qui départagerait infailliblement droite et gauche est le type même de la question qui ne comporte pas, quine peut comporter de réponse satisfaisante pour l’esprit». En l’absence d’appellation déposée et d’une définition adoptée à l’unanimité, explique l’historien, il «n’estd’autre méthode que de partir à la recherche, dans le passé, des signes qui permettront de construire un concept de droite et de gauche». Et lorsqu’on suit cette voie,ajoute-t-il, on ne tarde pas «à découvrir que chacun, ou presque, des grands thèmesqui furent les enjeux des controverses idéologiques a été, tour à tour, l’apanage de ladroite puis de la gauche, à moins que ce ne fût dans l’ordre inverse, quitte à revenirensuite dans sa famille d’origine» [4].

7 Si Rémond pense à la France lorsqu’il rédige ce texte, ce constat s’applique également à la Belgique, a fortiori si l’on tient compte du système d’alliances et de coalitions en place chez nous mais aussi des différences fortes qui caractérisent la dynamique politique et médiatique au Nord et au Sud du pays. Ainsi, sur de très longuespériodes, des gens aux discours différents sont amenés à travailler main dans la maindans la mise en place de politiques centristes penchant un peu à gauche ou un peu àdroite selon les termes des accords de gouvernement, au-delà des marqueurs idéologiques qui fondent leurs formations respectives. De surcroît en Belgique, le positionnement sur «l’institutionnel [5]» pèse sur la formation des coalitions et les disciplines departis alors qu’il n’a parfois rien à voir avec les enjeux liés au clivage gauche / droite.Concrètement, des partis de droite et de gauche peuvent être très différents dans denombreux domaines et s’entendre sur la nécessité d’une réforme institutionnelle, ouses modalités, voire simplement son agenda. Mais à l’inverse, comme le suggère PaulPiret, les clivages sur l’institutionnel et gauche/droite peuvent aggraver les divisions àl’instar de l’électeur du13juin2010qui «a imposé à son personnel politique le plusgrand écart à la fois institutionnel, au long d’un clivage Nord/Sud toujours plus aigu;et socio-économique, au long d’un clivage gauche/droite qui a trouvé à reprendre forte et soudaine vigueur» [6]. Décrivant «l’impossible canevas électoral», Piret décrit lepaysage politique de l’époque avec en «Flandre, la N-VA: très à droite de l’échiquier,mais pas au point extrémiste d’être exclue de la partie. C’est là un parti volontiersanti-establishment qui ouvre son programme sur la volonté d’indépendance de laFlandre. (Et en) Wallonie et à Bruxelles, un PS catalogué à gauche, (qui) est un particlassique qui cultive le sens de ce qui est encore un État belge fédéral» [7].

8 Il y a quelques années, pour illustrer la difficulté de faire correspondre le clivagegauche/droite avec les actes posés sur le terrain par le Parti socialiste belge, OlivierBailly expliquait que bien «qu’au pouvoir, le parti parvient à incarner la contestationet la résistance au néolibéralisme représenté par l’État fédéral belge». Ce discours,ajoute-t-il, a été fort «facilité par un système électoral où les alliances obligées permettent de se dédouaner des politiques menées». En définitive, le «PS réussit doncle tour de force d’être à la fois ancien et jeune, contestataire et au pouvoir, de gauchedans les discours tout en appuyant certaines décisions de droite dans les faits: ilparticipe à la libéralisation des services publics, au contrôle drastique des chômeurset à l’allongement de la durée des carrières» [8]. Une posture qui brouille l’analyse entermes de clivages, qui n’est pas sans risque et qui a d’ailleurs suscité l’émergence etle développement de partis cherchant à se positionner plus à gauche [9].

9 Tout en étant aussi extrêmement critique vis-à-vis d’un clivage qui enferme uneréalité très complexe dans une vision presque binaire du spectre politique, NorbertoBobbio a également tenté de différencier un discours de droite et un discours degauche mais pour sa part, il l’a fait en partant du critère du rapport à l’égalité. Noustenons à cette analyse car la rhétorique que nous allons analyser dans la sectionsuivante repose d’une part sur la perception que les gens peuvent avoir de leurssemblables en termes d’égalité entre individus («Sommes-nous égaux?») et d’autrepart sur la répartition (et les critères de répartition) des ressources entre les individusjugés égaux, et entre ces derniers et les autres, jugés inégaux, notamment en termesde responsabilité et de mérite.

10 Pour l’homme de gauche et l’homme de droite, le fait que les hommes soientégaux ou inégaux, précise Bobbio, dépend uniquement du fait «qu’en les observant,en les jugeant et en en tirant des conséquences pratiques, on met davantage l’accentsur ce qu’ils ont en commun ou sur ce qui les distingue». La différence entre lagauche et la droite repose sur le fait que d’un côté se trouvent ceux qui pensent queles hommes sont «plus égaux qu’inégaux», et de l’autre ceux qui estiment qu’ilssont «plus inégaux qu’égaux». Ainsi, le discours de la gauche («égalitaire») stipuleque «la plupart des inégalités qui provoquent son indignation, et qu’il voudrait voirdisparaître, sont d’origine sociale et, en tant que telles, éliminables», indépendamment des qualités des individus au départ (intelligence, mérite, responsabilité, forcephysique, etc). Alors que le discours de droite («inégalitaire») stipule au contraireque les inégalités «sont naturelles, et donc inévitables», et qu’il y aura toujours desforts et des faibles, des gens intelligents ou non, des courageux et des paresseux, desresponsables et des irresponsables.

11 Pour conclure un peu plus loin: «au nom de l’égalité naturelle», au nom du faitque dans des circonstances normales et similaires, chacun devrait suivre le mêmedestin, l’égalitaire condamne l’inégalité sociale, et «au nom de l’inégalité naturelle,l’inégalitaire condamne l’égalité sociale». Au nom du fait que les hommes et lesfemmes sont à ses yeux plus inégaux qu’égaux, l’homme de droite se méfie des beauxdiscours sur l’égalité–dont il doute de la sincérité–et des programmes d’aide etd’assistance qui les accompagnent–dont il doute de l’efficacité [10].

12 Mais pourquoi condamner l’égalité? À bien y regarder, d’après Vincent de Coorebyter, la droite ne condamne pas l’égalité mais elle l’assume «de façon conditionnelle». Elle «plaide pour l’égalité des droits voire l’égalité des chances, pour l’égalitédes citoyens devant la loi, mais elle considère qu’une certaine dose d’inégalité est inévitable, voire souhaitable». Pourquoi? Parce que ces inégalités reflètent «l’inégalitédes efforts et des mérites». Et qu’en vertu «d’un principe méritocratique (…), ceuxqui travaillent plus ou qui agissent mieux doivent en être récompensés» [11].

13 Retenons de ce qui précède la place du mérite et de la responsabilité dans l’analyse, ces deux critères permettant à la droite de se distinguer de la gauche. Si leshommes et les femmes méritent une égalité au départ, rien ne justifie qu’ils doiventtous être égaux à l’arrivée, cela pourrait décevoir et décourager les méritants.

14 Les idées de responsabilité, de mérite et de récompense apparaissent clairementdans une série de documents officiels de la N-VA diffusés en2013et en2014dansla perspective des élections de mai2014. Ainsi, lors de la conférence de presse sur«Le Changement pour le progrès» de la N-VA [12], le président du congrès Ben Weytsprône «Une politique qui récompense le travail, l’épargne et l’entreprenariat au lieude les sanctionner. Une politique qui (…) réduit les dépenses publiques, abaisse lesimpôts et stimule l’emploi en prenant les coûts salariaux en main et en diminuantles charges sur le travail», tout en indiquant immédiatement après que la sécuritésociale doit être là pour tous mais «pas en prenant la vie des gens en main, mais enles aidant à le faire eux-mêmes».

15 Plus bas, le texte continue avec un titre éloquent: «Récompenser la responsabilité». Un texte qui indique que quiconque «travaille, épargne et entreprend doit êtrerécompensé», que «l’entreprenariat ne peut pas être découragé, mais récompensé»et qu’en définitive il faut montrer l’exemple par le haut: «un gouvernement quiexige des efforts commence par en fournir par lui-même».

16 De nombreux mécanismes de solidarité sont considérés comme légitimes maispeu efficaces ou n’incitant pas les plus démunis à prendre leur destin en main. Evoquant ces derniers, notamment entre la Flandre et la Wallonie, la conférence depresse sur «Le Changement pour le progrès» de la N-VA [13]indique que «la Flandresouhaite rester solidaire avec ses voisins». Mais qu’il est «toutefois ici question d’unesolidarité qui aide les gens à aller de l’avant et leur donne des perspectives. Les transferts existants» doivent «être remplacés par une solidarité objective, efficace et baséesur la responsabilité». Une demande qui apparaît déjà dans la6e réforme de l’Étatet qui substitue à un système où la plupart des impôts sont collectés par l’autoritéfédérale (puis redistribués), un nouveau système permettant aux régions d’être autonomes fiscalement pour une grande partie de leurs besoins financiers. Cette réformeest par ailleurs jugée insuffisante aux yeux de la N-VA.

17 Dans le discours de la droite, le mérite et la responsabilité, et partant l’honnêtetéet l’efficacité, sont établis comme critères susceptibles de séparer les travailleurs et lesfainéants, les courageux et les peureux, les gens responsables et les «assistés». Cescritères autorise à établir une hiérarchie et des disparités dans les comportements quine révèlent pas que des différences mais aussi des inégalités. Et à partir de qui précède, le discours de droite peut instaurer un système de répartition des richesses basésur ces inégalités, partant du principe que ceux qui sont en haut de la hiérarchie (lesméritants) doivent avoir accès plus aisément aux ressources collectives (récompenses)que ceux qui sont en bas (les fainéants). Le mérite et la responsabilité offrent doncici un moyen de hiérarchisation et un critère de répartition et il ne fait aucun douteque de ce point de vue-là, la N-VA est un parti de droite [14].

18 Si le discours politique du Nord du pays vire à droite avec une puissante N-VAqui renforce la droite traditionnelle et l’extrême droite, pourquoi en est-il ainsi?Pour répondre à cette question, nous proposons de tester le discours de la N-VA à lalumière de la rhétorique «producériste» aux États-Unis (notamment au sein du TeaParty) qui s’articule autour des notions d’égalité et d’inégalité, de mérite, de courage,voire d’honnêteté et de droiture, mais aussi, comme à la N-VA, de demandes trèsfortes pour plus d’autonomie fiscale. À bien des égards, nous pensons que ce type dediscours trouve en Flandre, contrairement à la Wallonie, tous les ingrédients pourassurer son succès et son efficacité.

19 Le «producérisme» vient du mot anglais producerism que nous n’avons délibérément pas voulu traduire par «productionnisme» ou «productivisme» qui renvoientà une tout autre réalité. D’après Chip Berlet et Matthew N. Lyons, «le producérismeest une des structures les plus élémentaires du récit populiste aux États-Unis. Leproducérisme évoque l’existence d’une classe moyenne noble et laborieuse constamment en conflit avec des parasites malveillants, paresseux et coupables au sommet etau pied de l’ordre social. Les personnages et les détails ont changé de façon répétée,mais les grandes caractéristiques de cette conception des choses sont restées les mêmes pendant près de deux cents ans» (traduit par nous) [15].

20 Le producérisme tel qu’il est décrit par Berlet et Lyons renvoie d’abord à l’idée dupeuple qui produit: «le peuple des producteurs» (les producers). Ce peuple réunitles producteurs au sens large du terme: ceux qui sont à l’origine de la productionde toutes les richesses de la nation, des agriculteurs aux ouvriers en passant par lesfermiers et les artisans, etc. La création de valeur et l’idée du travail dur sont icicentrales, le peuple étant identifié au travail et partant à l’efficacité, à l’intelligenceet surtout au mérite.

21 Le peuple producteur est représenté dans la rhétorique producériste comme étantécrasé par un ensemble de «parasites» composés d’individus qui profitent de lui etdes fruits de son travail sans participer à la production des richesses en question. Larhétorique producériste a la particularité de présenter le peuple comme étant écrasépar deux grandes catégories de parasites, les «parasites d’en haut» et les «parasitesd’en bas».

22 Les parasites d’en haut correspondent, à quelques exceptions près, aux élites tellesqu’elles sont représentées dans de multiples discours populistes en Europe et dans lemonde: «les capitalistes» chez un Chávez, les «mondialistes» chez un Le Pen, les«bureaucrates et les juges» chez un Berlusconi, les «responsables de mutuelle et lessyndicalistes corrompus» chez une Thatcher, «la Flandre qui paie pour l’État PS»à la N-VA, etc. Les parasites d’en bas, pour leur part, renvoient à une «clique» deparesseux qui profitent du système: les étrangers, les immigrés, les bénéficiaires del’aide sociale, les chômeurs et les «faux» chômeurs, mais aussi les «asociaux» entous genres qui profitent également des ressources de l’État: les artistes «subsidiés»,les hom*osexuels, les militants pour l’avortement, les féministes, les organisationslaïques, etc. Les parasites au-dessus et au pied de l’ordre social sont au cœur de larhétorique producériste, ils étouffent le peuple qui produit les richesses et vivent surson compte et à son détriment.

23 Troisième caractéristique: la rhétorique producériste entretient l’idée qu’il existeune solidarité, ou à défaut une sorte de connivence ou d’accord tacite, entre les «parasites» d’en haut et les «parasites» d’en bas. Ceux-ci sont en quelque sorte des alliésobjectifs qui ne se connaissent pas mais qui ont des intérêts communs et une certaineconnivence. Le discours des élites dans les grandes métropoles (Bruxelles, Londres,Paris et Washington), qui aspirent au cosmopolitisme et à la mondialisation quandau même moment les immigrés et les «faux» réfugiés aspirent à la disparition desfrontières et à la libre circulation des personnes, illustre cette connivence parce queces deux revendications concernent des objectifs différents mais qui renvoient endéfinitive à une même réalité. La rhétorique producériste présente les «parasites»comme les protagonistes d’une même dérive plus ou moins orchestrée. Dans sa vision de la politique, les élites de Bruxelles, de Londres et de Washington instrumentalisent les réfugiés «économiques» et tous les damnés de la terre pour encouragerles migrations, et partant, l’émergence des sociétés multiculturelles. Quels que soientles montages narratifs–et ils sont nombreux–il est à chaque fois question d’intérêts et d’objectifs communs entre les «parasites» d’en haut et d’en bas, des intérêtscommuns qui sont contraires à ceux du peuple.

24 La rhétorique producériste mobilise la figure de l’Américain producteur etdu fermier indépendant. Historiquement aux États-Unis, elle glorifie les «rurauxradicaux» (rural radicals) contre les «grands monopoles capitalistes» [16]. Aujourd’hui,c’est le Tea Party qui incarne le mieux le retour sur le devant de la scène de cetterhétorique [17].

25 Le modèle producériste est utile pour l’analyse de la N-VA parce qu’il place lavaleur «mérite» et le principe de «responsabilité» (sur fond d’autonomie fiscale)au cœur de son architecture et qu’à bien des égards, il peut fonctionner en dehors detous les radicalismes condamnés par la loi, notamment le racisme, l’antisémitisme etla xénophobie. Le discours producériste ne récuse pas tant les gens pour ce qu’ils sont(racisme traditionnel) que pour ce qu’ils font, et il ne rejette pas tant l’égalité pource qu’elle représente mais pour les freins qu’elle peut potentiellement constituer àl’idéal méritocratique et à la juste répartition des richesses sur base du mérite et de laresponsabilité. En d’autres termes, le producérisme glorifie les discriminations maishabilement, en fonction de critères qui ne sont pas interdits par la loi et qui à biendes égards sont même au cœur du libéralisme: le mérite, le courage, l’intelligence, laresponsabilité, etc. Tout ce qui précède apparaît de façon récurrente dans le discoursde la N-VA et se décline de façon cohérente au niveau de la solidarité, de l’économie,de l’emploi, de la gestion du chômage, des enjeux régionaux et même de l’identitéflamande.

26 Le mérite des gens qui travaillent dur, l’effort des Flamands vis-à-vis des Wallons,l’autonomie fiscale, la responsabilité et la recherche de l’efficacité contre le gaspillagesont omniprésents dans le discours de la N-VA, ils structurent depuis longtemps sondiscours à travers notamment la question des transferts [18]. Ainsi, le7janvier2005,un journaliste de La Libre Belgique rapporte que douze «camions ont (…) prisla route du Hainaut, prétendument remplis de billets de50euros pour un total de11,3milliards: le montant des transferts Nord-Sud tel qu’il résulte d’une étude réalisée par l’Abafim (Administratie Budgettering, Accounting en Financieel Management),un service du ministère de la Communauté flamande». Et le journaliste d’expliquerque le porte-parole «de la N-VA se défend de vouloir remettre en question le principe même de la solidarité avec les Wallons, mais «voudrait remplacer le systèmeactuel par une vraie solidarité de Communauté à Communauté». Celle-ci seraitbasée sur l’objectivité, la transparence et l’efficacité selon les mêmes critères que ceuxutilisés pour l’attribution des fonds structurels européens» [19].

27 Si les transferts sont organisés à partir de critères liés au mérite, à l’efficacité età l’objectivité et qu’ils sont sous le contrôle de la Flandre, ils ne posent pas de problèmes, a fortiori si on laisse la N-VA «aider et encadrer» les Wallons pour qu’ilsapprennent à devenir autonomes et qu’à leur tour, ils fassent aussi un effort. Si enrevanche, il s’agit simplement de transferts mécaniques sans aucun droit de regard,il est alors question de «robinet à subsides» et de «vache à lait». Lors du Congrèsprogrammatique de la N-VA les19et20mai2007, Bart De Wever affirmait que laBelgique «demande de grands efforts aux Flamands pour la prétendue solidarité. Lesflux d’argent de la Flandre vers la Wallonie sont comme une transfusion sanguinepermanente. Et elle va vers un patient qui est encore suffisamment gentil pour nousserrer les veines. Nous en avons assez» [20].

28 La métaphore du «patient parasite» renvoie à une Wallonie malade dont lesexigences nuiraient à la Flandre et dont la survie se ferait au détriment de la Flandremais sans la tuer, ce qui est le propre d’un parasite. Cette métaphore est parfois doublée de la métaphore de l’enfant qui n’est pas autonome et qui a besoin d’apprendreà devenir responsable. À titre d’exemple, quand De Wever fut élu le7juin2009auparlement flamand, il expliquait que les Francophones étaient pendus «au biberonfédéral». Parler d’un biberon au lieu d’un transfert, de solidarité, ou de financement n’estpas dû au hasard même si ailleurs un Geert Bourgeois conserve un vocabulaire moinsconnoté: «Les flux financiers annuels de la Flandre vers la Wallonie s’élèvent à presque10milliards d’euros ou342milliards de FB. Un montant largement supérieur àl’intégralité du budget flamand dans le domaine de l’enseignement. Cela aussi, c’estl’impôt belge prélevé sur la Flandre. Et qu’obtient la Flandre en échange de cela? Leblocage de l’exercice des compétences flamandes dans le domaine du crédit-temps etde l’assurance autonomie. La solidarité flamande obtient pour réponse une solidariténégative [21]».

29 Dans Der Spiegel, Bart De Wever associait indirectement les Wallons à des parasites en expliquant que l’argent des transferts ne pouvait en aucun cas être une«injection comme de la drogue pour un junkie [22]».

30 La rhétorique producériste évoque également des parasites situés en «haut del’ordre social». En la matière, pour certains élus de droite en Flandre, ce ne sontplus les Wallons ou les Francophones qui sont visés mais l’élu PS, la figure parexcellence de l’élite corrompue, les riches Francophones de la banlieue bruxelloise,et les «élites de Bruxelles», qui travaillent en terre flamande mais qui rêvent d’unecapitale cosmopolite sans âme et sans racines, et qui parlent anglais ou français. Lepremier parasite situé en haut de l’ordre social est un paresseux accusé de gaspillageet qui menace le travailleur flamand, les deux autres types de parasites étant accusésde mettre en danger l’identité flamande et les frontières physiques qui protègentcette dernière.

31 En tant que parasite situé en haut de l’ordre social, l’élu PS est accusé de paresse,de corruption et d’inefficacité, mais il est surtout accusé de solidarité avec des parasites situés en bas de l’ordre social évoqués plus haut, il soutient ceux-ci en mêmetemps qu’il ne doit sa survie qu’à ces derniers par l’intermédiaire du clientélisme. Ici,c’est la collusion entre le chômeur ou l’allocataire social d’une part et l’élu corrompuqui distribue des petit* services pour être élu d’autre part qui est centrale. Cette collusion a bonne presse au Nord du pays quand elle est absente du discours politiquefrancophone au Sud.

32 À titre d’exemple, sur le site de la N-VA on trouve en2010des citations plusanciennes comme celle du1er novembre2006titrée: «Nous payons pour le systèmePS pourri». Interviewé dans P magazine sur les scandales qui touchent la Wallonie et sur le fait que le PS n’a pas été sanctionné, Bart De Wever répond: «Cela nem’étonne absolument pas: vous devriez constater le nombre d’électeurs wallons quiont tout intérêt à ce que le PS reste au pouvoir. À Seraing, 28% de la population vitdans des logements sociaux. À Charleroi, pratiquement la moitié de la populationvit d’allocations, seulement53% de la population travaille et sur ces53%, 39%travaillent dans un service public. Le système PS repose sur un clientélisme quiprend des allures d’Europe de l’Est. Et l’électeur wallon applaudit, car la facture estde toute façon réglée par la Flandre… Nous, Flamands, payons pour ce système,nous le maintenons grâce à nos transferts annuels vers la Wallonie. C’est commeapporter de l’eau à la mer. Il est noble de tendre la main à un plus faible que soi et del’aider à traverser une mauvaise passe, mais le PS ne veut pas d’amélioration, il veutque la situation reste telle qu’elle est. Il a tout intérêt à ce que beaucoup de personnesdépendent de l’État et donc du PS» [23].

33 Tous les éléments de la rhétorique producériste sont présents dans le discoursde la N-VA en Flandre, on retrouve le parasite d’en bas, le parasite d’en haut, lasolidarité entre ces derniers, l’idée du travail dur, l’idée du mérite et l’idée de la responsabilité. Tout cela renvoie à l’idée du peuple écrasé, du peuple qui étouffe selon leslogan de la N-VA: «Laat Vlaanderen niet verstrikken», littéralement: «Ne laissezpas étrangler la Flandre».

34 On sait que la rhétorique producériste du Tea Party utilisait habilement des référents au communisme. Bart De Wever a eu plusieurs fois l’occasion de filer également la métaphore. Dans Het Nieuwsblad du21octobre2004, il dénonce les fluxfinanciers «de la Flandre vers la Wallonie [qui] sont plus élevés que ce que nouspensions». Et d’ajouter: «Nous, Flamands, donnons plus que ce que l’Allemagnede l’Ouest verse à la RDA [24]».

35 Autour du thème de la «Flandre qui paie pour la Belgique», plus récemment,dans la perspective des élections de2014, la conférence de presse sur «Le Changement pour le progrès» est revenue à plusieurs reprises sur le travailleur flamand«pressé comme un citron» entre la pression fiscale, le Sud et l’État fédéral, et quisurtout voit en définitive «une partie de la prospérité flamande passer systématiquement à la Wallonie et à Bruxelles [25]». Ainsi, pour la N-VA, la6e réforme de l’État«n’est pas une exception, mais un triste point culminant. La facture s’élève à4,6milliards d’euros, soit plus de1500par an et par famille flamande». Un peu plus bas,le document rappelle qu’un «flux d’argent s’échappe annuellement vers le Sud dupays. (Et) bien que les Flamands soient un des peuples les plus solidaires au monde,nous ne pouvons pas accepter l’ampleur de ce flux [26]».

36 Concernant le parasite d’en bas qui profite du système, on retrouve ici et làdes éléments qui montrent que cette rhétorique subsiste sur le long terme. À titred’exemple, la section «Questions/Réponses» du site de la N-VA indique, répondant à la question de savoir si le parti est de droite ou de gauche, que les pouvoirspublics doivent organiser la solidarité; cette dernière, néanmoins, «ne doit pas êtreun hamac mais un filet de sécurité», ce qui laisse entendre que certains, au sud dupays, pourraient bien tirer une satisfaction «éternelle» de cette solidarité [27], et qu’enconséquence, il faut bien identifier les catégories de la population qui peuvent avoiraccès à l’assistance sociale, et surtout à quelle condition, et en échange de quoi.

37 Si la N-VA est de droite quant à son discours dans les médias ou dans des documents programmatiques, et si la comparaison avec le discours «producériste» auxÉtats-Unis affiche une certaine proximité avec le populisme en tant que discoursorienté contre les élites en haut de l’ordre social et les «profiteurs» en bas de l’ordresocial, le parti de Bart De Wever est aussi parfois accusé d’être d’extrême droite, soiten raison du parcours d’une partie de ses membres qui ont pu sympathiser avec lesfranges les plus radicales du mouvement national flamand depuis la Seconde Guerremondiale, soit parce que la N-VA a incontestablement capté une partie importantede l’électorat du parti d’extrême droite Vlaams Belang. La N-VA porte-t-elle un discours d’extrême droite? La réponse à cette question nous permettra de clore l’analysede l’idéologie du parti.

38 Parmi les caractéristiques les plus fréquentes de la définition de l’extrême droite,on trouve le nationalisme extrême, le racisme, l’ethnocentrisme, l’anticommunisme,la pensée Law-and-Order, l’antipluralisme et l’hostilité à la démocratie. À côté decelles-ci, on repère également d’autres éléments, parfois en «relation logique» avecces caractéristiques: darwinisme social, xénophobie/hétérophobie, autoritarisme,culte du Führer, militarisme, absence de volonté de compromis, fanatisme, dogmatisme, pensée orientée vers l’idée de conspiration, tendance à la violence, etc. Il existeun nombre considérable de travaux sur la question dans la littérature francophoneet anglophone. Déjà en1995, le politologue Cas Mudde recensait près de26définitions de l’idéologie d’extrême droite dans la littérature germanophone, anglophoneet néerlandophone [28]. Ce nombre n’a cessé d’augmenter et doit être ajouté aux définitions dans la littérature francophone et dans bien d’autres langues.

39 En parallèle, si les extrémistes et l’extrémisme peuvent être légitimement opposésaux démocrates, et qu’avec Daniel Pipes, on peut définir l’extrémisme en toute simplicité et en toute logique comme le fait d’appréhender une idée dans un sens excessif et de l’appliquer ou de vouloir l’appliquer avec des moyens excessifs [29], le conceptd’extrémisme pose un problème évoqué par Michael Billig lorsque ce dernier explique qu’une «des difficultés avec le label ‘extrême droite’ est qu’il donne l’impressiond’indiquer que ces mouvements sont comme la droite non-extrême, mais juste unpeu plus à droite». Ce qui est faux étant donné la rupture par rapport à un certainnombre de principes et de valeurs qui caractérisent les partis d’extrême droite et quedéfendent en revanche les partis traditionnels de droite et de gauche [30].

40 Uwe Backes pour sa part propose d’analyser l’extrême droite comme un sous-phénomène de l’extrémisme politique et à ce titre, il estime qu’une définition del’extrémisme de droite doit avoir deux composantes: la première doit montrer enquoi le phénomène est extrémiste, la seconde en quoi de droite. Par extrémisme politique explique-t-il d’abord, on peut désigner l’ensemble des courants politiques quis’articulent d’une manière agressive contre les valeurs, institutions et règles de fonctionnement les plus importantes de la démocratie constitutionnelle [31]. Reprenantles travaux de Norberto Bobbio sur la différence entre la droite et la gauche, Backesdécrit ensuite la différence entre l’extrême droite et l’extrême gauche à partir d’unrapport différent que ces dernières entretiennent avec le principe d’égalité: «l’extrémisme de droite réfute ce principe, tandis que l’extrémisme de gauche l’accepte, maisl’interprète d’une manière, au sens étymologique, totale–avec la conséquence quele principe de l’égalité totale détruit les libertés garanties par les règles et institutionsde l’État de droit» [32].

41 Au-delà des définitions, trois éléments traversent l’ensemble des textes qui portentsur l’analyse de l’extrême droite: le constat de l’inégalité entre les hommes commepostulat de départ et comme axiome, le nationalisme comme projet à l’appui duconstat de l’inégalité et le radicalisme entendu comme des positions absolues, violentes et extrêmes vis-à-vis de certaines idées, politiques, partis, groupes ou personnes, mais aussi comme moyen, comme mode d’action pour réaliser ses objectifs [33].

42 En ce qui concerne le premier critère, la N-VA a toujours veillé à éviter de faireles mêmes erreurs que d’autres partis nationalistes en Europe, notamment ceux quisont situés à l’extrême droite comme le Vlaams Belang flamand [34], le British National Party britannique et le Front national français. En effet, on ne trouve pas dansson discours de référence à l’existence de «races» et encore moins à une hiérarchieentre les «races» comme cela a pu être le cas dans certains discours au Front national français [35]. Mais surtout, on ne trouve pas de discours mobilisant la notionde culture, et partant de «culture supérieure», au sens «d’une seconde nature»,c’est-à-dire comme quelque chose qui serait tellement intégré aux individus queceux-ci n’auraient que très peu de prise sur cette dernière. Les partis d’extrême droiteprécités mobilisent de façon récurrente des éléments culturels ou ethniques dans unsens qui associe caractéristiques physiques et caractéristiques sociales, ce qui est précisément une des définitions du racisme [36]. La N-VA parvient à contourner ce typede discours en mobilisant au contraire deux éléments qui s’intègrent parfaitement àla dynamique démocratique, même s’ils ne plaisent pas à tout le monde: les valeurs«travail, mérite, responsabilité» et les valeurs régionales (hom*ogénéité linguistique,historique, culturelle, etc.). Dans les faits, cela explique comment la N-VA «amordu sur l’électorat tant de l’extrême droite (le Vlaams Belang) que sur celui despartis traditionnels en troquant habilement le flamingantisme culturel historiquecontre un nationalisme économique qui conjugue un fort sentiment identitaire à unultra-libéralisme de type anglo-saxon» [37].

43 Si le nationalisme d’extrême droite est une réponse au constat de l’inégalité dansles discours d’extrême droite et une protection contre des «ennemis intérieurs»(juifs, migrants en situation irrégulière et réfugiés) et «extérieurs» (étrangers), lenationalisme se présente à la N-VA comme un vecteur de démocratie à l’échellerégionale, et en même temps comme un vecteur de protection sociale contre la mondialisation et contre les transferts vers le Sud de la Belgique. La fin de la Belgique etl’émergence d’une région flamande devenue nation flamande fiscalement autonomeet institutionnellement libre sont des objectifs qui sont appuyés et défendus par lebiais d’un dispositif mettant les valeurs et les principes de la démocratie au cœur deson fonctionnement. En parallèle, ces principes sont affichés comme accessibles etindispensables à l’échelle flamande dans une perspective «égoïste» mais louable derepli sur soi et de redistribution ciblée des richesses aux citoyens méritants qui respectent les règles du jeu. Le nationalisme de la N-VA n’a de sens que dans le contextetrès particulier de la Flandre en Belgique et de la Flandre dans un contexte de mondialisation. Il est économique et fiscal et les dimensions ethniques et culturelles sontdiluées dans ces priorités voir inféodées à elles. Tout ce qui précède n’a que très peuà voir avec le discours de la Ligue du Nord en Italie ou le programme du BritishNational Party aux Royaume-Uni, sans même évoquer les néo-nazis d’Aube doréeen Grèce ou de Jobbik en Hongrie.

44 Enfin, le radicalisme de la N-VA ne renvoie pas à un rejet des principes ou despratiques démocratiques, à de l’antipluralisme, de l’autoritarisme, du militarisme, del’absence de volonté de compromis, du fanatisme, du dogmatisme ou une tendanceà la violence. Il est essentiellement articulé contre l’État belge pour lequel il proposeune voix confédérale forte avant la disparition de la Belgique, et ne menace en rienle développement d’une démocratie forte à l’échelle régionale flamande. Dans lasection des «Questions/Réponses» du site de la N-VA, à la question de savoir si laN-VA souhaite la fin de la Belgique, le parti répond: «Notre but final est, en effet,une Flandre indépendante en tant qu’État membre européen, mais le chemin poury parvenir est jalonné d’étapes et doit être parcouru dans le respect de la démocratie» [38]. Lors de la conférence de presse sur «Le Changement pour le progrès» de laN-VA [39], il a été indiqué que le confédéralisme se fondait sur trois principes de base:«Premièrement, le confédéralisme doit créer une plus grande portée démocratiqueafin que la politique soit plus proche du citoyen. Deuxièmement, le confédéralismedoit déboucher sur une autorité plus efficace et, par conséquent, meilleur marché.Enfin, le confédéralisme doit apporter la paix communautaire, grâce à une meilleure collaboration entre les différentes autorités». Cette réalité explique notammentpourquoi la N-VA n’est pas du tout perçue de la même façon au Nord et au Sud dupays lorsqu’il s’agit d’évoquer son radicalisme, même si en définitive, dans les faits,il s’agit bien de «vider l’État fédéral de sa substance en ne laissant à ce dernier quequelques compétences (défense et gestion de la dette)». Un schéma où «le postede Premier ministre serait supprimé, de même que l’élection directe du Parlementfédéral» [40]. La «confédération de la N-VA», ajoute Caroline Van Wynsberghe, «estune fédération vidée de la plupart de ses compétences» où seules les matières problématiques resteraient en commun, comme la question de Bruxelles, et la questionde la dette [41].

45 Souhaiter la fin d’un pays relève du radicalisme du point de vue de ceux qui y sontattachés, mais en aucun cas au prisme du regard des gens qui voient dans ce projetun vecteur d’autonomie, de démocratie, de liberté, de prospérité, de proximité, etpour finir une certaine mainmise sur leur destin dans un contexte international inquiétant, et en crise à de nombreux niveaux.

Essai sur l'idéologie de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (2024)

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